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Ce numéro thématique des Cahiers du numérique vise, en sept articles, à faire ressortir les enjeux, les concepts et les implications de la recherche collaborative d’information. Le responsable scientifique de la publication, Jérôme Dinet, nous rappelle d’emblée que la plupart des études portant sur le sujet se focalisent sur la recherche dans les environnements numériques. Ce numéro ne fait pas exception en s’intéressant, entre autres, à l’étude des forums de discussion, à la pratique du social bookmarking et aux courtiers de connaissances utilisant les technologies Web.

Les auteurs ont des inspirations théoriques et méthodologiques différentes, parmi lesquelles la théorie de l’activité est mise en éclairage dans deux articles distincts. Plusieurs articles visent justement à présenter un cadre méthodologique utile à l’étude de la recherche collaborative d’information, car il demeure que les travaux présentant la recherche d’information comme activité individuelle sont supérieurs en nombre à ceux s’intéressant à la recherche en tant que pratique collaborative. La présence de plusieurs modélisations visuelles peut certainement revêtir un intérêt pour le lecteur-chercheur. À titre d’exemple, André Tricot et Pauline Comtat nous convient à une lecture de la recherche collaborative d’information comme un « dialogue entre un lecteur-utilisateur et un document ». Jérôme Bélanger propose un modèle fondé sur les principes bioéthiques conciliant la technologie et l’éthique dans la relation entre le médecin, son patient et le système d’information. Nabil Ben Abdallah analyse des interactions d’une activité informationnelle collaborative à travers le prisme de la théorie de l’activité pour identifier cinq dimensions à la recherche collaborative d’information : sociale et organisationnelle, cognitive, psychologique, physique et dynamique. Ces différentes « tentatives de compréhension globale du phénomène de collaboration dans la recherche d’information » posent des jalons et ouvrent la porte à d’autres recherches. Par exemple, le poids relatif de chacune des cinq dimensions dans le processus de recherche collaborative d’information reste à déterminer. Il existe tout de même une convergence entre les articles : plusieurs des auteurs soulignent l’importance de la composante sociale dans la recherche collaborative d’information.

Parmi les articles, celui de l’auteur Moktar Lamari de l’École nationale d’administration publique (ENAP), qui porte sur le courtage de connaissances dans le secteur de la santé au Canada, mérite une attention particulière. L’auteur y explique le fonctionnement du courtage de connaissances et ses impacts sur la performance des interventions publiques en santé au Canada (ou dans un Canada qui semble en fait être le Québec). Il s’appuie empiriquement sur un sondage réalisé auprès de courtiers de connaissances utilisant des technologies numériques. Si les résultats font état d’un métier complexe, ils démontrent surtout que l’impact des activités de courtage de connaissances est proportionnel à « 1) la qualité des connaissances échangées ; 2) l’intensité des interactions initiées avec les partenaires impliqués ; et 3) la connectivité des courtiers dans les réseaux sociaux web 2.0 ». Un élément de contenu particulièrement intéressant du point de vue de l’acquisition de connaissances : l’étude révèle que les courtiers de connaissances préfèrent aux données de « 1re main » issues de la recherche scientifique les documents de « 2e main », soient les documents de synthèse provenant d’organismes reconnus. Ce résultat met en lumière non seulement le facteur temps intrinsèque à la lecture complète des données de la recherche scientifique, mais aussi l’importance de la formation des courtiers afin que ceux-ci soient capables de comprendre des méthodologies de recherche complexes. L’étude révèle également que le quart seulement des courtiers de connaissances valorisent les outils et les technologies du Web 2.0 « pour des raisons de retard dans la mise à jour des équipements et de la formation des expertises et procédures associées dans les organisations publiques et gouvernementales ». Cet article est très intéressant pour tous les acteurs documentaires du milieu de la santé ou plus largement intéressés à ce phénomène méconnu qu’est le courtage de connaissances.

Ce numéro thématique aborde la recherche collaborative d’information en lien avec les thèmes suivants : la coopération, la communication, l’éthique, l’apprentissage, l’enseignement, la confiance, le comportement, la cognition et l’intelligence économique. Le contenu est donc assez varié pour répondre aux goûts et intérêts des lecteurs sur la recherche collaborative d’information. Les articles présentant des modèles théoriques liés à la recherche collaborative d’information s’adressent à un public motivé de niveau académique. L’article de Nadia Gauducheau, « Demander de l’information dans un forum de discussion. L’exemple d’Ados.fr », intéressera sans doute un public plus large intéressé par le comportement de recherche des adolescents. Soulignons enfin que Michèle Dreschsler étudie les pratiques du social bookmarking en contexte éducatif et propose une méthodologie de recherche originale tout en étant écrit de façon très accessible.