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Le métier d’aider, Michel Dorais. Montréal, QC : vlb éditeur, 2015, 240 pages[Notice]

  • Myriam Bals

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  • Myriam Bals
    Professeure agrégée à l’École de service social de l’Université Laurentienne

Facile à lire, posant des questions de fonds sur l’essence même des métiers d’aide, leur éthique et la nécessité de toujours avoir une pratique réflexive (liant théorie et pratique), ce livre est une référence incontournable tant pour des étudiants en relation d’aide (travail social, psychologie, etc.), que pour des professionnels qui ont de longues années de pratiques et ressentent le besoin de faire le point. Les professionnels sont-ils des agents de normalisation ou d’insertion ? Pour être un bon professionnel, quels sont les pièges à éviter et les pistes à privilégier ? Utilisant un principe très important en médecine, énoncé par Hippocrate, Michel Dorais l’applique avec raison à la relation d’aide : « avant tout ne pas nuire »… auquel on pourrait ajouter que « l’enfer est pavé de bonnes intentions. » Michel Dorais a définitivement une perspective post-moderne et anti-oppressive des interventions. Il rappelle qu’un intervenant qui ne voit que le problème d’un client risque d’avoir une approche paternaliste qui blâme la victime (comme la propension à surestimer la responsabilité de l’individu et à sous-estimer le contexte), ce qui empêche toute alliance thérapeutique constructive et engendre de la résistance de la part du client. À l’inverse, le professionnel qui ne regarde que le potentiel du client et table sur les forces, rêves et projets de ce dernier, a plus de chances d’établir une alliance thérapeutique constructive. Michel Dorais fait une mise en garde très pertinente sur l’adoption inconditionnelle de préjugés idéologiques, de dogmes et de thérapies à la mode qui peuvent nuire plus qu’aider une personne, dans la mesure où ils ne reposent sur aucune analyse approfondie d’une situation spécifique, mais qui sont appliquées de façon presque standard à tout le monde. Or, trop souvent, les techniques ont pris le pas sur l’humain, et les « petites recettes à la mode » ne sont pas de mises, si on veut faire une intervention efficace et respectueuse des valeurs et croyances de la personne que l’on veut aider. Parfois la volonté de paraître plus « professionnels » et « scientifiques» a pour conséquence l’utilisation de mots empruntés aux sciences médicales, tels que des « diagnostics ». L’auteur donne plusieurs exemples illustrant un piège commun qui est de réduire une personne à ses comportements ou désirs (un ‘délinquant’ et non ‘un jeune en souffrance’). Le « diagnostic » peut conduire à un « étiquetage » qui peut créer des réactions préjudiciables pour le client. C’est ainsi que le problème de la stigmatisation est trop souvent créé par des professionnels qui apposent des étiquettes et des diagnostics, ce qui devrait être évités surtout quand il s’agit d’enfants ou d’adolescents… car une étiquette reste, indélébile. On risque de ne plus voir la personne et sa souffrance, mais seulement son étiquette et participer ainsi à son exclusion. Il se peut aussi que la personne finisse alors par se conformer à l’étiquette qui lui a été apposée, quand elle n’est réduite qu’à cela par des jugements négatifs répétés. Parfois, les intervenants nuisent plus qu’ils aident, surtout s’ils ont une approche paternaliste, rigide et dominante, et s’ils imposent leurs valeurs et leurs solutions à leurs clients qu’ils perçoivent inférieurs, refusant de les écouter vraiment. Leurs confrontations obstinées n’aboutissent à rien. C’est alors l’échec presque assuré de ce type d’intervention oppressive, car les clients résistent le plus souvent à des solutions qui ne leur conviennent pas. Les interventions basées sur les divers courants de pensée (perspectives interactionniste symbolique et constructiviste, approche narrative…) qui reconnaissent le potentiel et les forces du client, respectent son unicité et son expertise par rapport à ce qu’il vit, sa subjectivité et le …