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Introduction

Les recherches conduites au cours des vingt dernières années ont permis des avancées importantes pour améliorer les techniques d’entrevue d’enquête auprès des mineurs et d’adapter celles-ci en fonction des capacités cognitives des enfants (Cyr, 2014 ; Cyr, Dion et Powell, 2014 ; Saywitz et Camparo, 2009). Néanmoins, une proportion significative d’enfants résistent à dévoiler leur agression sexuelle (AS) et à collaborer lors de ces entrevues (Hershkowitz, Orbach et al., 2007 ; London, Bruck, Ceci et Shuman, 2007). Même lorsque les enfants décident de dévoiler les mauvais traitements dont ils sont victimes, cette collaboration est fréquemment ponctuée de moments de résistance et certains enfants omettent de dévoiler des détails importants (Cederborg, Lamb et Laurell, 2007). Obtenir le dévoilement le plus complet possible est toutefois nécessaire pour mettre fin à ces agressions, inculper l’agresseur et prévenir d’autres victimisations pour les victimes ou d’autres victimes potentielles. Ainsi, l’absence d’informations importantes de la part de l’enfant est susceptible de compromettre la qualité et l’issue de l’enquête. Cette étude vise à développer de meilleures connaissances sur l’effet du soutien offert par les intervieweurs et sur la collaboration des enfants lors de ces entrevues.

La collaboration des enfants

La collaboration des enfants peut inclure tant leur coopération à l’entrevue que leur résistance ou leur refus de répondre aux questions. Bien qu’il soit normal que certains enfants aient de la réticence à dévoiler certains détails concernant l’AS, peu d’études se sont penchées sur les comportements de résistance des enfants lors de ces entrevues. Par exemple, l’étude d’Orbach, Shiloach et Lamb (2007) a porté sur 70 enfants âgés de 4 à 12 ans qui, à première vue, semblaient résistants à dévoiler leur agression, mais qui ont finalement donné des détails. Dans l’ensemble, les enfants résistants étaient moins communicatifs que les enfants non résistants. Même lorsqu’ils révélaient leur agression, les enfants résistants donnaient moins de détails en général et utilisaient plus souvent des réponses ne comportant pas d’information (p. ex. : « je ne sais pas », « je ne veux pas parler », « je ne me souviens pas ») que les enfants non résistants. Katz et al. (2012) ont mené une étude comparant le comportement non verbal d’enfants qui ont dévoilé leur AS à ceux qui n’ont pas voulu la dévoiler. Leurs résultats indiquent que les enfants résistants sont moins engagés physiquement avec l’intervieweur (p. ex. : se lèvent et ne regardent pas l’intervieweur) que ceux qui ont dévoilé leur AS. Bien que ces résultats soient pertinents, il n’est pas toujours possible de mesurer les comportements de résistance des enfants lorsque ceux-ci ne demeurent pas assis et sortent du champ de la caméra qui les filme. Par conséquent, un aspect novateur de cette étude est de mesurer la résistance et la coopération des enfants à partir d’indicateurs verbaux.

En outre, des facteurs motivationnels et développementaux tels que les caractéristiques de l’enfant et celles de son agression peuvent avoir un effet sur la décision de l’enfant de dévoiler des informations cruciales concernant l’AS (Pipe et al., 2007). La majorité des études qui ont examiné ces dimensions ont comparé des enfants qui dévoilaient à des enfants qui ne révélaient pas leur agression. Les connaissances sont donc limitées sur l’effet que ces variables peuvent avoir sur le comportement de collaboration de l’enfant lorsqu’il décide de dévoiler l’agression.

Les caractéristiques des enfants

L’âge est un bon indicateur de la probabilité qu’un enfant dévoile son AS ; les taux de dévoilement augmentent avec l’âge de l’enfant. En effet, les recherches indiquent une tendance linéaire avec les enfants d’âge préscolaire qui sont plus susceptibles de ne pas dévoiler, suivis des enfants d’âge scolaire et finalement des adolescents qui ont le taux de dévoilement le plus élevé (Gries, Goh et Cavanaugh, 1996 ; Hershkowitz, Horowitz et Lamb, 2005 ; Pipe et al., 2007 ; Wood, McGlure et Birch, 1996). Le faible taux de dévoilement des très jeunes enfants peut être expliqué par le fait qu’ils ne comprennent pas l’objectif poursuivi lors de l’entrevue d’enquête ou encore que les gestes subis sont des gestes d’agression prohibés. Toutefois, Goodman-Brown, Edelstein, Goodman, Jones et Gordon (2003) et plus récemment Malloy, Brubaker et Lamb (2011) ont évoqué que les jeunes enfants se sentent plus souvent responsables de l’AS, pensant qu’ils auraient pu faire quelque chose pour l’empêcher. Ils ont plus souvent peur de se faire punir, ce qui les amène à retarder le dévoilement. Quant aux préadolescents, ils sont plus conscients des conséquences possibles du dévoilement, ce qui peut les retenir.

De plus, le genre de l’enfant semble aussi relié au taux de dévoilement. Les garçons semblent plus résistants que les filles à dévoiler une AS (Ghetti et Goodman, 2001 ; Gries et al., 1996 ; Hershkowitz et al., 2005 ; Hershkowitz, Lanes et Lamb, 2007). Par exemple, les filles plus âgées (11 à 14 ans) pour qui des soupçons d’AS sont présents la dévoilent plus souvent que les garçons du même âge. Les garçons sont aussi plus réticents à dévoiler que les filles lorsque le suspect est un parent ou une figure parentale (Hershkowitz et al., 2005).

Lorsque le suspect est un membre de la famille immédiate, tous les enfants, peu importe leur âge, ont tendance à ne pas dévoiler les AS. Selon Hershkowitz et ses collègues (2005), ceci est encore plus fréquent chez les tout-petits qui sont plus dépendants de leur parent. D’autre part, dans les cas d’agression extrafamiliale, Hershkowitz, Lanes et al. (2007) ont observé que les enfants plus âgés (10-12 ans) étaient plus réticents que les enfants d’âge scolaire (7-9 ans) à dévoiler de l’information ou à retarder le dévoilement. Ces résultats semblent indiquer que ces enfants se sentent plus humiliés de ne pas avoir évité l’agression ou encore sont plus conscients des normes sociales et du tabou que représente l’AS. Ainsi, il apparaît évident que, peu importe l’âge des enfants, le fait de dévoiler une agression commise par une personne proche est une tâche difficile que les enfants hésitent à accomplir. De plus, les enfants ont tendance à reporter leur dévoilement lorsque les agressions sont fréquentes et sévères, ce qui est plus souvent le cas des agressions commises en milieu familial que des gestes moins intrusifs commis par un étranger (Hershkowitz, Horowitz et Lamb, 2007).

Le soutien de l’intervieweur

Étant donné la présence de nombreux facteurs susceptibles de freiner les enfants dans leur dévoilement, le soutien qui leur est offert lors des entrevues peut être un facteur influant sur leur motivation à parler (Gries et al., 1996). Le soutien de l’intervieweur a d’abord été examiné pour déterminer son influence sur la suggestibilité des enfants. Ces études analogues (c.-à-d. dont les entrevues portent sur des évènements simulés) réalisées en contexte de laboratoire ont conceptualisé le soutien comme une forme de communication ou d’interaction sociale qui crée un sentiment de bien-être chez la personne (Burleson, Albrecht, Goldsmith et Sarason, 1994). Les chercheurs ont d’abord mesuré des dimensions non verbales du soutien comme une posture ouverte, un sourire, etc., et du non-soutien comme une position fermée du corps, un visage peu expressif, etc. Les résultats de ces études indiquent que le soutien de l’intervieweur a un effet positif, tant sur la quantité que sur l’exactitude des détails donnés par l’enfant (Carter, Bottoms et Levine, 1996 ; Goodman, Bottoms, Schartz-Kenny et Rudy, 1991). En effet, Davis et Bottoms (2002) ont montré que le soutien offert durant des entrevues simulées aide les enfants à résister aux questions suggestives de la part de l’intervieweur sur des évènements passés, augmentant ainsi la qualité du témoignage des enfants. Toutefois, plus d’informations sont requises pour comprendre l’effet du soutien verbal sur la collaboration de l’enfant et sur son dévoilement de l’agression.

En contexte d’entrevues d’enquête réelles, Hershkowitz, Orbach, Lamb, Sternberg et Horowitz (2006) ont comparé deux groupes de 50 enfants âgés de 4 à 13 ans qui ont soit révélé leur AS, soit ne l’ont pas révélée, même si plusieurs preuves existaient que des agressions physiques ou sexuelles avaient été commises. Un objectif de cette étude était d’examiner l’effet du soutien, faible ou élevé, offert par l’intervieweur auprès des deux groupes. Les commentaires soutenants visaient à encourager l’enfant à donner plus de détails alors que les commentaires non soutenants mettaient de la pression sur l’enfant pour qu’il réponde, soit en critiquant son comportement ou en remettant en question l’information qu’il donnait. Des niveaux plus élevés de soutien de la part de l’intervieweur étaient associés à des réponses plus informatives et à moins de réponses vagues de la part des enfants des deux groupes. Chez des enfants de 5 à 15 ans qui ont dévoilé leur AS, Teoh et Lamb (2013) ont observé que les intervieweurs étaient plus soutenants avec les plus vieux, ceux-ci donnaient également plus de détails. Hershkowitz (2009) a noté que le soutien des intervieweurs n’était pas relié en général à la quantité de détails donnés chez des enfants de 4 à 9 ans. Toutefois, chez les enfants d’âge scolaire qui parlaient le moins, le soutien était lié à plus de détails, principalement en réponse aux questions ouvertes. Hershkowitz (2009) conclut que les enfants plus vieux, comparés aux enfants plus jeunes, peuvent avoir besoin de plus de soutien puisqu’ils comprennent les implications du dévoilement d’une AS et peuvent vivre plus de honte et de culpabilité lorsqu’ils rapportent de tels gestes. Ces études ont amené récemment les auteurs du protocole du NICHD (National Institute of Child Health and Human Development) (Hershkowitz, Lamb, Katz et Malloy, 2013) à produire une version révisée qui propose certaines modalités de soutien, étant donné l’effet important de cette variable sur le dévoilement dans le contexte des entrevues d’enquête portant sur l’AS.

Il est important de souligner que la majorité des études analogues qui ont comparé l’effet du soutien et du non-soutien ont considéré ces dimensions comme mutuellement exclusives. En réalité, dans les entrevues d’enquête, les intervieweurs ont tendance à osciller entre ces deux positions, adoptant par moments des comportements soutenants et par moments des comportements non soutenants, limitant ainsi la portée des conclusions qui peuvent en découler. La présente étude tiendra donc compte simultanément de ces deux dimensions.

Objectifs et hypothèses

Cette étude a pour objectif de mieux comprendre les comportements de résistance des enfants lors du dévoilement d’une AS et de mesurer l’effet des comportements soutenants et non soutenants de l’intervieweur tout en tenant compte des caractéristiques de l’enfant et de son AS. Le premier objectif vise à évaluer pour trois groupes d’âge précis, référant ainsi aux étapes du développement des enfants, quels sont les comportements des enfants et des intervieweurs. Plus précisément, nous cherchons à vérifier si une tendance linéaire existe entre les enfants d’âge préscolaire, scolaire et les préadolescents concernant leur collaboration lors des entrevues d’enquête. Il est attendu que les préadolescents seront plus coopératifs que les enfants d’âge préscolaire, qui, eux, seront plus résistants à coopérer et utiliseront diverses stratégies comme la digression. À ce jour, les données disponibles ne permettent pas de faire de prédiction concernant les enfants d’âge scolaire, ce qui témoigne de l’intérêt de cette démarche. Il est également attendu qu’un lien significatif sera observé entre l’âge des enfants et le soutien des intervieweurs : plus les enfants seront âgés, plus les intervieweurs seront soutenants.

Le deuxième objectif cherche à cerner les variables associées à la collaboration des enfants (coopération et résistance) lors des entrevues d’enquête. Nous faisons l’hypothèse que les caractéristiques des enfants (âge et sexe), celles de l’AS (fréquence, sévérité, lien victime-agresseur) et les comportements de l’intervieweur (soutien, non-soutien) seront des variables importantes dans cette prédiction. Plus précisément, il est attendu que les enfants plus vieux, les filles, les situations d’agression unique, celles moins sévères, celles commises par quelqu’un qui n’est pas un membre de la famille immédiate et les entrevues où l’intervieweur est soutenant devraient être associés à plus de comportements de coopération et à moins de comportements de résistance de la part des enfants.

Méthode

Participants

Un total de 90 entrevues d’enquête réalisées auprès d’enfants (67 filles et 23 garçons) âgés de 4 à 13 ans (M = 8,3 ; ÉT = 2,6) a été analysé. Ces entrevues ont été conduites par 19 policiers-enquêteurs (11 hommes et 8 femmes) âgés en moyenne de 40 ans (ÉT = 3,5 ans). Ils avaient en moyenne 17 années de service comme policier (ÉT = 2,3 ans) et 2,5 années (ÉT = 1,8 ans) d’expérience en entrevues d’enquête auprès des enfants.

Afin d’évaluer la présence de différences entre les comportements des enfants et des intervieweurs selon l’âge, l’échantillon a été scindé en trois groupes : préscolaire (4-6 ans ; n = 26), scolaire (7-9 ans ; = 32) et préadolescents (10-13 ans ; n = 32). Aucune différence significative n’a été observée entre les trois groupes selon le sexe de l’enfant ( (2, N = 90) = 0,61, p = 0,74), la fréquence de l’AS ( (2, N = 90) = 2,81, p = 0,25), le type d’AS ( (2, N = 90) = 3,56, = 0,17), et la relation entre la victime et l’agresseur ( (2, N = 90) = 4,84, = 0,09).

Tous les cas ont été corroborés par les policiers après leur enquête, c’est-à-dire que ces derniers ont reconnu les faits comme étant fondés bien qu’il n’y ait pas toujours eu de preuve matérielle, de témoins ou d’aveux de la part de l’agresseur. Dans 54 % des enquêtes, les évènements rapportés par les victimes étaient des AS sévères (p. ex., pénétration orale ou génitale) et dans 46 % des enquêtes, il s’agissait de AS moins sévères (3 % exhibitionnisme, 7 % attouchements par-dessus les vêtements de la victime et 36 % attouchements sous les vêtements). Dans 55 % des cas, le présumé agresseur était un membre de la famille immédiate (p. ex., parent, beau-père, frère, soeur, demi-frère, demi-soeur). Les autres présumés agresseurs (45 %) étaient un membre de la famille élargie (p. ex., grand-parent, oncle, tante, cousin), une connaissance (p. ex., ami de la famille ou une personne que l’enfant connaît) ou un étranger. La majorité des enfants (75 %) ont rapporté avoir vécu plus d’un incident d’AS.

Déroulement de l’étude

Dans un premier temps, le policier a procédé à l’entrevue avec l’enfant dans le cadre de ses fonctions habituelles. Chacune des entrevues a été enregistrée et ensuite transcrite textuellement dans son intégrité, avec le consentement des policiers. Des mesures ont été prises pour s’assurer de ne pas dévoiler l’identité des victimes et des policiers, notamment par l’utilisation de bandes audio pour l’enregistrement des entrevues et l’omission de toute donnée nominative dans les transcriptions de ces entrevues. Le mot pour mot de ces entrevues a été vérifié pour s’assurer de l’exactitude et de l’exhaustivité de ces dernières, c’est-à-dire voir à ce qu’elles soient complètes et incluent les pauses, les silences, les interruptions, etc. Cette procédure a été approuvée par le comité d'éthique de l’Université de Montréal.

Instruments de mesure

En nous basant sur des grilles de codification existantes tant dans le domaine des entrevues d’enquête que dans celui de la psychothérapie, nous avons retenu un certain nombre de catégories. Celles-ci ont ensuite été testées en utilisant plusieurs enregistrements audio d’entrevues d’enquête (non inclus dans la présente étude) afin de vérifier que les catégories retenues étaient identifiables et suffisamment bien définies pour obtenir un bon accord interjuge. Suivant cette procédure, deux grilles de codification ont été développées : (1) la grille de Collaboration de l’enfant qui évalue les comportements de résistance et de coopération et (2) la grille de Soutien de l’intervieweur, qui évalue les comportements de soutien et de non-soutien.

Collaboration de l’enfant. Cette grille comporte deux échelles, soit celle évaluant la coopération et celle évaluant la résistance de l’enfant. Chaque fois que l'enfant a répondu en collaborant, c’est-à-dire qu’il a compris la question ou la demande formulée par l’intervieweur et a décidé volontairement d’y répondre de manière directe et spontanée, sa réponse était codifiée comme étant coopérative à l’échelle de coopération. Plus le score à cette échelle était élevé, plus l'enfant avait collaboré durant l’entrevue.

Dans le cadre de cette étude, la résistance comprend tout comportement de l’enfant qui fait entrave à l’obtention de détails, que ce soit pour des raisons cognitives (p. ex., compréhension des questions) ou motivationnelles (p. ex., peur de parler). La résistance de l’enfant a été établie en se basant sur des études réalisées sur les entrevues d’enquête (Hershkowitz et al., 2006 ; Lamb et al., 1996). Nous avons aussi consulté des grilles de résistance développées dans le contexte de la psychothérapie (Client Resistance Code ; Chamberlain, Reid, Patterson, Kavanaugh et Forgatch, 1984) afin d’enrichir la grille. Cinq catégories de comportement de résistance ont été considérées :

  1. Refus de collaborer directement (en verbalisant son refus) ou indirectement (en bougeant et en n’écoutant pas les questions telles que verbalisées par l’intervieweur) ;

  2. Refus d’élaborer en donnant une réponse vague, inaudible ou inachevée qui amène des questions supplémentaires de la part de l’intervieweur ;

  3. Digression en réponse à la question posée ;

  4. Confrontation en justifiant son refus de parler (« je ne veux pas te parler parce que je ne te connais pas ») ou en étant impoli ;

  5. Autre réponse de résistance qui indique de l’anxiété, de la timidité, de la confusion (change de réponse, hésite) ou qui minimise l’incident rapporté.

Soutien de l’intervieweur. Cette échelle est inspirée de la classification développée par Hershkowitz et ses collègues (2006) et par le Therapist Behavior Code (Forgatch et Chamberlain, 1982). Quatre types de comportement de soutien ont été considérés :

  1. Encourager l’enfant avec des compliments ou des renforcements positifs ;

  2. Respecter l’enfant en nommant son nom ou en suivant son rythme ;

  3. Rassurer l’enfant en normalisant ou en généralisant le ou les incidents ;

  4. Autre intervention en parlant de soi ou en conversant sur des sujets neutres.

Quatre types de comportement de non-soutien ont été considérés :

  1. Négocier en promettant des conséquences positives ou négatives ;

  2. Contrôler l’entrevue en intimidant, en spéculant ou en interrompant l'enfant ;

  3. Douter des réponses de l'enfant en étant hésitant, confrontant ou persistant ;

  4. Autre intervention qui indique de l’impatience ou une minimisation des propos de l’enfant.

Le nombre total de réponses de chacune de ces catégories est utilisé pour les analyses. Pour chaque échelle, plus le score est élevé, plus l’enfant ou l’intervieweur manifeste ces comportements lors de l’entrevue.

Avant de codifier les transcriptions des entrevues de cette étude, deux coteurs ont été formés sur un ensemble indépendant de transcriptions jusqu’à ce qu’ils atteignent un taux d’accord de 90 % des cotes de l’enfant et de l’intervieweur. Au total, 33 % des entrevues ont été codifiées par les deux coteurs. L’accord interjuge était relativement élevé pour les comportements de soutien et de non-soutien de l’intervieweur (kappa = 0,70) et modéré pour les comportements de résistance et de coopération de l’enfant (kappa = 0,58).

Résultats

Analyses préliminaires

Les moyennes de chacune des variables dépendantes pour les comportements des enfants et des intervieweurs sont présentées au Tableau 1. Il est à noter que pour les analyses, une transformation logarithmique a été effectuée pour les variables de résistance, de coopération, de soutien et de non-soutien, en raison d’une distribution qui ne satisfaisait pas les critères de normalité. Comme prévu, les réponses de coopération de l’enfant sont le type de réponse le plus fréquent. Toutefois, même si tous les enfants ont dévoilé de l’information concernant l’AS, ils étaient parfois réticents à collaborer. Parmi les réponses de résistance exprimées, le refusd’élaborer est la plus fréquente, suivi des digressions aux questions de l’intervieweur. Quant aux comportements de l’intervieweur, ils ont exprimé en moyenne 20 interventions de soutien au cours de l’entrevue. Respecter l’enfant est l’intervention la plus fréquente, suivi de rassurer et encourager l’enfant. Les réponses de non-soutien ont été peu fréquentes, mais les deux le plus utilisées sont celles de contrôler et de douter des réponses de l’enfant.

Tableau 1

Moyennes, écarts types des comportements manifestés par l’intervieweur et l’enfant selon le groupe d’âge des enfants

Moyennes, écarts types des comportements manifestés par l’intervieweur et l’enfant selon le groupe d’âge des enfants

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L’effet de l’âge de l’enfant

Deux analyses de variance multivariées (MANOVA) ont été effectuées afin d’examiner les différences selon les groupes d’âge, l’une pour les comportements de coopération et de résistance de l’enfant et l’autre pour ceux de soutien et de non-soutien de l’intervieweur. Pour les comportements de l’enfant, une différence significative a été observée seulement pour la coopération entre les enfants d’âge préscolaire, scolaire et les préadolescents (F (6, 172) = 5,38, p <,001 ; Wilk’s Lambda = 0,79 ; eta carré partiel = 0,11). Une analyse de la variance (ANOVA) à postériori a révélé que les deux groupes d’enfants plus jeunes coopéraient significativement moins que les préadolescents (F (2, 87) = 8,9, p <,001 ; eta carré partiel = 0,17). Les résultats de la MANOVA pour les comportements de soutien et de non-soutien de l’intervieweur n’ont révélé aucune différence significative selon les groupes d’âge des enfants (F (4, 172) = 1,39, p = 0,24 ; Wilk’s Lambda = 0,94 ; eta carré partiel = 0,03). Ainsi, les intervieweurs se comportent de façon similaire, peu importe l’âge de l’enfant qu’ils interrogent.

Facteurs associés à la collaboration de l’enfant

Deux régressions multiples hiérarchiques ont été réalisées en deux étapes pour cibler (1) les caractéristiques de l’enfant (âge et sexe) et de l’AS (relation enfant-agresseur, fréquence et sévérité de l’AS) et (2) les comportements de l’intervieweur les plus liés aux comportements de coopération et de résistance de l’enfant (voir Tableau 2).

Tableau 2

Analyses de régression des facteurs associés à la coopération et à la résistance des enfants

Analyses de régression des facteurs associés à la coopération et à la résistance des enfants

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Facteurs associés à la coopération de l’enfant. À l’étape 1, l’âge, le sexe, la relation enfant-agresseur et la fréquence de l’AS sont significativement associés à la coopération de l’enfant, expliquant 31 % de la variance ; la sévérité de l’AS est non significative. Après avoir contrôlé l’effet de ces variables, les comportements de soutien et de non-soutien de l’intervieweur ont été introduits à l’étape 2, augmentant la variance expliquée à 51 %, F (7, 82) = 14,30, p <,001). Par conséquent, les comportements de l’intervieweur ont permis d’expliquer 20 % de la variance (F change (2, 82) = 18,83, p <,001). Dans le modèle final, l’âge de l’enfant a obtenu une valeur bêta plus élevée comparativement aux comportements de soutien et de non-soutien de l’intervieweur. Pour mieux comprendre quelle sous-échelle de l’intervieweur a contribué à ces résultats, une régression multiple a été réalisée et a révélé qu’encourager l’enfantà parler (p. ex., en utilisant des compliments ou des renforcements positifs) est la seule intervention de l’intervieweur qui permet d’accroître la coopération de l’enfant (β = 0,39), au-delà des effets de l’âge de l’enfant et des caractéristiques de l’AS.

Facteurs associés à la résistance de l’enfant. Parmi les cinq variables introduites dans le modèle à l’étape 1, l’âge de l’enfant et la sévérité de l’AS ont permis d’expliquer 16 % de la variance de la résistance de l’enfant durant l’entrevue. À l’étape 2, la variance expliquée par le modèle, incluant les variables reliées à l’intervieweur, est passée à 39 % (F (7,82) = 8,94, p <,001). Seuls les comportements de soutien se sont révélés le facteur significatif associé à la résistance de l’enfant à cette étape. Parmi les sous-échelles de soutien de l’intervieweur, les résultats de la régression multiple (F (9,79) = 9,97, p <,001) indiquent que plus l’enfant est résistant, plus l’intervieweur tente de contrer cette résistance en respectant l’enfant, c’est-à-dire en s’adaptant à son rythme et en utilisant son prénom (β = 0,42).

Discussion

L’objectif de cette étude était d’approfondir les connaissances sur la dynamique des entrevues d’enquête auprès d’enfants qui décident de dévoiler une AS en s’intéressant aux comportements verbaux de collaboration des enfants et de soutien des intervieweurs. Ces dimensions ont été examinées en tenant compte de l’effet des caractéristiques des enfants et de celles de leur AS, sachant que ces variables ont un effet sur la décision de dévoiler ou non une AS.

L’effet de l’âge des enfants

Le premier objectif visait à déterminer si des patrons de comportements de la part de l’enfant et de l’intervieweur émergeaient en fonction de l’âge des enfants ; ceux-ci étant regroupés selon des stades développementaux. Comme attendu, l’âge a eu un effet important dans le niveau de coopération offert lors des entrevues d’enquête sur les AS. Lors du dévoilement d’une AS, la coopération est plus grande chez les préadolescents que chez les enfants d’âge préscolaire. L’effet de l’âge est aussi ressorti lors des analyses de régression où il est le facteur le plus important, prédisant la coopération de l’enfant. Ceci peut être attribuable aux connaissances et au vocabulaire plus développés qui permettent une meilleure compréhension des questions et une meilleure description de ce qui s’est passé (Lamb, Sternberg et Esplin, 2000 ; Lamb et al., 2003 ; Sternberg, Lamb, Davies et Westcott, 2001), alors que les enfants d’âge préscolaire manquent d’habiletés cognitives, langagières et émotionnelles pour comprendre et décrire les incidents d’AS qu’ils ont vécus (Lamb, Hershkowitz, Orbach et Esplin, 2008).

De tels résultats ont été observés par Hershkowitz, Horowitz et al. (2007) auprès des enfants qui ne dévoilent pas. Conséquemment, il semble important que les intervieweurs anticipent de tels comportements chez les jeunes enfants et ajustent leurs attentes et leurs demandes sur le plan du développement de ces enfants afin de mieux les soutenir dans leur récit. En effet, il est recommandé (Cyr, 2014) que les intervieweurs utilisent un vocabulaire simple, idéalement les mots de l’enfant pour faciliter leur compréhension. Utiliser le prénom de l’enfant au début des questions permet de capter son attention et apporte des réponses plus détaillées. Ceci permet de respecter leurs limites de développement et d’améliorer leur performance. Il serait également utile de vérifier si de nouvelles stratégies, comme le dessin ou l’expression non verbale, pourraient aider ces enfants et les intervieweurs à composer avec cette réalité sans toutefois devenir suggestifs.

Contrairement à nos hypothèses, lorsque les enfants sont regroupés selon l’âge, aucun lien ne prédisait la résistance des enfants. Dans l’analyse de régression, l’effet significatif de l’âge ne se maintient pas lorsque l’on contrôle l’effet d’autres variables. Ce résultat semble donc indiquer que tous les enfants, indépendamment de leur âge, sont susceptibles de manifester des comportements de résistance. Ceci pourrait donc être attribuable à des facteurs motivationnels plutôt que seulement développementaux. Bien que certaines études aient noté que les très jeunes enfants digressaient malgré des instructions claires formulées par les adultes (Bjorklund et Harnishfeger, 1995), les analyses selon les stades développementaux n’ont pas permis de reproduire cette observation bien qu’une tendance en ce qui a trait aux moyennes soit observable.

Concernant les comportements de soutien des intervieweurs, nos résultats ne reproduisent pas ceux observés par Teoh et Lamb (2013), qui avaient remarqué que les intervieweurs étaient plus soutenants avec les enfants plus vieux dans un échantillon d’enfants âgés de 5 à 15 ans. Dans la présente étude, les intervieweurs ne modulent pas leur soutien en fonction de l’âge, ce qui pourrait indiquer qu’ils se concentrent sur d’autres variables que l’âge et le comportement des enfants. Il est également possible que le fait d’avoir inclus des enfants jusqu’à 15 ans, et non 13 comme dans notre étude, a amené d’autres comportements de la part des préadolescents dont notre étude ne rend pas compte. Toutefois, ces résultats sont concordants avec ceux d’autres recherches qui ont comparé des enfants qui dévoilent avec des enfants qui ne dévoilent pas. En effet, dans une recherche récente portant sur la phase préparatoire de l’entrevue qui vise à développer une relation de travail, Ahern, Hershkowitz, Lamb, Blasbalg et Winstanley (2014) ont observé que les comportements de soutien de l’intervieweur n’étaient pas modulés en fonction de l’âge de l’enfant. Hershkowitz et ses collaborateurs (2006) avaient également observé que le soutien n’était pas relié à la quantité de détails ni au déni des enfants. D’autres études auprès des enfants qui dévoilent leur AS sont donc requises pour éclairer cette question de la modulation du comportement de soutien des intervieweurs.

Les variables associées à la collaboration des enfants

Le deuxième objectif de cette étude visait à déterminer si les comportements de soutien des intervieweurs, les caractéristiques de l’enfant ou de son AS permettaient de rendre compte de la collaboration de l’enfant durant les entrevues d’enquête. Les résultats obtenus indiquent des relations différentes selon la variable prédite.

La coopération

Les comportements de soutien et de non-soutien des intervieweurs jouent un rôle significatif et de poids équivalent à celui des variables de l’agression, notamment la sévérité de l’agression et le lien victime-agresseur pour rendre compte de la coopération des enfants lors des entrevues. Plus précisément, les encouragements sont associés à plus de coopération des enfants lors de l’entrevue. Selon Hershkowitz et ses collaborateurs (2006), les intervieweurs soutenants ont tendance à rassurer l’enfant et à lui donner assez de temps pour s’exprimer. Dans leur étude, plus de commentaires soutenants avaient été offerts aux enfants qui avaient révélé contrairement à ceux qui n’avaient pas parlé. Dans une étude récente utilisant une version révisée du protocole NICHD, version qui vise à augmenter les comportements de soutien des intervieweurs, les chercheurs ont observé que les enfants qui recevaient plus de soutien dans la partie prédéclarative de l’entrevue donnaient plus de détails, même si le soutien n’était pas offert aussi souvent par la suite dans la partie déclarative de l’entrevue (Hershkowitz et al., 2013).

Concernant les caractéristiques de l’agression, les résultats indiquent que les enfants qui ont été agressés plusieurs fois collaborent davantage. Ce résultat est intéressant puisque Hershkowitz, Lanes et leurs collègues (2007) avaient observé que ces enfants avaient plus tendance à retarder leur dévoilement (d’une semaine à deux ans) dans les cas d’agression les plus sévères, d’agressions répétées ou commises par un membre de la famille. Ces résultats supposent que ces enfants vont surseoir à leur dévoilement, mais lorsqu’ils décident de parler, ils collaborent, probablement parce qu’ils souhaitent que ces agressions cessent. Il est également possible que ces enfants se sentent plus compétents à collaborer puisque la nature de leur agression fait en sorte qu’ils ont beaucoup d’informations à communiquer. Concernant la nature du lien avec l’agresseur, nos résultats sont compatibles avec ceux qui ont comparé les enfants qui dévoilent leur AS à ceux qui ne la dévoilent pas. En effet, quand l’enfant choisit de la dévoiler et que l’agresseur est un membre de la famille, cela influence son degré de coopération, qui est moindre puisqu’il peut craindre les conséquences négatives de son dévoilement (p. ex., séparation de la famille, menaces).

Finalement, comme attendu, les filles de notre échantillon ont manifesté plus de coopération que les garçons, ce qui est cohérent avec les autres observations issues d’entrevues d’enquête qui indiquaient que les filles dévoilent plus facilement et parlent plus que les garçons (Ghetti et Goodman, 2001 ; Gries et al., 1996 ; Hershkowitz et al., 2005 ; Hershkowitz, Orbach et al., 2007). Comme démontré par Lamb et Garretson (2003) dans leur étude comprenant des échantillons d’Angleterre (N = 118), d’Israël (N = 327) et des États-Unis (N = 227), les filles donnent en moyenne plus de détails par réponse que les garçons.

La résistance

Concernant la résistance des enfants à fournir des détails lors des entrevues d’enquête, aucune caractéristique de l’enfant ou de l’AS n’est significative dans la régression. Ceci peut être attribuable au fait que tous les enfants de cette étude ont dévoilé des détails de l’AS. Sur la base des résultats de Leander (2010), il était attendu que les enfants agressés plus sévèrement seraient plus résistants. Toutefois, lorsque le comportement de soutien de l’intervieweur est pris en considération dans l’équation, cette variable n’a plus d’effet. En effet, plus il y a de résistance chez l’enfant, plus l’intervieweur offre du soutien. Il semble donc que le comportement de soutien de l’intervieweur permet à l’enfant de surmonter ses résistances et son embarras à dévoiler des gestes plus intrusifs à un étranger. Ceci est en accord avec la théorie de la réactance psychologique (voir Brehm, 1966 ; Brehm et Brehm, 1981) qui soutient que lorsque l’enfant perçoit une menace à sa liberté ou à son contrôle, sa résistance va augmenter. Ainsi, à l’inverse, le fait d’être soutenu et encouragé à décrire leurs expériences peut mettre les enfants suffisamment à l’aise pour donner certaines informations concernant des gestes intrusifs ou désagréables.

Le soutien de l’intervieweur a un impact plus important sur la résistance de l’enfant que l’âge de ce dernier. De façon consciente ou non, il semble que les intervieweurs de notre étude aient été capables de détecter la résistance des enfants et d’être chaleureux (p. ex., en utilisant le prénom de l’enfant), de leur offrir des comportements visant à les rassurer (p. ex., en normalisant ou en généralisant l’incident) et de respecter l’enfant en suivant son rythme. Ce résultat est en accord avec ceux observés par Hershkowitz (2009) qui indiquaient que le soutien de l’intervieweur était associé aux enfants moins bavards qui nécessitaient probablement plus de soutien. Hershkowitz et ses collaborateurs (2006) avaient aussi noté que l’utilisation du prénom de l’enfant était associée à une plus grande quantité de détails. Dans l’étude portant sur le protocole révisé, Hershkowitz et ses collaborateurs (2013) rapportent que les enfants qui reçoivent plus de soutien dans la phase prédéclarative de l’entrevue sont aussi ceux qui démontrent moins de résistance dans la phase déclarative. Ces résultats soutiennent donc ceux des autres recherches qui indiquent que les enfants résistants devraient recevoir plus de soutien de la part de l’intervieweur (Carter et al., 1996 ; Goodman et al., 1991 ; Hershkowitz et al., 2006 ; Hershkowitz, Orbach et al., 2007 ; Imhoff et Baker-Ward, 1999).

Selon Lamb et ses collègues (2008), les intervieweurs ont tendance à composer avec la résistance des enfants d’une façon contreproductive, en mettant de la pression sur l’enfant plutôt qu’en lui offrant plus de soutien. Contrairement à ces attentes, dans cette étude, les comportements de non-soutien des intervieweurs ne sont pas associés à la résistance des enfants. Ceci peut être attribuable au fait qu’ici tous les enfants ont révélé une AS, contrairement à la majorité des études qui avaient examiné les comportements de soutien et de non-soutien des intervieweurs lorsque les enfants ne dévoilaient pas une AS. De plus, une faible fréquence de comportements de non-soutien a été observée dans les entrevues. À des niveaux plus élevés, des comportements non soutenants pourraient accroître la résistance, ce que nous n’avons pu évaluer dans le cadre de cette étude.

Finalement, le lien entre la victime et l’agresseur, une caractéristique de l’AS qui joue un rôle important pour retarder ou empêcher les enfants de dévoiler une AS (Hershkowitz et al., 2006 ; Hershkowitz, Orbach et al., 2007), de même que la sévérité des agressions (Leander, 2010), ne semblent pas influencer les comportements de résistance lorsque les enfants ont décidé de parler.

Puisque la majorité des études antérieures ont porté sur la comparaison des entrevues chez des enfants qui dévoilent et chez ceux qui ne dévoilent pas, la présente étude apporte des résultats intéressants sur la collaboration des enfants lors des entrevues d’enquête. Comme attendu, même lorsque les enfants décident de dévoiler leur AS, ils peuvent exprimer certaines formes de résistance verbale. Toutefois, la présence de soutien de la part des intervieweurs semble atténuer l’effet qu’auraient pu avoir l’âge, le sexe de l’enfant ou les caractéristiques de l’agression. Le soutien de l’intervieweur joue donc un rôle crucial pour soutenir ces enfants et diminuer leur résistance dans le dévoilement des informations qu’ils ont à livrer.

Cette étude n’est pas exempte de limites méthodologiques. La validité de contenu, de même que la fidélité interjuge des grilles que nous avons développées, devraient être améliorées dans d’autres études. La faible fréquence de certaines dimensions dans un contexte où les enfants dévoilent a pu influencer le taux d’accord interjuge de certaines sous-échelles. Puisque tous les enfants ont dévoilé au moins un minimum de faits relatifs à leur agression, notre échantillon comprenait peu de manifestations de résistance telles que définies dans d’autres études. La validité des détails donnés par les enfants n’a pas pu être vérifiée bien que les policiers aient fondé les faits rapportés. D’autres comportements de résistance non verbale pourraient être relevés dans un tel contexte. L’âge des participants était également limité à 13 ans, les résultats ne peuvent être généralisés à l’ensemble des enfants. L’inclusion d’adolescents aurait pu laisser apparaître des résultats différents. La contribution de cette étude était d’explorer les comportements verbaux des enfants et des intervieweurs, toutefois l’intégration d’échelles non verbales permettrait de tracer un portrait plus complet du soutien des intervieweurs et de la collaboration des enfants.

Cette étude de nature corrélationnelle ne permet pas d’établir si le soutien précède ou suit la collaboration des enfants. D’autres études, utilisant par exemple des analyses séquentielles (p. ex., la chaîne de Markov), sont nécessaires pour répondre à cette question. Des études quasi expérimentales où certains comportements de soutien sont offerts à un groupe d’enfants mais pas à un autre permettraient aussi de mieux isoler l’effet précis d’un comportement sur la coopération et la résistance des enfants.

En conclusion, cette étude confirme l’importance de l’âge des enfants pour faciliter leur collaboration à une entrevue d’enquête. Les résultats de cette étude semblent indiquer que les caractéristiques de l’AS et le sexe de l’enfant entravent de façon importante le dévoilement ; leur poids semble moins important lorsque les enfants décident de parler. Par ailleurs, le soutien offert par l’intervieweur est important tant dans les situations où l’enfant coopère que lorsqu’il ne coopère pas. Toutefois, l’association retrouvée ici entre le soutien et la collaboration des enfants lorsque ceux-ci sont prêts à dévoiler les agressions qu’ils ont subies nous invite à recommander que les intervieweurs soient attentifs à leurs comportements relationnels avec les enfants pour être le plus soutenants possible.