Jean-Paul Brodeur

Quelques notes sur la réforme de la détermination de la peine au Canada (1991)[Notice]

  • Jean-Paul Brodeur

Note introductive

En 1991, quand Jean-Paul Brodeur écrit cet article, la Commission canadienne sur la détermination de la peine a publié depuis plus de quatre ans son imposant projet de réforme sans qu’aucune modification n’ait été adoptée en la matière. La tradition de palabres infinies qui semble être une des spécialités du gouvernement canadien de l’époque, les conflits politiques, l’activisme de groupes de pression et surtout les divisions provinciales et fédérales expliquent pour partie cette inertie qui durera longtemps. Visionnaire désabusé, Jean-Paul Brodeur critique l’absence d’action du gouvernement tout en en s’en félicitant. Que n’avait-il raison ! Les modifications – non pensées, non justifiées, non fondées sauf à défendre un populisme de bas étage – aujourd’hui affluent.

Les premiers changements, prévoyant à la fois un durcissement pénal et la création du sursis comme « mesure alternative » et amorcés en 1996, seront qualifiés de schizophrènes (le mot est d’Hélène Dumont), en raison de leur ambigüité. Depuis, l’inflation législative se concentre sur la démultiplication de mesures de sûreté – peines minimales obligatoires, ordonnances de surveillance de longue durée, renforcement des lois sur les délinquants dits « dangereux » – et sur les restrictions dans l’accès à des mesures non carcérales ou de libérations anticipées. Près de 20 ans après les réflexions de Jean-Paul Brodeur, force est de constater que l’inertie en matière de sentencing, inertie longtemps critiquée et dénoncée, a été remplacée par un activisme répressif forcené.

Aujourd’hui, à défaut d’être mesurées, les recommandations des groupes d’études nommés par le gouvernement, tout comme les législations déposées par le parti au pouvoir, sont directes : sus aux délinquants et haro sur les mesures trop douces ! Les préoccupations de Jean-Paul Brodeur face à l’inconséquence des différents groupes d’étude comme son souhait du maintien d’un statu quo, bénéfique selon lui pour la clarté des décisions, n’ont, hélas, apparemment plus lieu d’être.

MarionVacheret

Professeure, École de criminologie, Université de Montréal

Chercheure, Centre international de criminologie comparée (CICC)

marion.vacheret@umontreal.ca

Parties annexes