Quand droit et criminologie se rencontrent[Notice]

  • Hélène Dumont

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Il existe dans un parcours universitaire la rencontre de quelques professeurs qui influencent notre futur. Pierre Landreville a été pour moi l’un de ceux-là. Au début des années 1970, je commence des études supérieures en droit pénal à la Faculté de droit de l’Université de Montréal à un moment où celle-ci introduit un loup dans la bergerie, soit un criminologue dans une tanière de juristes. Les études en droit se suffisaient alors à elles-mêmes et n’offraient, en tout cas, aucune initiation à la criminologie aux étudiants intéressés par le droit pénal, soit pour le pratiquer, soit pour en faire un champ d’études. Il y avait à cette époque une frontière intellectuelle, voire un mur de Berlin, entre le droit et les sciences sociales en général et entre le droit pénal et la criminologie en particulier. Pierre Landreville enseigne ainsi à un petit groupe de mordus du droit pénal les rudiments de la criminologie et de la pénologie. Ces derniers étaient des « fans » du pénaliste Jacques Fortin, le professeur qui avait planifié l’entrée de la criminologie dans un cursus de maîtrise en droit pénal. Je me rappelle avoir fait une recherche sur les règles minimales concernant le traitement des détenus, un travail servant d’évaluation dans le cadre du cours de Pierre et qui sera par la suite l’aiguillon de mes premières pistes de recherche en tant que professeure de droit pénal. Dès lors, je m’intéresse aux droits des détenus et pas seulement de manière académique. Pierre Landreville me gagne en effet à son militantisme en faveur de l’amélioration des conditions de détention dans les prisons provinciales et dans les pénitenciers fédéraux. Nous sommes du nombre des activistes de la première heure de l’Office des droits des détenu(e)s au sein de la Ligue des droits de l’Homme. C’est d’ailleurs à l’intérieur de cet organisme que nous réclamons la fermeture de Parthenais, un centre de détention provisoire des prévenus logé au-dessus des locaux de la police et manifestant, dans son organisation et son architecture, une totale indifférence à l’égard de leurs droits selon les prescriptions de l’ONU en cette matière. Dans la foulée de ce militantisme, nos recherches communes tenteront de vérifier la conformité ou la non-conformité des directives du commissaire aux pénitenciers canadiens avec les règles onusiennes sur le traitement des détenus. Nous avions un obstacle de taille à cet exercice intellectuel puisque les directives étaient secrètes et échappaient à l’obligation de publicité des textes réglementaires. En somme, toute la matière du droit carcéral était inaccessible et le droit correctionnel n’existait tout simplement pas. Intenter un recours devant un tribunal compétent au motif de la violation des droits d’un détenu relevait de l’aventure « kafkaesque ». D’ailleurs la Cour suprême sanctionnera vers la fin des années 1970 par une fin de non-recevoir la requête d’un détenu contestant la légalité d’une décision disciplinaire affectant ses droits sous prétexte qu’il s’était présenté devant le mauvais tribunal de première instance, que les directives régissant les conditions de détention fédérales n’étaient pas des règlements et que les droits des détenus étaient assimilables à des privilèges. Ce jugement retardera de plusieurs années la reconnaissance ultérieure par cette Cour des droits fondamentaux des détenus. En ressassant pour l’occasion mes souvenirs, je suis convaincue que les travaux scientifiques et l’action engagée de Pierre Landreville ne sont pas étrangers à l’évolution de la politique pénale en matière de droits des détenus au Québec et au Canada. Depuis nos premiers échanges sur la question des droits des détenus, notre production scientifique respective s’est effectuée en citant avec approbation les travaux de l’un et de l’autre et en enrichissant nos …

Parties annexes