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Le ministère de la Culture et des Communications du Québec (MCC) propose des programmes s’appliquant à divers secteurs en culture et en communications. L’un des objectifs du Programme d’aide aux immobilisations du MCC (2013) est de contribuer au maintien et au développement sur l’ensemble du territoire du Québec d’un réseau d’infrastructures culturelles répondant aux normes et aux standards professionnels. Sont admissibles au programme :

  • les infrastructures culturelles définies comme les biens et les équipements culturels, notamment :

    • les bibliothèques publiques (autonomes ou affiliées);

    • les centres régionaux de services aux bibliothèques publiques (CRSBP);

  • divers types d’intervention, dont des travaux de construction (nouvelle construction, agrandissement, rénovation, réaménagement, etc.) ou encore l’achat d’équipements ou de mobiliers spécialisés. Les équipements représentent moins de 1 % des subventions d’aide aux immobilisations.

Les tableaux qui suivent illustrent l’importance financière de cette aide aux immobilisations accordée par le MCC, entre 2001 et 2013, à l’ensemble des bibliothèques publiques du Québec[1]. À l’intérieur de celles-ci sont bien distinguées les sommes octroyées aux bibliothèques publiques autonomes (BPAutonomes)[2] et aux bibliothèques publiques affiliées (BPAffiliées)[3]. Sont également bien partagées deux périodes chronologiques de six années chacune, soit de 2001 à 2007 et de 2007 à 2013. Pour chacune des années budgétaires[4], nous donnons le montant total des subventions accordées, le nombre de projets et la moyenne pour l’année.

Tableau 1

Aide aux immobilisations 2001-2013 pour les bibliothèques publiques

Aide aux immobilisations 2001-2013 pour les bibliothèques publiques
Source : Québec (Province). Ministère de la Culture et des Communications

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Le Tableau 1 indique que, de 2001 à 2013, 233 bibliothèques publiques du Québec ont reçu 148 741 346 $ en aide aux immobilisations, soit une moyenne de 638 375 $ par projet. La répartition de cette aide se présente ainsi :

  • 84 bibliothèques publiques autonomes 84 BPAutonomes (36 % de toutes les bibliothèques publiques ayant touché une aide du MCC) ont obtenu 110 399 846 $ (74 % des dépenses totales), soit une moyenne de 1 314 927 $ par projet;

    • 49 des 84 (58 %) projets de BPAutonomes concernent les exercices financiers 2001-2007, avec une moyenne de 830 805 $;

    • 35 des 84 (42 %) projets de BPAutonomes concernent les exercices financiers 2007-2013, avec une moyenne de 1 992 698 $; comparativement aux années 2001-2007, on remarque une baisse du nombre de bibliothèques, mais une hausse substantielle de 140 % de la moyenne des subventions des BPAutonomes, en raison des projets de superficie de plus grande ampleur, dont cinq projets de la Ville de Montréal.

  • 149 bibliothèques publiques affiliées 149 BPAffiliées (64 % de toutes les bibliothèques publiques ayant touché une aide du MCC) ont obtenu 38 287 500 $ (27 % des dépenses totales), soit une moyenne de 256 963 $ par projet;

    • 67 des 149 (45 %) projets des BPAffiliées concernent les exercices financiers 2001-2007 et ont une moyenne de 320 689 $;

    • 82 des 149 (55 %) projets des BPAffiliées concernent les exercices financiers 2007-2013, pour une moyenne de 269 491 $; comparativement aux années 2001-2007 et au contraire des BPAutonomes, on remarque une hausse du nombre de bibliothèques et une baisse relative de 16 % de la moyenne des subventions des BPAffiliées, en raison des projets de superficie de plus petite ampleur pour de plus petites bibliothèques.

Tableau 2

Aide aux immobilisations 2001-2013 pour les bibliothèques publiques. Nombre de projets selon le montant de l’aide accordée par le MCC

Aide aux immobilisations 2001-2013 pour les bibliothèques publiques. Nombre de projets selon le montant de l’aide accordée par le MCC
Source : Québec (Province). Ministère de la Culture et des Communications

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Le Tableau 2 répartit, pour chacune des années de 2001 à 2013, le nombre des bibliothèques publiques du Québec par tranches du montant de l’aide aux immobilisations. On constate que 33 projets des BPAutonomes reçoivent une aide qui dépasse le million de dollars et que 17 projets des BPAffiliées dépassent 500 000 $.

Tableau 3

Bibliothèques publiques autonomes. Aide aux immobilisations de plus de 1 000 000 $ de 2001 à 2013

Bibliothèques publiques autonomes. Aide aux immobilisations de plus de 1 000 000 $ de 2001 à 2013
Source : Québec (Province). Ministère de la Culture et des Communications

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Le Tableau 3 répartit, en ordre décroissant, les 33 BPAutonomes (39 %) qui ont reçu une aide de plus d’un million de dollars. Ces 33 projets totalisent 91 498 377 $, soit 83 % des dépenses totales de 110 453 846 $ des BPAutonomes, et une moyenne de 2 772 678 $ par projet. Pour la période de 2007 à 2013, on remarque un nombre plus élevé de bibliothèques et une hausse très marquée de l’aide du MCC.

Tableau 4

Bibliothèques publiques affiliées. Aide aux immobilisations de plus de 500 000 $ de 2001 à 2013

Bibliothèques publiques affiliées. Aide aux immobilisations de plus de 500 000 $ de 2001 à 2013
Source : Québec (Province). Ministère de la Culture et des Communications

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Le Tableau 4 répartit, en ordre décroissant, les 18 BPAffiliées (12 %) qui ont reçu une aide de plus de 500 000 $, dont quatre concernent des sièges sociaux des CRSBP. Ces 18 projets totalisent 15 884 996 $, soit 41 % des dépenses totales de 38 287 500 $ des BPAffiliées, et une moyenne de 882 500 $ par projet. Pour la période de 2007 à 2013, on remarque un nombre plus élevé de bibliothèques et une hausse très marquée de l’aide du MCC.

L’ajout de 52 635 m2

La superficie totale des BPAutonomes passe de 248 449 m2 en 2001 (MCC 2002) à 301 084 m2 en 2012[5], soit un total de 52 635 m2 supplémentaires et une augmentation d’espace de 21 % par rapport à 2001. Et ce, sans compter les 33 000 m2 de la Grande Bibliothèque (GB). Ces 52 635 m2 permettent d’atteindre 90 % de l’objectif de 51 m2 par 1 000 habitants. Ce résultat appréciable est essentiellement dû au Programme d’aide aux immobilisations et aux 148 741 346 $ injectés par le MCC durant toutes ces années dans la rénovation, l’agrandissement ou la construction de 233 bibliothèques publiques.

C’est donc dire que 74 des 138 municipalités de plus de 5 000 habitants ont obtenu du MCC une aide aux immobilisations pour 84 projets. De ce nombre, la Ville de Montréal a reçu 34 024 628 $ pour neuf projets, dont un seul de moins de 1 000 000 $, et la Ville de Québec a obtenu 10 933 750 $ pour trois projets. De telles statistiques ne sont malheureusement pas recueillies par le MCC quant à la superficie des BPAffiliées qui, peut-on présumer, a certainement connu une augmentation aussi notable que celle des BPAutonomes.

De vaines inquiétudes

Il est intéressant d’établir un lien entre ces statistiques et le projet immobilier de 33 000 m2 de la Grande Bibliothèque (GB) qui avait, entre 2000 et 2005, éveillé des inquiétudes et soulevé des scénarios alarmistes quant à l’avenir des bibliothèques publiques du Québec. Ce projet de construction d’envergure fut pourtant rapidement admiré en raison de son budget de construction de 97 600 000 $ (incluant les équipements et le terrain), budget méticuleusement respecté et tout de même modeste, puisque le moins cher au mètre carré en Amérique du Nord. Ceci sans compter les retombées des immenses services rendus par la suite aux bibliothèques publiques, grâce notamment au prêt entre bibliothèques, au Catalogue des bibliothèques du Québec ou au guichet unique de traitement documentaire.

Non seulement le MCC a-t-il investi des sommes importantes dans 233 bâtiments rénovés, agrandis ou construits, mais il a aussi favorisé leur qualité architecturale grâce aux concours publics d’architecture. Son soutien financier aux acquisitions des documents (le contenu) et aux immobilisations (le contenant) a donc permis au Québec de rattraper une grande partie de son retard dans ces deux domaines. D’autres projets importants de rénovation, d’agrandissement et de construction recevront l’aide du MCC au cours des prochaines années, dont les arrondissements de la Ville de Montréal qui planifient près d’une vingtaine de projets de bibliothèques.

Loin d’affaiblir, de nuire ou de faire disparaître les bibliothèques plus petites ou situées en région, force est de constater que le dit vaisseau-amiral de la GB a largement contribué à mettre fin au catastrophique moratoire imposé par Québec aux projets de bibliothèques publiques avant l’an 2000, à sensibiliser et à convaincre un nombre impressionnant de municipalités que le déploiement de leur développement culturel devait avant tout s’incarner dans leur bibliothèque. À cette flotte de bibliothèques publiques sur l’ensemble du territoire du Québec, il ne manque plus qu’un équipage professionnel et multidisciplinaire (le médiateur) en nombre beaucoup plus élevé pour que s’opère une véritable et définitive complémentarité de la flotte avec le remarquable vaisseau-amiral.

Prochaine étape

En effet, si nos tableaux invalident les prévisions pessimistes des années 2000, un défi incontournable reste encore à relever : celui du déficit chronique des ressources humaines, dont des bibliothécaires professionnels et des techniciens en documentation, le plus souvent sous le niveau de service de « base », niveau minimum selon les Lignes directrices pour les bibliothèques publiques du Québec (Benoît-Plamondon 2011). Le milieu est conscient de cette grave faiblesse et espère un déblocage décisif, encore à venir.

La prochaine étape de collaboration de la part des municipalités et du MCC sera de dépister des incitatifs de premier plan, aussi bien aux niveaux local, régional et national, grâce à un « programme d’aide à l’embauche de bibliothécaires professionnels et de techniciens en documentation ». Rappelons qu’au tout début des années 1980, le ministère des Affaires culturelles a offert un programme d’aide sous forme d’une subvention à l’emploi de bibliothécaires professionnels pour assurer la gestion et l’animation des bibliothèques publiques et, très récemment, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport a développé un programme pour les bibliothèques scolaires.

Retenons en terminant qu’il existe un parallèle bien documenté entre le nombre et la qualité des professionnels et le nombre et la qualité des services rendus par une bibliothèque. La nécessité d’avoir du personnel compétent, spécialisé et multidisciplinaire, incluant en premier lieu des bibliothécaires professionnels et des techniciens en documentation, est indispensable pour hausser et fidéliser de façon significative le nombre d’usagers inscrits et actifs et les aider dans leur accès à l’information. C’est même une obligation essentielle dans notre société du savoir, où les bibliothèques sont de plus en plus confrontées à des mutations aussi nombreuses que complexes. L’avenir du Québec et des Québécois n’en sera que plus prometteur!