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Le décès d’une grande figure de la démographie aux attaches montréalaises

Le 6 avril 2010, Nathan Keyfitz s’est éteint dans un établissement de soins de santé à Lexington, au Massachusetts. Il avait presque 97 ans. Considéré comme le père de la démographie mathématique, il s’était fait connaître, dans les années 1960, en tant que pionnier de l’application des mathématiques à l’étude des populations humaines, domaine qu’il s’était efforcé de promouvoir en recourant systématiquement à l’utilisation de l’outil informatique alors en plein développement. Il est également reconnu pour avoir été à l’origine de l’utilisation des méthodes démographiques dans l’analyse de divers enjeux sociétaux tels que le vieillissement et l’environnement.

Nathan Keyfitz est né à Montréal le 29 juin 1913. En 1938, avec en poche un baccalauréat en mathématiques de l’Université McGill obtenu deux ans plus tôt, il entre comme statisticien au Bureau Fédéral de la Statistique, l’ancêtre de Statistique Canada, où pendant une vingtaine d’années il se consacre aux diverses facettes de la population canadienne, notamment aux tendances en matière de fécondité et de migration internationale. Ayant obtenu en chemin un Ph. D. de l’Université de Chicago, il se tourne en 1959 vers une carrière universitaire, qu’il amorce à l’Université de Toronto. Puis, après un séjour d’un an au département de sociologie de l’Université de Montréal, il rejoint en 1963 l’Université de Chicago où, à l’âge de 50 ans, il entreprend de mettre en oeuvre, avec le succès que l’on connaît, son idée novatrice d’appliquer les mathématiques à l’étude de la dynamique des populations. Par la suite, Nathan Keyfitz poursuit sa carrière comme professeur de démographie à l’Université de Californie à Berkeley (1968-1972), puis comme professeur de sociologie à Harvard (1972-1983) et professeur de démographie sociale à la Ohio State University (1981-1983). Après sa retraite, il dirige pendant près d’une décennie (1984-1993) le Programme de population de l’IIASA (International Institute for Applied Systems Analysis), institution localisée près de Vienne en Autriche, et il y exerce également pour un temps la fonction de directeur adjoint.

Hormis ses textes fondateurs de la démographie mathématique, Introduction to the Mathematics of Population (1968) et Applied Mathematical Demography (1977), Nathan Keyfitz laisse une oeuvre considérable, tant en nombre qu’en diversité, comme en témoigne l’ensemble de ses écrits dont il a fait don à la bibliothèque de l’Université Harvard. En outre, au fil des années, il a obtenu de nombreux prix et récompenses, allant jusqu’à recevoir 7 doctorats honorifiques entre 1973 et 1993, dont un de l’Université de Montréal et un autre de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

Nathan Keyfitz n’était pas seulement un chercheur éminent, il était aussi un enseignant et mentor distingué qui n’a pas ménagé sa peine pour former ses étudiants et conseiller ses collègues plus jeunes. De plus, il était un homme d’action qui, bien avant l’heure, s’est intéressé au renforcement des capacités dans les pays moins développés, où il aimait à séjourner régulièrement.

Personne d’allure humble et tranquille, en dépit de sa notoriété scientifique, Nathan Keyfitz nous a quittés, mais le caractère novateur de sa recherche, malgré le passage du temps, n’en continue pas moins à inspirer nombre d’entre nous.