Résumés
Résumé
Cet article présente les résultats d’une recherche qualitative conduite auprès de 14 hommes des Premières Nations ayant séjourné dans un pavillon de ressourcement au Canada (Waseskun au Québec, Pê Sâkâstêw et Stan Daniels en Alberta, ou Kwìkwèxwelhp en Colombie-Britannique). L’approche phénoménologique a permis d’explorer la perception de ces hommes quant à leur démarche de guérison et de déterminer les éléments qui favorisent ou entravent ce processus. Les résultats mettent en évidence l’importance des dimensions individuelles, relationnelles, culturelles et spirituelles dans leur démarche de guérison, de même que les contraintes liées à la guérison institutionnelle prescrite et les enjeux ayant trait à la conception panindianiste de la guérison au sein des structures institutionnelles. Enfin, cette recherche invite à poursuivre les réflexions autour de la flexibilité institutionnelle, de la nécessité d’une offre diversifiée de cheminements possibles et de la place renouvelée que pourraient prendre les pavillons de ressourcement dans l’univers correctionnel, et au-delà.
Mots-clés :
- Hommes autochtones,
- pavillon de ressourcement,
- guérison,
- Canada
Abstract
This article presents the results of qualitative research conducted with 14 First Nations men, who have stayed in a Healing Lodge in Canada (Waseskun in Quebec, Pê Sâkâstêw and Stan Daniels in Alberta, or Kwìkwèxwelhp in British Columbia). The phenomenological approach was employed to explore how these men perceive their healing journey, along with the factors that facilitate or hinder it. The results highlight the importance of individual, relational, cultural and spiritual dimensions in the healing journey. They also shed a light on existing constraints related to prescribed institutional healing, as well as the challenges associated with the pan-Indianist conception of healing within institutional structures. Finally, this research encourages further exploration of institutional flexibility, the necessary diversity of healing paths and the renewed role that healing lodges can play in the correctional system and beyond.
Keywords:
- Indigenous men,
- Healing Lodges,
- healing journeys,
- Canada
Resumen
Este artículo presenta los resultados de una investigación cualitativa realizada con 14 hombres de las Primeras Naciones que se alojaron en un albergue de recuperación espiritual en Canadá (Waseskun en Quebec, Pê Sâkâstêw y Stan Daniels en Alberta, o Kwìkwèxwelhp en Columbia Británica). El enfoque fenomenológico permitió explorar las percepciones de estos hombres sobre su proceso de sanación y determinar los elementos que promueven o dificultan dicho proceso. Los resultados resaltan la importancia de las dimensiones individuales, relacionales, culturales y espirituales en su proceso de sanación, así como las limitaciones vinculadas a la sanación institucional prescrita y las cuestiones relacionadas con la concepción panindianista de la curación dentro de las estructuras institucionales. Por último, esta investigación invita a una mayor reflexión sobre la flexibilidad institucional, la necesidad de una gama diversificada de posibles vías y del papel que los centros de recuperación espiritual podrían desempeñar en el mundo correccional y más allá.
Palabras clave:
- Hombres indígenas,
- centro de recuperación espiritual,
- sanación,
- Canadá
Corps de l’article
Les politiques colonialistes et assimilationnistes canadiennes des derniers siècles, telles que la mise en réserve, les pensionnats, le retrait forcé et l’adoption d’enfants autochtones, ont engendré des effets dévastateurs et intergénérationnels pour les peuples autochtones, produisant à la fois des conditions de vie difficiles, des problématiques de santé et de multiples enjeux sociaux (Turnbull, 2014). Parmi ces conséquences, la surreprésentation des hommes autochtones dans le système de justice pénale a atteint des proportions alarmantes (Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC), 2023). En effet, cette surreprésentation est manifeste dans toutes les instances du système pénal à travers le Canada et cette réalité est endémique (Comité permanent de la sécurité publique et nationale, 2017). Aujourd’hui, les Autochtones représentent 30 % des détenus fédéraux, alors qu’ils ne constituent qu’environ 5 % de la population canadienne (BEC, 2020). Depuis la fin des années 1960, la littérature fait état de l’inefficacité des mesures coercitives utilisées auprès d’eux, ces méthodes étant basées sur la construction et la vision occidentale allochtone de la justice et de la criminalité (Turnbull, 2014). Certains jugements de la Cour suprême du Canada mettent d’ailleurs en exergue le racisme et la discrimination systémique vécus par les Autochtones au sein de l’appareil de justice pénale[2]. De nombreux écrits soulignent également que les institutions correctionnelles demeurent inadaptées pour répondre à la complexité des besoins sociaux, culturels et spirituels des détenus autochtones (Brassard et Spielvogel, 2018 ; CERP, 2019).
Afin de mieux répondre aux besoins de ces individus et d’atténuer leur surreprésentation croissante, certaines lois ont été modifiées et des politiques distinctes ont été créées. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), adoptée en 1992, renferme des dispositions permettant la prestation de programmes et de services correctionnels pour les Autochtones, fondées sur la guérison et la spiritualité. C’est à la suite des modifications législatives que les pavillons de ressourcement ont vu le jour au Canada, des établissements à sécurité minimale où les contrevenants autochtones peuvent être transférés afin de poursuivre une démarche de guérison, débutant au sein des programmes institutionnels de base. Les pavillons sont ainsi l’alternative aux pénitenciers traditionnels, car l’accent est mis spécifiquement sur la guérison afin de préparer adéquatement les justiciables autochtones à leur libération. Actuellement, dix de ces pavillons existent au Canada sous deux modèles différents : six sont administrés par des organisations ou des nations autochtones en vertu de l’article 81 de la LSCMLC, et quatre gérés par le Service correctionnel du Canada (SCC) (SCC, 2021). Ces deux modèles s’appuient sur la spiritualité et les cultures autochtones, poursuivant conjointement des objectifs de guérison et de réinsertion sociale des contrevenants (SCC, 2013). Les modèles de guérison, conçus en tant que « thérapies », intègrent une approche correctionnelle novatrice, soit le « Continuum de soins pour les Autochtones », qui souhaite assurer la continuité des services, de l’entrée au sein des services correctionnels jusqu’à la réinsertion sociale. Ainsi, les services correctionnels envisagent une possible hybridation entre, d’une part, la guérison autochtone et, d’autre part, les programmes pénitentiaires. On voit ainsi « apparaître un enchevêtrement des conceptualisations autochtones à l’intérieur même des systèmes normatifs correctionnels » (Ellington, 2022, p. 7).
Cet article vise à présenter les conclusions d’une recherche qualitative menée dans le cadre d’une thèse doctorale et réalisée auprès d’hommes des Premières Nations, visant à mieux saisir leur démarche de guérison engagée ou poursuivie au sein d’un pavillon de ressourcement au Canada.. Nous faisons d’abord état de la littérature traitant de la guérison en contextes correctionnels. Ensuite, nous décrivons le cadre conceptuel et les stratégies méthodologiques et analytiques, avant de présenter les résultats. L’article met en évidence les éléments qui favorisent ou qui entravent la guérison au sein des pavillons. En discussion, nous abordons la portée de ces constats pour le renouvellement des programmes au sein des pavillons de ressourcement au Canada.
Les démarches de guérison en contexte correctionnel : état des connaissances
Bien que l’identification des causes de la surreprésentation des Autochtones dans les établissements de détention ait été un sujet de prédilection pour la communauté scientifique canadienne, les recherches sur l’expérience des personnes judiciarisées autochtones dans les programmes de guérison particuliers, tels que les pavillons de ressourcement, restent rares (Turnbull, 2014). Pourtant, plusieurs études (Howell, 2016 ; Shepherd et al., 2018 ; Vacheret et al., 2023) montrent que l’apprentissage des visions autochtones du monde, des valeurs et des traditions induit des changements identitaires importants qui jouent un rôle crucial dans la réintégration sociocommunautaire des personnes autochtones judiciarisées.
Dans les faits, les quelques recherches quantitatives et qualitatives auprès des Autochtones (hommes et femmes) ayant séjourné au sein des pavillons de ressourcement révèlent que leur participation à des activités spirituelles et culturelles contribue à leur guérison, à l’amélioration de leur estime de soi, à des changements positifs dans leurs attitudes et comportements et, enfin, au désistement du crime (Bell, 2008 ; Heckbert et Turkington, 2002 ; Trevethan et al., 2002). Pour certains auteurs, il s’agit de la meilleure possibilité pour les justiciables autochtones de régler leurs traumatismes, de réduire le stress engendré par leur parcours carcéral et de se définir une nouvelle trajectoire de vie (Waldram, 1997). Les dimensions collective, spirituelle et relationnelle de la guérison semblent fondamentales pour plusieurs détenus autochtones et seraient particulièrement intégrées au sein des pavillons gérés par les collectivités autochtones (Allspach, 2010 ; Bell, 2008 ; Pilon et al., 2015).
Bien que les conclusions de ces études semblent converger, leur portée reste limitée en ce qui concerne la compréhension des réalités vécues par les hommes autochtones. En effet, la majorité des recherches ont largement privilégié l’étude de l’expérience des femmes autochtones au sein des pavillons (Boyce, 2017 ; Pilon et al., 2015). Depuis les 25 dernières années, seules quatre études se sont penchées en tout ou en partie sur les démarches de guérison des hommes autochtones ayant séjourné au sein des pavillons, la plupart adoptant des approches mixtes (quantitatives et qualitatives) (Bell, 2008 ; Braun, 1998 ; Trevethan et al., 2002 ; SCC, 2011). Lorsque les recherches intègrent une composante qualitative, les entrevues menées auprès des hommes se concentrent surtout sur la logique de réinsertion sociale – entendue comme la réduction de la récidive ou des comportements violents, par exemple (Bell, 2008). De plus, la plupart des études sont financées par le SCC. Des biais peuvent ainsi survenir lorsqu’une organisation détermine elle-même les hypothèses de recherche, la méthodologie employée, les résultats publiés, tout en ayant un intérêt à promouvoir l’efficacité de ses propres programmes. En raison de leurs objectifs centrés sur l’évaluation de la rentabilité et la réduction de la criminalité (SCC, 2011), ces études tendent également à négliger l’expérience subjective des justiciables autochtones.
Ainsi, notre recherche comble un angle mort en explorant les démarches de guérison des hommes autochtones ayant séjourné au sein de ces pavillons.
Cadre conceptuel, méthodologie et considérations éthiques
L’étude s’appuie sur l’approche phénoménologique interprétative, qui met l’accent sur le vécu individuel, les perceptions, l’univers subjectif et l’histoire de l’individu (Merleau-Ponty, 2013). Cela, tout en reconnaissant que la compréhension de ces dimensions ne peut se faire indépendamment de la culture et des contextes sociaux, politiques ou historiques dans lesquels la personne se situe. La phénoménologie reconnaît ainsi pleinement les capacités et l’agentivité des hommes autochtones à exprimer leurs propres points de vue. La narration, ou le récit tel que raconté et vécu, occupe également une place centrale dans cette approche, s’inscrivant dans la continuité du caractère oral de la transmission des savoirs expérientiels des peuples autochtones (Struthers et Peden-McAlpine, 2005).
L’analyse s’appuie sur des entretiens narratifs approfondis, menés auprès de 14 hommes des Premières Nations ayant séjourné dans l’un des quatre pavillons au Canada au cours des quinze dernières années : Waseskun (Québec), Pê Sâkâstêw et Stan Daniels (Alberta), et Kwìkwèxwelhp (Colombie-Britannique). Les hommes recrutés devaient avoir séjourné au moins trois mois dans un de ces pavillons à la suite d’une peine d’incarcération fédérale et être en liberté totale. Le recrutement s’est déroulé en 2021, par l’intermédiaire d’organismes communautaires oeuvrant auprès des Autochtones, des conseils de bande, d’Aînés et de partenaires autochtones de la chercheuse principale, répartis dans les trois provinces ciblées. Une attention particulière a été accordée à l’éthique de la recherche en contextes autochtones, en mettant l’accent sur le respect, la réciprocité et la responsabilité (Wilson, 2008). La recherche est ainsi envisagée comme une co-construction, où la chercheuse principale s’est engagée à maintenir des relations avec les partenaires autochtones et les participants tout au long du processus de recherche, y compris lors de l’analyse, de l’interprétation, de la validation et de la dissémination des résultats.
En dépit de nos efforts pour diversifier la répartition géographique, les 14 hommes rencontrés sont répartis comme suit : dix hommes ont séjourné au pavillon de ressourcement Waseskun, un à Kwìkwèxwelhp, trois à Stan Daniels, dont un homme ayant également séjourné aux pavillons O-Chi-Chak-Ko-Sipi et Pê Sâkâstêw. Parmi les répondants, huit sont issus de la Nation atikamekw, un de la Nation innue, trois de la Nation crie, un de la Nation anishnaabe et enfin, un de la Nation saulteaux. Les participants rencontrés sont âgés de 35 à 60 ans, avec une moyenne d’âge de 47 ans. La durée moyenne d’incarcération au sein d’un pénitencier est de six ans, mais elle présente une grande variabilité d’un répondant à l’autre, certains ayant été incarcérés environ huit mois, d’autres pendant plus de vingt ans. En moyenne, les participants à l’étude ont séjourné dans un pavillon de ressourcement pendant un an et demi.
Les entretiens ont porté sur la démarche de guérison des participants, mettant l’accent sur la période où ils ont séjourné au sein d’un pavillon. Les consignes d’entrevue se voulaient plutôt minimalistes, visant à favoriser l’exploration et l’expression la plus subjective possible. En effet, le participant est considéré comme l’expert de son histoire et le chercheur agit comme un guide lui permettant de partager son expérience singulière dans un contexte propice au dialogue (Antoine et Smith, 2017).
Analyse des données
Sur le plan de l’analyse des données, notre démarche implique une retranscription des entretiens, tous enregistrés sur bande audio. La séquence d’analyse s’inspire des sept étapes développées par Antoine et Smith (2017) en phénoménologie interprétative : lecture des entretiens ; production de notes descriptives en marge ; analyse de la structure du récit ; rédaction de résumés interprétatifs ; retour aux participants ; analyse verticale et transversale. Étant donné que l’analyse a été coconstruite de manière collaborative avec les participants, ceux qui ont donné leur consentement ont été recontactés après l’entrevue initiale, soit 6 participants sur 14. Les thèmes et l’analyse préliminaire de leur récit leur ont été communiqués par écrit afin de valider la catégorisation analytique. Des rencontres téléphoniques ont ensuite eu lieu pour échanger sur l’analyse. Ce dialogue supplémentaire avec six participants a permis de valider les interprétations initiales. Ce processus de validation leur offre une participation active à l’analyse en : (1) veillant à ce que la chercheuse ait fidèlement rendu leurs expériences (validité descriptive) ; et que (2) la chercheuse ait pleinement saisi le sens de ces expériences pour eux (validité interprétative) (Maxwell, 2013).
Résultats
Éléments qui facilitent les démarches de guérison
Lorsque les répondants réfléchissent rétrospectivement aux aspects qui les ont soutenus dans leur guérison au sein des pavillons de ressourcement, ils insistent sur les symboles culturels et identitaires qui ont marqué leur démarche. Plusieurs soulignent également l’importance des dimensions relationnelles qui leur ont permis, à un moment ou à un autre, de cheminer de manière positive. Les hommes rencontrés mettent aussi en lumière l’importance de redonner au suivant et de (re)transmettre leurs apprentissages à d’autres hommes autochtones, à leur famille ou à leur communauté. Enfin, certains utilisent la guérison autochtone comme moyen culturel d’atteindre les objectifs correctionnels. Ces éléments sont détaillés dans les sous-sections qui suivent.
Retrouver sa culture et sa fierté identitaire par les cérémonies et les pratiques culturelles
La perte de repères identitaires et culturels qui résulte des pratiques assimilatrices vécues par les peuples autochtones a conduit plusieurs répondants à ne pas avoir de lien avec la culture ou la spiritualité avant leur incarcération. Comme d’autres recherches portant sur la réalité des détenus autochtones l’ont souligné (Waldram, 1997), plusieurs hommes ont découvert les cultures autochtones en contexte correctionnel, notamment au sein des pavillons de ressourcement. Tous les répondants expriment comment le pavillon leur a permis de se reconnecter à leur culture et mentionnent avoir développé une fierté culturelle en son sein. Selon eux, la programmation culturelle offre des occasions pour comprendre les causes de leurs souffrances en explorant en profondeur qui ils sont, d’où ils viennent, et la personne qu’ils aspirent à devenir. Voici quelques extraits qui en témoignent :
Le chemin que j’ai emprunté pour guérir… Quand j’étais à Waseskun, j’étais pas mal choyé et j’ai été bien reçu, puis c’est là que je me suis renoué dans mes racines, avec eux autres. Ils m’ont redonné la confiance en moi, le courage de dire les vraies choses […]. De reconnaître mes torts, d’affronter mes peurs, d’affronter la réalité […]. En étant là-bas j’ai pu me reconnecter vraiment avec mes racines, avec ma culture, avec ma fierté d’être atikamekw.
Mahikan, 45 ans, Atikamekw
[…] It gave me the chance to discover who I was. Who I truly was and what I wanted to do to change, not to go back in prison again […]. And the program gives you tools, because you go deep inside yourself. And it gives you hope that it’s possible to make those changes and accomplish your dreams, and be successful.
Paskus, 56 ans, Cri
Le symbolisme inhérent à certains objets de guérison offre des repères sur lesquels les hommes peuvent étayer leur transformation intérieure, notamment par l’artisanat : « Ce que [le pavillon] Waseskun m’a appris aussi, c’est… le drum. Comment faire les gros drums, l’artisanat aussi […] ça m’a appris la patience, aller chercher au fond de moi mes forces », explique Mahikan. Raphaël, pour sa part, met en lumière comment il a progressivement appris à faire des tambours, en observant les autres d’abord, et en expérimentant ensuite. Il raconte qu’il faisait les tambours à son image : au départ croches et inégaux, et, petit à petit, prenant une forme plus belle, améliorée :
Quand je faisais les drums, je pouvais me reconnecter. Au début ils étaient croches, je veux dire ils n’étaient pas ronds… ils n’étaient pas parfaits. Et au fur et à mesure, ils s’amélioraient tranquillement. Et j’ai réalisé que… les drums, c’était comme moi que je voyais à travers ça, à travers mes créations. Au début j’étais tout croche, et je m’améliore tranquillement.
Raphaël, 55 ans, Atikamekw
Par ailleurs, de nombreux répondants mentionnent que les tentes de sudation[3] et les cérémonies agissent comme des exutoires pour les sentiments négatifs, procurant un bien-être personnel qui a laissé une empreinte significative sur leurs parcours. Pour eux, ces lieux représentent des espaces propices pour libérer les tensions, la colère, la honte et la culpabilité accumulées au fil du temps :
Les cérémonies m’ont permis de comprendre, de faire la paix avec le passé, parce que je ne savais pas avant ça que j’avais autant de colère.
Ronny, 41 ans, Atikamekw
Healing… for me it goes with ceremonial ways. […] It’s a good way to release tension, shame and… guilt.
Bryan, 50 ans, Cri
Les hommes rencontrés soulignent que les pavillons sont des lieux d’expression symboliquement chargés, exerçant une influence sur les individus tant sur le plan cognitif, spirituel qu’émotionnel. Les symboles culturels et les cérémonies favorisent des prises de conscience et une connexion spirituelle qui ne seraient pas toujours atteignables uniquement par la parole ou lors de rencontres individuelles. En s’engageant dans la création d’objets, tels que les tambours, ou en participant à des tentes de sudation, les hommes découvrent des moyens différents de s’exprimer, de partager leur vécu et d’investir leur intériorité, en opérant une requalification ou une production de sens. Ces formes de création ou de participation permettent aux hommes de s’investir simultanément dans une activité (aspect physique) qui favorise le développement de l’expression créatrice (aspect émotionnel), de la pleine conscience (aspect mental) et de la connexion (aspect spirituel). Les méthodes autochtones d’apprentissage, enracinées dans des valeurs et des visions autochtones du monde, incitent ainsi les hommes à penser de façon intuitive, avec leur coeur et avec leur esprit. En réalité, la relation entretenue par les hommes avec les symboles spirituels devient interconnectée avec leur perception de soi et leur compréhension de leur parcours de guérison. L’empreinte culturelle de l’environnement des pavillons, où les participants sont immergés au quotidien dans des symboles culturels et spirituels, favorise ce cheminement.
Se sentir bien et fier en se (re)connectant avec le territoire
Les hommes autochtones rencontrés établissent un lien entre le temps passé dans la nature, dans le but de se reconnecter avec la Terre-Mère, et leur guérison. Cette connexion avec le territoire stimule leur fierté identitaire et alimente leur volonté de concrétiser les valeurs autochtones :
Moi, c’est d’être dans le bois […] d’être en relation avec la nature […]. Tu apprends à être serein, à être dans le silence […] tu apprends à remarquer les bruits, les chants des oiseaux, le vent dans les arbres […] quand je suis dans le bois, je me reconnecte à mes racines.
Mahikan, 45 ans, Atikamekw
Being on the land teaches us so many things. When you respect the land, you learn to respect yourself and others […] you get to know yourself, you realize how small you are in this world […] you realize that your survival depends on others […] on what nature gives you.
Paskus, 56 ans, Cri
Jeff démontre comment la nature environnante du pavillon de ressourcement Kwìkwèxwelhp lui a permis de retrouver de l’espoir, à travers la beauté, la simplicité et le calme qui la caractérisent :
I have never been to another place like Kwi […]. [It] was a beautiful experience. It was up, amongst the mountains… it was beautiful scenically, it was breathtakingly beautiful […]. Serene. I was like : « You know what ? This is calm, this is the way I picture my life. I never knew so I couldn’t have known that this is how it could look like. But now that I see it, that’s what I want. » It was a way to recharge my batteries, to stay connected and grounded.
Jeff, 41 ans, Saulteaux
Les pratiques traditionnelles sur le territoire permettent ainsi d’appréhender les valeurs qui découlent des visions autochtones du monde, telles que le respect envers toutes les formes de vie, l’équilibre et l’harmonie. Ce contact intime avec le territoire engendre un sentiment de bien-être et de paix intérieure ; de contact avec soi-même. En d’autres termes, le territoire offre des occasions de transformation, d’apprentissage et de retour aux sources. Les pavillons situés en pleine nature, tels que Waseskun et Kwìkwèxwelhp, ont l’avantage d’utiliser le territoire à des fins thérapeutiques.
En revanche, certains hommes soulignent que les pavillons en milieu urbain présentent également l’avantage d’être à proximité des divers services et ressources dont ils ont besoin pour se « réintégrer » à la société et devenir des citoyens « prosociaux », une étape qu’ils associent à leur cheminement de guérison :
If I want to be a quitter, I gotta get myself slowly back into society, you know […]. The reason why I went to Stan Daniels [after O-Chi-Chak-Ko-Sipi Healing Lodge], is because it was the only way to get my full parole. So that’s why I transferred, and I stayed there for a while. That’s where I got my passes, my UTA’s[4], my day parole, my full parole […]. That’s where I was able to work.
Paskus, 56 ans, Cri
Ce dernier extrait concorde avec les conclusions de l’étude de Trevethan et ses collaborateurs (2002), qui soulignent que les pavillons situés à proximité des villes comportent des avantages en termes d’accessibilité aux programmes et aux possibilités d’emploi. En résumé, le modèle de pavillon et son emplacement géographique peuvent constituer soit une contrainte, soit une force, en fonction des besoins des hommes.
Mieux se comprendre et garder espoir par la réciprocité, le partage et le dialogue
Plusieurs hommes ont souligné l’importance des relations positives dans leur cheminement, que ce soit avec leur famille, les autres résidents du pavillon, avec les intervenants ou encore avec les Aînés.
Dans un premier temps, l’expérience d’incarcération au pénitencier – avant l’admission dans un pavillon de ressourcement – a été marquée, pour nombre d’hommes, par le déracinement et l’éloignement géographique de leurs familles. Le fait d’avoir été coupés de leurs liens familiaux et sociaux peut avoir entravé leur guérison, car leurs bases relationnelles et culturelles ont été directement affectées. Il n’est donc pas étonnant de constater que le maintien ou la reprise des liens avec la famille, lors de leur transfert dans un pavillon, soutient les démarches de guérison des hommes :
Il y avait aussi des visites que tu pouvais recevoir. Mon ancienne blonde, elle amenait ma fille, elle venait des fois une heure et on passait du temps ensemble. J’aimais ça. Il y a aussi mon père qui est venu avec ma belle-mère […]. Ça m’a fait grandement du bien, le contact avec l’extérieur, ça a été quelque chose qui m’a vraiment aidé. Pour eux aussi, ils étaient contents de me voir […] ça m’a permis de continuer à vouloir avancer, je pensais à eux, aux prochaines visites.
Sikon, 50 ans, Atikamekw
J’aimais ça quand mon père venait me voir à Waseskun. On parlait beaucoup ensemble, on a pu se pardonner […]. On a beaucoup réfléchi ensemble sur la vie.
Mahikan, 45 ans, Atikamekw
Pour certains, ce sont les cercles de partage et les relations développées avec d’autres hommes ayant des parcours similaires ou difficiles – permettant l’échange, le dialogue et le partage – qui se révèlent cruciaux dans leur cheminement :
I was feeling good during the meetings, you know, we were always in circle. It is linked with the philosophy, Pimatisiwin, meaning the good life. When you’re in a circle, you respect others. You learn to hear, and to speak.
Paskus, 56 ans, Cri
Les cercles, ça permet de partager. Sentir que personne ne te juge, tu fais comme partie de quelque chose […] je me sentais bien, en sécurité dans les cercles […]. On n’est pas dans la confrontation, dans le fait de commenter ou d’argumenter les autres, on est juste… là, et tout le monde participe.
Franco, 39 ans, Atikamekw
[In circles], you realize that in many many ways, your stories are so similar, and you’re witnessing other persons’ change and growth and they do the same for you. So it’s mutually beneficial.
Jeff, 41 ans, Saulteaux
L’ambiance au sein du cercle, caractérisée par le respect, la confiance et l’ouverture, offre aux hommes la possibilité de réfléchir à leur cheminement à travers le regard des autres, tout en tenant compte de la perception qu’ils ont de l’expérience d’autrui. À la lumière de leurs récits, il semble que l’intervention de groupe renforce l’aide mutuelle et la compréhension de soi. Pour ces hommes, le climat et la cohésion du groupe constituent des éléments thérapeutiques majeurs, d’autant plus qu’il s’agit de rencontres quotidiennes sur une longue période. L’universalité et la réciprocité, c’est-à-dire le partage d’enjeux et d’expériences similaires, renforcent également la cohésion tout en insufflant de l’espoir.
Par ailleurs, certains hommes évoquent également l’importance des rencontres individuelles avec leur intervenant, lors de leur séjour au sein du pavillon. Kev, par exemple, raconte qu’il a commencé à s’ouvrir et à faire confiance à son intervenante attitrée dès que celle-ci lui a révélé qu’elle avait elle-même un plan de guérison :
During a meeting, I remember, she told me she had her own healing plan. She was doing the same as all of us. It made me realize that everyone has to find their own balance. Me, her, you, everyone. It made me feel… normal.
Kev, 35 ans, Cri
Cela reflète la vision du monde des peuples autochtones selon laquelle les relations doivent viser l’égalité et éviter toute hiérarchie (Wilson, 2008), ce qui s’applique aussi à la relation d’aide. L’engagement des membres du personnel dans leur propre guérison normalise cette démarche, mobilise les hommes dans leur processus de transformation et renforce le lien relationnel et la confiance.
Enfin, les relations avec les Aînés, détenteurs de savoirs et d’enseignements traditionnels, aident également les hommes à se reconnecter avec leur identité. Pour plusieurs, les Aînés jouent un rôle de guides, les acceptant tels qu’ils sont, sans jugement :
L’Aîné qui était là m’a tout de suite accepté tel que j’étais et m’a dit : « Moi je suis là pour t’aider, dans tout ce que tu es, avec tout ce que je suis et ce que je connais. »
Mahikan, 45 ans, Atikamekw
The Elder was walking with me. I was the one leading the way, but he was there to walk with me. He didn’t take control of where I was going. That what I liked about him, he was following, but also guiding me in the path I’ve chosen.
Bryan, 50 ans, Cri
La bienveillance ressentie par les hommes dans leurs échanges avec les Aînés illustre le principe de non-interférence, qui implique le respect de l’indépendance individuelle de chaque personne dans son cheminement, où l’Aîné n’est pas là pour imposer un chemin à suivre ni pour persuader (Guay, 2017). Pour les hommes rencontrés, les Aînés incarnent les valeurs autochtones telles que le respect, la sagesse et l’humilité. Leur soutien est inestimable, non seulement en raison de leurs vastes connaissances spirituelles, mais aussi parce qu’ils portent en eux une histoire douloureuse qu’ils ont su surmonter, devenant ainsi des modèles de réussite et d’espoir :
Celui qui m’a le plus aidé c’est un Aîné, c’est un Aîné de la place, et c’est une personne qui a vécu ça aussi, qui a vécu de la violence, qui a fait des délits… et qui a rencontré un Aîné lui aussi. Et que son Aîné a rencontré un Aîné lui aussi. Ça s’est transmis de même. Et lui pouvait comprendre parce qu’il avait vécu la même chose. C’est pour ça que je me suis senti à l’aise de parler avec lui.
Franco, 39 ans, Atikamekw
Réparer ses torts en ayant des opportunités de redonner au suivant
L’acte de recevoir et de (re)donner – tout en maintenant un équilibre entre les deux – émerge également de l’analyse des propos des hommes autochtones comme étant essentiel à la guérison. Dans les faits, tous mentionnent leur besoin de soutenir d’autres personnes dans leur cheminement. Ce rôle implique notamment la transmission de valeurs à leurs enfants, telles que le respect, l’entraide et le don de soi, afin de rompre le cycle de la souffrance. Le partage d’expériences personnelles leur permet également de poursuivre leur démarche, en assumant la responsabilité de devenir des modèles positifs pour les autres. En somme, ils sont guidés par le désir de transcender la guérison individuelle pour atteindre la guérison collective :
Tous ces enseignements, c’est fait pour partager avec d’autres personnes. Avec des personnes qui sont comme toi, ou qui veulent devenir comme toi, qui veulent comprendre. Par exemple, je transmets à mes enfants, tranquillement pas vite, ce que j’ai appris […] et quand des nouveaux gars arrivaient [à Waseskun], je jouais un peu le rôle de mentor.
Raphaël, 55 ans, Atikamekw
J’espère pouvoir un peu être un guerrier, être celui qui prend soin des autres. D’être… Nikanian. Ça se traduit par… « celui qui est en avant ». Celui qui perçoit et qui doit faire des changements dans la vie des autres […]. C’est ça aussi pour moi la guérison. C’est l’avenir, c’est de redonner au suivant.
Mahikan, 45 ans, Atikamekw
Ainsi, les hommes perçoivent dans la guérison une démarche relationnelle de partage, qui semble favorisée par la programmation des pavillons. Ils décrivent l’épanouissement et la fierté qu’ils retirent de leur capacité à soutenir les autres, puisque ces actions les aident à surmonter la honte et la culpabilité. En devenant un modèle, ils partagent leur histoire et utilisent leur passé comme un témoignage fort de leur transformation. Ces actions renforcent également l’actualisation de valeurs importantes pour eux, telles que l’entraide, le partage et le don de soi.
« Utiliser » les pavillons en vue d’une libération progressive
Pour certains hommes, le transfert dans un pavillon est délibérément envisagé comme moyen de se (ré)insérer graduellement dans la société, puisqu’il est perçu comme un moyen d’accéder à la liberté et à certains avantages qui y sont liés, tels que l’intégration professionnelle et la possibilité d’obtenir des « permissions » pour des sorties familiales, sociales ou pour reprendre leurs études. Les pavillons sont considérés comme des structures permettant de s’affranchir progressivement de la surveillance constante et de l’enfermement, car il s’agit d’un environnement moins contraignant qu’un pénitencier. Il existe donc une double dualité dans leur parcours, combinant d’une part, la guérison autochtone (au sens culturel), et de l’autre, la réinsertion sociale :
I decided to go at the Healing Lodge because I didn’t want to be gated anymore. I wanted to feel more… freedom.
Kev, 35 ans, Cri
Je savais où je m’en allais moi, je savais que je voulais être libre et je me disais que ça allait être moins long à Waseskun qu’en dedans au pénitencier. Et ça me permettait de faire mes études universitaires plus facilement. Et c’est ça qui m’a aidé moi, à me comprendre. À comprendre mon passé.
Harry, 52 ans, Anishnaabe
Le récit de Jeff met également en évidence que des ingrédients clés à la guérison sont présents au sein des pavillons, tels que des activités prosociales, notamment des autorisations pour participer à des activités professionnelles. Celles-ci favorisent une réinsertion sociale graduelle et contribuent à prévenir de futures arrestations :
What helped me out the most when I was there… it was all the factors combined. They had the right blend, the right mix. Like you didn’t feel you were in an institution, but you knew there was enough encouragement to continue to do things prosocial, productive, such as going for job training, work release, all that stuff to keep you connected, to help prevent further apprehensions, to expanse your knowledge, your skill set, develop some more awareness, insight.
Jeff, 41 ans, Saulteaux
Certains hommes utilisent donc la possibilité de faire une démarche de guérison au sein des pavillons dans un dessein bien défini : s’éloigner de la voie criminelle et se rapprocher progressivement de la liberté. Ils ont ainsi progressé et franchi diverses étapes incontournables du système correctionnel pour accéder à une plus grande liberté. Les pavillons ont ainsi été privilégiés par certains hommes pour entreprendre cette démarche de manière évolutive, évitant toute précipitation, étant conscients que la réinsertion sociale comporte son lot de défis. En d’autres termes, la guérison autochtone est un moyen culturel pour atteindre les objectifs correctionnels, à savoir mettre un terme à la criminalité et se réintégrer dans la collectivité.
Éléments qui entravent les démarches de guérison
Lorsque les hommes autochtones réfléchissent rétrospectivement aux facteurs qui ont entravé leur démarche de guérison à l’intérieur des pavillons, deux éléments ressortent particulièrement de leurs récits : les contraintes liées à la « guérison institutionnelle prescrite », poussant certains à « jouer le jeu de la culture », et les enjeux liés à la conception panindianiste de la guérison au sein des structures institutionnelles. Le manque d’accès aux programmes culturels au début de leur parcours correctionnel sera aussi abordé.
« Performer » la guérison : se sentir contraint à la spiritualité et à la culture
Bien que plusieurs hommes expriment une grande satisfaction de la programmation culturelle offerte par les pavillons, certains choisissent néanmoins de « performer la guérison », c’est-à-dire de se conformer aux attentes sans y adhérer pleinement. Ils ressentent que, pour être perçus comme de « bons Autochtones » et être bien vus par le personnel, ils doivent adopter une identité institutionnellement construite : se déclarer spirituels, culturels, et participer aux activités associées à ces deux sphères. Cela met en lumière le maillage institutionnel entre la culture et la gestion des risques : l’adhésion des contrevenants autochtones aux pratiques culturelles et spirituelles est souvent interprétée, par les acteurs sociojudiciaires, comme un indicateur d’une réduction du risque de récidive (Bélanger et Brassard, 2020). Cette tendance à se concentrer presque exclusivement sur les activités culturelles et spirituelles autochtones crée des défis pour certains. À cet égard, Harry mentionne : « je me sentais comme obligé de pratiquer la spiritualité autochtone […] pour embarquer dans le groupe, sinon tu étais quelqu’un qui n’était pas conforme aux affaires ». Mahikan, pour sa part, révèle : « J’étais obligé de participer à des ateliers […]. Je me suis senti comme… pas respecté à ce moment-là […]. Je me suis senti pressé, mais pas dans le bon chemin on dirait. » Certains récits soulignent que ce sentiment d’obligation à participer aux activités renforce des comportements que les hommes cherchent à déconstruire :
J’ai passé ma vie à faire des choses qui n’étaient pas moi, pour répondre à ce que d’autres s’attendent de moi. Pour les satisfaire… Parce que je suis […] un dépendant affectif. J’avais l’impression de faire la même chose [au pavillon], ça venait renforcer ça, le besoin que j’ai d’être bon aux yeux des autres. Mais au fond de moi, il y a encore des affaires qui brûlent puis que je n’arrivais pas à faire sortir.
Shikuan, 60 ans, Innu
À la lumière des récits, un aspect semble lacunaire au sein des pavillons, à savoir redonner aux hommes un certain pouvoir sur le processus, sans quoi ils risquent de se désengager. Cette sensation de devoir impérativement emprunter un chemin « rouge » prédéfini par la structure maintient certains hommes dans le silence : ils n’osent plus s’y opposer, sous peine d’être sanctionnés pour ne pas suivre les consignes établies :
Tu ne veux pas avoir l’air de quelqu’un qui est un opposant, qui ne collabore pas là. Tu fermes ta gueule comme on dit, tu y vas [aux ateliers] puis c’est ça.
Mahikan, 45 ans, Atikamekw
Je ne pouvais pas vraiment dire que j’étais en colère par rapport à ce qu’ils me disaient et ce qu’ils s’attendaient de moi. Je ne pouvais pas, parce que si je disais ça, ils allaient mettre ça sur le rapport « monsieur est encore en colère, il faut le garder un peu plus longtemps ». Puis ils me donnaient un programme sur la gestion de la colère… Alors tu joues le jeu, tu entres dans la game puis tu fais ton temps, tu chemines comme tu penses qu’ils voudraient que tu le fasses.
Harry, 52 ans, Anishnaabe
Je n’ai pas exprimé comment je me sentais. Parce que c’était dans ma nature, je n’ai jamais partagé ce que je ressentais. Mais aussi, j’avais comme peur. Si je dis ça, si je dis ce que je pense, peut-être qu’ils vont me juger, peut-être qu’ils vont se dire que je suis récalcitrant, que je ne veux pas m’impliquer.
Sikon, 50 ans, Atikamekw
En somme, certains hommes estiment crucial d’avoir la possibilité de faire des choix, de disposer de plusieurs opportunités et de suivre des chemins variés, tous susceptibles de les conduire vers la guérison. Ces possibilités devraient être évaluées en fonction de leurs valeurs, de leurs croyances et de leurs besoins. Bref, il est impératif de les libérer du silence et multiplier les environnements favorables à l’expression de soi et au développement d’une identité positive. Bryan résume le fait que la guérison doit émaner de l’intérieur, être un choix personnel et ne pas être imposée :
For me, everything complements everything. Sometimes, the western way could be the best way. Sometimes, the traditional way is the best way. Again, it’s about having the choice and keeping things in balance. It can’t be something imposed from the outside. It has to come from the inside.
Bryan, 50 ans, Cri
Le panindianisme au sein des pavillons de ressourcement
Le panindianisme s’inscrit dans un courant de pensée qui présuppose l’existence d’une vision du monde unifiée partagée par tous les peuples autochtones. Certains chercheurs, tels que Waldram (1997), ont critiqué la présence de ce mouvement au sein des institutions correctionnelles, arguant qu’il ne tient pas compte des spécificités culturelles de chaque nation.
Quelques hommes rencontrés, ayant participé à des cérémonies traditionnelles avant leur période d’incarcération, ont mentionné que les activités proposées au pavillon étaient parfois éloignées de leur culture. Ce n’est pas tant que la programmation à laquelle ils ont pris part était inadéquate, mais plutôt qu’ils avaient le sentiment qu’il « manquait quelque chose » qui aurait pu favoriser leur engagement plus marqué dans leur démarche :
Les ateliers, les cérémonies, ça m’a aidé. Mais j’aurais aimé aussi avoir d’autres ateliers. Apprendre à faire un canot, apprendre à fabriquer des raquettes, fabriquer des paniers d’écorce. Ça, j’aurais aimé ça, et ça fait plus partie de ma culture. Il manquait de ça, je trouve […]. Peut-être aussi avoir des contes et des légendes, entendre des histoires dans ma langue. C’est ce qui me manquait. Pour que je puisse moi aussi transmettre à mes enfants, à mes amis, à mes frères, à ma famille, à ma communauté. Être capable de transmettre les choses que j’apprends.
Ben, 43 ans, Atikamekw
C’était des intervenants mohawks, qui parlaient anglais […]. Je me disais qu’ils ne faisaient pas ça comme chez nous […]. J’avais comme le désir… je sentais le besoin d’avoir un contact avec des gens de ma nation, de ma culture, atikamekw. C’est ça que je recherchais à ce moment-là, que j’aurais aimé avoir un intervenant atikamekw, ou au moins une fois de temps en temps un atelier, des activités atikamekw. J’ai eu de la misère à m’embarquer à cause de ça.
Sikon, 50 ans, Atikamekw
Par-delà les défis liés aux divergences culturelles, la barrière linguistique a posé un enjeu pour certains hommes lors des cérémonies et des activités. Comme l’affirme Ben : « Il y a des choses que je n’ai pas aimées, à cause que c’était presque tous des Anglais, et moi je ne parle pas anglais. J’ai fait ma thérapie avec succès, mais des fois je me disais : ‘‘Qu’est-ce que je fais ici ? ’’ » Mani ajoute : « Ça parlait juste anglais… il y avait des traductions, mais… ce n’était pas pour moi. »
Un manque d’accès aux programmes de guérison qui retarde la démarche de guérison
Un autre défi évoqué dans les récits des hommes concerne le manque d’accès aux pavillons de ressourcement ou à des programmes culturels et spirituels au début de leur parcours correctionnel. En effet, plusieurs d’entre eux ont d’abord été incarcérés dans une institution provinciale, avant d’être incarcérés au sein d’un pénitencier.
Plusieurs insistent sur le fait que les prisons ne proposent pas d’accompagnement culturel et spirituel, à l’exception de la présence institutionnelle occasionnelle d’un Aîné ou d’aliments traditionnels lors d’occasions spéciales. De plus, ils regrettent l’absence d’opportunités pour se concentrer sur une démarche de guérison ou de transformation personnelle. Ils expriment clairement le manque d’aide et de soutien sur tous les plans (culturel, spirituel, émotionnel, comportemental), qui aurait pu briser plus rapidement le cycle des dépendances, de la violence et du crime. Bref, ils estiment avoir simplement « fait leur temps » sans avoir eu accès plus tôt à une programmation autochtone :
Quand t’es en dedans, tu es supposé être focusé sur toi-même, pour moi c’était ça. Mais avoir des programmes ça m’aurait peut-être aidé à ce niveau-là, mais je n’ai rien eu […]. J’ai fait mon temps et c’est tout.
Raphaël, 55 ans, Atikamekw
Il n’y avait pas d’activités pour m’aider à faire les prises de conscience. Les jours passent et tu fais juste attendre que ça finisse.
Sikon, 50 ans, Atikamekw
Pour vrai, si j’avais eu cette aide spirituelle là quand j’étais en prison, j’aurais peut-être… ça m’aurait peut-être aidé. J’aurais peut-être compris des choses plus vite et peut-être que je n’aurais pas eu une escalade dans ma violence.
Kristopher, 44 ans, Atikamekw
Quant à Jeff, il regrette que son cheminement spirituel ait été momentanément mis en suspens. Après sa participation au programme In Search of your Warrior, il a été renvoyé dans un pénitencier à sécurité moyenne pour une durée de 9 mois, alors qu’il aurait préféré être directement transféré dans un pavillon. En réalité, il a eu l’impression qu’il s’agissait d’une période pour le surveiller, l’assujettir et évaluer s’il réussirait ce test en démontrant les transformations cognitives et comportementales attendues de lui, ce qui lui a fait perdre un temps précieux :
After the Warrior program, most of the people got their minimum security which you have to have in order to go at Kwi. I was not one of those people. I had to go back to the prison I was sent from which is a medium security […]. So, during that time… […] They were trying to see how I was going to incorporate my new skill set, my new beliefs […] and how can I apply it to my everyday prison interaction, prison living. Basically, it was just a big test, to see if I was going to fail. And I didn’t fail so they sent me to a minimum security […] this 9-month period was kind of a waste of time.
Jeff, 41 ans, Saulteaux
L’expérience de Jeff reflète bien les résultats des recherches antérieures, indiquant que l’évaluation de la dangerosité et du risque de récidive – en particulier pour les « contrevenants » autochtones – (BEC, 2020) écarte ces derniers des opportunités d’accès aux programmes axés sur la spiritualité et la guérison qui pourraient leur être bénéfiques. À ce sujet, Wellman (2017) conclut que « the problem is that individuals that would likely benefit the most from programming have the least access to it, due to their seemingly inaccurate risk classification » (p. 32).
Discussion
Cet article explore les dynamiques complexes qui sous-tendent les démarches de guérison de 14 hommes autochtones ayant vécu une expérience au sein d’un pavillon de ressourcement au Canada. Leurs récits révèlent que leur transformation intérieure s’accompagne et s’imbrique dans des relations sociales – et au territoire – qui façonnent leur expérience. Alors que certains mettent en avant leur agentivité et leurs choix, d’autres se sentent plutôt contraints à « performer » la guérison pour se conformer aux exigences institutionnelles. Ces résultats suggèrent que les hommes aspirent à une flexibilité institutionnelle et à une adaptabilité à leurs besoins, souhaitant être des acteurs actifs et proactifs dans leur démarche. Or, une approche exclusivement centrée sur les dimensions spirituelles et culturelles risque de les réduire à un seul modèle de guérison. Les pavillons, soumis à la logique pénale, tendent à percevoir « la » culture autochtone comme un facteur dynamique manipulable pour transformer une identité « à risque » en une identité positive, suivant un schéma de guérison prédéfini, normalisé et sanctionné par les structures correctionnelles. Cette approche ne reflète pas toujours la vision multiple, fluide, subjective et itérative de la guérison autochtone telle qu’exprimée par les hommes rencontrés. Conformément aux recommandations de certains chercheurs (Vacheret et al., 2023 ; Waldram, 1997), les résultats de la présente étude mettent en lumière la nécessité de mesurer d’autres facteurs que le risque de récidive, tels que l’amélioration des relations sociales et familiales, le renforcement de l’estime de soi et de l’identité culturelle, la perception individuelle de la démarche de guérison et la motivation au changement. L’hétérogénéité des besoins souligne la pertinence de promouvoir une variété de parcours et l’accès à une programmation diversifiée à l’intention des hommes autochtones judiciarisés, tout en assurant une cohérence avec la culture de leur nation et leur langue d’usage. Ces conclusions font écho à celles obtenues par Allspach (2010) ainsi que par Pilon et ses collaborateurs (2015) dans leurs recherches respectives auprès de femmes autochtones.
À la lumière des récits des hommes autochtones rencontrés dans cette étude, il serait opportun d’accorder aux pavillons une flexibilité accrue dans l’évaluation de l’efficacité de leurs programmes de guérison, de manière à mieux refléter les perspectives et les besoins exprimés par ces hommes. Des réflexions devraient également être engagées quant à la place véritable des pavillons au sein du système carcéral. Dans les faits, certains soutiennent que la mise en place d’initiatives culturellement « appropriées » constitue une forme plus insidieuse de contrôle et de colonialisme, qui maintient la perception de l’incarcération des peuples autochtones comme une solution appropriée et justifiable (Montford et Moore, 2018). En effet, ces initiatives continuent de s’inscrire dans une logique sociale de punition et d’incarcération (Crête, 2017), au lieu de servir de substituts ou de dispositifs alternatifs aux peines d’incarcération. Pour progresser véritablement vers l’objectif initial de réduction de l’incarcération des Autochtones et d’amélioration de leur bien-être global (SCC, 2011 ; 2013), il serait envisageable de retirer la fonction « correctionnelle » des pavillons. Cela permettrait de leur conférer un statut authentique de lieux de guérison, et d’offrir à cette notion tout l’espace nécessaire pour se développer, sans être entravée par des impératifs de classification et de mesure qui sont au coeur de la philosophie carcérale et pénale. L’utilisation des pavillons pourrait ainsi se faire en amont du système – voire partiellement le remplacer – plutôt que d’être intégrée à l’intérieur de celui-ci. Il semble paradoxal que les programmes axés sur la guérison, la culture et la spiritualité soient quasi exclusivement à l’intention d’hommes autochtones judiciarisés, alors qu’ils pourraient bénéficier à l’ensemble des hommes autochtones pour favoriser le mieux-être et prévenir l’apparition de comportements criminels. Ainsi, au lieu de se concentrer à réformer les institutions pénales, il serait judicieux de développer des solutions alternatives susceptibles de mieux répondre aux revendications et aux aspirations des peuples autochtones.
Parties annexes
Remerciements
L’auteure principale souhaite remercier les organismes suivants pour leur appui financier : Bourse d’études supérieures du Canada (BESC) Vanier ; Fonds de recherche et d’enseignement Micheline-Massé (Études sur les hommes et les masculinités) et le Centre RAIV (Recherches appliquées et interdisciplinaires sur les violences intimes, familiales et structurelles).
Notes
-
[1]
Pavillon Charles-De Koninck, 1030 Av. des Sciences Humaines, bureau 6423, Québec, QC G1V 0A6.
-
[2]
R. c. Gladue [1999] 1 S.C.R. 688 ; R. c. Ipeelee [2012], CSC 13.
-
[3]
La tente de sudation est une cérémonie qui vise généralement à se purifier pour se préparer à communiquer avec le Créateur. Elle peut aussi être utilisée pour prier, demander pardon ou pardonner à quelqu’un. Elle se déroule dans un abri circulaire construit en branchages. Des pierres sont chauffées dans un feu sacré à l’extérieur de la tente, puis amenées à l’intérieur pour y être arrosées d’eau ou d’herbes sacrées. Certaines nations diront que la tente représente symboliquement l’utérus de la Terre-Mère et de la femme, et qu’il est ainsi possible de faire un parallèle entre la cérémonie et le renouvellement, la transformation et la renaissance (Waldram, 1997).
-
[4]
Il s’agit d’une permission de sortir sans escorte accordée par le SCC (temporary absence).
Références
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