Corps de l’article

Introduction

Dans un contexte de vieillissement rapide des populations qui ont vécu un baby-boom lors de la période de l’après-guerre et qui présentent une fécondité inférieure au seuil de remplacement des générations, la question est souvent évoquée de savoir comment on pourrait ralentir le processus de vieillissement démographique. Comme il est plus aisé pour les autorités — du moins au Canada d’exercer un contrôle sur les influx migratoires internationaux que sur les autres composantes démographiques, on a parfois évoqué la possibilité que l’immigration puisse servir à cette fin. De fait, les immigrants s’établissent au Canada alors qu’ils sont relativement jeunes (environ 30 ans en moyenne) et ont une fécondité supérieure à la population canadienne dans son ensemble, deux facteurs susceptibles de présenter un effet rajeunissant sur la population. C’est pourquoi de nombreuses études ont cherché à déterminer, à l’aide de projections démographiques, le niveau d’immigration internationale requis pour éviter le déclin de la population en âge de travailler ou s’assurer que la part de la population en âge de travailler demeure à l’intérieur de certaines limites.

Fort instructives, ces études ont permis d’estimer la sensibilité — plutôt, la faible sensibilité de la structure par âge aux fluctuations de l’immigration et de montrer que le nombre annuel d’immigrants qui serait requis pour contrer le vieillissement de la population devrait être radicalement plus élevé qu’il ne l’est présentement. Cependant, parce qu’ils ne tenaient pas compte spécifiquement du statut d’immigrant ni des principaux aspects de la démographie différentielle de la population immigrante, les modèles de projection qui ont servi à ces analyses ne permettaient pas de décomposer l’effet de l’immigration sur la structure par âge en ses constituantes et par conséquent, ne pouvaient l’expliciter totalement.

L’article proposé vise à combler cette lacune en répondant à la question suivante : comment l’immigration affecte-t-elle la structure par âge de la population au Canada ? Plus spécifiquement, quelle est la part de cet effet qui revient à la simple présence d’immigrants, à leur descendance née au Canada et à leurs « comportements » démographiques différentiels (fécondité, émigration et mortalité) ? Afin d’y répondre, une analyse de sensibilité a été effectuée au moyen du modèle de projection par microsimulation Demosim, lequel projette simultanément le statut d’immigrant, la période d’immigration et plusieurs autres variables d’intérêt tout en tenant compte de la fécondité, de la mortalité et de l’émigration spécifiques aux populations immigrantes, notamment.

L’article est structuré de la manière suivante : la première section présente un aperçu de la littérature sur le sujet ; la deuxième présente les spécificités démographiques de l’immigration récente au Canada susceptibles d’avoir un effet sur la structure par âge de l’ensemble de la population canadienne ; la troisième section présente brièvement la méthode de projection utilisée de même que les scénarios développés pour répondre à notre question de recherche ; la dernière section présente une analyse des résultats de ces scénarios de projection.

Brève revue de la littérature

Les analyses réalisées à partir de populations stables ont grandement contribué à la compréhension des liens entre phénomènes démographiques et structure par âge (Lachapelle, 1990). Ainsi, Lotka (1939) montre qu’une population fermée, c’est-à-dire dans laquelle il n’y a ni immigration ni émigration, et soumise à des taux constants de fécondité et de mortalité, finit par atteindre un état de stabilité dans lequel la structure par âge ne varie plus. Dans une telle population, seuls des changements dans les taux de fécondité ou de mortalité peuvent engendrer un vieillissement ou un rajeunissement démographique (Preston et collab., 1989).

Une population ouverte, c’est-à-dire à laquelle contribuent les migrations, peut également atteindre un état d’équilibre dans lequel la structure par âge, et parfois même l’effectif, peuvent demeurer invariables. Espenshade et collab. (1982) ont montré que lorsque la fécondité se situe en deçà du seuil de remplacement des générations, une population soumise à des taux constants de fécondité et de mortalité et qui accueille un nombre fixe d’immigrants dont la composition par âge est fixe finit par atteindre un état stationnaire, c’est-à-dire un état dans lequel l’effectif de population et la composition par âge demeurent invariables. Une population soumise non pas à un nombre fixe d’immigrants mais plutôt à un taux de migration nette constant atteindra quant à elle un état d’équilibre se caractérisant par un effectif qui s’accroît selon un taux constant tout en conservant une structure par âge constante (Sivamurthy, 1982). Dans ces populations ouvertes, qu’elles soient alimentées d’un nombre ou d’un taux fixe de migrants, les caractéristiques de la structure par âge atteinte (sa médiane, le poids de ses différents groupes d’âge, etc.) dépendent non seulement des taux de fécondité et de mortalité, mais aussi des phénomènes migratoires.

Des études menées au moyen de modèles de projections de population ont également permis d’évaluer la sensibilité des structures par âge des populations aux composantes de l’accroissement démographique. De telles études de sensibilité ont été menées au Canada. Elles montrent que des variations réalistes en matière de migrations ou de mortalité n’auraient qu’un effet modeste sur la composition par âge de la population, comparativement à des variations en matière de fécondité (Lachapelle, 1990 ; Loh et George, 2007 ; Statistique Canada, 2005 et 2010a).

D’autres études, elles aussi basées sur des projections, ont plutôt cherché à déterminer le nombre d’immigrants nécessaires pour éviter le déclin de la population en âge de travailler (Bélanger, 2009 ; Marois, 2008 ; United Nations, 2000), ou de s’assurer que la part de la population en âge de travailler demeure à l’intérieur de certaines limites (Bélanger, 2009 ; Guillemette et Robson, 2006 ; Marois, 2008 ; Mitra, 1992). Il se dégage de ces études un certain consensus : il serait possible de contrer le déclin, en nombre absolu, de la population en âge de travailler à l’aide de niveaux d’immigration qui demeurent réalistes, mais pas de freiner le vieillissement de la population, qui apparaît comme un processus inéluctable, du moins dans les conditions démographiques actuelles (Bélanger, 2009 ; Guillemette et Robson, 2006 ; Loh et George, 2007 ; Mitra, 1992). Par exemple, au Canada, les niveaux d’immigration requis pour maintenir le rapport actuel des personnes en âge de travailler (15 à 64 ans) sur celles âgées de 65 ans et plus deviennent en peu de temps beaucoup plus élevés que les niveaux actuels[1]. En fait, le maintien d’un tel rapport s’avère impraticable à moyen terme car le nombre d’immigrants requis pour contrebalancer le vieillissement au pays des cohortes précédentes d’immigrants en plus de celles nées au Canada doit sans cesse augmenter (Bélanger, 2009). Ce serait encore le cas si le Canada accueillait des immigrants ayant une structure par âge plus jeune qu’actuellement (Guillemette et Robson, 2006). En somme, même si l’immigration a un effet sur la structure par âge de la population d’accueil, celui-ci demeure modeste en comparaison d’autres phénomènes contribuant au vieillissement de la population tels que le vieillissement de l’importante cohorte du baby-boom, les faibles niveaux de fécondité depuis le baby-boom et, dans une moindre mesure, la réduction des taux de mortalité aux âges avancés (Beaujot, 2003).

Spécificités démographiques des populations immigrantes au Canada

Au cours des années 2000, le Canada a reçu en moyenne plus de 240 000 immigrants par année, nombre qui, rapporté à la population d’accueil, représente un ratio d’environ 7,5 immigrants pour mille habitants. Il s’agit là d’une composante majeure de l’accroissement démographique, d’autant que son pendant négatif, l’émigration, n’a représenté qu’une fraction de ce nombre, avec moins de 45 000 départs annuellement au cours de la même période. Outre son apport à l’accroissement de la population, l’immigration récente au Canada présente plusieurs particularités que l’on supposerait a priori susceptibles d’affecter la composition selon l’âge de la population canadienne. Celles-ci, nommément le profil selon l’âge des immigrants arrivés récemment ou depuis plusieurs décennies puis le caractère spécifique de la fécondité, de la mortalité et de l’émigration des immigrants, sont déterminantes du contexte historique et démographique dans lequel s’inscrit cette étude, et sont l’objet de la présente section.

Profil par âge des immigrants

La figure 1 présente la pyramide des âges de la population du Canada en 2006 et celle des immigrants admis au pays entre le 1er juillet 2006 et le 30 juin 2007. On y voit que les nouveaux arrivants sont fortement surreprésentés dans le groupe d’âge qui s’étend de 20 à 40 ans et sont largement sous-représentés aux âges suivants. En d’autres termes, les immigrants sont, à leur arrivée et en moyenne, plus jeunes que la population du Canada dans son ensemble, ce qui se reflète notamment dans un âge moyen inférieur chez les nouveaux arrivants (environ 30 ans en 2006-2007) qu’il ne l’est dans la population du Canada (environ 39 ans en 2006). Cette structure par âge est très stable depuis plusieurs années.

Figure 1

Pyramide des âges de la population canadienne (2006) et des immigrants admis au Canada en 2006-2007

Pyramide des âges de la population canadienne (2006) et des immigrants admis au Canada en 2006-2007
Source : Division de la démographie, Statistique Canada

-> Voir la liste des figures

Mais il ne s’agit là que de la structure par âge des immigrants au moment de leur arrivée. Il va de soi que, vieillissant pour la plupart au Canada, et ayant en moyenne débuté leur vie au pays vers l’âge de 30 ans, l’ensemble des immigrants, incluant ceux de longue date, peuvent présenter un profil selon l’âge fort différent des cohortes annuelles d’immigrants. On peut le constater à la figure 2, qui présente la structure par âge de l’ensemble des immigrants et de l’ensemble des personnes dénombrés au Recensement de 2006. On y voit que la population immigrante au Canada est plus âgée que la population dans son ensemble. En somme, les immigrants sont surreprésentés au-delà de 30 ans et sous-représentés en deçà, puis présentent un âge moyen de 47 ans, soit de huit années supérieur à celui de l’ensemble de la population canadienne. Il faudrait néanmoins se garder de conclure hâtivement à un effet vieillissant de l’immigration à long terme sur la base de cette seule figure : elle occulte le fait que bon nombre de ces immigrants ont eu des enfants après leur arrivée en plus de résulter de plusieurs phénomènes (cumul de cohortes de tailles inégales, aux structures par âge variées, puis propension plus ou moins grande selon les cohortes à émigrer ou décéder) qu’il n’est pas possible de distinguer au moyen des données censitaires.

Figure 2

Pyramide des âges de la population du Canada et des immigrants, toutes années d’immigration confondues, 2006

Pyramide des âges de la population du Canada et des immigrants, toutes années d’immigration confondues, 2006
Source : Statistique Canada, Recensement de 2006

-> Voir la liste des figures

Fécondité

La plus importante fécondité des immigrantes comparativement à celle des personnes nées au Canada a été bien documentée par Bélanger et Gilbert (2002), qui ont analysé les données des recensements de 1981 à 2001. Plus élevée au cours des premières années suivant l’immigration, elle tendrait à décroître avec le temps passé au Canada. Elle serait par ailleurs plus faible chez les femmes nées au Canada d’au moins un parent né à l’étranger (deuxième génération) que chez les autres femmes nées au Canada (troisième génération ou plus). On obtient des résultats semblables si l’on applique une méthode similaire à celle utilisée par Bélanger et Gilbert — la méthode du décompte des enfants au foyer[2] — aux données du Recensement de 2006. Les indices synthétiques de fécondité (ISF) que l’on peut calculer en 2006 au moyen du recensement sont de 2,49 chez les immigrantes qui se sont établies entre 2001 et 2006, de 1,78 chez celles qui sont arrivées entre 1996 et 2000 et de 1,41 chez celles qui ont immigré avant 1996. Parmi la population non immigrante, l’ISF est de 1,45 au sein de la deuxième génération et de 1,61 au sein de la troisième génération ou plus.

La figure 3 présente les résultats d’une régression logistique qui estime les chances d’avoir donné naissance à un enfant entre 2005 et 2006, en contrôlant les effets du statut d’immigrant, de la période d’immigration, du lieu de naissance, du groupe de minorités visibles, de l’identité autochtone, du statut d’Indien inscrit, du lieu de résidence, de l’état matrimonial, de la scolarité, du nombre d’enfants à la maison et de l’âge. Il s’agit de résultats obtenus eux aussi à partir des données du Recensement de 2006 auxquelles on a appliqué la méthode du décompte des enfants au foyer, dans le contexte du développement du modèle de microsimulation Demosim, qui tient compte explicitement de toutes ces variables dans sa projection de la fécondité[3]. La figure 3 montre que lorsqu’on contrôle les effets de toutes ces variables, les immigrantes continuent à présenter une plus forte propension à donner naissance à un enfant. À caractéristiques égales cependant, cette propension ne varie pas de manière significative en fonction du temps écoulé depuis l’immigration, suggérant que la convergence que révèlent les données descriptives à l’égard de la période d’immigration relève en réalité d’autres caractéristiques qui varient elles aussi avec le temps. Quoi qu’il en soit, cette surfécondité en comparaison du reste de la population devrait donc contribuer à rajeunir la structure par âge de la population canadienne.

Figure 3

Rapport de cotes de donner naissance à un enfant selon le temps écoulé depuis l’immigration et le statut des générations, Canada, 2005-2006

Rapport de cotes de donner naissance à un enfant selon le temps écoulé depuis l’immigration et le statut des générations, Canada, 2005-2006

Notes : La deuxième génération comprend les non-immigrants nés d’au moins un parent né à l’étranger alors que la troisième génération ou plus se compose des non-immigrants nés de deux parents nés au Canada.

En contrôlant les effets du groupe de minorités visibles, de l’identité autochtone, du statut d’Indien inscrit, du lieu de naissance (régions du monde),du lieu de résidence (province, RMR/hors RMR, réserve indienne/hors réserve indienne), de l’état matrimonial, de la scolarité, du nombre d’enfants à la maison et de l’âge.

Source : Statistique Canada, Recensement de 2006 auquel la méthode du décompte des enfants au foyer a été appliquée

-> Voir la liste des figures

Mortalité

La mortalité des immigrants au Canada a fait l’objet de plusieurs études (Chen et collab., 1996 ; Wilkins et collab., 2008), qui toutes illustrent l’existence d’un « effet de l’immigrant en santé » dont découle une mortalité inférieure, spécialement au cours des premières années au Canada. Cette mortalité inférieure tendrait à converger avec celle de la population native avec le temps passé au Canada. C’est aussi ce que montrent les travaux qui ont été effectués dans le contexte du développement du modèle de projections par microsimulation Demosim au moyen de l’Étude canadienne de suivi de la mortalité selon le recensement, 1991 à 2001[4]. Le tableau 1 présente les résultats de deux régressions à risques proportionnels qui estiment, séparément pour les hommes et les femmes, la probabilité de décéder en fonction de différentes variables : statut d’immigrant, lieu de résidence, âge, scolarité, groupe autochtone et groupe de minorités visibles. On y voit effectivement qu’à caractéristiques égales, la mortalité des immigrants les plus récemment établis au Canada est inférieure à celle des personnes non immigrantes, mais que l’écart entre immigrants et non-immigrants diminue avec le temps passé au Canada sans toutefois disparaître. L’espérance de vie supérieure qui en découle chez les immigrants devrait donc avoir un effet vieillissant sur la structure par âge de la population canadienne, que l’on peut cependant supposer modeste dans la mesure où les écarts de mortalité les plus importants s’observent parmi les immigrants les plus récents, ceux-ci étant majoritairement concentrés dans les âges où la mortalité est très faible.

Tableau 1

Rapports de risque de décéder de la population de 25 ans ou plus selon le sexe, le statut d’immigrant et le temps écoulé depuis l’immigration, Canada, 1991 à 2001

Rapports de risque de décéder de la population de 25 ans ou plus selon le sexe, le statut d’immigrant et le temps écoulé depuis l’immigration, Canada, 1991 à 2001

Notes : En contrôlant les effets du lieu de résidence (province ou région, réserve indienne/hors réserve indienne), de l’âge, de la scolarité, du groupe autochtone et du groupe de minorités visibles. Les données pour les hommes et les femmes ayant été obtenues à partir de modèles de régression distincts, elles ne sont pas comparables entre elles.

Source : Statistique Canada, Étude canadienne de suivi de la mortalité selon le recensement, 1991 à 2001

-> Voir la liste des tableaux

Émigration

Une dernière spécificité démographique des populations immigrantes qui pourrait avoir une incidence sur la composition par âge de la population du Canada est leur plus grande propension à quitter le pays comparativement au reste de la population. La figure 4 présente une estimation de la probabilité d’émigrer qui, obtenue elle aussi dans le cadre du développement de Demosim, tient compte, dans un modèle de régression à risques proportionnels appliqué aux Données administratives longitudinales appariées aux données de Citoyenneté et Immigration Canada, de la période d’immigration, du lieu de naissance, du lieu de résidence et de l’âge. On y voit que les immigrants adultes qui se sont établis au Canada depuis 15 ans ou moins présentent une probabilité plus grande d’émigrer, plus spécialement chez les immigrants nés en Amérique du Nord, en Europe du Nord, de l’Ouest et du Sud puis en Asie de l’Est. Cette probabilité est fonction de la période d’immigration, quoique de manière différente selon le lieu de naissance. L’émigration plus importante des immigrants pourrait contribuer au rajeunissement de la population d’accueil en engendrant une population immigrante qui participera aux groupes d’âge plus jeunes sans vieillir au pays.

Figure 4

Rapports de risque d’émigrer de la population de 18 ans ou plus selon le statut d’immigrant, la période d’immigration et le lieu de naissance, Canada, 1995 à 2005

Rapports de risque d’émigrer de la population de 18 ans ou plus selon le statut d’immigrant, la période d’immigration et le lieu de naissance, Canada, 1995 à 2005

Note : En contrôlant les effets de l’âge et de la province ou région de résidence.

Source : Données administratives longitudinales (Statistique Canada) appariées aux données de Citoyenneté et Immigration Canada

-> Voir la liste des figures

Méthode

L’analyse de la relation entre immigration et structure par âge de la population du Canada proposée dans cet article a été menée au moyen du modèle de projections démographiques par microsimulation Demosim, qui projette spécifiquement les populations selon le statut d’immigrant tout en tenant compte de leur démographie différentielle. Développé et maintenu à Statistique Canada, Demosim prend pour point de départ le fichier de microdonnées de l’échantillon 20 % du recensement de la population de 2006[5],[6]. Le modèle comprend, outre le statut d’immigrant, diverses variables d’ordre sociodémographique et ethnoculturel telles que l’âge, le sexe, le lieu de naissance, l’année d’immigration, le statut des générations, le groupe de minorités visibles, le lieu de résidence et le plus haut niveau de scolarité atteint, pour ne nommer que celles-là. Chacune de ces variables est mise à jour en temps continu en cours de simulation, de sorte qu’il est possible d’en tenir compte comme déterminants des événements simulés, notamment la fécondité, l’émigration[7] et la mortalité, qui constituent les trois composantes qui nous intéressent ici plus spécialement.

Dans ce modèle, les modules de fécondité, de mortalité et d’émigration tiennent tous compte explicitement du statut d’immigrant et de la période d’immigration. Le lieu de naissance plus détaillé est considéré dans les modules de fécondité et d’émigration. Les données des figures 3 et 4 puis du tableau 1 de la section précédente, en ce qu’elles servent de paramètres de Demosim ou en sont dérivées, permettent d’estimer l’ampleur des différences entre immigrants et non-immigrants à cet égard. Des variables telles que le lieu de résidence, le groupe de minorités visibles, le statut des générations, la scolarité et l’identité autochtone font également partie des paramètres de l’un et/ou l’autre des trois modules que sont la fécondité, la mortalité et l’émigration.

Demosim présente la flexibilité nécessaire à la constitution de divers scénarios de projection, que ceux-ci soient relatifs aux comportements démographiques différentiels ou encore à l’ampleur de certains phénomènes. Exploitant cette flexibilité, quatre scénarios de projection principaux, pour la période allant de 2006 à 2106, ont d’abord été produits puis comparés entre eux (scénarios 1 à 4, tableau 2) : 1) un scénario de référence, semblable à celui diffusé dans le cadre des Projections de la diversité de la population canadienne, 2006 à 2031, qui montre l’évolution future de la population et de sa structure par âge dans l’hypothèse d’une poursuite des tendances et de la situation récente quant à l’immigration et aux différences qui séparent les immigrants et le reste de la population quant à leur fécondité, leur mortalité et leur émigration[8] ; 2) un scénario d’immigration nulle, qui permet d’estimer l’effet de l’absence de nouveaux arrivants dans le futur ; 3) un scénario de fécondité nulle des immigrants qui permet d’évaluer l’effet théorique de la présence des immigrants isolée de celle de leur descendance et 4) un scénario de comportements démographiques convergents qui permet de distinguer l’effet spécifique sur la structure par âge de la fécondité, de l’émigration et de la mortalité différentielles. La comparaison de ces scénarios porte essentiellement sur des indicateurs de structure par âge tels l’âge moyen, l’âge médian et la proportion de personnes de 65 ans ou plus.

Tableau 2

Scénarios de projection

Scénarios de projection

Notes : Les autres hypothèses sont, dans chacun des sept scénarios du présent article, semblables à celles du scénario de référence des Projections de la diversité de la population canadienne, 2006 à 2031 (Statistique Canada, 2010b).

* Ces hypothèses ne touchent que les immigrants qui arrivent après le départ de la simulation en 2006, et non ceux qui étaient déjà établis au Canada.

-> Voir la liste des tableaux

Afin cependant d’approfondir l’analyse de la relation entre la démographie différentielle des immigrants et la composition par âge de la population du Canada, plus spécifiquement d’analyser séparément la contribution respective de la fécondité, de la mortalité et de l’émigration différentielles à cette relation, trois scénarios de convergence supplémentaires ont également été développés, chacun se distinguant du scénario 4 présenté plus haut en ce qu’il ne suppose la convergence que d’une seule de ces composantes à la fois (scénarios 5, 6 et 7, tableau 2).

Il est à noter qu’aux fins de cette analyse, la convergence a été simulée en attribuant aux immigrants qui s’établissent au Canada en cours de simulation les probabilités moyennes de donner naissance, de décéder et d’émigrer. Ainsi, afin de faire converger la fécondité des immigrantes, on leur a appliqué la fécondité de l’ensemble de la population du Canada. Il en va de même pour la mortalité et l’émigration convergentes, qui ont été obtenues de l’application aux immigrants de la mortalité et de l’émigration de l’ensemble de la population. Insistons sur le fait que la convergence ne s’applique qu’aux immigrants qui se joignent à la population après le moment de départ de la projection, et non à ceux déjà présents en 2006. Le scénario de fécondité nulle des immigrants a été constitué en suivant cette même méthode, à savoir que seuls les immigrants qui s’établissent au Canada après 2006 ont une fécondité nulle.

Ajoutons que les scénarios 2 à 7 n’ont été développés qu’avec pour seul objectif de permettre de répondre à notre question de recherche. En cela, il faudrait se garder d’y voir ce qu’ils ne sont pas, à savoir des ensembles d’hypothèses de projection constitués pour leur réalisme ou leur plausibilité.

Résultats

Le scénario de référence est celui qui, dans le contexte de cette analyse, reflète le mieux les tendances démographiques récentes, et est le seul des scénarios proposés qui se veut une projection plausible de la population canadienne, du moins à court et moyen terme, toute projection sur une période aussi longue que 100 ans présentant un degré élevé d’incertitude. Il constitue donc un point de référence tout désigné. Les trois autres scénarios analysés dans cette première partie de la section des résultats constituent tous des variantes du scénario de référence. Ils sont introduits un à un, puis comparés aux scénarios présentés préalablement. Bien que cette comparaison porte exclusivement sur un nombre limité d’indicateurs des structures par âge projetées, d’autres indicateurs, de même que les effectifs de population et les nombres annuels de naissances, de décès et d’émigrants résultant des hypothèses retenues sont mis à la disposition du lecteur au tableau 3.

Scénario de référence

Dans le scénario de référence, tous les indicateurs de structure par âge montrent un vieillissement important de la population au cours de la projection. Plus prononcé au début, en raison du vieillissement des importantes cohortes de baby-boomers, celui-ci s’essouffle à la fin sans jamais toutefois s’inverser, à mesure que la structure par âge de la population se stabilise (tableau 3). L’âge moyen, par exemple, serait en hausse constante en début de projection, puis tendrait à demeurer relativement stable par la suite, ce qui reflète le profil par âge plus régulier de la population à mesure que la génération des baby-boomers accède aux âges où la mortalité est très forte. En fait, sa progression ralentirait vers le milieu du xxie siècle, lorsque les baby-boomers seront tous âgés de plus de 80 ans[9]. L’âge moyen, tout comme l’âge médian d’ailleurs, continuerait tout de même à croître très légèrement par la suite, et atteindrait un sommet de 45,6 ans en 2106.

Scénario d’immigration nulle : l’impact global de l’immigration

Dans le scénario d’immigration nulle, la population projetée vieillirait plus rapidement que dans le scénario de référence. Alors que cesserait l’apport de nouveaux arrivants âgés en majorité de 20 à 40 ans, entraînant une diminution du nombre de naissances, les immigrants qui ont été admis avant le début de la période de projection vieilliraient au pays au cours de la projection sans être suivis de cohortes d’immigrants plus jeunes pour les remplacer. En conséquence, seul le groupe des personnes âgées de 65 ans ou plus gagnerait en importance. Ce phénomène ne durerait toutefois pas au-delà du début des années 2060, car les dernières cohortes d’immigrants acceptés au Canada (avant le début de la projection) atteindraient alors les âges où la mortalité est très forte, ce qui contribuerait à diminuer la proportion de personnes âgées de 65 ans ou plus.

L’âge moyen suivrait une tendance comparable, augmentant rapidement jusqu’en 2070 environ, moment où il atteindrait son apogée, à 49,2 ans, accusant par la suite une baisse qui se poursuivrait jusqu’en fin de période. Ainsi, en 2056, l’âge moyen projeté dans le scénario d’immigration nulle serait supérieur de 3,9 ans à celui projeté dans le scénario de référence. En 2106, l’écart ne serait plus que de 2,8 ans.

Ces résultats permettent d’illustrer qu’une immigration constante (en proportion de la population), comme celle que suppose le scénario de référence, a un effet global rajeunissant, dans la mesure où son maintien mènerait à une structure par âge qui vieillirait moins rapidement que celle qui résulterait d’un arrêt hypothétique de l’immigration. À tout le moins, cela est-il vrai à court ou moyen terme. À plus long terme, c’est-à-dire au-delà de l’horizon de 100 ans des présentes projections, le maintien d’une immigration constante ne permettrait ni de rajeunir ni de vieillir la population puisque la structure par âge finirait par atteindre un niveau d’équilibre et cesserait d’évoluer. Ajoutons que cet effet global rajeunissant serait d’ampleur modeste. Ainsi, si les écarts d’âge moyen paraissent importants à moitié de l’horizon projeté, ils se réduisent grandement en fin de période, à mesure que la structure par âge s’approche d’un état d’équilibre (sans l’atteindre toutefois)[10].

Tableau 3

Population, composantes de l’accroissement et indicateurs de structure par âge projetés selon quatre scénarios, Canada, 2006 à 2106

Population, composantes de l’accroissement et indicateurs de structure par âge projetés selon quatre scénarios, Canada, 2006 à 2106
Source : calcul des auteurs et population de base de Demosim

-> Voir la liste des tableaux

Scénario de fécondité nulle des immigrants : l’effet distinct de la présence d’immigrants et de leur descendance au Canada

De tous les scénarios, c’est celui de fécondité nulle des immigrants qui, à long terme, projetterait la population la plus âgée, avec un âge moyen de 52,9 ans en 2106, soit 7,3 ans de plus que dans le scénario de référence et 4,5 ans de plus que dans le scénario d’immigration nulle. En d’autres mots, à long terme, l’immigration en soi, avec ses spécificités propres et isolée de façon théorique du fait que les immigrants ont des enfants suite à leur arrivée au pays, contribuerait à un vieillissement démographique plus important que l’absence, elle aussi théorique, d’immigration.

Comment expliquer cet effet vieillissant lié à la population immigrante ? On peut pour ce faire considérer la question sous l’angle de la contribution des immigrants aux tranches d’âge auxquelles ils appartiendront au cours de leur vie passée au Canada. Chaque année, l’arrivée au pays d’immigrants appartenant en majorité à des tranches d’âge relativement jeunes, inférieures par exemple à l’âge moyen du reste de la population, contribue à rajeunir la population d’accueil. Cet effet peut toutefois n’être que temporaire dans la mesure où ces immigrants, sauf s’ils émigrent ou décèdent entre-temps, finissent par atteindre les tranches d’âge plus avancées, leur seule présence, isolée de leur contribution aux naissances du pays, contribuant alors à vieillir la population. Ainsi, les immigrants pourront passer, au final, une plus grande partie de leur vie dans leur pays d’adoption dans les groupes d’âge avancés que dans les plus jeunes et ainsi contribuer à vieillir leur population d’accueil, ce qui est le cas au Canada étant donné les conditions démographiques et les spécificités de l’immigration actuelles et projetées. C’est d’ailleurs en grande partie ce qu’illustrait la figure 2, qui montrait une population immigrante, toutes périodes d’immigration confondues, plus âgée que la population du Canada dans son ensemble.

Une autre conclusion découle de ce qui précède. Si la présence d’une population immigrante a en elle-même un effet vieillissant, cela signifie que l’effet globalement rajeunissant de l’immigration que révèle la comparaison du scénario de référence au scénario d’immigration nulle est dû pour l’essentiel à la contribution des immigrants aux naissances du pays. Cela signifie également que l’effet rajeunissant venant du fait que les immigrants donnent naissance à des enfants suite à leur établissement est plus important que l’effet vieillissant à long terme de leur simple présence au pays, sans quoi le scénario d’immigration nulle ne présenterait pas une population plus âgée que le scénario de référence.

Scénario de comportements convergents : effet global de la démographie différentielle des immigrants

Dans le scénario de convergence, la population connaîtrait un vieillissement semblable à celui du scénario de référence, et ce, tout au long de la période. Il est vrai qu’à court terme, on ne doit pas s’attendre à des écarts importants entre ces deux scénarios puisque la convergence des comportements ne survient que de façon progressive, à mesure que les immigrants déjà présents dans la population de base sont remplacés par ceux qui arrivent en cours de projection, et à qui on attribue les comportements de la population moyenne. Toutefois, même à long terme, ces écarts demeurent peu importants. En fait, au terme de la projection, en 2106, la population du Canada présenterait, selon le scénario de comportements convergents, un âge moyen de 0,2 an plus élevé que celui du scénario de référence. L’âge médian, de son côté, serait supérieur de 0,6 an dans le scénario de convergence en comparaison du scénario de référence.

Ces résultats montrent qu’il n’est pas possible, sur la base de ces données, de conclure à davantage qu’un effet marginal sur la structure par âge des spécificités des immigrants à l’égard des comportements démographiques, du moins pris dans leur ensemble. En fait, si les immigrants qui s’établiront au pays cessaient de présenter une mortalité inférieure puis une fécondité et une propension à émigrer supérieures, cela se traduirait, à long terme, en une population qui ne serait que marginalement plus jeune que ce qu’elle serait si les immigrants continuaient à présenter ces différences comparativement au reste de la population. Cela n’écarte pas cependant la possibilité que cette quasi-neutralité d’ensemble de la démographie différentielle des immigrants dans sa relation à la structure par âge de la population canadienne puisse résulter en réalité d’effets agissant en sens inverse l’un de l’autre et se compensant mutuellement.

Scénarios de fécondité, de mortalité et d’émigration convergentes : effets spécifiques de la démographie différentielle des immigrants

Le tableau 4 montre les différences entre les résultats provenant, d’une part, du scénario de référence puis, d’autre part, des quatre scénarios de convergence retenus dans le cadre du présent exercice, à savoir le scénario de convergence d’ensemble présenté plus haut, un scénario de convergence de la fécondité seulement, un scénario de convergence de la mortalité seulement et un scénario de convergence de l’émigration seulement.

Tableau 4

Écarts projetés entre le scénario de référence et les quatre scénarios de comportements convergents quant à la population, certaines composantes de l’accroissement et certains indicateurs de la structure par âge, Canada, 2006 à 2106

Écarts projetés entre le scénario de référence et les quatre scénarios de comportements convergents quant à la population, certaines composantes de l’accroissement et certains indicateurs de la structure par âge, Canada, 2006 à 2106

Notes : Les valeurs ont été calculées en soustrayant de la valeur projetée dans le scénario de référence la valeur projetée dans le scénario indiqué.

En raison des interactions entre les composantes dont tient compte le scénario de convergence, la somme des différences entre le scénario de référence et les scénarios de fécondité, de mortalité et d’émigration convergentes peut ne pas égaler la différence entre le scénario de référence et le scénario de convergence.

Source : calcul des auteurs et population de base de Demosim

-> Voir la liste des tableaux

On y constate d’abord que les spécificités de la fécondité et de la mortalité de la population immigrante au Canada exercent, chacune de manière distincte, un effet sur la structure par âge de la population du Canada. La surfécondité des immigrantes, en contribuant à une hausse du nombre de naissances, présente un effet légèrement rajeunissant sur la population, comme en témoigne le fait que l’âge moyen serait de 0,7 an inférieur en 2106 dans le scénario de référence comparativement à ce qu’il serait dans le scénario de convergence de la fécondité. La mortalité inférieure des immigrants agit en sens inverse en contribuant à faire s’accroître les effectifs de personnes âgées, ce qui se traduit notamment par un âge moyen de la population du Canada de 0,5 an plus élevé en 2106 dans le scénario de référence qu’il ne l’est dans le scénario de mortalité convergente. Quant à la plus grande propension à émigrer des immigrants, si elle réduit sans doute le nombre de ceux qui vieillissent au pays, elle ne représente qu’un facteur marginal de rajeunissement, l’âge moyen étant inférieur de 0,1 an en 2106 dans le scénario de référence par rapport au scénario de convergence de l’émigration. La direction de ces relations est, à long terme, la même selon tous les indicateurs et est conforme à ce qui était supposé plus haut[11].

En somme, si l’effet global des comportements différentiels des immigrants sur la structure par âge est si limité, c’est en partie que certains effets s’opposent, la fécondité et, dans une mesure moindre, l’émigration différentielles contribuant à long terme à rajeunir la population d’accueil alors qu’au contraire la mortalité spécifique aux immigrants contribue à la vieillir. Il faut toutefois garder à l’esprit que les écarts que présentent les scénarios de convergence par rapport au scénario de référence demeurent dans tous les cas minimes.

Ainsi, il semble raisonnable d’affirmer, à la lumière de ces derniers résultats, que la part de la démographie différentielle des immigrants dans l’explication des différences entre le scénario de référence, le scénario d’immigration nulle et le scénario de fécondité nulle des immigrants discutées précédemment ne puisse être que secondaire en comparaison de celle qui revient aux facteurs que représentent d’une part, la présence d’une population immigrante qui s’établit en moyenne à l’âge de 30 ans et vieillit au pays et, d’autre part, le simple fait que les immigrants donnent naissance à des enfants suite à leur arrivée, abstraction faite de leur fécondité supérieure.

Conclusion

Diverses études ont cherché à estimer les effets de l’immigration sur la composition par âge de la population à l’aide d’analyses de populations stables ou de projections démographiques. Cet article visait à tirer profit des tout derniers développements en matière de projections démographiques par microsimulation au Canada afin d’apporter une contribution à la compréhension des mécanismes démographiques qui sous-tendent la relation entre immigration et composition par âge de la population d’accueil. Les résultats obtenus du modèle Demosim permettent de constater que derrière l’apparente neutralité de cette relation se dissimulent en réalité plusieurs effets qui agissent en sens opposé et, par le fait même, se compensent en grande partie.

Ainsi, les résultats des projections montrent que dans le contexte canadien actuel, l’immigration a un effet rajeunissant sur la population d’accueil, mais trop peu important pour inverser le processus du vieillissement de la population. À court et moyen terme, la population vieillirait plus rapidement si elle était privée d’immigration. Toutefois, les écarts s’amoindrissent à plus long terme, à mesure que les populations se rapprochent d’un état où la structure par âge ne varie plus.

L’effet rajeunissant de l’immigration est surtout dû à la fécondité des immigrants, c’est-à-dire au fait qu’ils aient des enfants une fois arrivés au pays. Le fait que la structure par âge des immigrants à leur arrivée soit relativement jeune n’a qu’un effet à court terme, et relativement marginal, sur la composition par âge de la population. En réalité, à long terme, cet effet, isolé théoriquement de la fécondité, s’inverse et contribue plutôt à vieillir la population. Enfin, la part due aux comportements différentiels des immigrants en matière de fécondité, de mortalité et d’émigration dans l’effet rajeunissant de l’immigration est marginale, en raison notamment du fait qu’ils agissent parfois en sens opposé.

La présente étude comporte des limites. La première touche au caractère relatif de la relation entre immigration et structure par âge. Cette étude s’inscrit dans un contexte donné, qui est celui du Canada actuel, lequel présente une structure par âge particulière, et accueille une population immigrante qui présente ses spécificités propres. Les nouveaux arrivants au Canada, spécialement, sont aujourd’hui fort différents de ceux qui se sont établis au pays voilà 50 ans, et l’on ne saurait présumer des caractéristiques de ceux qui seront admis au cours des décennies à venir. Il en découle que les résultats ne sauraient être interprétés dans l’absolu, sans référence au contexte dans lequel ils s’articulent. Cela n’empêche pas, bien entendu, d’en tirer des conclusions de nature plus générale, notamment quant au caractère distinct des effets sur la structure par âge des aspects démographiques de l’immigration.

Une seconde limite vient de la difficulté à définir de manière opérationnelle ce qu’est une convergence des comportements des populations immigrantes. Il a été décidé ici d’analyser ce qu’il adviendrait si les immigrants présentaient, suite à leur établissement au pays, une fécondité, une mortalité et une émigration identiques à celle de l’ensemble de la population canadienne. L’ensemble de la population étant en partie composée d’immigrants, il importe de mentionner que l’impact sur la structure par âge du Canada des écarts qui séparent les immigrants et le reste de la population quant à la fécondité, la mortalité et l’émigration a pu se voir sous-estimé par la méthode de simulation de la convergence retenue, quoique ce ne puisse être que de façon mineure, la vaste majorité de l’ensemble de la population n’étant pas immigrante.

Si la présente étude a su distinguer plusieurs aspects de la relation qu’entretiennent l’immigration et la structure par âge de la population d’accueil, il va de soi qu’elle n’en a pas épuisé toutes les modalités. Elle laisse notamment ouverte la question de savoir comment l’immigration peut influer sur la structure par âge de la population d’accueil par le biais des spécificités de sa descendance née au Canada. Dans le prolongement des résultats de la présente étude, il serait légitime de se demander si, et comment, les spécificités démographiques de la seconde génération (la population née au Canada d’au moins un parent né à l’étranger) peuvent entretenir elles aussi des relations distinctes à la structure par âge de la population du Canada. On pourrait se demander par exemple dans quelle mesure l’effet de la fécondité moins élevée de la seconde génération sur la composition selon l’âge de la population du Canada vient compenser l’effet de la plus importante fécondité de la première génération.

Ajoutons enfin que cette analyse n’avait d’autre prétention que démographique. À ce titre, elle a délibérément laissé en plan d’autres questions liées à celle à laquelle elle veut répondre, notamment celle de savoir si l’immigration peut permettre d’atténuer certains des effets attendus du vieillissement démographique, comme d’éventuelles pénuries sectorielles d’emplois. Se situant dans le sillon creusé par les études qui l’ont précédée, elle ne visait qu’à raffiner notre connaissance de l’incidence d’une composante démographique sur la structure démographique de la population du Canada, ce qui en soi présente un grand intérêt au moment même où le Canada s’engage dans une phase de vieillissement accéléré.