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Les milieux documentaires vivent depuis un certain temps déjà des transformations qui viennent bouleverser des méthodes et des pratiques bien établies. Le monde de l’information et de la documentation est en profonde mutation. Le technicien et le professionnel voient leur rôle évoluer. Les nombreux changements qui touchent l’exercice de la profession ont également un impact considérable pour les responsables de la formation initiale des techniciens et des professionnels de l’information et de la documentation. D’une part, il incombe aux formateurs d’« adapter » les programmes pour tenir compte de l’évolution rapide des milieux et répondre aux besoins immédiats. D’autre part, les formateurs doivent s’assurer que les diplômés des programmes soient « adaptables », c’est-à-dire capables d’absorber les changements et de relever les défis qu’ils rencontreront en carrière. La formation doit refléter la réalité du domaine en étant dynamique, tout en assurant la pérennité des enseignements théoriques de base.

Au dernier Congrès des milieux documentaires (CMD), tenu en décembre 2014, cinq enseignants ont abordé la thématique de la formation sous différentes perspectives dans le cadre d’un atelier intitulé « Les défis de la formation en sciences de l’information et en techniques de la documentation au XXIe siècle ». À la suite de l’événement, une invitation à approfondir la question dans un article a été lancée à différents intervenants, dans le but de brosser un portrait plus global de la formation en sciences de l’information (SI). La réponse à l’invitation a été plus que favorable, nous permettant de présenter un numéro thématique consacré entièrement à la formation en SI. Dans ce numéro, les textes ont été regroupés sous trois volets.

Dans le volet « Formation et disciplines », Stéphane Ratté, enseignant et coordonnateur du programme Techniques de la documentation au Collège de Maisonneuve, décrit la formation des techniciens en documentation. L’article présente les défis que rencontrent les enseignants et les étudiants dans un programme en constante évolution. Les enjeux de la formation technique sont perceptibles dans la description de la toute récente actualisation du programme.

L’article de Michèle Hudon, professeure à l’EBSI, permet de faire un parallèle intéressant entre la réalité des techniciens et celle des professionnels de l’information. L’article présente les plus grands défis de la formation en SI et on peut constater que plusieurs des préoccupations de la formation technique sont aussi présentes dans la formation des futurs professionnels.

Les professeures Heather Moulaison et Denice Adkins, de l’Université du Missouri (Columbia), abordent le cas particulier des iSchools. Ces regroupements d’écoles, qui s’intéressent à l’information, à la technologie et aux utilisateurs dans une perspective interdisciplinaire, se posent en concurrents directs des programmes traditionnels de formation en SI et sont à l’origine de nombreux questionnements et discussions.

Dans cette même perspective d’interdisciplinarité, Marie Demoulin, professeure à l’EBSI, s’attarde à la place qu’occupent d’autres disciplines dans la formation traditionnelle. Plus particulièrement, elle porte son attention sur l’enseignement du droit aux « non-initiés » que sont les futurs professionnels de l’information. Elle présente le cas de l’EBSI, qui a intégré à son programme quelques cours de nature juridique.

Le dernier article du volet « Formation et disciplines » s’attarde aux points communs entre deux disciplines et à l’intérêt d’utiliser l’une pour enrichir l’autre. Élaine Ménard, professeure à l’Université McGill, et Joan E. Beaudoin, professeure à la Wayne State University, s’intéressent aux apports de la muséologie aux SI, et vice-versa. Ce faisant, elles décrivent l’intégration de notions de muséologie à l’enseignement des SI.

Le deuxième volet concerne l’évaluation des programmes en SI, qu’elle se fasse de façon ponctuelle (pour obtenir un agrément par exemple) ou continue. À la suite du dernier agrément accordé en 2015 par l’American Library Association (ALA) au programme de maîtrise en sciences de l’information (MSI), Clément Arsenault, professeur et directeur de l’EBSI, explique en quoi consiste plus spécifiquement un agrément. Il présente sommairement le processus d’obtention de l’agrément, ainsi que l’intérêt que représente pour un programme cette marque d’excellence.

La professeure Christine Dufour, également de l’EBSI, s’intéresse à l’évaluation continue des programmes de formation en SI. Elle présente différents outils et méthodes d’évaluation développés et appliqués à l’EBSI pour assurer une formation de qualité qui atteint les objectifs qu’elle s’est fixés.

Le volet « Évaluation des programmes » se conclut par une contribution de Lígia Café et Miriam Vieira da Cunha, professeures à l’Université Fédéral de Santa Catarina. Elles y présentent la procédure d’évaluation des programmes de cycles supérieurs en SI au Brésil. Les mécanismes d’évaluation mis en place par l’Agence brésilienne de perfectionnement de professeurs de l’enseignement supérieur (CAPES), organe lié au ministère de l’Éducation, permettent de constater que les programmes évoluent, mais qu’il y a toujours place à amélioration. Les auteures concluent que le système d’évaluation mis en place par le CAPES joue un rôle important puisque celui-ci fait ressortir aussi bien les points forts que les points faibles de chaque programme et présente des solutions menant à l’excellence.

Cinq autres articles proviennent également de l’international. Dans le dernier volet, consacré à la formation en SI ailleurs dans la francophonie, des collègues de la Suisse, du Burkina Faso, du Sénégal, de la Tunisie et de la Belgique tracent un portrait de la réalité de la formation en SI dans leur pays respectif. De leurs observations se dégagent des préoccupations communes ainsi que des particularités locales. La formation en SI rencontre partout des défis similaires. Certains pays comptent sur une longue tradition de formation bibliothéconomique, d’autres n’en sont qu’à leur début.

Le volet international se conclut par un article qui présente plus précisément la formation en archivistique en Belgique. L’article permet de réaffirmer que la formation en SI a non seulement des couleurs locales, mais également des particularités inhérentes à son champ de spécialisation.

En conclusion à ce numéro thématique, Maureen Clapperton, directrice de la Bibliothèque Myriam et J.-Robert Ouimet à HEC Montréal, évoque les attentes des employeurs quant aux compétences des nouveaux diplômés. Elle rappelle surtout que la formation en SI ne doit pas être réduite à l’apprentissage de savoir-faire; elle doit également promouvoir et faciliter le développement du savoir-être, une compétence de première importance dans les milieux documentaires d’aujourd’hui.

À la lumière de ces textes, on voit se dégager le constat que les SI sont un domaine vaste qui fait appel à plusieurs disciplines et expertises, ce qui influence la façon dont les programmes sont structurés. La réalité exige des formateurs et des programmes polyvalence, flexibilité et adaptabilité. Elle demande également de l’étudiant, de même que du technicien et du professionnel en exercice, une grande capacité d’adaptation aux nouvelles méthodes et aux nouveaux besoins. Le processus de formation en sciences de l’information est continu et transcende les programmes de formation initiaux.

Les défis seront nombreux dans les prochaines années, tant pour la profession que pour les programmes de formation technique et professionnel. Nous ne prétendons pas que ce numéro thématique clôt le dossier, mais nous espérons qu’il suscite la réflexion et entrouvre une fenêtre sur l’avenir.

Bonne lecture!