Book ReviewRecension de publication

Réalités masculines oubliées, Jean-Martin Deslauriers, Marc Lafrance et Gilles Tremblay (sous la direction de). Québec, QC : Presses de l’Université Laval, 2019, 486 pages[Notice]

  • François Boudreau

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  • François Boudreau
    Rédacteur francophone
    Professeur, École de service social, Université Laurentienne

Ce livre de plus de 450 pages, 17 chapitres répartis en trois sections, vient ajouter au corpus croissant d’écrits qui documentent le pôle masculin des rapports de sexes. Son objectif n’est pas de faire contrepoids au féminisme et à ses avancées, mais plutôt d’ajouter à la compréhension de la dimension masculine de ce rapport social. Cet ouvrage universitaire, rigoureux et bien organisé, est de lecture agréable et est accessible à une audience de tout horizon. La diversité des auteurs, hommes et femmes, universitaires, chercheurs et intervenants, contribue à la richesse des informations et de l’analyse de la masculinité dans le contexte de la société québécoise. Les trois chapitres de la première section cernent les contours et le contexte de l’évolution de la masculinité au Québec depuis trois décennies, en particulier dans son rapport à la formidable avancée du féminisme et des importantes transformations sociales qui ont accompagné l’affirmation des femmes dans la quête de rapports sociaux égalitaires. L’important recul de la masculinité orthodoxe, cette manière unidimensionnelle et contraignante d’être homme issu de la société traditionnelle, est clairement exposé, de même que le déploiement d’une multiplicité de formes de masculinité, toujours en évolution, qui l’ont remplacée. Différentes expressions de la masculinité y sont recensées, discutées et évaluées, de manière à faire ressortir la richesse de cette pluralité. Cette section met également en valeur d’importantes contributions théoriques à la compréhension du rapport social à partir de la variable genre et de son intersection avec d’autres variables, pour en dévoiler les impacts sur les personnes qui portent le genre masculin au quotidien. Il aurait été intéressant que cette section illustre davantage l’idée que la masculinité comme genre ne s’est pas développée abstraitement, ex nihilo, mais bien à partir d’une division sexuelle du travail enracinée dans une société concrète. C’est à partir du donné de la nature que la masculinité s’est déployée dans ses dimensions anthropologiques et historiques et c’est dans le contexte de la société québécoise contemporaine transformée que la masculinité plurielle actuelle s’éloigne de ses antécédents orthodoxes. Les dix chapitres de la seconde section documentent de manière empirique autant de réalités masculines, qui cachent des défis et sont porteuses de douleurs, de contraintes, voire de frustrations et de misères. On y apprend que la pauvreté des femmes demeure plus grande, même si elle diminue, mais que celles des hommes seuls de 65 ans et plus augmente, accompagnée d’un isolement croissant. En outre, plus l’homme est pauvre, plus il semble se percevoir selon le schème traditionnel de pourvoyeur, sa condition équivalant alors pour lui à l’échec face à la norme. La contribution, les défis et les atouts que peuvent représenter les enseignants masculins, surtout dans certains contextes scolaires spécifiques, sont bien mis en évidence. Un chapitre sur la vie d’agriculteur nous rappelle la dureté de ce métier et le fait que l’isolement et le danger demeurent omniprésents. La dépression masculine et le suicide masculin (deux par jour en 2013) sont en fort lien avec une image idéale de l’homme, tandis que la violence masculine pourrait parfois être rattachée à une mauvaise stratégie de demande d’aide. Le retour à la vie civile par les anciens militaires comporte entre autre le défi de déprogrammer l’intensité de la posture de combattant apprise durant de longues sessions de formation à l’activité guerrière. Il y a tant à réfléchir et à faire sur les rapports de la paralysie à la sexualité dans le contexte d’une société énergique promouvant une masculinité musclée et active. La paternité adolescente signifie souvent l’exclusion du jeune père de la vie de l’enfant et de la jeune mère, exclusion tant par la famille …