Résumés
Résumé
Acousticiens, ethnomusicologues et organologues, généralistes ou spécialistes de cultures particulières de l’Asie du Sud-Est ou orientale s’accordent pour remettre à jour les descriptions générales de l’orgue à bouche et de l’anche libre sur tuyau. En guise d’introduction à un grand travail coopératif associant musiciens et compositeurs aux musicologues et spécialistes de l’acoustique et de la prise de son, il s’agit ici d’une approche de l’instrument qui passe par l’histoire, la morphologie, les matériaux, les détails de facture et de fonctionnement, apportant au passage des précisions ou des corrections à une littérature vaste mais très dispersée. Le contexte de la modernisation est abordé en prenant en compte le point de vue des musiciens.
Mots-clés :
- Orgue à bouche,
- anche libre,
- ethnomusicologie,
- acoustique,
- organologie,
- musique chinoise,
- musique d’Asie du Sud-Est
Abstract
Acousticians, ethnomusicologists and organologists, these general practitioners and specialists in Southeast or East Asia have come together to create a new general description of the mouth organ and of the free reed pipe. As an introduction to this issue of Circuit, connecting musicians and composers with musicologists and specialists in acoustics and sound recording, this essay takes an approach that passes through history, morphology, materials, details of workmanship and acoustics, pausing to make clarifications or corrections to a literature that is vast but scattered. Regarding the modernization of the instruments and the contexts where it occurs, the authors take the musicians’ point of view into account.
Keywords:
- Mouth organ,
- free reed instruments,
- ethnomusicology,
- acoustics,
- organology,
- Chinese music,
- South-East Asian music
Corps de l’article
Quelques participants de l’équipe interdisciplinaire formée par Liao Lin-Ni autour du programme « Sheng ! L’orgue à bouche » proposent ici une introduction générale qui manquait (toutes langues et tous niveaux confondus) à l’orgue à bouche, son organologie et son acoustique, au regard des choix culturels et musicaux des civilisations d’Asie orientale et du Sud-Est qui l’ont développé. Il ne s’agit pas d’une perspective surplombante, mais au contraire d’une ethnographie fine, observée de l’intérieur, rendant aussi compte du point de vue de l’instrumentiste.
L’Asie, berceau historique des orgues à bouche
Avant toute description des objets, quelques généralités : l’orgue à bouche, khène ou sheng 笙, est un ensemble de tuyaux de bambou équipés chacun (ou en grande majorité) d’une anche libre, c’est-à-dire d’une plaque de métal collée sur le pied en bois dur du tuyau et dans laquelle une incision en u ou en v a été pratiquée. Le joueur souffle et aspire alternativement à travers un conduit qui répartit l’air librement dans tous les tuyaux insérés dans la chambre à vent. Néanmoins, seuls les tuyaux sur lesquels un doigt occulte le trou de jeu vont sonner, car la pression de l’air sera alors suffisante pour faire fonctionner l’anche. En effet, la fréquence de vibration est proportionnelle à la longueur du tuyau, seul celui dont la longueur utile est proportionnelle à la fréquence de l’anche peut donc sonner. Ce résultat est atteint quand le trou de jeu est obturé car il module alors la longueur utile du tuyau nécessaire à la mise en vibration de l’anche. Suivant la classification Hornbostel-Sachs (h&s), les orgues à bouche figurent dans la catégorie des « aérophones libres » et non pas des « instruments à vent proprement dits[1] » (Figure 1).
a) Répartition géographique et caractéristiques organologiques
L’orgue à bouche, à anches libres sur tuyaux, n’est pas une exclusivité chinoise, et n’est même pas caractéristique des musiques chinoises dans leur ensemble. L’instrument s’est répandu un peu partout en Asie du Sud-Est[3] sous différentes formes. Pour ce qui concerne l’Asie orientale, c’est bien le sheng chinois (Figure 2a) qui a été adopté par les Coréens (saenghwang) et les Japonais (shō)[4]. Instrument secondaire mais essentiel des ensembles de sonneurs et batteurs chuida yue 吹打樂, des musiques bouddhiques de la capitale jing yinyue 京音樂, des ensembles de soie et bambou sizhu 絲竹, il est pourtant absent du Sud, depuis le Fujian jusqu’à Canton, et des genres aussi respectés que la musique de cithare qin 琴 et les ballades du nanyin 南音/nanguan 南管, ou encore celles au cymbalum du Sichuan sichuan yangqin 四川揚琴.
Pour ce qui concerne l’Asie du Sud-Est, le khène, si représentatif du Laos[5], existe sous différentes formes organologiques et dans diverses populations au sein des quatre grandes familles ethnolinguistiques présentes dans ce petit pays. Il peut avoir une forme de radeau – tuyaux agencés en rangées (Figure 2b) – chez les Lao mais aussi chez les austroasiatiques tels que les Khmou’ (khène khmou’) ou encore les Ghnaheune (khène ghna), ainsi que chez les Phounoï (khène Phounoï) de la famille tibéto-birmane ; on le trouve également en radeau, mais perpendiculaire à l’embouchure, chez les austroasiatiques Oï (touanrr). Il peut avoir une forme en faisceau – tuyaux agencés en cercle – comme chez les Lamet, autre population austroasiatique du Nord Laos, ou chez les tibéto-birmans Kui (beu), Lolo (beu euh peu) et Mousseux (fulu). Enfin, l’orgue à bouche des Hmong – population de la famille linguistique Miao-Yao présente dans le nord du Laos mais aussi au Vietnam et en Thaïlande – a une forme toute particulière. Nommé qeej,keng, gaeng ou qîn, cet instrument a une forme en radeau avec un long conduit et six tuyaux légèrement recourbés. Tous ces orgues à bouche relèvent de l’extraordinaire pluriethnicité du Laos, et présentent chacun deux répertoires : un rituel – pour lequel leur présence est essentielle – et un profane de divertissement avec des spécificités dans l’organisation musicale propre à chacun de ces deux répertoires[6].
Il y a aussi de petits orgues à bouche en Thaïlande et en Birmanie, chez les populations tibéto-birmanes telles que les Lisu ou les Lahu (fulu fulu), au Cambodge chez les populations austroasiatiques mon-khmer telles que les Phnong (ploy), à Bornéo chez les Dayak de la famille linguistique malaise (klédi) ou chez les Murut, austronésiens (garude). Le m’buat chez les Mnong Gar du Vietnam[7] présente une forme en bouquet – tuyaux agencés en v –, alors que le plung chez les Murung du Bengladesh est de forme oblique se rapprochant de celle des lusheng des populations Miao du sud de la Chine. On trouvera ci-après une synthèse des caractéristiques géographiques, acoustiques et organologiques de tous ces orgues à bouche d’Asie (Figure 3).
Il existe du point de vue acoustique deux sortes d’orgues à bouche : ceux avec l’anche située au quart du tuyau (type khène) et ceux avec l’anche au bas du tuyau (type sheng). D’un point de vue organologique, on distingue les orgues à bouche avec les tuyaux en rangées parallèles (radeau) et ceux avec les tuyaux arrangés en cercle (faisceau). Enfin, concernant les matériaux, certains orgues à bouche possèdent des chambres à vent en bois dur ou en métal et d’autres, des chambres à vent en courge. Les orgues à bouche du Laos avec des chambres à vent en bois dur présentent une forme en radeau avec deux rangées parallèles de tuyaux ; alors que ceux avec des chambres à vent en courge comportent cinq ou six tuyaux disposés en faisceau, à l’exception du oï. Les orgues à bouche chinois ont généralement une chambre à vent globulaire, en forme de gourde qui peut être en bois ou en métal. Si les tuyaux sont le plus souvent arrangés en faisceau, il arrive qu’ils soient en radeau, formant alors deux rangées parallèles dans l’alignement de l’embouchure, ou bien perpendiculaires à celle-ci, comme pour le fangsheng 方笙 de la province du Shandong. Cet orgue à bouche « carré » ressemble au yu de l’antiquité, documenté non seulement par les gravures d’époque, par la reconstitution néo-confucéenne de 1100, mais également par la découverte archéologique faite en 1973 dans la tombe datant de - 433 du marquis Yi de Zeng 曾侯乙[8] (Figure 2c). Un instrument à vingt-deux tuyaux[9] nous est ensuite parvenu de l’époque des Han Occidentaux (~ 190-168 av. J.-C.).
c) Origines et répertoires
L’origine des anches libres et de l’orgue à bouche se situe probablement dans le nord du Laos ou le sud de la Chine, mais il est impossible de déterminer quel fut le premier orgue à bouche[10]. La présence du khène au Laos est évoquée dès le xvie siècle dans les annales du royaume de Louang Prabang[11] au coeur du mythe de khun Bulon expliquant la naissance et l’organisation du monde. Ce serait en revanche la découverte du sheng chinois qui aurait suscité l’invention des instruments à anche libre en Occident tels que l’harmonium, l’accordéon ou l’harmonica après 1790. Bien que les sources historiques et archéologiques soient bien plus anciennes pour ce qui est du sheng chinois, un premier témoignage occidental concernant le khène apparaît dans l’Harmonie Universelle de Marin Mersenne (1636) où figurent le schéma d’une coupe transversale d’un instrument ressemblant à un khène lao ainsi que des anches taillées dans les tuyaux.
Le sheng 笙 a été pendant plusieurs millénaires le seul instrument à anche de la Chine historique, qui comptait des flûtes transversales, à embouchure terminale, globulaires, ou encore à tuyaux multiples parallèles, mais aucun instrument ni à anches simples ou doubles, ni à anches lippales. On le retrouve dans les cérémonies de la cour et des districts, ainsi que dans des rituels taoïstes accomplis par les maîtres yinyang. Jusqu’au xxe siècle, les cérémonies confucéennes de la cour et des temples de Littérature wenmiao 文廟 ont conservé la mémoire de l’instrumentarium de l’antiquité (Figure 4). L’empereur, regardant vers le Sud, a devant lui les caisses de bois frappées et raclées, les balles de son, puis les cithares et les flûtes et, au fond, les carillons et le tambour principal. L’espace central est partagé par des rangées de danseurs avec leurs plumes, leurs flûtes et leurs boucliers. Les orgues à bouche occupent les côtés est et ouest, derrière les tablettes rituelles hu 笏, non sonores mais pourtant, comme les orgues à bouche et les bannières hui 麾, faisant partie des « instruments de la musique[12] » yueqi 樂器.
Reconnu par les Lao eux-mêmes comme leur patrimoine musical identitaire, le khène est présent dans un grand nombre de répertoires. Indispensable dans les musiques traditionnelles pour les cérémonies d’esprits (plus particulièrement pour les rituels thérapeutiques), il occupe une place prédominante dans les oeuvres de divertissement de lam et khap, se mêlant aux chants improvisés. Cet orgue à bouche est également au coeur même des anciens ensembles orchestraux de cour accompagnant les ballets royaux – orchestre dans sa forme hybride appelé seb noï ou encore mahori. Le khène est repris en emblème national avec la création de répertoires spécifiques représentatifs de la musique nationale lao, et se retrouve jusque dans les arts de la scène contemporains (théâtre d’objet, cirque et hip-hop…).
Fonctionnement acoustique des orgues à bouche
a) Les anches libres
La particularité des orgues à bouche est d’utiliser des anches libres[13], lamelles découpées dans une platine mince et associées chacune à un tuyau dont la longueur joue un rôle bien précis comme nous le verrons plus loin. On trouve des anches libres pour d’autres instruments plus récents comme l’accordéon ou l’harmonium mais pour ces derniers, la lamelle est rivée sur une platine épaisse et n’est pas associée à un tuyau mais à une cavité. Conséquence de l’épaisseur de la platine, l’oscillation de l’anche ne se fait plus de part et d’autre de la platine, mais uniquement d’un côté et à l’intérieur de la platine. Pour le sheng et le khène, les anches peuvent fonctionner (on dit souvent qu’elles « parlent ») dans les deux sens de l’écoulement d’air, c’est-à-dire lorsque l’instrumentiste aspire ou souffle. Ce n’est pas le cas pour l’accordéon ou l’harmonium, ce qui oblige à utiliser deux anches distinctes[14].
Il existe différentes formes de lamelles selon les types d’instruments et leurs évolutions et innovations successives. Les anches peuvent être rectangulaires, triangulaires, trapézoïdales, planes ou au profil légèrement courbé à la pointe (Figure 5). Elles peuvent être épaisses, minces, courtes ou longues, avec des amincissements vers le talon ou une surcharge vers l’extrémité ; elles peuvent être lourdes et rigides ou légères et flexibles. Pour le khène par exemple, l’anche est plutôt mince, longue, légère et flexible. La fréquence propre de l’anche peut être estimée en la pinçant, ce qui n’est pas toujours facile ou réalisable.
La vibration de l’anche libre décrit une trajectoire quasi sinusoïdale[15]. De plus, sous certaines conditions, d’autres modes de vibration de l’anche peuvent se superposer au mode principal, par exemple un deuxième mode transverse et/ou un mode de torsion[16]. Le comportement de l’anche peut être aussi influencé par l’espace entre la lamelle et la platine (la lumière) ou le profil statique de cette dernière (bâillement). Sa mise en vibration peut en être retardée (l’anche tarde à parler) ou même empêchée. La fréquence de l’anche libre, à la différence de celle de l’anche battante, est peu sensible à la pression d’alimentation (ou souffle) ce qui permet de faire varier l’intensité du son émis sans modifier la hauteur de la note, procédé très utile musicalement. Si certaines anches fonctionnent sans l’apport d’un tuyau, celles du sheng et du khène, sans tuyau, ne vibrent qu’en soufflant, pour de faibles pressions et avec un apport extérieur au démarrage.
b) Les tuyaux
Pour le sheng et le khène, la longueur du tuyau associé ne peut être quelconque. Cette longueur appartient à un intervalle bien précis et périodique. Il est donc très difficile de faire fonctionner ce type d’anche comme celle d’une clarinette, c’est-à-dire d’associer à une anche unique des longueurs différentes en ouvrant successivement des trous pour monter une gamme. Il faudra, pour chaque note, associer une anche à une longueur de tuyau particulière. Le bawu fait exception à cette règle puisqu’il est possible d’y jouer plusieurs notes avec la même anche en ouvrant ou fermant des trous comme pour la clarinette. Cependant, ces notes ne peuvent s’obtenir qu’en soufflant, sauf pour une ou deux notes pour lesquelles la longueur correspondante appartient au bon intervalle[17].
L’onde présente dans le tuyau ne joue pas exactement le même rôle que l’onde dans la colonne d’air de la clarinette. Elle peut même empêcher l’anche de fonctionner pour certaines longueurs du tuyau. La réaction de ce dernier, par une amplitude assez grande de la variation périodique de pression au niveau de l’anche, est déterminante pour le fonctionnement. Plus le diamètre du tuyau est étroit, plus cette réaction est grande. Bouasse résume bien ce phénomène et précise le rôle joué par les différentes forces pour ce type d’anche avec tuyau[18] : l’entretien de l’anche est dû à l’écoulement variable qui simultanément entretient l’onde ; l’onde modifie l’entretien de l’anche par l’écoulement et peut la rendre impossible. Pour que l’anche « parle » facilement dans le cas du sheng, il faut que la longueur du tuyau associé soit comprise entre deux limites – λ/4 et λ/2 –, λ étant la longueur d’onde du son émis[19]. L’intervalle de fonctionnement, délimité entre λ/4 et λ/2, n’est pas le seul, il se répète avec pour périodicité λ/2. Ainsi le prochain intervalle aura pour limites 3 λ/4 et λ. Pour toutes les longueurs utiles des tuyaux, mesurées sur un des sheng étudiés, on trouve une constante, de l’ordre de 0,72 λ/2, qui est bien comprise dans l’intervalle. Les anches du khène ont des positions et des propriétés différentes de celles du sheng. Il en résulte cette fois une relation de l’ordre de λ/2 avec la somme des deux longueurs utiles, haute et basse.
Des chercheurs ont réalisé un modèle physique du shō pour la synthèse sonore[20]. Les effets de la longueur du tuyau et de la pression de jeu, soufflé et aspiré, sur la fréquence de jeu et sur le spectre du son ont pu être étudiés. Ce modèle a été confronté aux mesures effectuées sur un tuyau réel, extrait de l’instrument et alimenté par une soufflerie artificielle. En ce qui concerne la vibration de l’anche, la variation de pression au niveau du tube ainsi que les seuils d’oscillation, les résultats expérimentaux et simulés sont en général dans un bon accord. Les seules différences à noter concernent la composition spectrale des sons.
c) Quelques propriétés spectrales
Mentionnons que les tuyaux des orgues à bouche sont toujours en bambou – pas nécessairement laqué à l’intérieur –, et que les diamètres étroits sont quasiment identiques pour chaque instrument. Le son résulte de l’émission périodique de l’air, et la richesse spectrale est liée à l’interruption de l’écoulement qui varie lors de l’oscillation de part et d’autre de la platine. Si l’on compare la composition spectrale des sons des instruments à anche libre, on remarque alors de fortes différences. Par exemple, pour l’accordéon, les premiers harmoniques impairs (1, 3, 5) sont dominants alors que pour le sheng, ce sont les deux premiers harmoniques pairs (2, 4) qui se distinguent. Pour le khène et le bawu, la distribution des harmoniques est moins régulière ; on observe une tendance paire pour le premier et impaire pour le second. Les distributions paires et impaires sont liées en partie au mouvement de l’anche par rapport à la platine alors que l’irrégularité entre les anches dépend de plusieurs paramètres comme la réaction du tuyau, la présence de plusieurs modes de l’anche, la lumière… Selon la proximité des harmoniques avec les partiels du tuyau entier, parties utiles et mortes comprises, leur intensité sera plus ou moins renforcée. Pour le sheng « amélioré », l’ajout de tuyaux en dérivation servant de « résonateurs », permet de renforcer cette composante et d’avoir ainsi un son plus fort[21]. Concernant l’effet de la pression de jeu sur les composantes du spectre, il a été observé pour le shō un enrichissement des hautes fréquences[22].
L’orgue à bouche sheng
Dix-sept tuyaux composent cet instrument joué par un seul instrumentiste, qui peut le porter en se déplaçant lors de processions. Six ou huit doigts sont mobilisés pour en jouer, tandis qu’un ou deux de chaque main et surtout les paumes servent à le tenir. Le jeu alterné soufflé-aspiré permet d’obtenir une trame continue sur laquelle va se déployer le chant, la mélodie des flûtes ou celle des hautbois. L’entretien et l’accordage de l’instrument sont relativement faciles et peuvent être exécutés par l’instrumentiste lui-même, ou par un régleur à raison de deux ou trois fois par année. Le sheng permet de jouer dans quatre tonalités différentes et d’effectuer diverses gammes pentatoniques grâce à l’adjonction de notes supplémentaires : pour un instrument en ré, il est possible de jouer les gammes pentatoniques partant de ré (ré mi fa dièse la si), de sol (sollasirémi), de do (do ré mi sol la) et de la (la si do dièse mi fa dièse).
Les tuyaux du sheng respectent traditionnellement une certaine proportion visible et leur longueur apparente n’est pas forcément égale à la longueur utile nécessaire pour permettre à l’anche de vibrer (Figure 6). Ainsi des fentes d’accord sont ouvertes dans le tuyau pour l’accorder. Les parties mortes du tuyau – parties qui ne déterminent pas l’accord de ce dernier – sont à l’origine de résonances supplémentaires qui peuvent parfois soutenir certains harmoniques du son émis lorsque leurs fréquences correspondent. Lorsque les trous de jeu à la base des tuyaux restent ouverts, la longueur utile des tuyaux détermine une résonance située dans un mauvais intervalle, ce qui ne permet pas de faire parler les anches. La position du trou aurait pu être autre, mais c’est la possibilité de le fermer avec un doigt qui l’impose ici. Les différentes évolutions et innovations qui ont permis la multiplication du nombre de tuyaux (de 13 à 37 à ce jour) ne permettent plus de boucher certains tuyaux avec les doigts. Ainsi sont apparus les doubles tuyaux, fermés à leurs extrémités, dont le premier est actionné normalement par le doigt et ouvert au niveau de la fente d’accord. Le deuxième, sans fente d’accord, ne peut fonctionner que par l’ouverture d’un trou de communication avec le premier à l’aide d’une clé, ce qui permet d’en utiliser la fente d’accord. Au centre de la tête du sheng, un vide de facture permet d’alléger et d’aérer l’intérieur de l’instrument. Grâce à un corridor circulaire périphérique – qiqiang 氣腔 –, il n’est pas nécessaire de remplir toute la cavité de l’instrument à chaque inspiration ou expiration.
Comment mesurer la longueur des tuyaux d’un sheng ? Doit-on considérer la longueur totale, la longueur visible des tuyaux, ou les longueurs utiles correspondant aux fréquences recherchées ? La longueur totale apparente, ou « longueur visible », du plateau à l’extrémité, donne le rapport visuel et symbolique des deux ailes du phénix, en même temps que des proportions harmoniques (Figure 7). Loin d’être arbitraire ou irrationnel, cet arrangement s’avère ergonomique pour les doigtés, à la manière de la distribution de l’alphabet sur un clavier de machine à écrire[23]. Le jeu en quintes et octaves parallèles est une des principales caractéristiques du sheng. Il est rare de ne faire parler qu’un seul tuyau à la fois, le jeu le plus fréquent consistant à en faire sonner plusieurs simultanément.
L’orgue à bouche khène
Le khène est un aérophone à chambre à vent en bois dur, dans laquelle sont insérés des tuyaux en bambou munis d’anches libres comportant une incision en v. Ces tuyaux, contrairement à ceux du sheng, sortent de part et d’autre de la chambre à vent (Figure 8). Les seize tuyaux sont disposés en radeau suivant deux rangées parallèles de huit tuyaux. L’instrumentiste se sert des paumes de la main pour tenir l’instrument et recourt à huit doigts pour en jouer. À chaque doigt correspondent deux tuyaux qui ne pourront donc pas être joués simultanément. L’entretien et l’accordage du khène s’avèrent plus difficiles que pour le sheng et demandent l’expertise d’un facteur puisque l’instrument n’est pas fait pour être démonté.
Le khène peut jouer une gamme diatonique sur deux octaves (la3-la5) et puiser dans ce réservoir les notes nécessaires pour réaliser des échelles pentatoniques anhémitoniques grâce aux notes supplémentaires (Figure 9). L’échelle la plus courante est celle en ton de fa (ré fa sol la do), que l’on trouve principalement dans les musiques de divertissement lam et khap qui s’articulent autour d’une seule échelle musicale. Les musiques rituelles font en revanche appel à plusieurs échelles de manière à jouer sur les métaboles et les modulations.
Le khène, dont les tuyaux sont ouverts aux deux extrémités, n’est pas un instrument aussi sophistiqué que le sheng amélioré. Il ne comporte pas de clés et les anches se situent au quart de la longueur utile – un multiple de λ/2 – déterminée ici par deux fentes d’accord, alors que pour le sheng, elles se situent à une des extrémités et elles sont fixées sur une rigole en bois[24]. Contrairement au sheng, on ne pourra pas remplacer certains tuyaux du khène pour obtenir des sons supplémentaires. Cependant, dans les compositions récentes (musique nationale et pièces pour les arts de la scène contemporains), les musiciens et compositeurs recourent à deux procédés pour faire sonner deux amalgames sonores impossibles. Dans les arrangements impliquant la note sol qui est doublée à l’unisson (tuyaux 3 et 14), les musiciens rusent en bouchant le trou de jeu du tuyau situé dans la rangée opposée à celui produisant l’autre note de la combinaiso[25]. Pour d’autres combinaisons normalement impossibles, il est possible d’appliquer une petite pâte de résine (kisoot) sur un trou afin de produire un bourdon tout au long du morcea[26].
Évolutions récentes des orgues à bouche
a) Le sheng et ses améliorations
L’orgue à bouche chinois a très peu évolué de l’époque Tang (ixe siècle) – moment où il a été transmis au Japon – jusqu’à la création de l’orchestre symphonique d’instruments chinois et la campagne d’amélioration des instruments (minzu yueqi gaige 民族乐器改革) intervenue entre 1956 et 1963. Le nombre de tuyaux passe alors de 17 – dont souvent 3 ou 4 muets – à 24, 36 ou 37. Des tuyaux « résonateurs » sont ajoutés pour rendre le timbre de l’instrument plus présent. D’accompagnateur en toile de fond, le sheng devient soliste.
Un fabricant de sheng a expliqué que l’usine recevait de nombreuses plaintes selon lesquelles le son de l’ancien type de sheng ne portait pas en plein air. Allant vers les musiciens eux-mêmes et vers d’autres usines pour obtenir de l’aide technique, l’usine de Pékin a finalement produit un modèle amélioré avec une sonorité plus riche, une intensité plus grande, un ambitus élargi et un clétage. Ils ont également réalisé un modèle avec des tuyaux résonateurs. Il a quatre fois le volume et la possibilité de jouer en douze tonalités. Les joueurs de sheng sont pleins d’éloges pour le nouvel instrument qui répond pleinement à leurs exigences de se produire devant un large public comme dans les villages, les usines et les unités de l’armé[27].
On aurait donc l’instrument traditionnel, à 17 tuyaux, dont éventuellement 13 seulement en fonction, et l’instrument moderne, à 36 ou 37 tuyaux, avec résonateur[28]. Au cours de son évolution, la tête de l’instrument, qui a remplacé la calebasse il y a plus d’un millénaire, est passée du bois au métal. La base de l’instrument est aujourd’hui équipée d’une vis permettant de boucher un trou au centre de la partie inférieure pour créer un petit réservoir dans lequel on met de l’eau chaude. Cela permet de réchauffer les anche[29], d’éviter probablement la condensation et d’assurer sans doute une meilleure vibration en rendant les deux faces égales.
L’instrument diatonique dans plusieurs tons a évolué vers le chromatisme (sans parler du diapason ni du tempérament égal). À l’image « du » quatuor à cordes – en fait, plutôt à l’image des consorts Renaissance et des ensembles de saxophones ou de flûtes à bec –, les instruments ont été déclinés en soprano, alto, ténor et bass[30]. Comme pour la prise de son de variétés ou pour l’orchestration américaine, l’efficacité et le rendement ont conduit à inscrire chaque instrument dans sa bande spectrale caractéristique. L’ajout de tubes « résonateurs » a permis d’améliorer le rendement (puissance/intensité du souffle) et de favoriser non pas tant la zone de perception idéale de l’oreille que celle assignée à l’orgue à bouche dans l’orchestre chinois. Les sheng améliorés sont des instruments standardisés plus fiables et homogènes permettant de produire des effets que l’on ne pourrait obtenir sur d’autres orgues à bouche. Comme l’indique le témoignage suivant, la tentation et le désir d’améliorer le sheng peuvent aussi provenir de musiciens qui ne jouent pas de cet instrument.
Je suis un joueur de cithare guzheng et un profane en ce qui concerne l’orgue à bouche mais je m’y intéresse depuis deux ans en raison de mes relations de travail. Le sheng, cet ancien instrument de musique ayant de fortes caractéristiques nationales, constitue également l’héritage culturel national que nous devons préserver aujourd’hui, mais son utilisation pour l’interprétation d’oeuvres musicales modernes présente quelques inconvénients. L’inconvénient majeur est l’impossibilité de jouer des notes plus longues, ou de faire beaucoup de modulations. En règle générale, avec les instruments traditionnels à dix-sept tuyaux, vous devez avoir six instruments pour jouer dans les douze tons. Nous avons essayé la méthode du « changement de tuyau ». En plus des tuyaux de l’orgue à bouche qui a moins de douze demi-tons chromatiques, on utilise plusieurs autres tuyaux. Lorsque vous jouez, vous pouvez remplacer le tuyau par celui dont vous avez besoin, mais c’est techniquement très difficile. Changer le tube modifie profondément la sonorité. Le doigté n’est pas facile à corriger et manque de régularité. De plus, cette méthode ne résout pas le problème de la modulatio[31].
Les problèmes ne sont pas les mêmes pour les musiciens et facteurs d’instruments, selon le répertoire abordé. Les musiciens professionnels itinérants, les spécialistes des rituels des villes et des villages veulent avoir des instruments qui sonnent même lorsqu’ils jouent à l’extérieur, par - 15 °C. Le processus artisanal a évolué vers un processus industriel. Il faut rappeler que durant la « période rouge » du communisme jusqu’à la fin de 1989, les musiciens, professionnels ou amateurs, n’étaient pas propriétaires de leurs instruments. Ceux-ci appartenaient à l’unité de travail, à l’association, au club. Très peu d’instruments autres que le hautbois guanzi 管子 et la cithare qin étaient fabriqués à l’unité, sur commande. La pratique musicale promue par les départements d’instruments « nationaux » créés à partir de 1956 est celle de l’orchestre d’instruments chinois, avec ses pupitres, ses interprètes recrutés sur diplômes ou par concours, interchangeables, ainsi que ses compositeurs attitré[32]. Aujourd’hui, les scènes de la musique contemporaine, du jazz, des musiques improvisées et de la world music vont rechercher et promouvoir des interprètes créateurs de haut niveau, adaptables et inventifs, comme Wu Wei et Li Li-Chin qui sont au coeur du projet « Sheng ! L’orgue à bouche ». Toutes les améliorations ne correspondent pas au même esprit, aux mêmes besoins, aux mêmes objectifs. Il existe ainsi des différences notables suivant les répertoires et genres musicaux explorés :
Les instruments standards à 17 ou 24 tuyaux, avec tête en métal et réservoir pour l’eau chaude, conviennent au jeu en soliste ou en petit ensemble du répertoire traditionnel.
L’instrument carré à 2 rangées parallèles, aux notes « bien organisées », à 36 tuyaux et résonateurs, est parfaitement adapté à l’orchestre d’instruments chinois.
L’instrument à 37 tuyaux ayant gardé leur configuration traditionnelle permet de jouer les pièces du répertoire avec (presque) les mêmes doigtés, tout en couvrant 3 octaves chromatiques pour le répertoire de créatio[33].
b) Le khène et ses mutations
Le khène et les autres orgues à bouche du Laos ont connu peu de changements en comparaison du sheng. L’évolution la plus marquante touche à son accordage au la4 à 440 hz. Traditionnellement, la note de référence est le premier tuyau droit : elle oscille, d’un instrument à l’autre, entre ce la4 et si bémol4 si bien que le mokhène (spécialiste de khène) peut s’adapter à la tessiture du chanteur qu’il accompagne. La norme 440 hz s’est imposée dans le but de créer des orchestres de khène dédiés à la musique nationale lao, mais aussi de manière à jouer avec des instruments occidentaux. Cet accordage facilite les rencontres et les métissages, notamment dans les arts de la scène contemporains.
Un autre point d’évolution de la facture du khène concerne la taille et la tessiture de l’instrument, celle-ci s’étant étendue vers le grave, apportant une épaisseur sonore dans les orchestres de khène. Des instruments deux fois plus grands que les khène traditionnels ont ainsi vu le jour. Ils ont été mis à l’honneur lors des festivités organisées à Vientiane en avril 2018, célébrant l’inscription par l’unesco, l’année précédente, de la musique du khène sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. À cette occasion, plus de deux cents khène avaient été fabriqués, dont une centaine de très grande taille pour couvrir les tessitures graves. Plusieurs pièces pour orchestre de khène et orchestre symphonique avaient aussi été spécialement composées pour cette occasion.
Les principales évolutions et mutations du khène tiennent surtout aux divers répertoires qui ont été créés, engendrant une nécessité d’adaptation du langage musical, de la grammaire musicale elle-même, plutôt que de la facture de l’instrument, et donc des adaptations des diverses possibilités de jeu de l’instrument au service de tel ou tel répertoir[34].
*
Au sujet des orgues à bouche, on a trop lu de qualifications de « réservoirs d’air » ou d’oppositions entre un « vrai » instrument traditionnel et un « monstre » moderne ou entre « grandes civilisations » et « folklores ethniques ». Les orgues à bouche sont de véritables trésors, tant ils offrent de possibilités acoustiques et musicales. Ils ne cessent de nous étonner tant à travers l’exploration de leurs multiples formes et pratiques traditionnelles qu’à travers les expérimentations musicales contemporaines dont le spectre de découvertes et de possibilités ne demande qu’à s’ouvrir. Ce point sur l’organologique des divers orgues à bouche, sur leur fonctionnement acoustique et leurs pratiques au coeur des sociétés asiatiques contemporaines voulait répondre ici aux attentes de compositeurs, de musicologues, d’interprètes et de facteurs par un nécessaire retour aux fondamentaux dans le but de nourrir la recherche, les pratiques ainsi que de nouvelles et futures expérimentations musicales.
Parties annexes
Remerciements
Merci à Liao Lin-Ni de nous avoir réunis, à Wu Wei, Li Li-Chin et Huang Lung-yi de nous avoir inspirés, à Julie Delisle, Véronique Brindeau, Suzuki Seiko, Alexis Baskind, Pierre Couprie, Christophe d’Alessandro et Benjamin Lévy pour leur collaboration et leur écoute, à Agnès Puissilieux, Mikhail Malt,tpmc, l’Ircam, le Collegium Musicae, l’iremus et le ministère de la Culture pour leur soutien.
Notes biographiques
René Caussé
René Caussé est chercheur émérite à l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique (Ircam, Paris), l’Unité mixte de recherche associant le cnrs, Sorbonne Université et le ministère de la Culture autour d’une thématique de recherche interdisciplinaire sur les sciences et technologies de la musique et du son. Il poursuit ses recherches sur les instruments de musique, d’origines et d’époques diverses comme ici avec l’étude des orgues à bouche d’Asie. Après une double formation, musicale et scientifique, qui l’oriente très tôt vers l’acoustique musicale, il intègre l’Ircam en 1977. Il enseigne l’acoustique musicale au sein de différentes formations universitaires et à l’École Centrale Paris. Il est également membre de la Société Française d’Acoustique, de l’European Acoustics Association et de l’Acoustical Society of America.
Véronique de Lavenère
Véronique de Lavenère est ethnomusicologue, docteure de Sorbonne Université, chercheuse associée à l’iremus et au case. Elle a été trésorière de la Société Française d’Ethnomusicologie. Elle dirige le groupe de recherche « Marionnette » au cirras et enseigne l’ethnomusicologie à Sorbonne Université. Ses recherches en Asie du Sud-Est portent sur la pluriethnicité et la diversité des patrimoines musicaux : musique et rituels, circulations et mutations, patrimoines et mondialisation. Elle interroge également les pratiques musicales au coeur des arts de la scène traditionnels et contemporains. Ses recherches menées à travers tout le Laos depuis plus de vingt ans ont donné lieu à de nombreuses rencontres musicales. Cette double approche, scientifique et artistique (flûtiste et joueuse de khène), enrichit ses publications comme ses cds qui ont été récompensés par l’Académie Charles Cros.
François Picard
Professeur d’ethnomusicologie analytique à Sorbonne Université, chercheur à l’iremus, successivement responsable du dea, du Master, de Patrimoines et Langages Musicaux, de Geste Acoustique Musique pour Paris-Sorbonne, des conférences Chime,Luoshen fu arts et humanités et La Trompe de chasse ad libitum. Membre du Conseil national des universités, du Comité national de la recherche scientifique, il a présidé la Société Française d’Ethnomusicologie. Disciple de Kristofer Schipper et de Tran Van Khê, ancien élève de Iannis Xenakis et du conservatoire de musique de Shanghai, il joue de la flûte xiao et de l’orgue à bouche sheng chez Fleur de Prunus et XVIII-21 Le baroque nomade, et collabore avec des compositeurs contemporains. Il a publié trois livres et une trentaine de cds.
Notes
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[1]
Voir, par exemple, Nicolas Meeùs, « Chapitre 5, Aérophones », Cours d’organologie fait en Sorbonne 2003-2011, http://nicolas.meeus.free.fr/Organo/Cours.html (consulté le 11 mars 2022).
-
[2]
Une carte mentale est une représentation graphique, hiérarchisée, dans l’espace, des relations entre objets.
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[3]
Sa présence en Inde n’est due en revanche qu’à la présence de peuples tibéto-birmans.
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[4]
C’est pourquoi on ne proposera pas ici de présentation des instruments coréens ou japonais, qui sont moins différents d’un instrument chinois du ixe siècle que celui-ci des modèles chinois « améliorés » après 1963.
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[5]
Picken et al., 1984 ; Miller, 1985.
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[6]
Jacob de Lavenère, 2004 ; Lavenère (de) (cd 2004, cd 2009).
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[7]
On entend dans le film Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola un enregistrement réalisé sur cet instrument par Georges Condominas (lp 1974).
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[8]
Tombe no4 de Lijiashan 李家山, Jiangchuan 江川, découverte en 1972 (Liu, 2003, no 111).
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[9]
Tombe no 1 de Mawangdui 马王堆, Hunan, découverte en 1972-1974 (Liu et al., 1987, p. 85).
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[10]
Miller, 1980 et 1981.
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[11]
La première rédaction de ce texte, le Nithan Khun borom, daterait des années 1520. Elle aurait été complétée autour de 1573 (Lorrillard, 1999).
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[12]
Amiot, 1754.
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[13]
L’anche libre en est une dont l’amplitude de l’oscillation n’est pas limitée, à la différence de l’anche battante qui bat contre un obstacle (comme celle de la clarinette qui s’enroule sur les bords du bec).
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[14]
La possibilité de souffler ou d’aspirer permet de jouer de manière continue sans recourir à la technique de la respiration circulaire.
-
[15]
Ricot et al., 2005. Cela ne signifie pas que le son est quasi sinusoïdal car ce dernier est généré par le courant d’air, et l’oscillation de l’anche est justement entretenue par les variations de cet écoulement.
-
[16]
Cottingham, 2013.
-
[17]
Pour une description plus complète du fonctionnement du bawu, en particulier pour l’étude de la relation entre les fréquences de résonance du tuyau et la fréquence propre de l’anche, on pourra se référer à Cottingham, 2016.
-
[18]
Bouasse, 1929, p. 145 ; Bouasse, 1932, p. 458.
-
[19]
Pour rappel, λ est liée à la fréquence f par la relation λ= c/f et à la période T par la relation λ = c.T avec c, vitesse de propagation du son dans le tuyau.
-
[20]
Hikichi et al., 2003.
-
[21]
Pour plus de détails sur l’action de ces « résonateurs » sur le spectre, se référer à l’article de Delisle dans ce numéro.
-
[22]
Kuang et al., 2014.
-
[23]
Jones, 2017.
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[24]
Ce tube de forme particulière qui délimite un volume d’air est situé du côté intérieur de l’anche.
-
[25]
Pour entendre la combinaison do4-sol4, le musicien joue le tuyau 2 à droite (do4) avec le tuyau 14 à gauche (sol4).
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[26]
Il arrive souvent que le tuyau 6 (ré5) soit bouché de la sorte, faisant entendre des combinaisons normalement impossibles comme ré5-mi5.
-
[27]
China Reconstructs (1975) (traduction de François Picard).
-
[28]
Pour un enregistrement de référence de l’instrument moderne en solo, se référer à Xu, cd 1999.
-
[29]
Au Japon, les joueurs utilisent traditionnellement un braséro pour chauffer leur instrument avant et en cours de jeu.
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[30]
Pour sa pièce Anâhata (1984-1986) le compositeur Jean-Claude Éloy a commandé un shō basse, en lui donnant au passage un nom japonais – ō-shō – qui n’existait pas auparavant. La joueuse de shō Mayumi Miyata a dû faire appel à un facteur chinois basé à Tianjin pour faire construire cet instrument qu’aucun facteur japonais ne voulait fabriquer.
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[31]
Zhao, 1957 (traduit par Picard).
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[32]
Han et Gray, 1979.
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[33]
Le sheng de Wu Wei par exemple ne possède que quelques tuyaux « résonateurs » réservés aux notes aiguës. Pour une description détaillée de cet instrument, se référer à l’article de Baskind et Wu Wei dans ce numéro.
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[34]
Lavenère (de), 2021.
Bibliographie
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Discographie
- Condominas, Georges (1974), Musique mnong gar du Vietnam, lp Ocora – ocr 80.
- Lavenère, Véronique (de) (2004), Musiques du Laos. Traditions des Khmou’, Oï, Brao, Lao, Phou-noï, Kui, Lolo, Akha, Hmong et Lantene, cd Maison des Cultures du Monde – Inédit w 260118.
- Lavenère, Véronique (de) (2009), Molam et Mokhènes. Chant et orgue à bouche (Laos),cd Maison des Cultures du Monde – Inédit w 260137.
- Xu, Chaoming (1999), sheng, prise de son Gérard Lhomme, direction artistique François Picard, cd Cinq Planètes cp 0239222.