Présentation[Notice]

  • Germain Lacasse et
  • Yves Picard

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  • Germain Lacasse
    Université de Montréal

  • Yves Picard
    Cégep André-Laurendeau

Les théories en cinéma forment, selon Francesco Casetti (2005, p. 5-24), trois paradigmes successifs : les théories « ontologiques », « méthodologiques » et « de spécialité ». Le chercheur note que ces dernières portent « sur les particularités, sur les lignes de fuite, sur les trous noirs » (p. 23) de leur domaine. Le présent dossier relève de ce que l’on peut appeler le troisième paradigme des études télévisuelles. Il se concentre sur un de leurs trous noirs, comme dit Casetti : l’approche esthétique. Il donne la parole à des chercheurs d’Europe et d’Amérique, francophones et anglophones, pour stimuler le dialogue selon un angle jusqu’ici aveugle en études télévisuelles, peut-être parce que la Quality TV (McCabe et Akass 2007) est récente. La télévision a longtemps été envisagée, et l’est encore par certains de nos jours, en tant que « social and cultural force » (Adler 1981) ou en tant qu’agent du « lien social par excellence de la démocratie de masse » (Wolton 1990, quatrième de couverture). La lecture qui prévaut alors s’avère affectée d’un intérêt pour la socialité du média. La télé est en fait pensée en tant qu’arme de diffusion massive, dont les effets inquiètent. Parallèlement, on note que le législateur institue des chaînes publiques fortes pour en orienter le discours, notamment en Europe, alors qu’il réglemente les chaînes privées pour en contenir les propos, notamment aux États-Unis. Que les interventions aient lieu principalement du côté de la production ou de la réception selon les sociétés n’est pas sans intérêt, mais convenons que l’interprétation demeure la même : la télévision est pensée comme un petit écran, qu’il faut domestiquer, c’est le cas de le dire. Le souci sociologique manifesté face à la télévision relève pour ainsi dire d’une autre époque. Le paysage télévisuel a en effet changé d’horizon de création et d’attente sur la scène internationale depuis 1995. En raison du centenaire de l’avènement du cinéma ? Pour fêter les frères Lumière ? Sans doute. Mais aussi, sinon surtout, en raison de l’arrivée d’Internet et de la technologie numérique (Negroponte 1995). De façon significative, Gary R. Edgerton (2007) fait d’ailleurs débuter la digital era de la télévision américaine à cette date (1995-…). En France, François Jost (2009, p. 19) avance de son côté que l’entrée en fonction de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), également en 1995, constitue une « véritable coupure épistémologique » pour les études françaises. Nous serions tentés d’avancer pour notre part que la convergence des regards autour de la date charnière, sorte de séquence pré-générique pour l’entrée dans le nouveau millénaire, marque une coupure favorisant l’apparition d’un nouveau paradigme en études télévisuelles. En Europe, on a beaucoup écrit sur les trois âges de la télévision. Umberto Eco (1985) a ouvert la voie. Son idée a ensuite été approfondie par François Casetti et Roger Odin (1991), puis complexifiée par Jean-Louis Missika (2006), avant d’être révisée par Anna Tous Rovirosa (2009). Pour cette dernière, la télévision a ainsi connu trois âges : la paléo-, la néo- et la méta-télévision. Cette tripartition relationnelle entre l’écran et le public établit clairement, quoi qu’on ait pu penser de cette conceptualisation à ses débuts, que la télévision a grandement évolué depuis ses origines. D’un âge paléo, qui n’est pas sans induire l’idée que la télévision relève alors d’une attitude des premiers temps, le média évolue au point d’atteindre au début du siècle une période métadiscursive. La lecture n’est pas différente aux États-Unis. Bien que les périodisations diffèrent (sans doute parce que les télévisions nationales évoluent à l’unisson sur une longue durée, mais empruntent des parcours distincts …

Parties annexes