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C’est un lieu commun dans tous les sens du terme : certaines musiques dites « savantes » ont un pied dans celles dites « populaires », et vice versa. Ce partage ne date pas d’hier, comme on peut le constater à de multiples occasions, par exemple en étudiant les fondements de la polyphonie occidentale. Dans cet esprit de chassé-croisé, d’intersections et de catégorisations troubles, on trouve dans la collection de Circuit des études au sujet de Frank Zappa, Nicole Lizée, Fausto Romitelli, John Zorn et René Lussier, notamment[1]. Nous souhaitions depuis longtemps prolonger ce fil rouge avec un dossier thématique consacré à Björk[2], sans toutefois trouver une amorce pour ce faire. Aussi, lorsque nous avons eu connaissance de la journée d’étude « Wanderlust » : l’art total de Björk, tenue le 11 février 2020 à l’Université d’Évry-Val-d’Essonne, nous n’avons pas tardé à entrer en contact avec ses organisateurs, Martin Guerpin et Grégoire Tosser. C’est ainsi que ce dossier, qu’ils présentent dans l’introduction qui suit, leur a été confié.
Géographiquement, l’Islande natale de Björk et le pays de Circuit sont en alignement sur quelques degrés de latitude. Je profite donc de cet avant-propos pour évoquer, au passage, trois exemples de proximités locales avec les espaces musicaux de Björk. 1) Le musicien français Olivier Alary, maintenant établi à Montréal et bien connu du milieu des musiques de création, a collaboré avec elle. En 2000, son premier album, Sketch Proposals, paraît sous l’étiquette Rephlex (à noter que cet album n’est pas signé explicitement Alary, mais Ensemble, nom qu’il donne alors à son projet de musique électronique). Björk le découvre et s’ensuivent quelques collaborations culminant avec la chanson « Desired Constellation », sur le cinquième album de la chanteuse, Medúlla (2004)[3]. 2) Sur ce même album, on entend par ailleurs une voix originaire du Nunavut (à six degrés de latitude au nord de Reykjavik), en particulier dans la chanson « Ancestors » : celle de Tanya Tagaq. L’imaginaire nordique de Björk semble au diapason de celui de Tagaq, qui pratique (entre autres) le katajjaq, une forme traditionnelle de chant de gorge inuit[4]. 3) Un autre exemple, différent celui-ci en ce qu’il relève de l’influence et non de la collaboration, mérite aussi d’être évoqué. Il s’agit cette fois d’un compositeur québécois de musique contemporaine – ayant d’ailleurs étudié avec Stockhausen (que Björk admire) – et s’étant inspiré de la musique de l’artiste islandaise. En effet, Microphone Songs (2002-2009), de Michel Gonneville, « intègre des motifs, des idées formelles, des couleurs ou des transformations timbrales de “Pluto” de Björk[5] ». Notons que l’oeuvre s’inspire aussi, entre autres, de « Kid A », « Pyramid Song » et « Pulk/Pull Revolving Doors » de Radiohead, dont le guitariste, Jonny Greenwood, est un autre « cas » intéressant d’imbrications d’univers musicaux.
Comme c’est généralement le cas, la rubrique Actualités de ce numéro est indépendante du dossier thématique et a été coordonnée par la rédaction. Elle s’ouvre par un compte rendu de James O’Callaghan d’un passionnant livre de Gascia Ouzounian, intitulé Stereophonica : Sound and Space in Science, Technology, and the Arts (mit Press, 2020). Ensuite, Terri Hron aborde deux initiatives récentes qui tendent vers la « décolonialité » dans les musiques dites « nouvelles » : la série Décolonisation du Réseau canadien pour les nouvelles musiques (rcmn), dont Hron est la directrice, et l’ouvrage collectif Taking the Temperature : Crisis, Curating and Musical Diversity, paru sous la direction de Brandon Farnworth, Anna Jakobsson et Vanessa Massera (OnCurating.org, 2021). Enfin, nous retrouvons la chronique « Créé dans Le Vivier », préparée par Gabrielle Blais-Sénéchal, qui fait le relevé des oeuvres créées au « carrefour des musiques nouvelles » au cours de la saison artistique 2020-2021, malgré le contexte pandémique.
En terminant, quelques mots au sujet de notre équipe. Tout d’abord, nous sommes ravis d’accueillir une nouvelle secrétaire de rédaction, Émilie Gomez, qui s’est jointe à nous en cours de production de ce numéro. Émilie prend ainsi la relève de Paul Bazin, qui demeure coordonateur administratif. De plus, nous souhaitons saluer et remercier chaleureusement Marie-Hélène Benoit-Otis, membre fort appréciée du comité de rédaction qui, après un nombre considérable de relectures d’une attention aiguë, passe maintenant la main. Nous la félicitons, d’ailleurs, pour sa nomination récente à titre de rédactrice en chef de la Revue musicale oicrm. Ce départ (qui nous attriste) est l’occasion (qui nous réjouit) d’accueillir parmi nous non pas une, mais deux nouvelles membres ! Nous sommes très enthousiastes de travailler désormais avec Pascale Criton[6] et Ana Dall’Ara-Majek[7]. Les riches discussions qui animent le travail du comité avant la parution des numéros se poursuivent ensuite, de manière tout autant stimulante, avec nos lectrices et lecteurs… Ainsi, n’hésitez pas à nous écrire[8] et à nous suivre sur les médias sociaux[9] ! Enfin, si vous vous sentez l’âme généreuse et que vous en avez la capacité, il est maintenant possible de faire un don à Circuit en échange d’un reçu officiel pour fins d’impôt[10]. À l’orée de sa 32e année d’existence, cette revue a toujours autant le piaffant désir d’être un espace dynamique de discussions, de réflexions et d’échanges autour des musiques de création de notre temps, aussi passionnantes que multiples !
Parties annexes
Note biographique
Compositeur, Maxime McKinley a étudié à Montréal avec Michel Gonneville et Isabelle Panneton avant de se perfectionner à Paris auprès de Martin Matalon et Gérard Pesson. Il a reçu les prix Opus « Compositeur de l’année » (2014) et « Article de l’année » (2015), le prix d’Europe de composition (2009), ainsi que onze prix au Concours des jeunes compositeurs de la Fondation Socan (2003-2011). Ses oeuvres sont jouées régulièrement au Canada et ailleurs dans le monde par plusieurs solistes, ensembles et orchestres renommés. Il a été compositeur en résidence à la Chapelle historique du Bon-Pasteur de septembre 2011 à mai 2014 et terminait, en 2016, la réalisation d’un projet de recherche-création portant sur la poésie de Philippe Beck à la Chaire de recherche du Canada en esthétique et poétique, avec le soutien du Fonds de recherche du Québec – Société et culture (frqsc). Ses textes ont paru dans diverses revues, notamment Circuit, musiques contemporaines, dont il est le rédacteur en chef depuis 2016. En 2017, ses échanges avec le compositeur Pascal Dusapin (correspondance et entretiens) ont été publiés aux Presses universitaires du Septentrion. Depuis 2017, il enseigne occasionnellement au Conservatoire de musique de Montréal.
Notes
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[1]
Respectivement dans : vol. 14, no 3 (2004) ; vol. 23, no 2 (2013) ; vol. 24, no 3 (2014) ; vol. 25, no 3 (2015) ; et vol. 28 no 3 (2018). Voir : https://revuecircuit.ca/collection (consulté le 6 août 2021).
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[2]
Mentionnons le compte rendu de Nicolas-Alexandre Marcotte « Björk Digital : escale montréalaise », que nous avions publié en 2017 (vol. 27, no 2, p. 115-118). D’ailleurs, plusieurs illustrations du présent numéro – dont celles en couverture – sont issues de cette exposition et nous ont été fournies par le Centre Phi, que nous remercions.
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[3]
Voir : www.olivieralary.com/Releases/releases.html et http://130701.com/artist/olivier-alary (consultés le 5 août 2021).
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[4]
Voir : www.factmag.com/2016/ 11/08/tanya-tagaq-fighting-for-justice-singing-for-bjork (consulté le 6 août 2021).
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[5]
Voir : www.michelgonneville.net/articles-oeuvres/microphone-songs (consulté le 6 août 2021).
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[6]
Voir son entretien avec Sharon Kanach, paru dans nos pages en 2019 : « L’art des (petites) différences » (vol. 29, no 2, p. 19-32).
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[7]
Voir ici ses contributions pour Circuit : https://revuecircuit.ca/auteurs/dallaramajek_an (consulté le 6 août 2021).
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[8]
À l’adresse info@revuecircuit.ca
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[9]
Sur Facebook : www.facebook.com/revuecircuit ; sur Twitter : https://twitter.com/revuecircuit ; et sur Instagram : www.instagram.com/revue_circuit (pages consultées le 6 août 2021).
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[10]
Pour faire un don : https://revuecircuit.ca/apropos/dons (consulté le 6 août 2021).