Corps de l’article

Introduction

La présente étude de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) consiste à réaliser une projection de population par groupe d’âge quinquennal pour la période de 2006 à 2026, par bonds de cinq ans, relativement aux différentes composantes géographiques de Québec et de ses environs. Elle reprend les paramètres et les hypothèses de croissance démographique utilisés lors de la dernière ronde de projections de l’Institut, basée sur les observations de 1991 à 2001, tout en les ajustant pour tenir compte des principaux indicateurs de 2001 à 2006.

Les chiffres de population et ceux des ménages privés seront donc présentés aux années 2006 et 2026 pour les territoires imbriqués de la région administrative de la Capitale-Nationale, ses sept MRC, sa région métropolitaine de recensement (RMR) et les 27 municipalités qui composent cette dernière. Cela inclut quatre municipalités, dont Lévis, situées dans la région de Chaudière-Appalaches. En raison des fusions municipales de 2002, la superficie de la ville centre s’est considérablement étendue et la délimitation des banlieues de Québec à l’échelle des municipalités est dorénavant plus éloignée. Néanmoins, des résultats concernant la partie de la RMR hors de la Ville de Québec sont présentés afin de donner une idée de la croissance de la périphérie urbaine. Le portrait est complété par la partie plus rurale (hors RMR) de la région administrative de la Capitale-Nationale. Celle-ci correspond aux MRC de Portneuf, de Charlevoix et de Charlevoix-Est, auxquelles s’ajoutent cinq municipalités de la MRC de la Côte-de-Beaupré qui ne sont pas incluses dans la RMR de Québec.

Comme l’évolution de la région de la Capitale-Nationale est projetée conjointement à celle des autres territoires du Québec, des comparaisons avec l’ensemble de la province et avec la région métropolitaine de Montréal sont également possibles. Dans la plupart de nos analyses, la RMR de Québec sera l’entité géographique privilégiée, car il s’agit du concept qui englobe l’ensemble des composantes de l’agglomération urbaine.

Selon la définition de Statistique Canada, une région métropolitaine de recensement (RMR) est formée d’une ou de plusieurs municipalités adjacentes situées autour d’un noyau urbain : « Pour être incluses dans une RMR ou une AR, les autres municipalités adjacentes doivent avoir un degré d’intégration élevé avec la région urbaine centrale, lequel est déterminé par le pourcentage de navetteurs établi d’après les données du recensement sur le lieu de travail ». Ainsi, la population du territoire de la RMR de Québec pourrait croître au fil des ans par l’intégration de municipalités limitrophes, par un processus d’étalement urbain plutôt que par croissance interne, comme cela s’est d’ailleurs produit de 2001 à 2006. Les projections présentées ici sont donc basées sur une géographie fixe, celle de 2006, ce qui exclut une éventuelle expansion territoriale. La nature évolutive et empirique du concept de RMR l’empêche d’ailleurs de correspondre parfaitement à une entité plus administrative telle que la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ), lesquelles ne doivent donc pas être confondues l’une pour l’autre.

Méthodologie

Les projections sont d’abord réalisées pour la totalité du territoire du Québec, subdivisé en 34 régions de projection, à l’aide de MPDISQ (version 2.21), le modèle de projection multirégional de l’ISQ basé sur la méthode des composantes démographiques. Des sous-projections sont ensuite effectuées distinctement pour les MRC et leurs municipalités, à l’aide des paramètres spécifiques généralement déduits de la moyenne des valeurs locales et régionales.

Les projections à l’échelle des municipalités sont basées sur un nouveau modèle qui utilise pour paramètres de la migration interne au Québec des taux quinquennaux d’entrée et de sortie observés de 1996 à 2006. Les quotients de mortalité selon l’âge et le sexe sont calculés sur une base régionale et s’appliquent à leurs constituantes territoriales, soit les MRC et les municipalités.

Une projection du nombre de ménages privés est également dérivée de celle de la population sur la base des taux de soutien de ménage par âge, qui évoluent à partir de 2006 selon une tendance à la hausse observée depuis 1991. Cette variation des taux par âge constitue la principale hypothèse de projection des ménages.

Ajustement des projections

Les projections par région, par MRC et par municipalité sont ajustées de manière à correspondre à la somme du niveau géographique supérieur. L’ajustement est fait à la fin de chaque bond d’un an (cinq ans dans le cas des municipalités). Le résidu d’ajustement pour un âge, un sexe et une année donnés est considéré comme un mouvement démographique inexpliqué qui peut relever soit de la mortalité, soit de la migration nette.

Équation de projection

La population attendue sur le territoire au temps t+1 =

Population du territoire au temps t
+ Naissances
– Résidents non permanents au temps t
– Décès
+ Migrants infrarégionaux, pour municipalité seulement (taux d’entrée, taux de sortie)
+ Migrants interrégionaux par origine-destination, pour MRC et RP (taux de migration de i vers j)
+ Migrants provinciaux (– sortants, + entrants)
+ Migrants internationaux (– émigrants, + immigrants, + retours de Canadiens)
+ Résidents non permanents au temps t+1
+ Résidu d’ajustement sur une autre projection

Les tableaux des hypothèses de projection qui gouvernent tout l’exercice à l’échelle du Québec, de même que celles du territoire de la région de la Capitale-Nationale, de la RMR de Québec et de la Ville de Québec, se trouvent dans l’encadré ci-dessous.

Il importe de mentionner que ces projections précèdent de peu la prochaine édition complète qui devrait paraître en 2009. Celle-ci prendra en compte un plus grand nombre d’éléments statistiques tirés de la période 2001-2006, notamment une nouvelle matrice de probabilités migratoires entre les MRC et entre les régions administratives.

Hypothèses et scénarios

Le scénario proposé est inspiré du scénario A de référence de l’édition 2003 des perspectives démographiques de l’ISQ. Il incorpore une mise à jour de quelques tendances afin de prendre en compte les plus récentes données portant sur la période 2001-2006. Ce nouveau scénario se situe quelque part entre les scénarios A de référence et E fort de l’édition 2003.

Résultats de la projection

Portrait actuel : une capitale à l’image du Québec

Les diverses contributions à la présente édition spéciale des Cahiers québécois de démographie ayant déjà dressé un portrait relativement exhaustif de la Ville de Québec et de ses environs, nous ne nous attarderons que très brièvement sur sa situation actuelle. Nous retiendrons principalement que la Ville et sa RMR affichent un profil démographique comparable à celui de l’ensemble du territoire québécois, à quelques exceptions près. La pyramide des âges de la RMR et de la province de Québec (figure 1) indique notamment :

  • une légère surreprésentation des 20-29 ans, issue de l’attraction des établissements d’enseignement supérieur ou du mode de vie urbain sur les jeunes de la périphérie;

  • une surreprésentation des premiers baby-boomers (50-59 ans en 2006), souvent venus occuper des postes dans la fonction publique il y a de 30 à 40 ans, particulièrement les femmes;

  • une plus faible proportion de moins de 20 ans, en raison d’une fécondité constamment au-dessous de la moyenne nationale durant les dernières décennies.

Figure 1

Pyramide des âges, RMR de Québec et province de Québec, 2006

Pyramide des âges, RMR de Québec et province de Québec, 2006
Source : Statistique Canada, Recensement 2006; correction du sous-dénombrement par l’Institut de la statistique du Québec

-> Voir la liste des figures

D’un point de vue ethnoculturel, bien qu’elle ne se compare en rien au 20,6 % de population immigrante de la RMR de Montréal, la RMR de Québec affiche néanmoins une proportion d’immigrants supérieure à celle du reste du Québec (en excluant la RMR de Montréal), soit des valeurs respectives de 3,7 % et 2,7 %. L’homogénéité culturelle qu’on lui attribue couramment n’est donc pas plus marquée que dans le reste du Québec hors Montréal, au contraire, mais il reste que l’immigration internationale n’a jamais été le moteur principal de la croissance démographique récente de la région.

Québec 2006-2026 : une capitale qui vieillit

À la lumière des projections du nouveau scénario, la Ville de Québec et ses environs s’annoncent comme le parfait laboratoire pour l’observation du vieillissement rapide d’une population urbaine. La figure 2 présente, en effectifs bruts, l’évolution de la pyramide des âges de 2006 à 2026. En plus du doublement des effectifs de toutes les classes d’âge après 65 ans, l’aspect le plus frappant est le déclin très marqué des 20-29 ans, qui correspondent aux cohortes nées dans les années de basse fécondité, soit de 1997 à 2005. Contrairement à la situation actuelle, il semble que les régions périphériques de l’Est du Québec ne pourront plus contribuer autant, par la migration, à la population de cette classe d’âge. L’implication pour le renouvellement des effectifs dans les établissements d’éducation supérieure est manifeste, car il s’agit d’une perte d’environ 25 % de leur clientèle potentielle. Nous verrons plus loin les conséquences sur le renouvellement de la main-d’oeuvre, qui lui aussi est loin d’être assuré.

Figure 2

Pyramide des âges, RMR de Québec, 2006 et 2026

Pyramide des âges, RMR de Québec, 2006 et 2026
Source : Statistique Canada, Recensement 2006; correction du sous-dénombrement par l’Institut de la statistique du Québec

-> Voir la liste des figures

Pour arriver à une population totale projetée avoisinant les 800 000 personnes en 2026, l’accroissement de 74 000 personnes par rapport à 2006 proviendra donc presque exclusivement des plus de 60 ans. Selon l’hypothèse d’un indice synthétique de fécondité pour l’ensemble de la RMR de Québec haussé à 1,5 enfant comparativement à 1,3 enfant pour les récentes années, il y aura cependant une légère augmentation des moins de 10 ans, bien marginale cependant. La translation presque parfaite des 20-29 ans, relativement nombreux en 2006, vers les 40-49 ans de 2026 ne pourra quant à elle compenser les populeuses cohortes de baby-boomers de 2006, elles aussi à peine érodées par la mortalité ou la migration lorsqu’elles auront atteint les 60-69 ans en 2026.

Si on la compare à la RMR de Montréal, la seule au Québec qui lui soit plus populeuse, la RMR de Québec de 2026 aura le profil d’une population davantage marquée par le vieillissement. Avec la pyramide de la RMR de Québec pour 2026 juxtaposée, dans la figure 3 (en proportion cette fois), à celle de la RMR de Montréal pour la même année, l’image d’un vieillissement beaucoup plus équilibrée apparaît dans la métropole. Malgré un indice de fécondité à peine plus élevé, la RMR de Montréal parvient à maintenir une proportion de jeunes significativement plus importante, qui pourrait être attribuée notamment à l’immigration internationale. Dans la figure 3, la base de la pyramide des âges de la RMR de Montréal est effectivement plus ample que celle de Québec, et ce, dans tous les groupes d’âge avant 45 ans. En contrepartie, la proportion des plus de 60 ans sera bien supérieure à Québec.

Figure 3

Pyramide des âges, RMR de Québec et RMR de Montréal, 2026

Pyramide des âges, RMR de Québec et RMR de Montréal, 2026
Source : Institut de la statistique du Québec

-> Voir la liste des figures

Cette évolution différenciée, bien qu’elle provienne d’une population de départ déjà plus âgée, se reflète également dans les âges médians attendus de ces deux communautés en 2026. La figure 4 les présente conjointement à ceux des autres RMR du Québec, et le constat qui en découle relativise le vieillissement de la Vieille Capitale, du moins lorsqu’on le compare à l’ensemble du Québec. Il appert en effet que Québec se trouve dans une situation mitoyenne, entre le vieillissement ralenti de Montréal et celui plus aigu de Trois-Rivières ou des régions hors RMR. Notons au passage que Montréal devance Gatineau en 2026 au rang de RMR la plus jeune.

Figure 4

Âge médian des régions métropolitaines du Québec, 2006 et 2026

Âge médian des régions métropolitaines du Québec, 2006 et 2026
Source : Institut de la Statistique du Québec

-> Voir la liste des figures

Renouvellement de la main-d’oeuvre : le défi du futur

Une autre facette de l’analyse de l’évolution de la structure par âge permet de se pencher sur la question du renouvellement de la main-d’oeuvre, une problématique des plus sensibles dans une région qui connaît pratiquement le plein emploi à l’heure actuelle[1], et incidemment, des problèmes de recrutement déjà très préoccupants (Auger, 21 mars 2008). À cet égard, le vieillissement de la population n’augure rien d’encourageant pour répondre aux besoins futurs en main-d’oeuvre, particulièrement à Québec. Si « l’urgence d’agir » est aujourd’hui le mot d’ordre des décideurs de la région, il y a lieu de se demander quel sera leur diagnostic dans une dizaine d’années, lorsque l’indice de remplacement de la main-d’oeuvre sera à son plus bas.

Figure 5

Population des 20-29 ans et des 55-64 ans et indice de remplacement de la main-d’oeuvre, RMR de Québec, 2006 à 2026

Population des 20-29 ans et des 55-64 ans et indice de remplacement de la main-d’oeuvre, RMR de Québec, 2006 à 2026
Source : Institut de la Statistique du Québec

-> Voir la liste des figures

Tel qu’il est illustré dans la figure 5, il est à prévoir que cet indice atteigne environ 73 % vers 2022, alors qu’il est actuellement (en 2008) au point d’équilibre (100 %), avec sensiblement les mêmes effectifs pour les 20-29 et les 55-64 ans. Les projections globales suggèrent que le reste du Québec suivra une tendance analogue jusqu’à un niveau de 77 % vers 2022, tandis que la RMR de Montréal, moins vieillissante, ne descendra vraisemblablement pas au-dessous d’un indice de remplacement de 90 %. L’immigration internationale est certes une solution envisagée pour pallier ce déséquilibre, mais il y a déjà longtemps que la Vieille Capitale tente de l’attirer. Reste l’augmentation des taux d’activité (proportion de gens actifs), qui serait un autre moyen d’atténuer la diminution appréhendée de la population en âge de travailler.

Un déclin légèrement repoussé, mais inéluctable

L’évolution démographique se répercute de façon bien différente dans chacune des classes d’âge d’une population. Dans la RMR de Québec, certains groupes d’âge perdront 25 % de leurs effectifs de 2006 à 2026, tandis que d’autres doubleront. Il était donc primordial de préciser l’évolution de la structure par âge pour bien rendre compte des transformations sociales que les mouvements de population engendreront. Afin de comparer plusieurs territoires et plusieurs époques, il devient cependant plus pratique de se limiter à l’évolution de la population totale. Voyons donc plus en détail comment les projections entrevoient la croissance ou la décroissance des diverses municipalités et regroupements territoriaux de Québec et de ses environs. La figure 6 nous présente justement la croissance relative (2006 = 100) des principales entités géographiques à l’étude.

Figure 6

Croissance démographique observée et projetée, 1996-2031 (2006 = 100)

Croissance démographique observée et projetée, 1996-2031 (2006 = 100)
Source : Institut de la Statistique du Québec

-> Voir la liste des figures

Selon ce nouveau scénario, la RMR de Québec est vouée à une croissance continue même après 2026, suivant sensiblement la même tendance que l’ensemble du Québec depuis 1996, et ne s’en démarquant qu’à partir de 2021 avec un plafonnement plus hâtif. Les deux principales composantes de la RMR, Québec et Lévis, connaîtront, en toute logique (de par leur poids prédominant), une croissance analogue, bien qu’elle s’annonce supérieure chez la deuxième en raison d’une fécondité et d’un solde migratoire plus avantageux. Lévis ne pourra pourtant jamais approcher les taux de croissance attendus pour la RMR de Montréal, qui poursuivra sur sa lancée encore bien après 2031. Cela contraste fortement avec la région de la Capitale-Nationale dans sa partie hors RMR. Dans ce territoire, qui englobe notamment les MRC de Portneuf, de Charlevoix et de Charlevoix-Est, la décroissance est même déjà plus ou moins enclenchée, un phénomène principalement dû à la structure par âge vieillissante des deux MRC les plus à l’est.

En excluant les mouvements migratoires internes et externes, la croissance ne serait évidemment la même pour aucune de ces régions. Selon ce même scénario (à ne pas confondre avec un scénario distinct de migration zéro), l’accroissement naturel devient négatif entre 2011 et 2016 pour la Ville de Québec, vers 2022 pour sa RMR et vers 2026 pour l’ensemble du Québec. C’est donc à partir de ces seuils que la migration assurera à elle seule la croissance, dès lors très faible, qui s’essoufflera d’ailleurs complètement vers 2032 dans la RMR de Québec, mais pas avant 2045 dans l’ensemble du Québec. Par rapport aux précédentes projections de l’édition 2003, il s’agit d’un report significatif de l’apogée de la population québécoise, auparavant estimée à 2030 dans le scénario de référence A. La population totale de ces maxima passe du même coup de 8,1 millions à 8,7 millions d’habitants. Cela est principalement attribuable à deux ajustements, soit le redressement de la fécondité, avec un indice synthétique augmenté de 1,50 à 1,65, ainsi qu’une amélioration non négligeable du solde migratoire international. Leur effet sur le report du déclin est cependant un peu moins important dans la RMR de Québec, lui qui arrivait vers 2021 dans l’édition 2003 des projections. On y prévoyait alors 737 300 habitants, tandis que le présent scénario annonce un sommet de 802 300 personnes en 2032 dans l’ensemble de la RMR.

Entre densification et étalement

Le portrait d’une région ne serait pas complet sans un mot sur l’évolution de son occupation spatiale. Comme toutes les grandes villes d’Amérique du Nord, Québec a connu, dans les dernières années, une expansion de sa banlieue. La popularité grandissante de l’automobile n’y était pas étrangère, mais la hausse appréhendée du prix de l’essence, en plus de la prise de conscience des conséquences environnementales de nos modes de vie, aura fort possiblement un impact sur l’occupation du territoire urbain, y compris celui de la RMR de Québec. Le modèle de projection ne peut directement prendre en compte ces paramètres hypothétiques. Ainsi, l’ampleur projetée de l’étalement urbain ou de la densification reste tributaire des mouvements migratoires observés de 1991 à 2001, avec une mise à jour par facteur d’ajustement afin de s’approcher de la tendance 2001-2006. De plus, comme la définition géographique de la Ville de Québec est devenue très englobante, il nous a été impossible d’estimer la croissance de la banlieue rapprochée. Par exemple, le nouvel arrondissement Laurentien, qui est une banlieue à proprement parler, est maintenant une composante non distinguable de la ville centre.

Figure 7

Variation projetée de la population de 2006 à 2026, Québec et ses environs

Variation projetée de la population de 2006 à 2026, Québec et ses environs
Source : Institut de la Statistique du Québec

-> Voir la liste des figures

Néanmoins, l’examen des différents taux de variation de la population de 2006 à 2026 que permet la figure 7 pourra renseigner sur l’évolution de la périphérie élargie. On y constate que les municipalités affichant les plus forts taux de variation (en très foncé) se trouvent majoritairement dans le pourtour de la RMR de Québec, tandis que les municipalités affichant les taux de variation les plus négatifs se situent pour la plupart aux limites extrêmes des régions administratives de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches. Dans la RMR de Québec, seules certaines municipalités de l’Île d’Orléans peuvent s’attendre à un déclin démographique d’ici à 2026 et c’est, à l’inverse, la banlieue adjacente à Lévis qui se dirigera vers la plus forte croissance, même si certaines municipalités de la couronne nord ne seront pas en reste.

Les valeurs des taux de variation de la figure 7 se retrouvent dans le tableau 1 pour les municipalités de la RMR de Québec, les MRC de la Capitale-Nationale et celles plus rapprochées de la région de Chaudière-Appalaches. Ces données permettent de constater que malgré un taux de variation relativement raisonnable, c’est la Ville de Québec qui accueillera le plus grand nombre de nouveaux individus de toute la RMR de Québec durant l’intervalle 2006-2026 : 47 800 des 74 000 nouvelles personnes y seront domiciliées, soit 64,6 % de toute l’augmentation de la population de la RMR de Québec. On remarque aussi que les MRC hors de la RMR de Québec seront toutes en déclin (à l’exception de la partie de la Côte-de-Beaupré incluse dans la CMQ, mais exclue de la RMR), tandis que les municipalités situées à l’intérieur afficheront toutes une croissance positive, exception faite de certaines parties de l’Île d’Orléans et de Château-Richer.

Les ménages : plus petits, plus nombreux

Le tableau 1, en présentant également l’évolution du nombre de ménages de 2006 à 2026, suggère une transformation importante des modes d’occupation domestique. Par le truchement des taux de soutien de ménage à la hausse et des structures par âge qui évoluent, la croissance des ménages sera beaucoup plus soutenue que celle de la population dans toutes les municipalités, à l’exception d’une poignée d’entre elles où la forte fécondité neutralisera cet effet, ou même l’inversera (ex. : Saint-Lambert-de-Lauzon). Dans la Ville de Québec, par exemple, le taux de variation de la population et celui des ménages seront respectivement de 9,6 % et 19,1 %, soit presque autant de nouveaux ménages que de nouveaux individus. Dans l’ensemble de la région de la Capitale-Nationale, il s’ajoutera d’ailleurs durant cette période un plus grand nombre de nouveaux ménages que de nouveaux individus. Cette évolution est la conséquence d’une augmentation du nombre de personnes seules provenant surtout des classes d’âge supérieures, ainsi que d’une diminution généralisée du nombre de personnes par ménage. Ces projections de ménages sont diffusées sous certaines réserves pour les petites municipalités comme Saint-Pierre-de-l’Île d’Orléans, un secteur historique protégé où le reclassement des logements et des propriétés est limité par des contraintes patrimoniales et spatiales. En effet, il est peu probable que les ménages de ce village augmentent de 13,6 % pendant que la population diminuera de 7,2 %, mais il s’agit d’une limitation inhérente à notre modèle.

Tableau 1

Population et ménages, RMR de Québec et périphérie, 2006 et 2026

Population et ménages, RMR de Québec et périphérie, 2006 et 2026

* Partiellement dans la RMR de Québec

** Hors RMR de Québec

1

Estimation des ménages basée sur les taux de soutien de ménage de l’ensemble du Québec.

Source : Institut de la Statistique du Québec, scénario de projection r2075, mai 2008

-> Voir la liste des tableaux

Conclusion

Ces perspectives démographiques de la Ville de Québec et de ses environs, qui découlent de la mise à jour partielle des hypothèses de l’édition 2003, font transparaître bien des traits communs avec l’évolution démographique de la nation qui partage son nom. Ayant connu sensiblement la même croissance de 1996 à 2006, les deux entités s’accroîtront encore au même rythme d’ici à 2021, soit, si la tendance se maintient, une augmentation totale de 9 %. Une fécondité légèrement plus faible et une part plutôt réduite de l’immigration internationale peuvent expliquer pourquoi, à partir de 2021, la croissance de la RMR de Québec ralentira par rapport à celle du Québec, bien qu’elle restera vraisemblablement positive pendant la décennie qui suivra.

Les performances économiques d’une région ne sont pas sans conséquence sur les comportements démographiques de ses habitants, soient-ils actuels ou futurs. Avec une vitalité dans le domaine économique qui ne semble pas près de s’essouffler, plusieurs se demanderont si les paramètres de la présente projection ne devraient pas se montrer plus optimistes. Nous rappellerons alors que cette analyse, en se basant sur l’observation des tendances récentes, n’a évidemment pas la prétention d’une prédiction.

La perspective des économistes et des géographes est toutefois plus propice à l’élaboration de théories prospectives. À ce titre, l’analyse du processus actuel d’intégration du Québec à l’économie nord-américaine par Polèse (2000) montre que la partie sud-ouest du Québec s’intègre bien alors que la partie nord-est se marginalise. Selon Villeneuve (2003), toute la question est donc « de savoir si la région de Québec est avec le sud-ouest ou avec le nord-est ». Certes moins centrale que Montréal, Québec possède néanmoins de solides assises pour attirer les entreprises et la main-d’oeuvre, sans compter de nombreux touristes. L’apport migratoire à la croissance de la RMR de Québec n’est pourtant pas assuré, car son bassin traditionnel de migrants de l’Est du Québec se trouve dans un processus de déclin déjà bien entamé. Sous un angle plus positif, se pose l’hypothèse d’un remplacement – même partiel – de la fonction publique, qui pourra probablement attirer une main-d’oeuvre recrutée dans l’ensemble du Québec. La réduction de l’appareil gouvernemental, si elle se réalise, pourrait cependant diminuer la stabilité globale de l’économie régionale (Mainguy, 2003), à moins que celle-ci ne poursuive une diversification déjà relativement bien amorcée (Chambre de commerce de Québec, 2004).