Débat

L’immigration internationale au Québec : choix de société, mais débat esquivé[Notice]

  • Guillaume Marois et
  • Benoit Dubreuil

…plus d’informations

  • Guillaume Marois
    Doctorant en démographie, INRS

  • Benoit Dubreuil
    Chercheur postdoctoral, département de philosophie, UQÀM

Réplique à la note de lecture de Claire Benjamin sur le livre Le remède imaginaire. Pourquoi l’immigration ne sauvera pas le Québec.

Dans le dernier numéro des Cahiers québécois de démographie, Claire Benjamin a publié un compte rendu de notre livre, Le remède imaginaire. Pourquoi l’immigration ne sauvera pas le Québec (Dubreuil et Marois, 2011), auquel nous souhaitons réagir. L’auteure soutient que, contrairement à ce que nous affirmons dans l’ouvrage, l’immigration contribuera à relever les défis reliés au vieillissement de la population (Benjamin, 2011). Dans sa critique, Benjamin accorde une grande importance à la simulation que nous présentons en guise d’introduction au chapitre consacré à l’impact démographique de l’immigration. Elle relève ainsi que la méthode employée « surestime la fécondité, l’émigration et la migration nette interprovinciale de la population non alimentée par l’immigration en lui appliquant les probabilités calculées pour l’ensemble. » (p. 164) D’un point de vue purement théorique, elle a en partie raison. Toutefois, les démographes habitués aux modèles pratiques savent que ces surestimations sont infimes et n’influencent pas les tendances au-delà du simple aléa que présente toute forme de simulation démographique. Il est vrai que les femmes nées à l’étranger font en moyenne un peu plus d’enfants que celles nées au Canada. En revanche, il a également été démontré que les filles de femmes nées à l’étranger ont une fécondité plus basse que celle des filles de femmes nées au Canada (Bélanger et Gilbert, 2002). Par exemple, durant la période 1996-2001, la fécondité globale au Canada était de 1,52 enfant par femme. Or, si l’on ne regarde que la fécondité des femmes dont les deux parents sont nés au Canada, celle-ci se situait à 1,53 enfant par femme. Les femmes nées à l’étranger avaient un peu plus d’enfants — 1,82 enfant par femme —, mais leurs filles avaient de leur côté une fécondité inférieure, soit d’environ 1,4 enfant par femme. En fin de compte, la fécondité globale des immigrantes et des filles d’immigrants était environ la même que celle des filles de 3e génération ou plus. L’hypothèse selon laquelle l’immigration n’influence pas la fécondité globale du pays d’accueil est donc tout à fait justifiable. C’est pour cette raison que l’immense majorité des projections, y compris les projections officielles de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), de même que celles utilisées par le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles et citées par Benjamin, ne considèrent pas les immigrants comme une sous-population ayant des comportements démographiques considérablement différents de ceux de la population native. En ce qui nous concerne, même si la fécondité avait été légèrement surestimée (ce qui n’est pas du tout certain), l’émigration internationale et interprovinciale, comme le souligne d’ailleurs Benjamin, l’est également. Ainsi, même si nous obtenons un peu plus de naissances qu’une simulation prenant en compte des comportements démographiques distincts pour les immigrants, nous avons également plus de départs, ce qui vient donc annuler une partie de la surestimation. Il va de soi qu’en modifiant légèrement les paramètres, nous obtiendrions une population de quelques centaines de personnes de plus ou de moins, mais cela n’est pas suffisant pour considérer que le modèle ne tient pas la route. Benjamin rappelle également que la population future ne sera pas la même que la population passée et, de ce fait, l’impact de l’immigration sur celle-ci pourrait être différent. C’est tout à fait juste. Pour éviter tout malentendu, soulignons que la simulation était présentée en guise d’introduction et ne prétendait pas démontrer l’absence d’impact des politiques actuelles sur le vieillissement futur. Cette démonstration se trouve plutôt dans les autres projections et études auxquelles nous faisons référence dans le chapitre et qui, elles, prennent en considération les populations futures. Parmi ces simulations, notons celles réalisées par l’un de nous …

Parties annexes