Compte renduBook Review

Éric Thouvenel, Les images de l’eau dans le cinéma français des années 20, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, 335 p.[Notice]

  • Karine Abadie

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  • Karine Abadie
    Université de Montréal

Ces dernières années, des études portant sur le cinéma français des années 1920 ont été réalisées dans une perspective historique par un certain nombre de chercheurs  s’intéressant au contexte et aux conditions de développement du cinéma comme forme artistique. Dans l’ouvrage Les images de l’eau dans le cinéma français des années 20, Éric Thouvenel analyse principalement cette époque du cinéma dans une perspective esthétique, faisant le pont entre le travail sur les images et la théorie développée durant cette période. En résulte une observation minutieuse d’images précieuses et rares tirées d’un corpus de 73 films, rappelant à quel point le cinéma français de cette époque est inventif et novateur. Que ce soit par sa simple représentation dans des films (Les travailleurs de la mer [André Antoine et Léonard Antoine, 1918], Coeur fidèle [Jean Epstein, 1923], La fille de l’eau [Jean Renoir, 1925]) ou par l’utilisation d’une terminologie connexe dans des textes théoriques (Grémillon [2010], Cendrars [2001] et Gance [1927]), l’eau sert de fil conducteur à cette étude. Au-delà de son aspect organisationnel, le motif aquatique permet de penser et de structurer le cinéma et la théorie des années 1920, mais aussi d’agir comme levier illustrant la réalité et les ambitions du cinéma français de cette décennie. L’auteur suggère donc, photogrammes à l’appui, un parcours à la fois historique, esthétique et théorique des images de l’eau utilisées comme support aux stratégies de défense du cinéma comme art. Dans une première partie (« Les territoires du cinéma. Une histoire des représentations de l’eau comme paysage ») proposant différentes représentations de l’eau dans le cinéma français des années 1920, certaines questions sont soulevées : pourquoi en est-on venu à mettre à l’écran l’eau de manière aussi généralisée ? Comment le cinéma s’y prend-il pour effectuer cette mise en image ? Qu’est-ce que cela dit sur le cinéma et sur sa réception ? Ces interrogations traversent l’ouvrage de Thouvenel comme autant de propositions à partir desquelles il importe de réfléchir aux formes visuelles et aux nouvelles modalités de mouvement et de figuration suggérées par le recours à l’élément aquatique. Dans l’après-guerre, les contraintes financières et structurelles pousseront les cinéastes à filmer en extérieur, ce qui aura pour effet une meilleure connaissance du territoire français et la « découverte » que l’eau limite et façonne ce territoire. Ils sauront alors tirer profit d’une contrainte matérielle pour utiliser l’eau comme fondement esthétique. Différentes démarches seront adoptées pour tracer ce que l’auteur nomme une « géographie portative » (p. 27), qui donnera une large place à des régions comme la Bretagne ou la Provence. Une sorte de « film d’eau à la française » (p. 37), utilisant les ressources naturelles du territoire national, voit ainsi le jour, se déclinant en différents genres : le film naturaliste, mettant en valeur le paysage français (L’hirondelle et la mésange [André Antoine, 1920] , L’inondation [Louis Delluc, 1925]), le film de mer, mettant évidemment en scène la mer et la relation de l’homme avec cette force de la nature (L’homme du large [Marcel L’Herbier, 1920], Pêcheur d’Islande [Jacques de Baroncelli, 1924]), le film de montagne, dont le plus célèbre exemple reste La roue (1923) d’Abel Gance, et les films d’avant-garde, dans lesquels sont relancées des inquiétudes pratiques sur la précarité de la vie (Études de mouvements [Joris Ivens, 1928], Rien que les heures [Alberto Cavalcanti, 1926]), ou dans lesquels on retrouve de grandes préoccupations théoriques quant aux innovations formelles possibles (films de Man Ray , de Germaine Dulac , d’Henri Chomette ). Le spectateur découvre, dans ces films, l’eau sous différentes formes : le cours d’eau …

Parties annexes