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Introduction

Le Burkina Faso (appelé la Haute-Volta jusqu’en 1984) est un pays de l’Afrique occidentale. Il a obtenu son indépendance politique le 5 août 1960 et partage ses frontières avec le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali, le Niger et le Togo. Avec sa population estimée à 18 450 494 habitants[1] en 2015, le Burkina Faso compte présentement 52 établissements d’enseignement supérieur. Parmi ces 52 établissements, on dénombre quatre grandes universités publiques : l’Université de Ouagadougou (la plus ancienne), l’Université polytechnique de Bobo-Dioulasso, l’Université de Koudougou et l’Université Ouaga II. D’autres universités de moindre taille viennent en appui aux précédentes, dont celles d’Ouahigouya, de Dédougou et de Fada N’Gourma. Dans ces universités, l’accent est mis sur les filières de formation en lettres modernes, en sociologie, en économie, en droit, en mathématiques, en physique, en chimie, en agronomie, etc.

Si dans certaines universités africaines, telles que celles du Ghana et du Nigeria, on formait des bibliothécaires dès les années 1960 (de Chantal 1977, 18), ce n’est pas le cas au Burkina Faso, où il fallut attendre plus d’un demi-siècle, c’est-à-dire jusqu’à 2010, pour voir l’ouverture d’une filière de formation d’archivistes, de bibliothécaires et de documentalistes (ABD) à l’Université de Koudougou, une institution dont la création par décret est elle-même récente (Burkina Faso. Ministère des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche scientifique 2005).

Avec celle de l’Université de Koudougou depuis la rentrée universitaire 2010-2011, on dénombre à ce jour deux autres structures de formation d’archivistes, de bibliothécaires et de documentalistes; on forme également ce type de personnel à l’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM) et à l’Institut des sciences et techniques de l’information documentaire (ISTID).

Avant de procéder à une brève présentation des programmes de formation dans ces trois structures d’enseignement, il s’avère nécessaire de se pencher sur le contexte de leur création. Ensuite, nous présenterons les trois structures de formation dans le domaine de la bibliothéconomie et des sciences de l’information. Enfin, nous proposerons des recommandations en vue de pérenniser l’enseignement des sciences de l’information documentaire au Burkina Faso.

Contexte de création des structures d’enseignement de la bibliothéconomie et de l’archivistique au Burkina Faso

Le contexte politique

En 1985, l’UNESCO a élaboré un programme de formation des aides-bibliothécaires et des archivistes-documentalistes à l’École nationale d’administration et de magistrature du Burkina Faso (Lafont 1985). Après le dépôt du rapport, le projet n’a malheureusement pu se concrétiser. Il fallut attendre 25 ans, c’est-à-dire jusqu’en 2010, pour assister à l’ouverture d’une filière de formation des professionnels de l’information documentaire à l’ENAM. Cette filière trouve sa justification dans la volonté du gouvernement d’instaurer une politique d’archivage dans l’administration burkinabé, en quête de bonne gouvernance et de transparence. Il faut préciser que la filière de formation est uniquement dédiée aux archivistes (École nationale d’administration et de magistrature 2011). Les concepteurs du programme ont recommandé que la formation soit élargie aux professionnels de l’information documentaire que sont les bibliothécaires et les documentalistes pour prendre en charge non seulement les archives, mais aussi les bibliothèques et les centres de documentation au Burkina Faso.

Le contexte économique

Au lendemain des indépendances, les bibliothécaires, les archivistes et les documentalistes étaient formés au Sénégal, en France et en ex-Union soviétique. À titre d’exemple, de 1964 à 1994, l’École des bibliothécaires, archivistes et documentalistes de l’Université Cheick Anta Diop de Dakar a formé 159 professionnels burkinabés de l’information documentaire (PID) de niveau 1 (Bac + 2 ans) et 15 de niveau 2 (Bac + 4 ans) (Sagna 1994). Il est indéniable que ces formations à l’étranger ont coûté cher au pays. Puisque la formation des PID se fait aujourd’hui sur place, son coût a baissé considérablement. Il y a un contexte économique doublé d’un contexte académique favorable à la formation des PID au Burkina Faso. Déjà, le nombre de PID formé seulement à l’ISTID atteint 300 étudiants[2].

Le contexte socioprofessionnel

De plus en plus, on note une volonté des PID burkinabés de s’affirmer et d’affirmer l’utilité de leur profession. La création de l’Association burkinabé des gestionnaires de l’information documentaire (ABGID) en 2005 marque un désir de valoriser les bibliothèques et les archives au Burkina Faso. Jadis reléguées au dernier rang des métiers, les professions des archives et des bibliothèques attirent de plus en plus de jeunes. La création de l’ISTID (institution privée) en 2005 par le Groupe d’appui à la formation professionnelle des bibliothécaires, archivistes et documentalistes (GRAF-BAD) a participé à l’émergence des métiers du livre et des archives au pays.

Présentation des programmes de formation

Le programme de formation de la filière ABD à l’Université de Koudougou

La filière de formation d’archivistes, de bibliothécaires et de documentalistes (ABD) à l’Université de Koudougou a été établie pour la rentrée universitaire 2010-2011. Cette filière est rattachée à l’Unité de formation et de recherche en lettres et sciences humaines. Le recrutement dans le département SID (sciences de l’information documentaire) se fait sur concours et test. La formation en licence en sciences de l’information documentaire dure trois ans et inclut un stage de deux mois dans un service d’information documentaire avec la soutenance d’un rapport.

Les matières enseignées sont les théories et les fondements archivistiques, la bibliométrie, l’introduction aux sciences de l’information et des bibliothèques, la recherche en ligne, l’informatique documentaire, la bibliographie spécialisée, la méthodologie de la recherche, le traitement des documents audiovisuels, la gestion des documents administratifs (GDA), les langages documentaires, la description bibliographique, la déontologie des professionnels de l’information documentaire, la gestion et le marketing des services d’information documentaires, etc. Certaines matières générales sont également offertes (anglais technique, littérature burkinabé, droit constitutionnel, etc.). Toutes les matières enseignées sont obligatoires et la majorité des cours inclut des travaux pratiques illustrant la réalité des milieux archivistiques et documentaires.

Le programme de formation des archivistes à l’ENAM

L’École nationale et de la magistrature offre trois niveaux de formation à l’archivistique : aides-archivistes, archivistes d’État et conservateurs d’archives. Le recrutement des étudiants se fait par concours professionnel et la durée de la formation est de deux ans (plein temps) pour chacun des niveaux. La formation inclut des enseignements théoriques et pratiques, des stages d’application et un travail de recherche pour le niveau conservateur des archives. Les matières enseignées se rapportent aussi bien à la formation technique qu’à la formation générale. Les étudiants en archivistique sont tenus d’effectuer un stage professionnel d’une durée minimum d’un mois dans un service d’archives des institutions du pays. La durée du stage varie selon la formation suivie. Par exemple, le stage est d’une durée de quatre mois pour les étudiants qui se préparent à la profession de conservateurs d’archives; ils doivent également rédiger et soutenir un mémoire de fin d’études devant un jury. Les aides-archivistes et les archivistes d’État présentent un rapport de stage pour valider leur formation.

Les matières enseignées sont les théories et les fondements archivistiques, l’introduction à la bibliothéconomie et à la documentation, l’informatique documentaire, la description bibliographique, les langages documentaires, l’archivage et la bibliothèque numérique, la création et l’animation de sites Web ainsi que la recherche documentaire en ligne. Des matières générales (techniques d’expression et de communication, anglais technique, droit de la fonction publique, etc.) sont également au programme.

Les trois diplômes délivrés par l’ENAM sont ceux d’aide-archiviste, d’archiviste d’État et de conservateur d’archives.

Le programme de formation des archivistes et bibliothécaires-documentalistes à l’ISTID

À l’Institut des sciences et techniques documentaires (ISTID), ce sont des diplômes d’État qui sont préparés. L’initiative de l’évaluation ou de la révision des programmes est du ressort de la Direction générale de l’enseignement supérieur privé. Il est actuellement question de réviser les programmes de licence professionnelle dans tous les domaines de formation (finances, comptabilité, gestion des ressources humaines, bâtiment, travaux publics, tourisme) pour harmoniser les volumes horaires et ajouter ou supprimer certaines matières. Au cycle secondaire, l’ISTID forme des étudiants de 16 à 18 ans au brevet d’études professionnelles en techniques de l’information documentaire (BEPC + 2 ans de formation). Au cycle supérieur (1er cycle), l’établissement forme les étudiants au brevet de technicien supérieur d’État en sciences de l’information documentaire (BTS d’État-SID), options Archives ou Bibliothèques-Documentation (Bac + 2 ans), et à la licence professionnelle en gestion de l’information documentaire (Bac + 3 ans).

L’ISTID étant le précurseur de l’enseignement des sciences de l’information et des bibliothèques au Burkina Faso, il a été approché par l’Université de Koudougou et l’ENAM pour l’élaboration de leurs programmes respectifs. Les matières enseignées à l’ISTID sont quasiment les mêmes que dans ces deux établissements. Il s’agit en l’occurrence des matières suivantes :

  • pour la formation des archivistes : la doctrine archivistique, le traitement et l’administration des archives, la gestion des documents administratifs et l’histoire des institutions coloniales et contemporaines;

  • pour la formation des bibliothécaires-documentalistes : la bibliothéconomie et la documentation, l’organisation et l’administration des SID, la bibliographie et la recherche documentaire, la description bibliographique, l’analyse documentaire et les langages documentaires.

Les matières communes aux deux options sont l’informatique documentaire (apprentissage de CDS-ISIS for Windows de l’UNESCO couplé avec GenisisCD et GenisisWeb, PMB), le management et le marketing des services d’information documentaire, la déontologie des professionnels de l’information, la psychosociologie de l’information ainsi que le records management.

Pendant les vacances, les étudiants de l’ISTID font des stages obligatoires de deux mois dans les structures documentaires gouvernementales (Archives nationales, Bibliothèques nationales, direction des archives et de la documentation des départements ministériels, etc.). Les diplômes préparés à l’ISTID sont le BEP en techniques de l’information documentaire (BEP-TID), le BTS d’État en sciences de l’information documentaire et la licence professionnelle en gestion de l’information documentaire (LIP-GID).

Le BEP-TID est un diplôme d’État délivré par la Direction des examens et concours du ministère des Enseignements Secondaire et Supérieur (MESS) du Burkina Faso, tandis que le BTS-SID est un diplôme d’État délivré par la coordination des BTS d’État de l’Université polytechnique de Bobo-Dioulasso. La licence professionnelle en gestion de l’information documentaire (LIP-GID) est délivrée par l’ISTID avec l’agrément du ministère des Enseignements Secondaire et Supérieur.

Conclusion

Nous suggérons quelques recommandations afin de pérenniser l’enseignement des sciences de l’information documentaire au Burkina Faso. Nous jugeons essentiel :

  • d’évaluer les programmes tous les deux ans, car les métiers de gestionnaire de l’information documentaire sont en pleine mutation en raison de l’explosion des TIC et de la nécessité de bien servir des usagers de plus en plus exigeants;

  • de renforcer les capacités du personnel d’encadrement en formant des enseignants de 3e cycle;

  • de mettre en place un programme de soutien à la formation continue du personnel d’encadrement actuel;

  • d’engager des pistes de réflexion ouvrant la coopération avec les autres structures de formation des ABD en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord.