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Introduction

Qualifié d’historique, l’accord signé lors de la 21e réunion de la conférence des Parties (COP21) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ouvre la voie à de nouvelles actions concrètes et globales contre les émissions de gaz à effet de serre contribuant au réchauffement climatique (Bergeron, 2015b ; La Presse Canadienne, 2015 ; Programme des Nations Unies pour l’environnement [PNUE], 2016). Il a été en cela présenté comme une première mondiale dans la mesure où les représentants des plus grands pays se sont finalement accordés sur la nécessité de se donner des cibles d’envergure pour limiter « la menace pressante des changements climatiques » (Organisation des Nations Unies, 2015). Selon nombre d’observateurs canadiens, il a aussi représenté « une victoire pour la diplomatie canadienne du jeune gouvernement Trudeau, qui y a fait un de ses premiers tours de piste, qui a joué sa partie et qui voulait marquer une rupture avec le précédent gouvernement Harper hostile à ce genre d’exercice » (Bergeron, 2015b, paragr. 12). Le contraste a en effet semblé frappant entre un nouveau premier ministre affichant son attachement aux travaux de la COP21 et son prédécesseur qui a été régulièrement placé sous le feu des critiques pour son manque d’engagement, voire son désengagement, en matière de protection environnementale (Bergeron, 2015a ; Croteau, 2011 ; Demerse et Lemphers, 2015 ; Girard, Day et Snider, 2010 ; La Presse Canadienne, 2015 ; Shields, 2015).

Cette opposition apparente entre les deux derniers chefs de l’exécutif canadien constitue en quelque sorte le point de départ de cet article et de l’analyse qui va suivre. Sans vouloir balayer du revers de main ou bien prendre pour argent comptant les critiques formulées à l’encontre de la « décennie Harper » sur les questions environnementales, nous souhaitons resituer cette période d’action gouvernementale dans un temps plus long, débutant en 1971 avec la création du ministère de l’Environnement, plus connu sous le nom d’Environnement Canada. Il s’agit ainsi de revenir sur les modalités de constitution et de gestion de l’environnement en tant que problème public nécessitant une action de l’État au Canada. Suivant en cela Pierre Lascoumes (1994), nous considérons qu’il :

est aussi important d’analyser l’environnement et ses problèmes que de comprendre comment l’environnement est devenu un tel problème, par quels jeux et au profit de quels enjeux. C’est-à-dire de s’interroger sur les fondements des interventions sociales en ce domaine, qu’elles soient publiques ou privées.

p. 7-8

Pour ce faire, dans le cadre nécessairement limité de cet article, l’objectif premier consiste à montrer comment, sous les gouvernements successifs depuis 1971, l’environnement et sa protection ont été pensés et progressivement transformés en tant qu’enjeu de politique publique au Canada. Les définitions gouvernementales de l’environnement, des menaces qui le guettent et des solutions pour y faire face sont loin de constituer des faits immuables et consensuels. Cette focale

sur la formation des catégories d’intervention publique permet aussi de montrer comment ces catégories historiquement construites de perception et d’action informent les pratiques d’intervention […]. Une telle perspective conduit dans le même temps à révéler ce que ces catégories peuvent avoir d’instable, à montrer qu’elles peuvent être renégociées et redéfinies, et ce faisant, à ne pas cantonner l’analyse de la genèse à celle des moments d’émergence

Dubois, 2003, p. 2

Nous prêtons notamment attention à la manière dont le contexte sociopolitique national et, dans une moindre mesure, international peut informer et orienter le champ d’application des politiques environnementales et redessiner les contours des « menaces environnementales ». Après avoir retracé à grands traits les principales évolutions, en termes d’approches et de discours, ayant marqué plus de quarante ans de protection environnementale au Canada, nous allons confronter dans un second temps ces récits officiels aux mesures concrètes de prise en charge des infractions liées à l’application de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE). Depuis sa promulgation en 1988, la LCPE est considérée comme « la principale loi fédérale en matière d’environnement au Canada » (Bureau du vérificateur général du Canada [BVG], 2011, p. 1)[2]. Ainsi, en croisant l’analyse des rapports et discours officiels associés à Environnement Canada avec les types et volumes de sanctions appliquées en son nom, il s’agit de relever les transformations ainsi que les points de tension et les paradoxes qui sont au coeur de cette action publique en faveur de l’environnement. Finalement, nous reviendrons en conclusion sur ce que cette démarche croisée nous montre concernant l’impulsion et la direction donnée à la protection de l’environnement par les équipes gouvernementales canadiennes qui se sont succédé lors des quarante-cinq dernières années. Cette étude repose principalement sur une analyse documentaire rigoureuse et systématique d’un vaste corpus de rapports officiels[3] et des principaux projets de loi adoptés par le gouvernement du Canada sur l’ensemble de la période étudiée qui ont eu une influence importante en matière de protection de l’environnement ainsi que l’analyse des statistiques officielles d’application de la LCPE émises par Environnement Canada depuis son adoption en 1988.

1. Un enjeu de politique publique : La gestion évolutive du « problème de l’environnement » au Canada

1.1 L’émergence d’un cadre réglementaire en matière de protection de l’environnement – 1971 à 1979

Bien que les premières initiatives canadiennes en matière de protection de l’environnement remontent au mouvement conservationniste du début du xxe siècle, ce n’est que vers la fin des années 1960 qu’un réel engouement favorable à la protection de l’environnement prend forme au Canada (Paehlke, 2009 ; Pearson, 2001). Que ce soit la couverture médiatique de catastrophes écologiques majeures (Archives de Radio-Canada, 1970 ; Dwivedi, Kyba, Stoett et Tiessen, 2001), l’activisme accru des groupes écologistes (Dwivedi et al., 2001) ou encore la publication d’ouvrages scientifiques (MacDowell, 2012 ; Paehlke, 2009 ; Pearson, 2001), de nombreux éléments alimentent les discussions au sein de l’espace public concernant les effets de la pollution sur la dégradation de l’environnement. Le problème de la pollution en vient de plus en plus à être présenté comme un enjeu politique prioritaire et diverses formes de pression sont exercées sur les représentants élus pour agir en ce sens (Dwivedi et al., 2001 ; Lascoumes, 2012 ; Pearson, 2001).

C’est dans ce contexte que le gouvernement du Parti libéral du Canada, dirigé par Pierre Elliott Trudeau, crée en juin 1971 le ministère de l’Environnement (Environnement Canada). Cette initiative a à cette époque pour objectif d’assurer une gestion plus cohérente des « problèmes » environnementaux en réunissant en un seul ministère les compétences fédérales en matière de protection, de conservation et d’amélioration de la qualité de l’environnement (Environnement Canada, 1972). À cet égard, les premières préoccupations du Ministère portent essentiellement sur les effets directs de la pollution sur les ressources (eau, air, sol) ainsi que sur la faune (Environnement Canada, 1972, 1974a, 1974b). Une série de normes, sous forme de lignes directrices et de règlements, est alors mise en place afin de contrôler et réduire l’émission de polluants dans l’environnement. Pour ce faire, les premiers pas d’Environnement Canada sont marqués par l’adoption d’une posture dite « curative ». Par des programmes gouvernementaux et par la production de recherche scientifique, cette posture consiste à prendre des mesures correctives destinées à éliminer les effets de la pollution sur un environnement donné, et ce, en collaboration avec l’industrie[4]. Une telle posture curative est dénuée de toute dimension répressive et ne vise donc pas à identifier ou punir ceux à l’origine des dommages causés à l’environnement. Elle s’appuie uniquement sur la préservation, la restauration et la mise en valeur de ce qui est alors couvert par la notion d’environnement.

Cependant, cette manière de concevoir et d’aborder le problème, propre aux débuts d’Environnement Canada, est assez vite remise en cause à la suite des chocs pétroliers survenant au cours des années 1970 (Barsky et Kilian, 2004 ; Howlett, 2001 ; Paehlke, 2009). Si ces crises énergétiques mettent en évidence le caractère limité des ressources naturelles, elles mettent également en lumière les rapports complexes existant entre la protection de l’environnement et le développement économique des États occidentaux (Environnement Canada, 1977). Les autorités fédérales canadiennes vont alors être amenées à redéfinir leur manière de percevoir et de gérer les « problèmes » environnementaux. La pollution va dès lors être considérée au sein d’Environnement Canada « comme étant la résultante d’une mauvaise utilisation des ressources [naturelles] » (Environnement Canada, 1982, paragr. 3). Dans ce cadre, l’adoption d’une posture plus préventive et dissuasive est jugée nécessaire afin de préserver les ressources naturelles essentielles au mode de vie canadien. Plusieurs actions vont dans cette direction à partir de 1973-1974. Tout d’abord, un processus d’évaluation environnementale est établi en décembre 1973 et il est suivi dès avril 1974 par l’entrée en fonction de la Commission des évaluations environnementales chargée d’analyser l’impact environnemental des projets fédéraux (Environnement Canada, 1974b, 1975). Ce changement de posture imprègne également les initiatives destinées à assurer une plus grande conformité des entreprises vis-à-vis des lois environnementales. L’adoption en 1975 de la Loi sur les contaminants de l’environnement prévoit notamment des mesures dissuasives à l’encontre de ceux qui n’observeraient pas la loi avec des amendes pouvant atteindre 100 000 $ ou une peine d’emprisonnement maximal de deux ans en cas de non-conformité (Environnement Canada, 1977).

Parallèlement à ces activités d’évaluation et de contrôle, plusieurs recherches scientifiques sont menées sous l’égide d’Environnement Canada afin de mieux comprendre le rapport complexe existant entre la protection de l’environnement et le développement économique du pays à plus long terme. De ce fait, à partir de 1976, une nouvelle philosophie environnementale est promue par Environnement Canada avec l’expression de « société de conservation[5] ». Partant du postulat « que notre existence même dépend de notre aptitude à vivre en harmonie avec notre environnement » (Environnement Canada, 1982, paragr. 4), ce nouveau « paradigme » sous-tend l’idée que le mode de vie de la population canadienne axé sur la consommation de masse doit évoluer vers un mode de vie alternatif où la conservation des ressources naturelles constituerait le point de référence déterminant. Certes, il s’agit toujours d’en faire plus sur le plan de la croissance économique, mais désormais avec moins de ressources naturelles. L’attribution en 1977 du statut de ministère d’État à Environnement Canada constitue à cet égard la première initiative du gouvernement pour articuler l’idée de « société de conservation » à l’ensemble de ses actions. Ceci a pour effet d’octroyer au ministre de l’Environnement un plus grand nombre de responsabilités dites « horizontales » sur les activités et projets gouvernementaux. En outre, le ministre est incité à jouer un rôle de premier plan pour conseiller les autres ministères et émettre des lignes directrices nationales concernant les mesures à prendre en matière environnementale (Pêches et Environnement Canada, 1978, 1979). Tout ceci engendre une restructuration importante du ministère de l’Environnement car ce dernier ne disposait pas jusqu’alors des ressources suffisantes pour atteindre ces objectifs ambitieux (Environnement Canada, 1981).

1.2 Des problèmes environnementaux en voie d’internationalisation – 1980 à 1993

À la fin des années 1970, un vaste processus de réorganisation ministérielle est enclenché afin de clarifier le rôle et les mandats du gouvernement fédéral en matière d’environnement et y ancrer les principes sous-jacents à l’idée d’une « société de conservation[6] » (Pêches et Environnement Canada, 1979). À cette occasion, un nouveau mandat est alloué à Environnement Canada dans le but de « favoriser l’harmonie entre la société et l’environnement dans l’intérêt des générations actuelles et futures de Canadiens » (Environnement Canada, 1984, p. 1). Alors que dans les années 1970, Environnement Canada avait pour mission quasi unique de s’attaquer aux effets de la pollution sur les ressources naturelles, son mandat enrichi offre une perspective à la fois plus large et plus approfondie pour gérer les problèmes environnementaux et les risques sanitaires qui y sont associés (Dwivedi et al., 2001).

La survenue de catastrophes écologiques à l’échelle nationale et internationale (Love Canal [1978], Tchernobyl [1986], Exxon Valdez ([1989]) et l’émergence de nouveaux enjeux environnementaux (pluies acides, appauvrissement de la couche d’ozone stratosphérique, changements climatiques) incitent également à revoir la hiérarchie des priorités ainsi que les modalités de prise en charge des problèmes environnementaux (Environnement Canada, 1984). Cela conduit tout d’abord à souligner que les problèmes de l’environnement « ne [connaissent] pas de frontières politiques » (Environnement Canada, 1983, p. 6). Il est aussi noté que la manière dont les autres États appréhendent le problème de l’environnement a par ricochet un impact sur l’environnement canadien. De ce fait, une plus grande collaboration avec les provinces et la « communauté internationale » est jugée nécessaire pour protéger l’environnement et la santé humaine (Environnement Canada, 1982, 1983, 1984, 1985). Tout ceci contribue in fine à redessiner les contours de la menace autour des substances toxiques et de leurs effets néfastes ainsi qu’autour de « nouveaux » problèmes environnementaux et de leurs conséquences sur la santé humaine. La santé des citoyens est alors placée au centre des préoccupations gouvernementales lors de l’élaboration des politiques publiques et des programmes en matière d’environnement.

Le début des années 1980 est donc marqué par un intérêt politique, public et médiatique renouvelé envers les questions environnementales et leurs conséquences, aussi bien sur le plan écologique que socioéconomique (Environnement Canada, 1982). À cet égard, l’environnement devient pour la première fois un enjeu électoral primordial lors de la campagne de 1984 (Macdonald, 2007). Le gouvernement de Brian Mulroney du Parti progressiste-conservateur est élu sur une plateforme incluant des engagements écrits en matière de protection de l’environnement. Notamment à l’égard des nombreux problèmes engendrés par les pluies acides, une problématique clé pour Environnement Canada en cette première moitié des années 1980[7]. De concert avec les provinces canadiennes et en collaboration avec les autorités américaines, le gouvernement fédéral prend des mesures significatives pour réduire la contribution canadienne à ce problème (Environnement Canada, 1982, 1983, 1984, 1985, 1986a). Le gouvernement Mulroney participe également activement aux conférences mondiales, que ce soit pour négocier ou ratifier de nouveaux traités internationaux en matière de protection environnementale[8].

Mobilisé sur le plan international, le gouvernement canadien l’est tout autant sur le plan national. Durant ces années 1980, deux approches sont alors privilégiées dans la prise en charge des problèmes environnementaux.

Par un effort de sensibilisation, le gouvernement tente tout d’abord d’intervenir en amont des problèmes en privilégiant une approche centrée sur l’« éducation » du public (Environnement Canada, 1983). Les représentants gouvernementaux estiment qu’une approche misant sur la diffusion d’informations et une participation accrue du public encouragerait davantage les Canadiens à prendre des décisions judicieuses dans le domaine de l’environnement (Environnement Canada, 1985). Par conséquent, une part importante des activités menées par Environnement Canada est orientée vers la consultation publique et l’élaboration de documents à destination de la population et des différents secteurs de l’industrie[9].

Ensuite, dans la deuxième partie de la décennie, une approche punitive est intégrée aux actions menées par Environnement Canada pour traiter les cas de non-conformité aux lois et aux règlements environnementaux. Au cours de l’exercice de 1988-1989, le gouvernement fédéral va adopter la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE [1988]) ayant pour objectif de moderniser et de clarifier les politiques fédérales en matière de protection de l’environnement (Environnement Canada, 1987). Premièrement, elle vient concentrer l’ensemble des pouvoirs fédéraux en matière de protection environnementale au sein d’Environnement Canada dans le but affiché de protéger la population canadienne et les ressources naturelles des effets de la pollution, et plus précisément celle causée par les substances toxiques (Environnement Canada, 1990b). Deuxièmement, cette nouvelle loi s’appuie sur une démarche fondée sur l’évaluation des risques ainsi que sur une approche écosystémique pour lutter contre les substances toxiques. Troisièmement, une politique de conformité et d’application de la loi est intégrée à la LCPE (1988) qui donne à Environnement Canada le pouvoir d’effectuer des inspections et des enquêtes auprès des différents secteurs de l’industrie. Dans les cas de non-conformité à la LCPE (1988), il est possible dorénavant d’émettre des lettres d’avertissement, des directives et de déposer des accusations. Enfin, ceux qui contreviennent aux lois environnementales s’exposent à des amendes pouvant atteindre un million de dollars à chacun des jours où une infraction est commise ainsi qu’à des peines d’emprisonnement (Environnement Canada, 1990b). Néanmoins, l’adoption de la LCPE (1988) n’octroie pas un statut d’agent de la paix aux individus responsables de l’application de la loi. Somme toute, les pouvoirs fédéraux restent passablement limités lorsqu’il est question de faire cesser une infraction ou d’imposer des changements dans la façon de faire des contrevenants.

Outre la nécessité d’une collaboration internationale renforcée et d’une action nationale plus cohérente, le traitement des enjeux environnementaux au sortir des années 1980 est accompagné d’une remise en cause de l’idée de « société de conservation » qui n’aurait pas permis de freiner la dégradation environnementale (Environnement Canada, 1990a). Celle-ci laisse progressivement place à celle du « développement durable[10] ». Cette nouvelle approche implique que

les considérations liées à l’environnement […] [doivent] faire partie intégrante de l’élaboration et de la planification de la politique économique et constituer un élément indispensable de toute proposition de développement économique. […] Il y a un siècle, le Canada rêvait d’unir le pays par un chemin de fer. De nos jours, un nouveau rêve prend forme : celui de donner à tous les Canadiens un avenir sûr et prospère dans un environnement sain. Comme le premier rêve, celui-ci exigera des efforts inlassables et une vision indéfectible de l’avenir de la part de tous. Comme le premier, c’est un rêve réalisable. En conjuguant nos efforts pour mettre en oeuvre le Plan vert du Canada, nous parviendrons à faire du développement durable une réalité dans notre pays.

Environnement Canada, 1990a, p. 3-5

À la fin des années 1980, une grande place est accordée par le gouvernement Mulroney à l’intégration de l’approche du développement durable à l’ensemble de ses pratiques politiques.

1.3 Des enjeux environnementaux au second plan dans un contexte de renouvellement législatif – 1993 à 2006

Les évolutions en matière de protection de l’environnement qui surviennent durant les années 1980 laissent présager un avenir proche marqué par une action publique renforcée à l’échelon fédéral. Le nouveau gouvernement libéral de Jean Chrétien est d’ailleurs élu en 1993 en promettant notamment de poursuivre et même d’intensifier les efforts entrepris dans le domaine de la protection de l’environnement. La récession économique de la première moitié des années 1990 pèse toutefois fortement sur cette promesse électorale. Sans pour autant être complètement oubliée dans les discours des autorités fédérales, la protection de l’environnement perd son aspect prioritaire au profit de l’équilibre budgétaire (Demerse et Lemphers, 2015 ; Macdonald, 2007 ; Snider, 2015).

Les premiers effets de ce renversement se font sentir avec les compressions budgétaires touchant la protection de l’environnement. Environnement Canada est directement touché par une réduction notable de ses effectifs (Macdonald, 2007). Plusieurs amendements sont également apportés à la législation environnementale, ayant comme conséquence de diminuer les obligations imposées aux entreprises (Macdonald, 2007). De plus, le gouvernement du Canada adopte un discours misant sur la « coopération » et le « partage » des responsabilités en matière de prévention de l’environnement. Ce changement d’approche va de pair avec une valorisation inédite des « mesures volontaires ». Des ententes dites volontaires sont ainsi conclues avec les différents secteurs de l’industrie[11]. Le programme d’Accélération de la réduction et de l’élimination des toxiques (ARET) illustre parfaitement ce mode de gestion privilégié par le gouvernement fédéral (voir Environnement Canada, 2003, p. 29). En 1998, le gouvernement de Chrétien entérine cette même approche avec les provinces et les territoires en concluant l’Accord pancanadien sur l’harmonisation environnementale. Cette initiative est présentée comme une avancée pour la coordination entre les deux ordres de gouvernement en matière de protection de l’environnement (Environnement Canada, 1999). Dans les faits, elle va surtout permettre de déléguer une grande part de la responsabilité fédérale aux provinces et territoires du pays (Macdonald, 2007).

C’est dans ce contexte général que l’examen quinquennal obligatoire de la LCPE (1988) est réalisé, et ce, en vertu de l’article 139 de cette législation stipulant qu’une évaluation doit être effectuée dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur. En juin 1993, une motion désignant le Comité permanent de l’environnement et du développement durable (ENVI) responsable de l’examen de la LCPE avait été adoptée à la Chambre des communes (Environnement Canada, 1994). Toutefois, la perspective des élections fédérales de 1993 avait contraint l’ENVI à reporter l’examen et une motion définitive avait été adoptée en juin 1994 afin que le processus d’évaluation soit mis en place (Environnement Canada, 1996a). Au terme de cet examen en juin 1995, l’ENVI conclut dans son rapport que la LCPE n’a pas atteint ses objectifs en matière de protection de l’environnement et de la santé de la population canadienne. L’application de la LCPE et les méthodes de contrôle des infractions sont décrites comme étant dépassées, inefficaces et incohérentes. Les membres du Comité estiment qu’une réforme majeure de la LCPE est nécessaire afin d’y intégrer des principes directeurs adaptés aux nouvelles réalités environnementales. Ils évoquent pêle-mêle l’idée de développement durable, la prévention de la pollution[12], l’approche écosystémique, la notion de biodiversité, le principe de la prudence[13] et la notion de responsabilité de l’utilisateur et du producteur (ENVI, 1995). Le Comité considère également que d’importantes modifications doivent être apportées à la LCPE pour, entre autres choses, améliorer la gestion de l’environnement et assurer une application plus stricte et cohérente de la loi. Le comité insiste sur la nécessité d’accompagner ces modifications à la LCPE avec des moyens financiers adéquats (ENVI, 1995).

À la suite de ces recommandations, le gouvernement dépose une réponse au rapport de l’ENVI décrivant les mesures envisagées pour une LCPE renouvelée. Il est proposé d’y intégrer les principes directeurs recommandés par l’ENVI afin d’ajouter et d’employer des « outils plus souples, comme les ententes négociées […] au lieu des poursuites, des ordonnances de suspensions et des contraventions [qui] permettraient de réduire les coûts afférents aux actions devant les tribunaux » (Environnement Canada, 1995, p. 8). Ceci sous-entend aussi un élargissement des pouvoirs délégués aux agents responsables de l’application de la loi.

Cette proposition d’une LCPE renouvelée faite par Environnement Canada est soumise en 1996 à la consultation publique (Environnement Canada, 1995, 1996a). Au terme de cette consultation, le projet de loi C-74 est déposé en décembre 1996, en incluant une série d’amendements aux recommandations initiales de l’ENVI ainsi que celles formulées par Environnement Canada afin d’y intégrer les propositions des parlementaires et du public (Environnement Canada, 1997). Ce processus est interrompu par les élections fédérales de 1997. Le nouveau projet de loi C-32 – qui modifie substantiellement les recommandations du projet de loi C-74 – est finalement déposé en mars 1998 pour en faire l’examen parlementaire (Environnement Canada, 1998). Parallèlement à cela, d’importantes pressions sont exercées par l’industrie – principalement par l’Association canadienne des fabricants de produits chimiques – afin de modifier la portée de la LCPE initialement proposée (Dwivedi et al., 2001 ; Macdonald, 2007). Ces pressions amènent le gouvernement Chrétien à modifier un élément fondamental de cette nouvelle loi en juin 1999, et ce, en plein processus de promulgation de la LCPE. Contrairement à la proposition initiale d’intervenir en amont des problèmes environnementaux en contrôlant plus étroitement et sévèrement, voire en bannissant, l’entrée des substances toxiques dans l’environnement, le gouvernement Chrétien a préféré miser sur une méthode d’intervention se faisant après coup qui visait uniquement les rejets et l’entreposage des substances toxiques. Ceci conduit paradoxalement le gouvernement en place à voter contre les recommandations faites par son propre comité permanent (ENVI) qui affirmait que cette approche limitait grandement le niveau de protection accordé à l’environnement et la santé humaine (Macdonald, 2007).

Au terme de ce long processus parlementaire, la nouvelle Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (LCPE [1999]) est adoptée en septembre 1999 et entre en vigueur en mars 2000 afin de remplacer la loi originale de 1988. Elle se veut une initiative clé pour renforcer les mesures de protection de l’environnement, en octroyant davantage de pouvoirs contraignants (perquisition, saisie, arrestation, etc.) aux agents responsables d’appliquer la loi et en leur accordant un statut d’agent de la paix. En outre, elle met à la disposition des agents un plus large éventail de mesures destiné à réprimer ou à empêcher une infraction aux lois et règlements environnementaux (Environnement Canada, 2001b, 2013a). De plus, la loi confère des pouvoirs au ministre afin de développer et de mettre en place des outils de « gestion des risques », tels que la possibilité de demander des plans de prévention de la pollution à l’industrie, de conclure des ententes administratives et des accords d’équivalence avec les provinces et les territoires, d’émettre des codes de bonnes pratiques et des directives en matière de qualité de l’environnement, de favoriser des démarches volontaires auprès des entreprises (ententes sur la performance environnementale, protocoles d’entente), d’utiliser des instruments économiques (système de consignes, subventions, etc.) (Environnement Canada, 2001a, 2002, 2003). De ce fait, la majeure partie des activités menées par Environnement Canada dans le cadre de la LCPE (1999) s’oriente vers la prévention de la pollution et la promotion de la conformité. Par ses compétences, Environnement Canada est par ailleurs reconnu comme le département le mieux adapté pour faire le suivi des initiatives internationales sur les enjeux environnementaux, telles que celles sur les changements climatiques, qu’il s’agit d’intégrer aux objectifs canadiens en matière de développement économique et de protection de la santé humaine (Environnement Canada, 2013a).

Néanmoins, suivant l’adoption de la LCPE (1999), peu d’initiatives marquantes en matière de protection de l’environnement sont mises de l’avant par le gouvernement libéral de Jean Chrétien et celui de Paul Martin qui lui succède, hormis un réinvestissement graduel dans le budget d’Environnement Canada à partir des années 2000. Fortement influencé par le contexte économique plus favorable de l’époque, ce réinvestissement a tout de même pour effet d’améliorer les moyens disponibles pour protéger l’environnement et d’augmenter sensiblement le nombre d’agents responsables de l’application[14].

1.4 Le mirage conservateur : entre protection de l’environnement et volonté de superpuissance énergétique – 2006 à 2015

L’article 343 de la LCPE (1999) prévoit qu’un examen parlementaire de cette loi soit fait tous les cinq ans suivant l’entrée en vigueur de la loi. Par conséquent, le gouvernement libéral de Paul Martin va adopter en avril 2005 une motion en Chambre des communes pour désigner l’ENVI comme responsable de ce nouvel examen de la LCPE (Environnement Canada, 2009a). Toutefois, le scandale des commandites qui éclate en 2004, et le dépôt en novembre 2005 du rapport de la commission Gomery, enquêtant sur ces allégations, incitent les parlementaires à la Chambre des communes à voter une motion de défiance à l’égard du gouvernement Martin (Desserud, 2006). La dissolution du gouvernement et les élections fédérales de 2006 qui s’ensuivent ont pour conséquence d’arrêter les travaux qui avaient été entamés en octobre 2005 par l’ENVI (Environnement Canada, 2009a).

À la suite de ces élections, le gouvernement conservateur de Stephen Harper est élu sous un mandat minoritaire. Peu de temps après son entrée en poste, une première motion est adoptée à la Chambre des communes en avril 2006 afin de charger à nouveau l’ENVI d’entreprendre l’examen de la LCPE (1999). Une seconde motion est adoptée au Sénat deux jours plus tard afin de mandater également le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles (ENEV) pour cet examen (Environnement Canada, 2009b).

En mai 2007, l’ENVI dépose son rapport à la Chambre des communes (ENVI, 2007). Ce dernier indique que la LCPE (1999) est certes une loi très détaillée prévoyant de nombreux pouvoirs au ministère de l’Environnement, mais qu’elle demeure insuffisamment mise en oeuvre au moment de l’examen quinquennal. Sans pour autant prôner une refonte complète de la LCPE (1999) – jugeant cela « inutile » et « probablement improductif » –, l’ENVI recommande néanmoins que d’importants changements soient apportés par le gouvernement du Canada (ENVI, 2007, p. 5). À cet égard, il est précisé que la faiblesse des fonds octroyés à Environnement Canada constitue un obstacle majeur à la mise en oeuvre adéquate de la LCPE (1999). Outre ce constat, l’ENVI pointe la difficulté d’évaluer les résultats de la conformité et de l’exécution de la LCPE (1999) étant donné l’absence de mécanismes clairs qui permettraient de démontrer la valeur du programme d’exécution de la loi (ENVI, 2007). Une réponse provisoire à ce rapport est déposée à la Chambre des communes par le gouvernement (Gouvernement du Canada, 2007). Elle anticipe l’élaboration d’une réponse définitive unifiant les recommandations des deux comités responsables de l’examen de la LCPE une fois le rapport de l’ENEV déposé. Néanmoins, le gouvernement reconnaît déjà la nécessité d’apporter certains changements à la LCPE (1999) (Gouvernement du Canada, 2007). Le gouvernement insiste sur le fait que les politiques élaborées dans le cadre du Plan de gestion des produits chimiques[15], et celles du plan d’action Prendre le virage : Mesures concrètes pour lutter contre les changements climatiques[16], « fourniront le contexte stratégique et les objectifs généraux [nécessaires] concernant l’utilisation que le gouvernement fera de la LCPE (1999) au cours des prochaines années » (Gouvernement du Canada, 2007, p. 2). Il est également affirmé que ces plans d’action viennent appuyer plusieurs recommandations faites dans le rapport de l’ENVI afin d’améliorer la LCPE (1999).

En mars 2008, l’ENEV présente son rapport final avec une conclusion similaire à celle de l’ENVI, soit que la LCPE est une loi pertinente, mais que sa mise en oeuvre demeure inadéquate (ENEV, 2008). En outre, il ne recommande pas une révision majeure de cette dernière en affirmant qu’il est encore trop tôt pour juger de l’efficacité de la LCPE (1999), car les agents d’application de la loi en étaient toujours à l’étape d’appropriation de la loi. Toutefois, l’ENEV relève deux limites à « l’efficacité du régime de protection de l’environnement de la LCPE », à savoir le manque de volonté politique et l’insuffisance des ressources accordées à sa mise en oeuvre (ENEV, 2008, p. 3). Malgré la promesse du gouvernement d’apporter une réponse définitive une fois le dépôt du rapport de l’ENEV, aucune démarche ne sera faite en ce sens puisque le Parlement est dissous en raison des élections fédérales de 2008. L’examen parlementaire de la LCPE (1999), malgré son caractère obligatoire, ne sera jamais reconduit, ni en 2010 ni en 2015, par le gouvernement Harper (Environnement et Changement climatique Canada, 2016a).

Au terme de ces élections, le gouvernement Harper est réélu en 2008 sous un mandat minoritaire. Bien que les enjeux environnementaux n’aient pas été au premier plan de la campagne électorale des conservateurs – la récession qui survient au même moment met l’économie en priorité dans la liste des problèmes politiques à gérer –, il y avait tout de même la promesse d’agir plus sévèrement à l’encontre des contrevenants environnementaux (Radio-Canada.ca, 2008). De ce fait, une étape importante est franchie pour renforcer neuf lois environnementales, dont la LCPE (1999), en adoptant la Loi sur le contrôle d’application de lois environnementales en juin 2009 (Environnement Canada, 2010b). Cette initiative du gouvernement Harper introduit des lignes directrices pour les juges en matière de peines liées à une infraction aux lois environnementales et de nouvelles amendes[17]. Une première partie de la Loi sur le contrôle d’application de lois environnementales – qui n’inclut pas le nouveau régime d’amendes – entre en vigueur en 2010 afin de modifier la LCPE (1999) et ses règlements. Les dispositions de la Loi sur le contrôle d’application de lois environnementales en vertu de la LCPE sont ensuite intégrées complètement en juin 2012 avec l’adoption du Règlement sur les dispositions réglementaires désignées aux fins de contrôle d’application [LCPE (1999)] (Environnement Canada, 2010b, 2014a). En outre, la Loi sur le contrôle d’application de lois environnementales – par l’adoption de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement – prévoit de mettre à la disposition des agents d’Environnement Canada un nouvel outil d’application de la législation avec la possibilité de recours à des sanctions administratives pécuniaires (SAP). Les SAP sont des sanctions civiles ayant pour objectif de « créer une mesure de dissuasion financière contre la non-conformité et [offrant] une solution de rechange aux autres mesures d’application de la loi comme les avertissements écrits et les poursuites, qui pourraient ne pas être adaptées ou efficaces dans tous les cas » (Environnement et Changement climatique Canada, 2016c). Néanmoins, bien qu’adoptées en 2009, les « dispositions réglementaires » de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement autorisant le recours au SAP ne sont toujours pas en vigueur lorsque le gouvernement est défait par les libéraux de Justin Trudeau en décembre 2015 (Environnement et Changement climatique Canada, 2016c).

Avant cela, le Parti conservateur de Harper devient un gouvernement majoritaire lors des élections fédérales de 2011. Si la protection de l’environnement a eu une certaine importance lors des deux mandats minoritaires du gouvernement Harper, il en est tout autrement sous ce mandat majoritaire (Gibson, 2012 ; MacNeil, 2013 ; Snider, 2015 ; Valiente, 2015). Le gouvernement Harper adopte en 2012 deux projets de loi omnibus, soit le projet de loi C-38 et le projet de loi C-45[18]. Ces deux projets de loi viennent modifier considérablement les politiques environnementales canadiennes en diminuant grandement le niveau de protection accordé à l’égard de l’environnement. Plus de 70 lois et règlements sont modifiés, révisés ou abrogés, engendrant entre autres choses l’affaiblissement des dispositions en matière de gestion des déchets dangereux prises en vertu de la LCPE (1999). De plus, ils vont dans le même temps accélérer le processus des évaluations environnementales, diminuer le budget accordé à Environnement Canada et réduire grandement le financement accordé aux programmes environnementaux supportant l’implantation, la surveillance et la recherche tout en officialisant le retrait du protocole de Kyoto ratifié en 2002 même si peu investi par les gouvernements de Chrétien et Martin.

Au regard de cette séquence et des différentes séquences historiques retracées dans cette première section conséquente de notre article, il s’agit maintenant de saisir la manière dont ces évolutions politiques et réglementaires sur le plan de la conception et de la prise en charge des problèmes de l’environnement se sont traduites en termes de poursuites et de sanctions administrées en vertu de la LCPE.

2. La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE) en action

La présente section est consacrée à l’analyse des données officielles d’application de la LCPE. Comme mentionné précédemment, la LCPE est la principale loi canadienne en matière de protection de l’environnement, ce qui justifie de s’y intéresser pleinement (BVG, 2011). Les statistiques officielles d’application de la LCPE permettent d’avoir un aperçu « longitudinal » pertinent sur l’évolution des sanctions et les effets possibles des changements de gouvernement. Depuis l’adoption de la LCPE en 1988, Environnement Canada produit des rapports annuels faisant un sommaire détaillé de l’ensemble des activités et des mesures d’application de la loi pour chacun des règlements en vigueur. De plus, bien qu’il soit possible pour Environnement Canada d’émettre des sanctions sous d’autres lois environnementales, plusieurs données d’application sous ces lois sont incomplètes, codifiées différemment, et sous certaines d’entre elles, il n’est pas obligatoire de publier ces dites données. Enfin, il est presque impossible de retrouver systématiquement les données d’application de certaines lois environnementales avant la fin des années 1980 étant donné qu’elles n’étaient pas colligées par Environnement Canada.

À ce stade, il est essentiel de rappeler la distinction entre deux activités fondamentales des agents d’Environnement Canada pour faire respecter l’application de la LCPE, à savoir les inspections et les enquêtes.

D’un côté, les inspections sont menées afin de vérifier la conformité à la loi. Elles sont conduites lorsque l’agent de l’application de la loi a un motif raisonnable de croire qu’il y a une activité, du matériel, une substance ou des documents visés par la LCPE ou relevant de son application. Environnement Canada détermine les inspections régulières selon un programme d’inspection et ajoute à ces dernières des inspections surprises. La fréquence des inspections est déterminée en fonction d’abord du bilan de conformité des entités réglementées et ensuite du risque sur l’environnement ou sur la santé humaine présenté par leur activité et la ou les substances utilisées, et ceci peut évoluer après chaque mise à jour réglementaire (Environnement Canada, 2001b).

D’un autre côté, les enquêtes sont effectuées dans les cas où l’agent de l’application de la loi a un motif raisonnable de croire qu’il y a une infraction lors d’une inspection ou, sans mandat de perquisition, lorsqu’une circonstance urgente survient, ou encore lorsqu’une demande citoyenne est adressée au ministre de l’Environnement pour enquêter sur une infraction présumée[19]. Si jamais, après enquête, il y avait suffisamment de preuves qu’une infraction a été commise à la LCPE ou à l’un de ses règlements, l’agent peut décider d’utiliser l’une des mesures à sa disposition pour agir de manière répressive (Environnement Canada, 2001b). Ce choix est désigné selon les critères suivants : 1) « la nature de l’infraction » ; 2) « l’efficacité du moyen employé pour obliger le contrevenant à obtempérer » ; 3) « la cohérence dans l’application » (Environnement Canada, 2001b, p. 22). Les avertissements font toutefois office d’exceptions et peuvent également être donnés par un agent au moment d’une inspection, lorsqu’il y a un motif raisonnable de croire qu’une infraction a été commise, mais qu’elle comporte des risques minimes à l’environnement ou la santé humaine (Environnement Canada, 2001b).

Le tableau 1 présente les statistiques officielles des activités et des mesures d’application de loi survenues entre les années financières de 1990-1991 à 2014-2015 et ayant été mises en oeuvre autant sous la LCPE (1988) que sous la LCPE (1999). Au regard de telles statistiques, un constat général s’impose concernant les activités d’application de la loi dans la mesure où peu d’inspections ont mené à des enquêtes et qu’in fine, peu de sanctions ont été données à ceux qui contreviennent à la loi. Cette tendance est encore plus marquée lors de l’entrée en vigueur de la LCPE (1999) en mars 2000. Ainsi, malgré un éventail élargi d’outils plus souples pour assurer la conformité, malgré des pouvoirs étendus pour les agents d’application de la loi, malgré une augmentation significative et constante de ses effectifs entre les années 2000-2001 et 2011-2012 et enfin malgré un plus grand nombre de règlements en vigueur, Environnement Canada a visiblement rencontré des difficultés pour utiliser adéquatement les dispositions fournies par la LCPE (1999). Partant de ce fait, nous nous tournons maintenant vers l’analyse de chacune des législatures relevées dans la section précédente afin de voir comment les actions engagées sous les gouvernements successifs se sont finalement traduites en termes de sanctions émises par Environnement Canada en vertu de la LCPE.

Tout d’abord, bien que les influences du gouvernement progressiste-conservateur de Mulroney quant à l’application de la LCPE (1988) furent de courte durée, certains constats peuvent tout de même être tirés de cette période. En effet, lorsqu’on compare la période du gouvernement Mulroney (1990-1994) au premier mandat du gouvernement Chrétien (1994-1997)[20], il est possible de remarquer une activité de surveillance plus soutenue et un plus grand nombre de poursuites engagées sous le gouvernement Mulroney. Ce constat résulte certainement du niveau d’implication dont le gouvernement Mulroney a fait preuve en matière de protection de l’environnement – comparé notamment au gouvernement Chrétien – mais aussi du fait d’avoir privilégié l’approche punitive.

Ensuite lorsque l’on observe plus globalement la période où la LCPE fut sous l’influence du gouvernement libéral de Chrétien (1994-2003) et celui de Martin (2003-2005), on distingue une hausse du nombre des inspections conduites par Environnement Canada, principalement après l’adoption de la LCPE (1999). D’une part, cet accroissement peut être expliqué en grande partie par le fait que le champ d’application de la LCPE va être élargi avec l’adoption de la nouvelle loi de 1999 (Environnement Canada, 2013a). Par conséquent, pour répondre à ces nouvelles responsabilités, Environnement Canada a adopté un plus grand nombre de règlements entre 2002-2003 et 2005-2006[21]. D’autre part, afin de répondre adéquatement aux nouveaux mandats et responsabilités qu’amenait l’adoption de la LCPE (1999), un plus grand nombre d’agents de l’autorité ont été nommés[22]. Toutefois, malgré une multiplication des mesures réglementaires, des effectifs et des outils mis à la disposition des agents de l’autorité, le nombre de sanctions demeure peu élevé en termes absolus durant la période où les libéraux sont au pouvoir. Tel qu’il est illustré dans le Tableau 1, les avertissements ont représenté la méthode privilégiée de gestion des infractions à la LCPE (1999) et à ses règlements.

Finalement, c’est sous la période du gouvernement conservateur de Harper (2006-2015) qu’on constate une plus grande surveillance des entités réglementées ainsi qu’un plus grand nombre de sanctions. Cette surveillance accrue ne peut pas être attribuée à une hausse du nombre de règlements. En effet, malgré une légère augmentation du nombre de règlements en vigueur durant la période où le gouvernement Harper a été au pouvoir, le nombre absolu de règlements ayant fait l’objet d’une inspection est resté relativement stable[23]. Dans le même ordre d’idées, la hausse du nombre d’inspections ne peut pas non plus être attribuable à un plus grand nombre d’agents puisque ce nombre est resté stable durant cette période[24]. En revanche, une nuance importante peut être apportée sur cette « amélioration » lorsque l’on se penche plus systématiquement sur les cibles effectives des sanctions prises en vertu de la LCPE (1999) sous le gouvernement Harper. Ce ne sont pas nécessairement les entreprises ayant le plus grand impact sur l’environnement qui sont sanctionnées. En effet, à partir de 2011-2012, les efforts d’Environnement Canada en matière de promotion de la conformité ont été portés sur les petites et moyennes entreprises (500 employés et moins), ce qui a eu une répercussion dans les sanctions. Sur ce point, les nettoyeurs à sec ont été les entités les plus ciblées par les poursuites et les ordres d’exécution en matière de protection de l’environnement (OEPE) ; correspondant à la majorité des mesures prises par le gouvernement du Canada. Puis, lorsque l’on porte attention aux raisons ayant mené à des sanctions à la suite de poursuites judiciaires, cette hausse des mesures prises en vertu de la LCPE (1999) est principalement imputable à des situations d’urgence environnementale ou à des situations de mauvais entreposage d’une substance[25]. Autrement dit, peu de sanctions relèvent d’une activité de contrôle préventive.

Tableau 1

Activités et mesures d’application sous la LCPE, données agrégées en fonction des gouvernements au pouvoir durant la période visée par l’étude1

Activités et mesures d’application sous la LCPE, données agrégées en fonction des gouvernements au pouvoir durant la période visée par l’étude1
  1. Pour les années 1990-1991 à 1999-2000, les activités et mesures d’application de la loi étaient prises en vertu de la LCPE (1988) ; pour les années 2000-2001, les activités et mesures d’application de la loi étaient prises en vertu de la LCPE (1988) ainsi qu’en vertu de la LCPE (1999), cette période faisant office de transition entre les deux lois ; pour les années 2001-2002 à 2014-2015, les activités et mesures d’application de la loi étaient prises en vertu de la LCPE (1999). Pour avoir un aperçu des données non agrégées, voir les ANNEXES I, II, III.

  2. Les rapports émis par Environnement Canada en vertu de la LCPE sont déposés à la fin de chaque année financière, d’avril à mars de l’année suivante. Toutefois, l’élection d’un nouveau gouvernement ne suit pas cette logique. Par conséquent, nous avons réparti les rapports déposés lors d’une élection fédérale en fonction du nombre de mois au pouvoir du gouvernement sortant et entrant. Ainsi, ledit rapport était associé au gouvernement ayant été en poste le plus longtemps étant donné sa plus grande influence.

  3. Les noms des partis politiques au pouvoir mis en italique indiquent que ledit gouvernement avait un mandat majoritaire.

  4. Ordres d’exécution en matière de protection de l’environnement (OEPE) : bien que cette mesure soit adoptée en même temps que la LCPE (1999), elle sera mise en application seulement à partir de l’exercice financier de 2001-2002.

  5. Sans objet (S.O.), étant donné que la mesure n’était pas en vigueur avant l’adoption de la LCPE (1999).

  6. Le Règlement sur les contraventions, pris en vertu de la Loi sur les contraventions fédérales, sera adopté en octobre 2001 et ses dispositions seront mises en vigueur à partir de l’exercice financier de 2002-2003.

  7. Mesures de rechange en matière de protection de l’environnement (MRPE) : bien que cette mesure soit adoptée en même temps que la LCPE (1999), elle sera mise en application seulement à partir de l’exercice financier de 2001-2002.

-> Voir la liste des tableaux

Conclusion

Les discours des autorités fédérales canadiennes à l’égard de ce qui constitue un « problème » environnemental ont radicalement évolué au fil des années. Notre analyse permet de poser deux observations importantes à cet égard. Dans un premier temps, il est possible de constater un changement d’échelle dans la perception et la conception des problèmes de l’environnement par le gouvernement du Canada. Au moment de la création d’Environnement Canada en 1971, les autorités fédérales compétentes appréhendaient essentiellement ces problèmes comme étant d’ordre local, domestique, dans la mesure où ils étaient conçus comme affectant uniquement l’espace canadien. Puis, vers la fin des années 1970, la mise en évidence du caractère transfrontalier des problèmes environnementaux est justifiée au nom du développement de la recherche scientifique et technologique, de l’aggravation et de la multiplication des catastrophes écologiques ainsi que de l’émergence de nouveaux enjeux environnementaux.

Dans un second temps, il est possible de constater un changement en termes de problématisation. En effet, la « première école de pensée » adoptée lors de la création d’Environnement Canada était orientée sur les effets directs que la pollution pouvait avoir sur les ressources (eau, air, sol) et sur la faune canadienne. Cette manière de problématiser les enjeux environnementaux fut progressivement transformée à la lumière de l’état jugé limité des ressources naturelles essentielles à nos modes de vie, et ce, notamment avec la crise de l’énergie à partir 1973. Les problèmes liés à l’environnement ont alors été abordés comme la résultante d’une mauvaise utilisation des ressources naturelles. La multiplication relative des catastrophes et des défis environnementaux a aussi contribué à insister sur le fait que la survie même de la population canadienne dépendait de son aptitude à vivre en harmonie avec l’environnement. Ainsi, vers la fin des années 1970 et jusqu’à la fin des années 1980, le gouvernement du Canada accorda une grande importance à l’idée de « société de conservation ». D’une part, cette orientation amenait le gouvernement à définir les problèmes de l’environnement comme étant liés aux décisions politiques et sociales. D’autre part, une telle orientation incitait à une meilleure compréhension du rapport complexe unissant développement économique et protection de l’environnement. Par conséquent, une utilisation plus prudente des ressources naturelles essentielles au mode de vie canadien était nécessaire afin de mieux les conserver, les gérer et les protéger. Puis, au début des années 1990, l’idée de « société de conservation » fut délaissée au profit de l’approche du développement durable. Promu dès 1987 à l’échelon international, le développement durable impliquait une conception du bien commun liant davantage la gestion et la protection de l’environnement aux dimensions économiques et sociales. Cette approche misait sur une perspective à long terme du développement socioéconomique centré sur les besoins actuels et futurs des populations. Il ramenait par le fait même l’État et ses citoyens au centre des préoccupations à l’égard de la protection l’environnement (Environnement Canada, 1990b).

À chacune de ces transitions, les différents gouvernements sous mandat ont développé puis mis en place un nombre de plus en plus diversifié d’instruments de régulation tout en octroyant de plus grands pouvoirs aux autorités responsables de l’application des lois environnementales. À cet égard, il est possible de regrouper les initiatives de prise en charge des problèmes environnementaux par les gouvernements selon quatre périodes distinctes.

La première période survient lorsque le gouvernement libéral de Trudeau (1968-1979) est au pouvoir. Ce dernier s’évertua à mettre en place le premier cadre réglementaire en matière de protection de l’environnement. Sur ce point, il a établi des normes nationales pour déterminer le niveau acceptable de pollution et développé, avec la collaboration de l’industrie, des mesures correctives s’attaquant aux effets directs de la pollution sur l’environnement. De plus, une part importante des activités menées par ce gouvernement a été investie dans la recherche scientifique et le développement technologique afin de mieux appréhender la problématique environnementale.

La deuxième période survient progressivement lorsque le gouvernement libéral de Trudeau (1980-1984) est réélu et de manière plus soutenue lorsque le gouvernement progressiste-conservateur de Mulroney (1984-1993) entre en fonction. Durant cette période, les prises de décision canadiennes en matière de protection environnementale tiennent davantage compte d’éléments internationaux. Le gouvernement Mulroney est en effet amené à collaborer plus activement avec la communauté internationale au nom de l’aggravation et de la multiplication des catastrophes écologiques survenant tant sur le plan national qu’international ainsi qu’en raison de l’émergence de nouveaux enjeux environnementaux d’envergure. La ratification de plusieurs traités et accords internationaux a matérialisé cet engagement international. Un travail a également été mené pour définir une ligne de pensée globale et cohérente qui faisait défaut aux politiques environnementales canadiennes. Le premier mandat du gouvernement Mulroney fut orienté vers la modernisation et la clarification des politiques fédérales de protection de l’environnement. De ce fait, la LCPE (1988) contenait les principaux instruments de régulation en matière de protection de l’environnement et de la santé de la population canadienne, et accordait également une plus grande importance à la conformité des entités réglementées. Elle donnait aux agents d’Environnement Canada le pouvoir d’effectuer des inspections et des enquêtes. Dans les cas de non-conformité à la LCPE (1988), il devenait possible d’émettre des avertissements écrits, des directives afin que la loi soit respectée et, dans les cas plus graves, de déposer des accusations. Si la volonté était affichée d’être plus actif sur le plan environnemental, le gouvernement a rencontré des difficultés liées officiellement à l’étendue des problèmes à l’environnement ainsi qu’au manque de moyens technologiques nécessaires à leur prise en charge adéquate. Néanmoins, le gouvernement a tenté de pallier cette problématique en investissant dans la recherche scientifique et technologique.

La troisième période survient lorsque le gouvernement libéral de Jean Chrétien (1994-2003) et celui de Paul Martin (2003-2005) sont au pouvoir. Sous ces gouvernements, une ère de dérégulation a mené à un recours accru aux mesures volontaires et à la promotion de la conformité. Ces gouvernements s’en sont davantage remis à la bonne volonté des entreprises pour mettre en oeuvre des mesures de prévention des problèmes environnementaux, sans toutefois s’assurer que ces mesures étaient réellement prises. Paradoxalement, c’est sous le gouvernement libéral de Chrétien que la LCPE est renforcée. Cette décision ne découlait toutefois pas simplement de la volonté politique du gouvernement Chrétien puisqu’elle a avant tout été la résultante du processus d’évaluation quinquennal obligatoire de la LCPE (1988) ayant conclu à la nécessité d’une refonte majeure de la loi. En effet, la nouvelle approche du développement durable adoptée par le gouvernement du Canada et les nouveaux défis qui se présentaient en matière de protection environnementale imposaient d’importantes modifications à la loi de l988. Il n’en reste pas moins que l’étendue des dispositions de la LCPE (1999) en matière de protection de l’environnement est restée peu investie, faute de volonté politique des gouvernements Chrétien et Martin (ENEV, 2008 ; ENVI, 2007).

La quatrième période survient lorsque le gouvernement conservateur de Harper (2006-2015) est au pouvoir. Pour reprendre les mots de Simons (2015), le gouvernement Harper tout au long de ses trois mandats adopta une approche « passive-agressive » envers l’environnement, surtout lors de son mandat majoritaire. Ainsi, sous les mandats minoritaires, sans pour autant être une question d’ordre prioritaire dans les politiques gouvernementales, le gouvernement Harper a tenté d’adopter une approche dite « tough on crime » envers les contrevenants environnementaux, et ce, en adéquation avec le positionnement de ce parti dans le domaine de la criminalité. Dans une perspective préventive, ce gouvernant a ensuite promu le Plan de gestion des produits chimiques et une stratégie environnementale fédérale en matière de lutte contre les changements climatiques. Bien que ce plan d’action visait à mettre en place des « normes sévères » en matière de pollution atmosphérique, il a surtout créé dans les faits des règlements mettant en place des référentiels en matière d’émission de polluant loin d’être suffisants pour freiner l’expansion de la menace. De plus, afin de contrôler davantage les contrevenants environnementaux, la Loi sur le contrôle d’application de lois environnementales fut adoptée en 2009, mais est entrée complètement en vigueur seulement en 2012. Cette loi venait bonifier le régime d’amende applicable en vertu de la LCPE et mettre de l’avant le registre des contrevenants environnementaux. Découlant de la Loi sur le contrôle d’application de lois environnementales, la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement avait quant à elle pour objectif d’introduire les sanctions administratives pécuniaires (SAP) aux mesures d’application de la LCPE (1999). Toutefois, cette modalité n’était toujours pas en vigueur lorsque le gouvernement Harper perdit ses élections en 2015. Sous son mandat majoritaire, le gouvernement Harper changea fortement son approche, diminuant considérablement le niveau de protection à l’environnement accordé par le gouvernement fédéral tout en réduisant les budgets accordés à Environnement Canada ainsi que le financement alloué à l’implantation des programmes environnementaux, à la surveillance et à la recherche scientifique (Macdonald, 2007).

Il n’en reste pas moins que malgré les critiques formulées à l’égard du gouvernement Harper en matière de protection de l’environnement, plus précisément sous son mandat majoritaire, la décennie Harper mérite une analyse plus fine. Ainsi, lorsque l’on se fie uniquement aux statistiques officielles d’application de la LCPE émises par Environnement Canada, c’est sous le gouvernement Harper que l’on assiste à une hausse des activités de surveillance ainsi qu’à un plus grand nombre de sanctions. Lorsque l’on se penche cette fois-ci plus systématiquement sur qui et sur ce qui est sanctionné ainsi que les raisons sous-jacentes à ces décisions, les constats suivants s’imposent : 1) les petites entreprises ont été les plus ciblées par les sanctions ; 2) les interventions menant à des poursuites pénales sont survenues à la suite d’une urgence environnementale et non pas à la suite d’activités préventives plus soutenues ; 3) la majorité des sanctions ont été prises en fonction de règlements portant certes sur des « menaces » ayant des effets sur l’environnement, mais qui n’ont pas eu d’impacts majeurs sur l’environnement, au point que leur répression ne fait pas nécessairement en sorte que les problèmes environnementaux progressent moins rapidement. Au final, ces activités menées par Environnement Canada sous la LCPE (1999) n’apportent pas une protection plus grande à l’environnement et à la santé des Canadiens et viennent justifier d’autant plus les critiques faites à l’égard du gouvernement Harper en matière d’environnement. Qui plus est, il est aussi possible d’émettre l’hypothèse que cette hausse dans les statistiques officielles de l’application de la LCPE correspondait à un effort stratégique du gouvernement conservateur de Harper afin de présenter un meilleur bilan écologique. En présentant des statistiques officielles montrant clairement une plus grande activité fédérale en matière de protection de l’environnement – tant sur l’aspect punitif que sur celui de la surveillance –, il devenait plus facile pour le gouvernement Harper de justifier la pertinence de leur approche tant décriée en matière environnementale.