Introduction[Notice]

  • Serge Brochu

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Toxicomanie, dépendance, assuétude, conduites addictives… Voilà beaucoup de mots pour décrire une même réalité ; mais est-ce bien une même réalité ou ces mots ne dévoileraient pas plutôt des nuances ainsi que l’évolution de notre compréhension du lien qui s’établit entre une personne et un produit ou une activité ? Ainsi, au milieu du xxe siècle, le terme « toxicomanie » était fort populaire pour décrire une manie (maladie mentale qui appartient, comme la dépression, aux troubles de l’humeur) qui se caractérisait par la prise répétée et excessive de toxiques. Selon cette conception, la toxicomanie constituait donc un problème mental et il n’était pas rare de soigner les toxicomanes dans les hôpitaux psychiatriques. Le terme « toxicomanie » renvoie donc au caractère de la personne tout en établissant un lien avec un produit dépendogène. Les mouvements d’entraide, tels les Alcooliques Anonymes, affirmeront même que le toxicomane ne peut jamais vraiment se départir de sa dépendance. L’American Psychiatric Association s’est éloignée de cette conception reliée aux troubles de la personnalité dans son recueil de règles diagnostiques, le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM, qui en est maintenant à sa 4e révision). Elle associe plutôt la dépendance à un ensemble de comportements observables. Pour sa part, Stanton Peele (1982) nous a invités à étendre notre notion de dépendance à des formes de comportement qui n’étaient pas reliées à une substance psychoactive. Ainsi, dans son essai sur le cycle d’assuétude, il nous indiquait que des mécanismes semblables opéraient lorsqu’une personne devenait, entre autres, workaholic ou dépendante du sexe. Le concept d’assuétude permettait alors d’identifier de nouvelles formes de dépendance. Peele nous conviait alors à réfléchir sur les objets de la dépendance ; pour lui, nous ne devenons pas dépendants à une substance, mais à une expérience. Plus récemment, la notion d’addiction a fait son apparition dans le monde francophone (sauf au Québec où ce terme est encore peu employé possiblement par crainte d’utiliser un anglicisme) afin de qualifier les conduites de dépendance à une substance ou à une activité. On l’emploie tant pour décrire le joueur pathologique que le consommateur de drogues qui n’arrive plus à bien gérer son usage. L’addiction se définit par l’envie irrépressible de consommer un produit, de pratiquer une activité, de fréquenter une personne… Malheureusement, la satisfaction apportée par cette conduite est bien éphémère et, progressivement, s’installe alors un besoin de répétition. Ainsi, on constate que le sentiment d’aliénation découlant de l’expérience addictive est aussi importante, pour comprendre l’état de dépendance, que les modifications neurobiologiques causées par l’absorption d’un produit ; l’addiction n’est pas qu’une question de molécules (Mayet, 2005). Le syntagme « conduites addictives » laisse entendre que la conduite ciblée peut être normale ou pathologique, selon la trajectoire de la personne. Le produit en soi prend également moins d’importance qu’avec le concept de toxicomanie. En ce sens, ce n’est pas la consommation d’une substance psychoactive ou l’achat de vêtements qui est addictif, mais l’expérience qu’on y cherche : un plaisir compensatoire ; un leurre à la vie, une béquille… Cette notion met en lumière la parenté des expériences des personnes qui développent une addiction aux métamphétamines, à Internet ou à toute autre chose sans drogue. En juin 2005, Le Nouvel Observateur consacrait un numéro entier aux « nouvelles addictions ». En plus des addictions plus classiques, impliquant l’alcool, la cocaïne, les médicaments ou la nicotine, on y présentait, entre autres, des articles sur les pratiques anorexiques, le collectionnisme, l’achat compulsif ou même l’addiction aux thérapies. Dans ce numéro thématique, nous nous limiterons aux conduites qui semblent les plus fréquemment associées à la criminalité, …

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