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Introduction

Cette contribution vise à présenter les étapes de la réalisation d’une enquête téléphonique effectuée sur un échantillon représentatif de 1 000 ménages avec un budget modéré. Cette enquête a été réalisée en Belgique en septembre 2004 et portait sur les pratiques et représentations sociales liées à la consommation d’énergie des ménages (le secteur de la mobilité étant exclu) dans le cadre d’une recherche pluridisciplinaire sur ces thèmes[1].

Nous commençons par donner une vue d’ensemble de cette enquête téléphonique en en présentant les objectifs, le questionnaire, les trois pré-tests et les enquêteurs. La section suivante est consacrée à l’échantillon et au mode d’administration du questionnaire. Ce dernier, ainsi que la qualité des données, sont évalués dans la troisième section par l’analyse des résultats des appels et des motifs de refus, puis dans la quatrième section par une analyse des caractéristiques des répondants et par la vérification de la cohérence externe des données recueillies. La dernière section aborde la description et l’évaluation de trois dispositifs particuliers, à savoir la « feuille de contact », la lecture optique et enfin deux petites procédures visant à obtenir les informations sur les revenus du ménage et à recueillir les mots que les répondants associent à l’environnement.

Au total, cette enquête téléphonique a permis de recueillir un grand nombre d’informations de bonne qualité. Ce sont les conditions de production de ces données qui sont présentées et discutées ici, et non l’analyse des données qui a fait l’objet d’autres publications[2].

Le déroulement de l’enquête

Vue d’ensemble

En septembre 2004, après huit mois de préparation effectuée par l’équivalent d’une personne à temps plein, cette enquête téléphonique a touché 1 000 ménages résidant en Belgique. Son coût a été modéré[3]. Les objectifs et le questionnaire de cette enquête, ainsi que son caractère bilingue, sont présentés ci-dessous. Sont ensuite abordés les pré-tests, puis le recrutement et l’encadrement des enquêteurs.

Objectifs de l’enquête

Les questions de politique énergétique étant en Belgique principalement du ressort des Régions, cette enquête a été effectuée dans les trois Régions belges (Bruxelles, Flandre, Wallonie). Cette enquête visait à obtenir une description précise des pratiques qui induisent une consommation d’énergie dans le secteur résidentiel et se focalisait donc sur le chauffage, l’utilisation d’eau chaude sanitaire et la consommation d’électricité. Outre cette description des pratiques, l’enquête visait aussi à recueillir un maximum d’information sur leurs déterminants : variables socio-démographiques du répondant, caractéristiques de son logement et de son ménage — dont le revenu — ses connaissances et ses représentations autour du thème de l’environnement et des rôles de genre dans le cadre domestique. En effet, tous ces déterminants peuvent être autant de facteurs potentiels de changement des comportements ou de résistance au changement, l’identification de ces facteurs était l’objectif principal de l’étude.

Le questionnaire : structure et thèmes abordés

Le cadre théorique dans lequel s’inscrit cette étude est celui des théories sociologiques de l’action (Bourdieu, 1980). Plus précisément en sociologie de la consommation « ordinaire » (Gronow et Warde, 2001), une question fort discutée est de savoir si les comportements relèvent davantage d’une routinisation ou de la réflexivité et si ces deux dimensions s’opposent ou non (Halkier, 2001). En toile de fond, se posent les modèles de psychologie sociale, inspirés de l’économie, sur la rationalité des acteurs (Ajzen et Fishbein, 1980 ; Ajzen, 1985) et la critique de ces modèles (voir par exemple, sur la base des données provenant de l’enquête décrite ici, Bartiaux, 2008).

Ce cadre théorique a eu des implications directes sur la structure du questionnaire. C’est ainsi qu’après quelques questions d’identification viennent directement les questions sur le logement et sur les pratiques qui induisent une consommation d’énergie, avant de passer aux questions de connaissances et de représentations. Ce faisant, on espère éviter le souci de continuité et de cohérence de la part des personnes interrogées (qui auraient pu vouloir accorder leurs déclarations sur leurs pratiques à celles sur leurs représentations). C’est ce que les démographes appellent « l’effet de halo », « c’est-à-dire l’influence que peut avoir la réponse à une question sur la réponse aux suivantes » (Tabutin, 1984 : 199).

Pour élaborer le questionnaire, nous nous sommes inspirés de plusieurs questionnaires existants, en particulier d’un questionnaire danois sur les pratiques induisant une consommation d’énergie (Gram-Hanssen, 2003) ; en effet, la comparaison des pratiques dans les deux pays[4] était un objectif prioritaire de l’étude et a fait l’objet d’une publication (Bartiaux et Gram-Hanssen, 2005). Nous avons aussi consulté le questionnaire des enquêtes belges sur la consommation d’énergie des ménages flamands et des ménages wallons (Région Wallonne et Sonecom, 2004). Quelques questions du journal de bord énergétique développé en Allemagne nous ont également été utiles (Cames et Brohmann, 2003). Une des spécificités de notre enquête est qu’elle comporte plusieurs questions ayant trait aux représentations sur l’environnement et sur les rôles liés au genre et aux pratiques énergétiques. Nous avons repris certaines questions sur l’environnement d’une enquête française (Collomb et Guérin-Pace, 1997) et nous nous sommes surtout appuyés sur deux enquêtes auxquelles nous avions pris part (Kestemont et al., 2001 ; Bartiaux, 2003). Pour terminer, en ce qui concerne les questions d’identification et sur le logement, nous avons maximisé la comparabilité avec le recensement belge (INS, 2001) et l’enquête sur le budget des ménages[5]. Plusieurs versions successives du questionnaire ont été élaborées, les dernières que nous avons testées sont expliquées ci-dessous.

Le questionnaire final ne se présente pas par « bloc » de questions par thème pour éviter la lassitude des enquêtés. Les questions se suivent logiquement sans dévoiler ce qui est à venir. Comme le recommande F. de Singly (1992), les questions d’identification sociale sont situées à la fin (profession et revenus du ménage). La structure du questionnaire peut donc être résumée comme suit :

  1. âge et composition du ménage

  2. logement

  3. nombre de salles de bain, nombre de douches et de bains par semaine pour le ménage

  4. caractéristiques de l’installation de chauffage

  5. pratiques concernant le chauffage

  6. possession et utilisation d’appareils électroménagers, de communication et d’information

  7. représentations sur les rôles de genre pour quelques pratiques liées à l’énergie

  8. connaissances sur la consommation de veille et sur les changements climatiques

  9. représentations sur l’environnement et sur certains aspects de politique énergétique

  10. obstacles, motivations et intentions pour économiser l’énergie

  11. connaissances sur les énergies renouvelables, les audits énergétiques et les mesures fiscales

  12. sur la base de la facture annuelle, consommation annuelle d’électricité et de gaz de ville (le cas échéant)[6]

  13. questions d’identification (instruction et profession) du répondant et de son conjoint éventuel

  14. quartiles de revenu mensuel net du ménage.

Le questionnaire en français est intégralement repris dans le rapport de recherche (Bartiaux et al., 2006 : 199-212).

Une enquête bilingue français-néerlandais

L’enquête a été réalisée en français et en néerlandais, langues principales de la Belgique. Le questionnaire dans sa dernière version a été traduit par une chercheuse bilingue et revu par un ingénieur néerlandophone associé à cette recherche. Cette chercheuse a en outre réalisé elle-même une dizaine d’enquêtes téléphoniques en néerlandais, pour s’assurer que les questions étaient bien comprises et qu’aucune ne prêtait à confusion.

De même, la lettre d’introduction présentant l’enquête (voir infra) a été envoyée dans la ou les langues de la région. Les enquêteurs et enquêtrices ont été sélectionnés et encadrés en conséquence, comme on le verra plus loin.

Tester le questionnaire : les trois pré-tests

Le questionnaire a été élaboré à partir des différents questionnaires mentionnés et il a été retravaillé pendant trois mois, suite à nos propres remarques, à celles de nos collègues ingénieurs et à sa passation auprès de quelques personnes de notre entourage. À partir de la sixième version, plusieurs tests ont été mis en oeuvre et sont décrits ici. Auparavant, notons que trois entretiens semi-directifs ont été menés parallèlement à la préparation du questionnaire. Ces entretiens qualitatifs nous ont poussés à introduire quelques questions visant à traduire l’intensité de la préoccupation des répondants pour les questions environnementales. De plus, il est apparu que la consommation de veille (en stand-by) était un phénomène mal connu, ce qui nous a amenés à reformuler la question à ce sujet[7] (Moreau et Wibrin, 2005).

Un premier pré-test en face à face

Il faudrait plutôt parler de deux séries de dix enquêtes en face à face, le questionnaire ayant été fortement remanié entre les deux séries suite aux remarques faites par l’enquêtrice. Ces vingt enquêtes avaient plusieurs objectifs : mesurer la durée du questionnaire, évaluer si les questions étaient bien adaptées aux objectifs de l’enquête, voir si les modalités de réponse prévues étaient suffisantes et contrôler si la formulation était compréhensible par tous.

À l’issue de ces enquêtes, le changement le plus spectaculaire fut la suppression de nombreuses questions visant à réduire la durée de l’enquête : en effet, la durée moyenne de ce test était de quarante minutes, alors que nous avions fixé comme objectif une durée de vingt minutes ! Plusieurs questions ont été reformulées. Il est aussi apparu qu’il fallait limiter le nombre de modalités présentées, vu le mode de passation du questionnaire choisi pour l’enquête finale. Ainsi, une question comportant huit modalités a été transformée en deux questions avec chacune quatre possibilités de réponse.

L’enquête pilote

À la fin du mois de juillet, six semaines avant le début de l’enquête, nous avons organisé une enquête pilote par téléphone auprès de 40 ménages (en Wallonie uniquement) pour évaluer principalement la logistique (tirage des numéros de téléphone, nombre d’essais, feuille de contacts, etc.) et, dans une moindre mesure, le questionnaire et la durée de passation. De nombreux enseignements en ont été tirés.

La durée moyenne d’une enquête étant de 26,4 minutes, nous avons encore réduit le questionnaire afin d’atteindre une moyenne de vingt minutes. Le mode de tirage de l’échantillon et l’utilisation des feuilles de contacts (voir infra) se sont avérés adéquats. Environ 60 % des personnes contactées ont donné leur accord pour participer à l’enquête, mais la moyenne d’âge, 58,8 ans, fut jugée trop élevée, la période estivale y étant sans doute pour quelque chose. Nous avons donc changé les plages d’appel en les déplaçant vers les soirées et les samedis. Les deux enquêtrices engagées ont réalisé en moyenne 1,2 questionnaire par heure lors de ce pré-test (ce chiffre est monté à 1,5 pour l’enquête finale). Pour diminuer la proportion de refus, lors de l’enquête finale, nous avons décidé d’envoyer aux ménages faisant potentiellement partie de l’échantillon une lettre d’introduction, qui précise les objectifs et les modalités de l’enquête, garantit l’anonymat et mentionne le numéro de dossier obtenu auprès de la Commission pour la protection de la vie privée. On y demande aussi de préparer la facture annuelle d’électricité et de gaz, le cas échéant. Cette lettre a été envoyée au fur et à mesure. Elle annonçait un possible appel dans les dix jours, mais tout a été mis en oeuvre pour que ce délai soit de plus ou moins quatre jours.

L’enquête pilote en néerlandais

Comme on l’a indiqué plus haut, une petite enquête pilote par téléphone (dix enquêtes) a été réalisée en néerlandais par une des chercheuses afin de s’assurer de la compréhension des questions et des modalités de réponse ainsi que du sens identique des questions dans les deux langues. Cette petite enquête pilote a débouché sur quelques modifications du questionnaire en néerlandais qui ont dû être ensuite transposées dans la version française.

Recrutement et encadrement des enquêteurs

Une annonce décrivant le travail d’étudiant proposé et le profil souhaité a été diffusée par courrier électronique et placée à différents endroits fréquentés par les étudiants, en particulier au département d’études germaniques. Pour les enquêteurs destinés à faire passer les enquêtes en néerlandais, l’entretien de recrutement a été mené dans cette langue. Neuf enquêtrices et deux enquêteurs ont été ainsi recrutés sur la base de leurs capacités linguistiques et de communication. Le rôle de superviseur a été confié à un doctorant en démographie.

Une formation de quinze heures a été dispensée aux enquêteurs pour qu’ils s’approprient le thème de recherche et le questionnaire. Durant les trois semaines d’enquête, le superviseur ainsi qu’un membre de l’équipe de recherche étaient toujours présents en salle d’enquête pour conseiller les enquêtrices et enquêteurs, les encadrer ou les encourager. Le remplissage des feuilles de contacts et des questionnaires, ainsi que le déroulement des entretiens étaient contrôlés en permanence.

L’échantillon

Une limite à la passation des questionnaires par téléphone : être raccordé à une ligne téléphonique fixe

Selon l’Enquête socio-économique générale[8] menée par l’Institut national de statistique (INS) en 2001, le nombre et la proportion de ménages possédant une ligne de téléphone fixe a augmenté entre 1991 et 2001, passant de 78,4 % en 1991 à 83,4 % en 2001 (environ 3,3 millions de ménages, tableau 1). Toujours selon l’INS, sept ménages sur dix résidant en Belgique possédaient au moins un téléphone portable en 2001.

Tableau 1

Ménages disposant d’au moins une ligne téléphonique fixe en 1991 et 2001 selon la région

Ménages disposant d’au moins une ligne téléphonique fixe en 1991 et 2001 selon la région
Source : Institut national de la statistique, Enquête socio-économique générale, 2001

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Selon ces chiffres, 16,6 % des ménages n’étaient donc pas joignables avec le mode choisi d’administration du questionnaire. Cette proportion atteint presque 25 % pour les grandes villes où le raccordement à une ligne fixe est en recul entre 1991 et 2001. Cela pose un problème quant à la représentativité des échantillons issus d’enquêtes téléphoniques, car les ménages ne disposant pas de ligne fixe ont des caractéristiques particulières. En effet, il s’agit principalement de jeunes possédant uniquement un téléphone portable ou de personnes isolées ou marginalisées et de faible niveau socio-économique. En conséquence, les ménages d’une seule personne sont sous-représentés dans notre enquête et la taille moyenne des ménages de notre échantillon est plus élevée qu’au recensement de 2001 (voir infra « Caractéristiques des répondants »).

Échantillonnage à partir de l’annuaire téléphonique

L’objectif était d’interroger 1 000 ménages[9] sous l’hypothèse qu’un numéro de téléphone identifie un ménage, avec cette répartition : 400 ménages en Flandre, 400 en Wallonie et 200 en région bruxelloise. L’échantillon a été tiré à partir de l’annuaire téléphonique[10]. Cette base de données, mise à jour chaque année, est généralement utilisée par les sociétés de marketing et comprend plus de 4 500 000 adresses et numéros de téléphone de particuliers et de sociétés en Belgique. Les données proviennent directement du fournisseur d’accès (Belgacom) auprès duquel tout abonnement à une ligne téléphonique fixe doit être souscrit.

Le cd-rom contenant cette base de données fournit aussi un logiciel qui permet d’extraire, sauf pour ceux ayant demandé l’anonymat, des informations à caractère public (nom, numéro de téléphone et adresse complète) sur tous les abonnés de Belgique. Pour les besoins de notre enquête, nous avons formulé les hypothèses suivantes : possession d’un seul numéro de téléphone fixe par ménage ; un seul membre par ménage (qui identifie alors le ménage) apparaît dans l’annuaire[11] ; les personnes ayant demandé l’anonymat ne constituent pas un groupe particulier (hypothèse d’indépendance). Ces hypothèses ont été respectées dans l’ensemble. Notons cependant que les ménages les plus aisés ont une plus forte propension à avoir plusieurs lignes fixes, à demander que plusieurs membres du ménage apparaissent dans l’annuaire ou à demander l’anonymat. En effet, le premier point nécessite une certaine aisance financière et les deux derniers une connaissance plus approfondie des options proposées par le fournisseur d’accès.

Après extraction des données pour toute la Belgique, les numéros de fax ainsi que quelques numéros professionnels subsistants dans la liste ont été effacés. Ensuite, un tirage aléatoire stratifié par région a été effectué. La réserve a été estimée à partir des taux de réponse obtenus lors du deuxième pré-test ainsi que de la proportion de « mauvais » numéros (non attribués, désignant des locaux à usage professionnel, etc.). Une marge suffisante y a ensuite été ajoutée. Finalement, six fois plus de numéros ont été tirés en Flandre et en Wallonie, huit fois plus en région bruxelloise. La liste des numéros tirés a été de nouveau nettoyée, puis remise dans un ordre aléatoire.

Ajoutons encore que, vu la base de sondage utilisée, il a fallu déposer un dossier détaillé à la Commission de la protection de la vie privée. Suivant les instructions données par cette Commission, il a été nécessaire d’obtenir l’accord des personnes participant à l’enquête, demandé oralement au début de l’entretien. Une autre obligation est de rendre anonyme le questionnaire, ce qui fut fait par la séparation du questionnaire et de la feuille de contact où figuraient les coordonnées des personnes interrogées. Les informations contenues dans ces deux documents (à l’exception des coordonnées qui n’apparaissent dans aucun fichier de données) peuvent être appariées pour chaque répondant grâce à une clé numérique.

Pondération de l’échantillon et des sous-échantillons

Pour rétablir l’équilibre entre les trois régions du pays, l’échantillon total a été pondéré selon la région et selon deux variables cruciales pour la consommation d’énergie : le type d’habitation (maison à 4 façades, mitoyenne, etc.) et le revenu du ménage (soit le quartile de revenu). La répartition croisée des ménages suivant ces trois variables nous a été fournie par l’Institut national de statistique, d’après l’enquête sur le budget des ménages de 2001. Nous avons donc calculé à partir de cette répartition les facteurs de pondération correspondants. Par exemple, les personnes résidant en Flandre, disposant du revenu le plus élevé et habitant dans une maison à quatre façades avaient été moins bien représentées dans l’échantillon de base et leur poids dans l’échantillon final a dû être multiplié par deux.

Nous avons procédé de façon similaire, mais avec des poids différents, pour le sous-échantillon des personnes ayant répondu à la question sur la consommation d’électricité. Cette pondération s’est traduite, par exemple, par une consommation moyenne d’électricité par an et par ménage qui est devenue inférieure à celle obtenue sans cette pondération spécifique, puisque les personnes vivant en appartement avaient été proportionnellement moins nombreuses à donner leur consommation d’électricité[12].

Accord ou refus ?

Des résultats différents selon le sexe du répondant et la région

Au total, 3 400 lettres ont été envoyées dont une dizaine était retournée à l’expéditeur par la poste chaque jour. Parmi ces contacts, environ 2 300 numéros de téléphone ont été utilisés par les enquêteurs, soit un peu moins de 2,3 numéros de téléphone pour un questionnaire complété. 6,8 % des numéros composés se sont révélés être de mauvais numéros (non attribués, professionnels, etc.) et 5,5 % sont restés sans réponse[13] (tableau 2). Finalement, 12,3 % des numéros sélectionnés n’auront donné aucun résultat.

Tableau 2

Résultats des appels selon la région

Résultats des appels selon la région
1

Les informations sur la région concernant les appels (jusqu’à dix fois) restés sans réponses ne sont pas disponibles, car les enquêteurs avaient pour consigne de compléter les numéros de jour, d’enquêteur et de « feuille de contact » (voir infra) que lorsqu’ils obtenaient un accord, un refus ou que le numéro de téléphone ne correspondait pas à un ménage.

Source : Enquête SEREC, septembre 2004

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Les résultats des appels sont statistiquement associés (seuil de 99 %) à la région. Les mauvais numéros ont surtout posé problème en région bruxelloise, notamment à cause d’un plus grand nombre de numéros professionnels ou administratifs repris dans l’annuaire et sans doute à cause aussi d’une plus grande mobilité des résidents de cette région (les numéros n’étant plus attribués).

51,7 % des personnes contactées par téléphone ont donné une réponse positive. Ce résultat diffère selon la région : en Wallonie, 64,3 % des personnes contactées ont accepté de répondre au questionnaire SEREC, mais ce pourcentage n’est plus que de 47 % environ en Flandre et en région bruxelloise.

Des différences sont aussi observées selon le sexe du répondant (tableau 3). Plus de femmes (64,0 %) que d’hommes (36,0 %) ont décroché le téléphone[14], mais comme le montre le tableau 3, les hommes ont plus souvent accepté de répondre (63,6 % d’accords) que les femmes (49,6 %). Cette association entre le sexe du répondant et la réponse se retrouve dans toutes les régions.

Tableau 3

Pourcentage de personnes ayant donné leur accord parmi celles contactées par téléphone selon le sexe du répondant et la région

Pourcentage de personnes ayant donné leur accord parmi celles contactées par téléphone selon le sexe du répondant et la région
Source : Enquête SEREC, septembre 2004.

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Refus mais pour quel motif ?

Comme le montre le tableau 4, les motifs de refus sont divers, bien que classiques, et statistiquement associés au seuil de 99 % à la région. 20,9 % des personnes ayant refusé de répondre n’ont pas donné de raison, 28,2 % ont dit ne pas être intéressées ou ne rien connaître au sujet, 19,1 % ont déclaré ne pas avoir le temps. Ensuite, viennent d’autres motifs, tels que « ne veut pas être dérangé » (8,7 %), « ne participe jamais aux enquêtes » (3,8 %), « ce ne sont pas vos affaires ; ne donne pas d’informations personnelles ; n’a pas confiance » (2,4 %).

Tableau 4

Motif du refus selon la région

Motif du refus selon la région

N = 776. Khi-deux de Pearson = 46,04 (sig. 0,000)

Source : Enquête SEREC, septembre 2004

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Il aurait été intéressant d’analyser ces résultats selon d’autres caractéristiques du répondant, telles que l’âge, le revenu et le nombre de membres du ménage ou encore certaines caractéristiques du logement. Les enquêteurs ont essayé d’obtenir ces informations pour l’ensemble des ménages contactés (refus ou accord), mais le trop grand nombre de données manquantes ne permet pas de faire une analyse des refus et de leurs motifs selon les caractéristiques susmentionnées.

Caractéristiques des répondants

Une plus faible proportion de ménages d’une personne

Une des conséquences de l’administration du questionnaire par téléphone est, comme le montre le tableau 5, la sous-estimation flagrante des ménages d’une personne dans l’échantillon SEREC. En effet, seulement 16,6 % des ménages sont composés d’une seule personne, soit presque deux fois moins que les résultats fournis par l’enquête socio-économique, ou recensement (32,7 %). De même, la taille moyenne du ménage est plus élevée dans l’enquête SEREC (2,71 personnes par ménage) que dans le recensement (2,36 personnes par ménage). Les raisons en sont multiples : présence moindre des lignes téléphoniques fixes parmi les ménages de jeunes célibataires au profit de la téléphonie mobile, temps réduit de présence d’au moins une personne dans le logement, etc.

Tableau 5

Taille moyenne du ménage et pourcentage de ménages d’une personne selon l’enquête SEREC (2004) et l’enquête socio-économique (2001)

Taille moyenne du ménage et pourcentage de ménages d’une personne selon l’enquête SEREC (2004) et l’enquête socio-économique (2001)
Sources : Enquête SEREC, septembre 2004 ; Enquête socio-économique 2001 (INS)

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Cependant, nous pouvons dire que les conséquences de ce biais ne constituent pas une gêne trop importante pour la thématique de recherche. Ainsi, les analyses sur la consommation d’énergie des ménages ont été menées sur différentes sous-populations définies par le type de logement ou le type de ménage. En outre, les jeunes célibataires, population la plus sous-estimée, sont le plus souvent locataires et donc ont de faibles possibilités de modification de leur logement en vue de diminuer leur consommation d’énergie.

Une relation entre la différence d’instruction entre conjoints et le sexe du répondant

Une caractéristique inattendue de l’échantillon est la composition par sexe des répondants selon le type d’union, homogamique ou non, dont ils font partie. Dans les unions où les conjoints ont le même niveau d’instruction (unions homogamiques), notre échantillon comprend plus de femmes (60,0 %). Cette tendance est plus prononcée encore pour les unions où c’est la femme qui est la plus instruite (64,6 %). Par contre, l’effet inverse est observé dans les unions où l’homme a un niveau d’instruction plus élevé que celui de la femme (35,4 % de femmes). Cet effet significatif se retrouve à l’intérieur des grands groupes d’âges, de façon moins marquée et moins significative chez les moins de quarante ans.

La présence de cet effet devrait être testée dans d’autres enquêtes téléphoniques, car il est apparu que le genre et le type d’union, homogamique ou non, sont des variables significatives non seulement pour les représentations des rôles liés au genre, mais aussi pour l’auto-évaluation des économies d’énergie réalisées, les intentions à ce sujet et même les initiatives déjà prises dans le passé (Bartiaux, 2006).

Réponses concernant la consommation d’énergie

Dans le questionnaire SEREC, certaines questions sur les caractéristiques du logement ont été formulées de la même manière que dans le questionnaire de l’enquête socio-économique (ou recensement) de 2001 afin de pouvoir comparer les réponses obtenues et vérifier ainsi la cohérence externe des données récoltées.

Dans l’ensemble, l’enquête socio-économique (soit le recensement) et les données de l’enquête SEREC concordent. Par exemple, à propos de l’énergie principale utilisée pour le chauffage, les distributions obtenues sont semblables à 87 %. Dans l’enquête SEREC, 5,9 % de répondants de plus ont déclaré utiliser le gaz naturel, tandis que 3,9 % et 2,0 % en moins ont déclaré utiliser respectivement le mazout ou le charbon. Les variations observées sont similaires, quelle que soit la région. Une partie des différences entre les deux répartitions est probablement due à la marge d’erreur des estimations issues des données SEREC. La sous-estimation légère de l’usage du charbon et du mazout pourrait être expliquée par le fait que notre échantillon ne représente probablement pas complètement les ménages composés de personnes très âgées ou parmi les plus démunies. Enfin, des changements intervenus sur le marché de l’énergie entre 2001 et 2004 concourent sans doute aussi à expliquer ces différences. Par exemple, le prix maxima du litre de gasoil de chauffage[15] qui oscillait entre 0,16 € et 0,25 € sur la période 1996-1999, était de 0,41 € au moment de l’enquête, ayant même connu des pics à 0,50 € en septembre-novembre 2000. Dans le même temps, des campagnes de publicité ont été entreprises autour du chauffage au gaz naturel, réputé moins cher et plus facile d’entretien. Le réseau de distribution du gaz naturel s’est aussi étendu sur la même période et des primes ont été octroyées pour le passage à ce type de chauffage.

Quelques dispositifs particuliers

La feuille de contact

Les informations sur les refus proviennent de la « feuille de contact » (voir Annexe 1). Elle est composée de quatre parties : 1/ identification du contact (nom, numéro de téléphone et adresse) ; 2/ identification de la fiche (numéros de l’enquêteur, du jour de l’enquête et de la feuille de contact) ; 3/ résultat des appels[16] (résultat, date, heure, rendez-vous si nécessaire) ; 4/ micro-questionnaire destiné aussi bien aux personnes acceptant de répondre qu’à celles qui refusent. Le micro-questionnaire avait pour objectif de recueillir des informations sur le motif des refus (voir supra), ainsi que sur certaines caractéristiques des ménages[17], afin de savoir quelles catégories de ménages n’ont pas répondu et l’effet que cela a pu avoir sur les résultats de l’enquête. Les résultats de la feuille de contact ne sont que partiellement exploitables. En effet, bien que les informations concernant les ménages ayant accepté de répondre soient quasi-complètes, ce n’est pas le cas en ce qui concerne les caractéristiques du ménage en cas de refus, car les enquêteurs se sont heurtés à de nombreuses difficultés pour recueillir les informations.

Malgré ce bémol, la feuille de contact a eu d’autres utilités. Elle a été très utile pour l’organisation de l’enquête (pour varier les moments d’appel en cas d’absence des membres du ménage, inscrire les rendez-vous, y compris ceux pour compléter une enquête avec les données sur la consommation annuelle d’électricité). Enfin, cette feuille de contact a été utilisée pour vérifier à plusieurs reprises au cours de l’enquête les caractéristiques des ménages ayant déjà répondu, notamment en ce qui concerne l’âge, le sexe et le quartile de revenu. Il était donc possible de rectifier l’échantillon en cours d’enquête, ce qui ne s’est pas avéré nécessaire.

La lecture optique

Afin de permettre aux enquêteurs de pouvoir noter les avis et réponses peu claires des personnes interrogées et de pouvoir vérifier ensuite que la réponse cochée était adéquate, nous avons choisi d’imprimer les questionnaires sur papier plutôt que de recourir à un logiciel qui code directement les réponses recueillies par l’enquêteur. Bien que moins économe, cette pratique s’est avérée utile, par exemple pour corriger certaines informations, notamment sur la consommation d’énergie. De plus, la lecture optique était la seule technique accessible au moment de l’enquête.

Contraintes et avantages

La lecture optique est un procédé qui permet à un ordinateur de « lire » automatiquement des questionnaires contenant des cases cochées à la main grâce à un logiciel de reconnaissance optique. Les informations sont enregistrées dans une base de données en format .dbf ou autre. Les premiers systèmes datent des années 1950, ce système n’est donc pas nouveau. Ce sont d’ailleurs les mêmes procédés qui sont à la base de la lecture des codes barres ou des logiciels de reconnaissance optique de caractères.

Ce système impose certaines contraintes notamment dans la présentation du questionnaire, son remplissage et même son impression[18]. Ces contraintes sont à la base de certaines erreurs de lecture, en particulier si les croix faites par les enquêteurs ne sont pas assez foncées ou sont mal situées. Ainsi, pour chaque variable du fichier de données, environ dix à quinze observations sur un millier étaient manquantes car les réponses étaient illisibles. Un retour au questionnaire a donc dû être effectué afin de retrouver les informations.

Qualité des résultats et vérification de la cohérence interne

Les données ont été soumises à plusieurs tests de cohérence interne. Plusieurs types d’erreur ont été détectés par l’analyse des fréquences et des tableaux croisés et ont requis un retour au questionnaire correspondant afin de pouvoir corriger manuellement les valeurs erronées, ce qui est un travail fastidieux. Des problèmes liés à la lecture optique (case mal cochée, donc non lue par exemple) sont apparus ainsi que des valeurs irréalistes dans les variables correspondant aux questions qui nécessitaient une réponse chiffrée. Pour l’une ou l’autre de ces raisons, le contrôle de la variable sur la consommation annuelle d’électricité a requis de nombreux retours au questionnaire et corrections manuelles.

Le croisement des variables a permis de détecter un autre type d’erreur, qui s’est révélé être peu fréquent, dû à la mauvaise gestion des filtres de la part des enquêteurs (par exemple, le répondant a déclaré qu’il n’avait pas de lave-vaisselle, mais à la question sur la fréquence de son utilisation — question que l’enquêteur n’aurait pas dû lui poser — il répond qu’il l’utilise chaque jour). Dans ce cas, une modalité « non applicable » a été automatiquement attribuée sur la base des réponses aux questions servant de filtre. Ces croisements ont aussi permis de se rendre compte d’incohérences entre variables (par exemple, la personne était censée habiter depuis trente ans dans son logement mais n’avait pas atteint cet âge).

Questions innovantes

Pour recueillir le revenu du ménage, qui constitue une question délicate en Belgique, une double question a été posée sur la base des valeurs des quartiles de revenus mensuels nets et totaux, valeurs que nous avions obtenues par ailleurs grâce à l’enquête sur le budget des ménages effectuée chaque année par l’Institut national de statistique. Les répondants n’étaient pas informés du fait que les montants en euro stipulés dans les questions correspondent aux valeurs des quartiles de revenu. L’encadré 1 reprend les questions telles qu’elles figuraient dans le questionnaire.

Encadré 1

Questions sur les revenus nets du ménage

Questions sur les revenus nets du ménage

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Les résultats obtenus par cette procédure ont été excellents puisque seulement 3,3 % des répondants ont refusé de se situer dans un des quatre quartiles de revenu et que 2,0 % ont répondu qu’ils ignoraient le revenu de leur ménage. Cette procédure avait été testée auparavant avec succès dans une petite enquête réalisée avec des étudiants (Bartiaux, 2003).

L’autre innovation dans le contenu et le style des questions a été de proposer des associations libres avec le terme « environnement ». Six mots étaient présentés — futur, politique, écosystème, santé, campagne, voisinage — et les répondants indiquaient leurs premier et deuxième choix. Ces mots provenaient d’une liste plus longue, proposée dans un questionnaire auto-administré, et il est apparu qu’ils étaient bien liés aux actions qui ont un impact sur l’environnement faites ou non par les consommateurs en 1998 (Kestemont et al., 2001 ; Bartiaux, 2007 : 106). Collomb et Guérin-Pace (1997) avaient déjà montré tout l’intérêt de ces associations de termes, mais ils les avaient recueillies dans le cadre d’entretiens. Dans la présente recherche, l’apport de cette question s’est également avéré fructueux, par exemple dans une analyse de correspondances multiples : les personnes qui choisissent les termes « voisinage » et « santé » sont souvent âgées de 50 à 69 ans, ont des revenus modestes, peu d’appareils électriques, comptent sur les industries pour diminuer la consommation énergétique et leurs pratiques sont peu réflexives et peu économes en énergie (Bartiaux et al., 2006 : 49 et 178).

Conclusion

Cette contribution visait à décrire et évaluer les procédures mises en place lors d’une enquête téléphonique sur la consommation d’énergie faite sur un échantillon représentatif de 1 000 ménages en Belgique. L’échantillonnage aléatoire et le mode d’administration par téléphone se sont avérés être de bons choix, vu le taux de réponse obtenu et les résultats des tests de cohérence externe qui ont été effectués. La seule réserve concerne la variable de la taille du ménage, les jeunes vivant seuls ayant été fortement sous-estimés, néanmoins, cette sous-population n’est pas cruciale pour notre problématique. La relation mise à jour entre le genre du répondant et la différence d’instruction entre les conjoints est à retenir, elle sera à tester dans d’autres enquêtes téléphoniques qui pourraient être sensibles au même phénomène.

L’utilisation préalable d’une feuille de contact a permis d’identifier et d’analyser les refus de participer à l’enquête ainsi que de ménager la possibilité de redresser l’échantillon en cours d’enquête. Quant à l’application de la lecture optique, elle s’est avérée être une méthode rapide et à coût relativement bas pour la saisie des données, bien que le remplissage parfois défectueux des documents à lire ait conduit à de nombreuses erreurs nécessitant des retours aux questionnaires. Hormis ce fait, l’analyse de la cohérence interne des données a mis en évidence des inexactitudes dans le processus de saisie des réponses, mais ces deux types d’erreurs ont été en grande partie corrigés.

L’introduction de questions que l’on pourrait considérer a priori comme « sensibles » telles que le niveau de revenu a montré qu’avec la procédure choisie, le taux de refus est très faible. De même, l’essai de transposer des associations libres en une question fermée concernant le choix de mots associés à l’environnement a été réussi.

Finalement, la méthode d’enquête par téléphone se révèle être une technique de recueil d’informations nombreuses et diverses qui demande un investissement en temps et en argent qu’on peut considérer comme peu élevé par rapport à la quantité et à la qualité des informations qu’elle fournit.