Cooking the booksMettre les livres à sa sauce

Recettes Ogilvie Pour la Cuisinière Moderne, The Ogilvie Company Flour Mills Limited, Montréal, Canada, 1909, 128 p.[Notice]

  • Laura Shine

Ce livret me vient de Laurette Charbonneau, une grand-tante décédée il y a quelques années. En vidant sa maison de St-Ours, près de Sorel, ma mère, sa filleule, a trouvé cette petite relique. À l’encre, cette inscription sur la première page : « En souvenir de dame Henry Fafard », la grand-mère de Laurette, et donc ma trisaïeule, ou arrière-arrière-grand-mère. Resté vieille fille, Laurette s’est occupée de ses parents jusqu’à la fin de leurs jours, mais elle ne cuisinait que très peu. Cet exemplaire des Recettes Ogilvie Pour la Cuisinière Moderne, publié en 1909, est d’ailleurs en condition quasi-parfaite et semble n’avoir jamais été utilisé; j’ignore toutefois si son état est dû au manque d’intérêt de ma grand-tante pour la chose culinaire, ou à au statut de « souvenir » accordé au livre, qui en aurait fait une sorte de relique intouchable. Quoi qu’il en soit, j’ouvre aujourd’hui cet ouvrage autrefois banal avec une révérence certaine, et le feuillette avec le plus grand soin. La société Ogilvie Flour Mills, fondée par une famille d’origine écossaise, est un des piliers de l’histoire de la minoterie au Canada. Le premier moulin est érigé en 1801 dans la seigneurie Jacques-Cartier, près de Québec; rapidement, l’entreprise grandit et s’installe à Montréal. Au courant de la seconde moitié du 19e siècle, l’importation de nouvelles techniques de mouture hongroises permet de réaliser une farine d’une finesse incomparable; l’entreprise prend de l’expansion et s’installe en Ontario et au Manitoba, en plus de conclure des accords de transports avantageux avec le chemin de fer Canadien du Pacifique. En 1886, un nouveau moulin est érigé à Montréal; il peut fabriquer jusqu’à 2100 barils de farine par jour, soit près de 40 % de la production totale quotidienne. En 1895, William Watson Ogilvie, alors à la barre de l’entreprise, est désigné comme étant le plus grand producteur meunier individuel au monde. Sa mort en 1900 et celle de son frère deux ans plus tard laissent une entreprise orpheline qui, après un siècle aux mains de la famille, est vendue en 1902 à un consortium montréalais et renommée Ogilvie Flour Mills Company Limited. La société continue à prendre de l’expansion et devient, en 1915, la plus importante minoterie de l’Empire britannique. Alternant entre périodes de prospérité en temps de guerre et de disette pendant la crise des années 1930, elle se lance dans une phase d’acquisitions dès le milieu du 20e siècle; parmi les plus importantes, d’abord la Lake of the Woods Milling Company, propriétaire de la fameuse marque Five Roses, puis Produits Alimentaires Catelli Limité, passent sous son égide. Puis, c’est au tour d’Ogilvie d’être vendue, d’abord à John Labatt Ltd. en 1968, puis à la compagnie américaine Archer Daniels-Midland, en 1993-1994. En 1909, la publication des Recettes Ogilvie Pour la Cuisinière Moderne témoigne d’un phénomène déjà connu au tournant du 20e siècle, soit l’édition de livres de recettes par des grandes minoteries voulant promouvoir l’usage de leurs produits. Or, comme le souligne Elisabeth Driver, des ouvrages tels que Good Flour and How to Use It (McAllister Milling Co., à Petersborough) ou le Beaver Mills Cook Book (T.H. Taylor Co., à Chatam) n’étaient diffusés que relativement localement. Les Recettes Ogilvie Pour la Cuisinière Moderne et son homologue anglais, l’Ogilvie’s Book for a Cook, étaient les premières publications de ce genre à être diffusées nationalement et dans les deux langues officielles. Ces ouvrages furent également réédités à maintes reprises; ainsi, l’on trouve des exemplaires datés de presque chaque année entre 1905 et 1922, puis plus sporadiquement jusqu’à la dernière année de publication, en 1931. Cet …

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