Introduction[Notice]

  • Jean-Paul Brodeur

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  • Jean-Paul Brodeur
    Directeur, CICC (Centre international de criminologie comparée)
    École de criminologie, Université de Montréal
    jean-paul.brodeur@umontreal.ca

L’idée initiale qui guida la conception de ce numéro de Criminologie fut de faire état des changements intervenus dans la police à la suite des attentats de septembre 2001 aux États-Unis. Certes, des changements sont intervenus, comme le montre le texte de Gilles Favarel-Garrigues. Notre ambition était toutefois d’aller au-delà de la simple consignation des transformations sectorielles. Nous ne cherchions rien de moins que la génération (spontanée) d’un nouveau paradigme des opérations policières. Nous n’y sommes pas parvenus, mais avons toutefois réfléchi aux raisons de cette déconvenue. Il sembla un temps – en gros, de 1980 à l’an 2000 – que l’activité policière (le « policing ») allait effectivement s’inscrire dans un paradigme, diversement appelé « police communautaire » ou « police de résolution de problèmes », qui s’étiola sous l’acronyme faussement effervescent de « COP–POP » (Community Oriented PolicingProblem Oriented Policing). Il germa alors de l’humus fertile des réformateurs de la police l’ébauche d’un modèle caractérisé par deux traits. Le premier de ceux-ci était la visibilité policière dont l’incarnation la plus solaire était la patrouille pédestre : le patrouilleur à pied fut censé faire fuir la délinquance comme la lumière les cafards. Sous l’égide de la grande figure de Robert Trojanowicz, on créa même aux États-Unis un centre de recherche sur la patrouille pédestre, vaste sujet, s’il en fut, qui expulsait des études sur la police tout ce qui ne portait pas l’uniforme. Le second trait, transformé en une déclamation de ralliement, était le « partenariat » aussi euphorisant qu’il était consensuel. Toutes les rigoles confluaient donc vers la grande flaque sans vague de la coproduction de la sécurité. Or si l’on put confondre toutes les appellations réformatrices dans l’incertitude des commencements, celles-ci se différencièrent progressivement, tout en scandant les étapes d’une évolution. Il devint donc clair que la police communautaire fondée sur les notions de visibilité et de proximité ne coïncidait pas avec la police de résolution de problèmes, qui commençait à privilégier l’expertise à la simple présence. Quand les Britanniques créèrent le modèle d’Intelligence Led Policing (ILP : police guidée par le renseignement) et que la police de New York se mit à prêcher la bonne parole de Compstats (gestion policière par objectifs locaux statistiquement chiffrés), il devint manifeste que la partie du corps policier promise au plus grand avenir était la tête plutôt que les pieds, fussent-ils bien brossés. On se rendit compte, par ailleurs, que la notion de partenariat était à la fois trop simplette et trop normative, un partenariat constitue une réunion d’acolytes poursuivant un objectif explicite commun, pour rendre compte des formes de la diversité de l’action policière, du policing. L’action policière peut se combiner sous la forme d’un assemblage hétéroclite d’interventions et évoluer vers des formes plus ou moins concertées de gouvernance en réseau, approuvées par Benoît Dupont. La pointe de ces travaux est perceptible : l’action policière est plurale et l’une des tâches de la recherche est de découvrir comment se construit l’interaction de ses différents agents. À tout ce qu’on vient de décrire et qui était en train avant le cataclysme du 11 septembre 2001, se sont ajoutés les bouleversements postérieurs à cet événement. À mesure qu’on effectuait des recherches, on s’est toutefois rendu compte à quel point il était artificiel de postuler une rupture entre l’avant et l’après 9/11. À de notables égards, les choses ont effectivement changé, et il est inutile de s’aveugler sur l’attrition des subventions aux programmes de police communautaire (et à ses diverses variantes) aux États-Unis et en Grande-Bretagne, plus éprouvés par les attentats terroristes. De plus, les appareils …

Parties annexes