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Le 1er avril 2015, la loi 10[1] a forcé la fusion par région des établissements de santé et de services sociaux du Québec. Les bibliothèques de ces établissements ont été incluses dans la fusion et ont été invitées à revoir leur offre de services en fonction de la nouvelle organisation dont ils faisaient désormais partie. Les bibliothèques du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Lanaudière ont entrepris cet exercice dès 2015. De cinq bibliothèques, le CISSS de Lanaudière est maintenant passé à une seule, répartie en deux points de services.

À l’origine, les cinq bibliothèques offraient des services de proximité, alors que la nouvelle bibliothèque doit répondre à des besoins différents et desservir correctement les 12 000 professionnels de la santé et des services sociaux travaillants dans les 58 établissements dispersés sur un très grand territoire. La révision de l’offre de services de la nouvelle bibliothèque a donc été axée sur la systématisation des services et leur mise en ligne afin de répondre à ces nouvelles réalités.

Dès le départ, l’accent a été mis sur le développement du catalogue en ligne et du site Web. La plateforme Kentika (2019) a été choisie et est devenue le centre de création et d’expansion des services en ligne. La révision de l’offre de services de veilles informationnelles, dont il sera question dans cet article, a été faite dans le même esprit. Le but était de trouver un moyen pour que les veilles informationnelles, comme les autres services, deviennent systématiques et soient diffusées en ligne à un grand nombre d’utilisateurs à partir de la plateforme Kentika.

Tout d’abord, une analyse des besoins a été réalisée, afin de faire le lien entre le processus de veille informationnelle avant la fusion et les nécessités de la nouvelle organisation. Une fois les orientations précisées, un plan d’action été établi afin de déterminer les étapes du projet et les rôles et responsabilités de chacun. Quatre étapes ont été nécessaires pour mener à bien le projet : choix des thématiques et des sources d’information, développement technique et des outils, inscription des utilisateurs et évaluation du projet.

Analyse des besoins et objectifs

La veille informationnelle est un processus continu et systématique de collecte, de traitement, d’analyse et de diffusion d’information, réalisé par des professionnels de l’information, à destination de clientèles ciblées, dans le but de mettre à jour ses connaissances, d’anticiper les évolutions et de prendre des décisions.

Devron, 2019

Les objectifs de la veille sont clairs, et, quel que soit le type de veille que l’on pratique (informationnelle, stratégique ou technologique), la littérature évoque sensiblement les mêmes (Devron, Maurel et Dufour, 2018 ; Libmann et al, 2011 ; Versailles et Mérindol, 2011 ; Guechtouli, 2014). Le milieu de la santé et des services sociaux ne fait pas exception. La mise à jour des connaissances, la prise de décision et les évolutions ont été au coeur des besoins mis de l’avant lors de la révision de l’offre de services de la veille.

Dans un centre de santé et de services sociaux, la formation continue et la mise à jour des soins sont une préoccupation constante dans tous les secteurs (Mariette, 2017). Les veilles informationnelles à développer pour la nouvelle organisation devaient assurément y contribuer. Par exemple, une des restrictions imposées par les anciens systèmes de veilles était le nombre limité de personnes qui pouvaient être desservies : plusieurs opérations liées à la veille se faisaient manuellement et localement, et occupaient à temps plein les ressources dédiées à cette tâche. Dans ce contexte, la systématisation des processus de veilles, l’automatisation et la mise en ligne étaient nécessaires afin de répondre aux besoins de formation continue de tous les secteurs.

La valorisation de la médecine fondée sur des preuves (Evidence-Based Medicine), qui s’étend désormais aux autres professions en santé et service sociaux, a aussi influencé fortement la révision des services de veille : « cette approche s’efforce de fonder, autant que possible, les décisions cliniques sur les données actuelles les plus probantes. Par preuve, on entend des études cliniques appropriées, en particulier les essais cliniques randomisés et les revues systématiques » (Cochrane Canada francophone, 2019). Les veilles devaient devenir un véhicule efficace pour diffuser au plus grand nombre les données probantes les plus récentes pour aider à la prise de décision clinique. La veille aide à réduire l’incertitude vis-à-vis les décisions, soutient les décisions fondées sur l’intuition ou légitime celles déjà prises (Devron, Maurel et Dufour, 2018).

La multiplication des communautés de pratique, l’intensification de la collaboration interprofessionnelle (Couturier et Belzile, 2018) ainsi que la fusion des établissements de santé et de services sociaux principalement axée sur l’intégration des services et une simplification du parcours de soins pour les patients (Ministère de la santé et des services sociaux, 2014) ont également fait évoluer les besoins de veilles des équipes de travail avec les années. Les demandes de veilles se sont multipliées et se sont différenciées. Alors que les anciennes veilles étaient particulières, par titre de revue, pour un type de profession précis, les veilles demandées dans la nouvelle organisation tentaient plutôt de répondre à des besoins interdisciplinaires. Le soin n’est plus seulement offert par une personne à un patient, mais bien par une équipe qui se relaye pour les différents besoins de soins du patient.

Et qu’en était-il des besoins et des objectifs de la bibliothèque de santé et de services sociaux elle-même, comme instigateur de la veille ? Au cours des dernières années, les bibliothèques de santé et de services sociaux ont subi plusieurs revers, les budgets et les ressources étant constamment en jeu et réduits.

However, these financial constraints have not given license to discontinue providing services. Indeed, health practitioners are expected to provide high-quality services. These health practitioners need to be informed of the recent developments in theirs fields, and they should be able to access information 24/7.

Pylarinou, 2014

La bibliothèque de santé et de services sociaux a dû innover et faire preuve de créativité pour maintenir ses services et sa visibilité (Smith et Robinson Mercer, 2015).

Formaliser et systématiser les veilles informationnelles était une façon d’appuyer ouvertement la mission de l’organisation et ses divers besoins informationnels, et aussi une façon d’obtenir l’appui de la direction (et d’éviter les coupures) ; « En effet, quand l’activité est informelle, les veilleurs ont du mal à légitimer leur rôle et à persuader les acteurs de l’entreprise de collaborer » (Guechtouli, 2014). De plus, la mise en application d’un processus continue, systématique et accessible facilement par le Web permettait également de donner un certain rayonnement à la bibliothèque, et éventuellement de se trouver des alliés qui parleraient en sa faveur.

La mise en valeur des collections était également un enjeu majeur dans le développement des veilles pour la nouvelle bibliothèque. Comme chaque dollar dépensé est inspecté et chaque élément évalué selon sa rentabilité, il était important de diffuser la collection de façon efficace pour s’assurer de son utilisation. La diffusion des nouvelles acquisitions prédomine dans plusieurs projets de veille (Lapierre et Bouchard, 2011) et est donc devenue un des volets préconisés par la bibliothèque du CISSS de Lanaudière également.

Dans cette optique, il a cependant été nécessaire de s’interroger sur la nature même de la nouvelle offre de services de veilles informationnelles. Les veilles à développer ne visent pas nécessairement l’exhaustivité de l’information, mais plutôt la sélectivité. Il fallait tout d’abord répondre aux besoins de formation continue, de mise à jour des soins, de diffusion de la pratique de la médecine fondée sur les preuves, de l’interdisciplinarité, de visibilité des collections et des services de la bibliothèque, plutôt que sur le ratissage systématique de tout ce qui avait été publié sur un sujet.

Devait-on plutôt alors parler de DSI (diffusion sélective de l’information) ? La DSI est « L’activité non systématisée qui vise à diffuser l’information, le plus souvent par le professionnel de l’information, à des usagers selon leurs intérêts dans un but informatif et non stratégique. Il s’agit d’une automatisation de type “push” en fonction des mises à jour dans un système selon les critères choisis et/ou requêtes non complexes (…) » (Moreau et Rodrigue, 2008). Plusieurs éléments de l’analyse des besoins, dont l’importance de la mise en valeur des collections et les besoins de visibilité de la bibliothèque ont en effet poussé la nouvelle offre de services dans cette direction.

Toutefois, le but était aussi de systématiser les processus pour pallier aux contraintes des ressources humaines et de temps, et également de répondre aux besoins d’informations stratégiques et décisionnelles des professionnels de la santé et des services sociaux. La nouvelle offre de services de veilles informationnelles de la bibliothèque du CISSS de Lanaudière s’est donc orientée un pas en avant sur les DSI et un pas en arrière de la veille informationnelle définie ci-dessus.

Choix des thématiques et des sources

Dans les dernières années, la collaboration interprofessionnelle a été mise de l’avant dans le secteur de la santé et des services sociaux. Divers dispositifs, les continuums de soins par programme par exemple, ont été mis en place dans le réseau afin de réduire le travail en silo et de permettre à divers spécialistes de traiter le même patient pour une condition particulière. Par exemple, une personne dysphagique sera évaluée et suivie à la fois par un médecin, un orthophoniste, un nutritionniste et un ergothérapeute afin de coordonner une intervention adaptée et soigner les divers aspects de la pathologie (Couturier et Belzile, 2018). Même chose pour les programmes spécialisés comme l’oncologie, la cardiologie, la pédiatrie, etc. Pour conclure, il n’y a plus que le médecin ou l’infirmière qui va s’intéresser à un sujet, mais toute une équipe multidisciplinaire chargée des soins du patient.

À l’origine, les veilles étaient majoritairement liées à une profession ou à un type de publication en particulier et s’adressaient à un public très ciblé. Par exemple, dans les anciens établissements avant la fusion, trois types de veilles existaient : par revue, par profession et par spécialité. La veille par titre de revue consistait en une liste de revues présélectionnées dans le domaine (avec abonnement ou non) auquel les divers professionnels de la santé pouvaient s’inscrire selon leurs intérêts. Chaque fois qu’un numéro était publié, la table des matières leur était envoyée. Le même principe était appliqué pour la veille par profession et pour les différentes spécialités. Quelques titres de revues étaient choisis en fonction de la profession ou de la spécialité à laquelle elles s’adressaient et la table des matières envoyée aux inscrits lorsqu’elle était publiée. Les veilles pour les médecins étaient séparées de celles pour les infirmières, et aussi des autres professionnels.

Toutefois, ce type de veille répondait de moins en moins aux besoins d’informations des équipes de travail. Et il devenait de plus en plus difficile aussi de gérer les trois types de veilles, car elles fonctionnaient toutes sur une base individuelle. En bref, chaque individu devait sélectionner plusieurs veilles différentes pour obtenir toute l’information concernant son champ d’expertise. Le temps de gestion demandé était énorme, autant pour les individus que pour le personnel de la bibliothèque.

Le développement des nouvelles veilles devait donc englober la tendance d’interdisciplinarité de la nouvelle organisation et réduire le temps de gestion dédié aux inscriptions multiples. Pour ce faire, les veilles par titre de revue ont été complètement éliminées. Des outils existent déjà sur le Web (fils RSS, infolettre, alertes), sur le site des différentes revues, pour répondre à ces besoins spécifiques. Les veilles par profession ont aussi été réduites pour les mêmes raisons. Une plus grosse place a donc été donnée aux veilles par spécialité qui ont été à leur tour élargies et renommées : les veilles par thème.

La veille par thème permet de mettre le focus sur un sujet, plutôt que sur une profession ou une publication. Elle permet de mettre l’accent sur une pathologie, sur un type de soin, sur un but à atteindre, sur les besoins des patients, plutôt que sur les différenciations des membres de l’équipe de soins. 41 thèmes ont été sélectionnés pour mettre en place la nouvelle offre de services de veille (voir Tableau 1 ci-contre). Les thèmes ont été choisis en fonction des veilles existantes par spécialité, modifiés et augmentés selon l’organisation des services du nouveau CISSS de Lanaudière.

Chacun de ces thèmes peut aussi contenir un nombre illimité de sous-thèmes qui seront créés au fil du temps, ce qui permettra aussi de spécialiser l’information envoyée, de s’adapter aux demandes liées à l’actualité et de suivre les orientations de l’organisation. Par exemple, dans le thème gériatrie-gérontologie, il est possible de créer une veille dédiée uniquement aux soins entourant la maladie d’Alzheimer, une préoccupation majeure dans les soins de santé actuellement. Ou encore dans le thème pharmacologie, il est d’actualité de créer un sous-thème sur l’utilisation médicale du cannabis. Les veilles doivent pouvoir être modulées selon l’évolution des besoins des professionnels.

Tableau 1

Thèmes et statistiques d’utilisation des premiers bulletins

Thèmes et statistiques d’utilisation des premiers bulletins

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Plusieurs jours de recherche dans les collections et sur le Web ont été nécessaires pour trouver les sources qui alimenteraient les 41 thèmes. La priorité a été donnée aux bases de données et aux périodiques contenus dans les collections de la bibliothèque. Le but était de maximiser l’utilisation des collections, mais aussi de réduire le temps de travail demandé et les frais entourant la recherche d’articles hors collection et commandés par le prêt entre bibliothèques. Plusieurs titres ont été analysés par des bibliothécaires dans Érudit, Cairn, CINAHL Complete, PsycARTICLES, Medline et Embase (Collections de périodiques électroniques du Consortium du RUISSS[2]). Les critères de sélection étaient la fréquence des publications (régularité), le nombre moyen d’articles par publication, le type de contenu des articles, les indicateurs d’impact des périodiques, les demandes des utilisateurs déjà inscrits, la langue de publication (le français était privilégié) et le lieu de publication (le Québec et le Canada étaient privilégiés). Entre deux et six titres ont été ajoutés dans les différents thèmes pour être moissonnés de façon automatique.

La deuxième phase de sélection a été axée sur les périodiques spécialisés disponibles en libre accès sur le Web. De plus en plus de publications et d’organisations se tournent vers le libre accès (Paquin, 2013 ; Allnutt et Goulet, 2015 ; Versailles et Mérindol, 2011). Il est profitable pour les bibliothèques d’encourager et de participer au partage de ces ressources, en regard même de leur mission d’accès à l’information. La tendance, quoique plus lente et ralentie par le monopole de certains éditeurs, est aussi présente dans le milieu de la santé et des services sociaux. Entre un et trois titres ont donc été sélectionnés par thème, en fonction des titres déjà retenus dans la collection. Par exemple, si un nombre limité de titres pertinents avaient été trouvés dans les collections, plus de titres en libre accès étaient ajoutés. Les différents aspects traités par les publications et la fréquence des publications entraient aussi en ligne de compte lors de la sélection afin d’éviter que l’information envoyée ne soit dédoublée ou surchargée.

Finalement, un processus de sélection continu, exécuté par les techniciens en documentation, a été instauré pour alimenter les diverses thématiques. Par exemple, à chaque fois qu’une veille thématique est sur le point d’être envoyée, des recherches manuelles par sujet sont effectuées dans les différentes bases de données de la collection et sur les périodiques en libre accès afin d’ajouter les articles pertinents qui auraient échappé au moissonnage automatisé. Ce processus de sélection varie énormément d’un thème à l’autre en fonction de la fréquence des publications, des sujets abordés, des développements du secteur et des suggestions des utilisateurs. C’était exactement le but de sa mise en place : systématiser mais sans généraliser. Respecter les besoins spécifiques des utilisateurs était toujours de mise dans la nouvelle offre de services révisée.

Outils et techniques

Pour systématiser, automatiser et mettre en ligne les veilles informationnelles, le module Kentika Press du logiciel Kentika a été sélectionné. Le SIGB de la bibliothèque et le site Web avaient déjà été développés à partir de cet outil. Tous les services révisés à cette date avaient été rassemblés sur cette plateforme. Centraliser tous les services aux mêmes endroits est très bénéfique : les forces de chacun des services s’additionnent, l’intégration permet d’avancer vers un but commun et répondre plus aisément à la mission de l’organisation, la rétention des utilisateurs est plus facile, les coûts et les efforts en sont souvent diminués et les silos de travail quasi éliminés (Dougherty et Dougherty, 2014). De plus, une bonne partie de la programmation de base était déjà faite en raison du travail effectué en aval dans le SIGB et le site Web. Il ne restait plus qu’à personnaliser l’outil de veille selon les nouveaux besoins.

La seule contrainte de départ était que l’outil Kentika Press fonctionnait comme une DSI. Le système était programmé pour envoyer des alertes de nouveaux documents indexés dans le SIGB (Moreau et Rodrigue, 2008). Techniquement, cela voulait dire que les articles moissonnés dans les différentes sources sélectionnées pour les thématiques devaient être entrés dans le catalogue, plus précisément comme une notice, pour pouvoir être intégrés à la veille informationnelle. Heureusement, il a été possible d’automatiser plusieurs étapes du processus et ainsi diriger le projet vers une réelle veille informationnelle (voir la figure 1).

Kentika Press est tout d’abord un agrégateur de fils RSS (Kentika, 2019). Une fois les thèmes créés (voir figure 1, étape 1) et les sources choisies, il suffit d’enregistrer le fils RSS dans Kentika (voir figure 1, étape 2). Chaque fils RSS doit être affecté à un thème par défaut (voir figure 1, étape 3). Automatiquement, les articles renvoyés par les fils RSS se retrouveront donc classés dans les bons thèmes.

279 fils RSS ont été indexés dans Kentika Press pour les 41 thèmes. Il est possible de programmer ensuite le processus de création des notices et d’envoi des bulletins de veille en entier. Toutefois, lors de l’analyse des articles rapportés par les fils RSS, il a été observé que de nombreux articles, entre 30 % et 50 % selon les thématiques, n’étaient pas pertinents à la pratique clinique (éditoriaux, listes des auteurs, résumés de lecture, annonces, réponses et commentaires, etc.). Comme il était important d’éviter la surcharge d’information aux utilisateurs et éventuellement le désintéressement, il a été décidé que cette étape serait faite manuellement.

Figure 1

Processus technique de création des veilles

Processus technique de création des veilles

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Concrètement, le technicien en documentation doit parcourir la liste des articles rapportés par les fils RSS dans chacun des thèmes, qui se situe en moyenne entre 70 et 190 articles par mois par thème, et sélectionner les articles pertinents (voir figure 1, étape 4). En un seul clic, la notice est alors créée dans Kentika et attribuée au bulletin de veille thématique approprié. C’est aussi à cette étape que le technicien en documentation réalise le processus de sélection continue et qu’il effectue des recherches manuelles dans les différentes bases de données (voir figure 1, étape 5). Ce processus continu permet également de faire l’entrée d’articles pour les périodiques qui ne possèdent pas de fils RSS (24 périodiques sélectionnés).

Kentika Press offre un ensemble de maquettes pour les bulletins de veille (Kentika, 2019), c’est-à-dire le produit qui sera envoyé par courriel aux utilisateurs. Une seule maquette a été sélectionnée et personnalisée selon les besoins connus des utilisateurs déjà inscrits, et ce, pour tous les thèmes. Le but était, bien sûr, d’uniformiser les outils pour faciliter l’utilisation. La maquette sélectionnée permet de joindre des images (couverture du périodique), de classer les articles par pertinence et d’afficher le début du résumé (voir figure 1, étape 6). Elle a été choisie en fonction de ses qualités graphiques et visuelles. Par exemple, il était important que des images soient affichées dans le bulletin de veille pour que les utilisateurs soient capables de repérer rapidement l’article ou la revue qui les intéressent. Le travail de finition du bulletin de presse, ajout de l’éditorial et de visuels, est aussi effectué manuellement par les techniciens en documentation (voir figure 1, étape 7).

Une fois le bulletin complété, l’envoi se fait de façon automatisée par courriel à tous les utilisateurs inscrits, à partir de la liste des abonnés à la bibliothèque (voir figure 1, étape 8). L’outil d’envoi de Kentika Press fonctionne sensiblement de la même façon que d’autres plateformes de courrielleur et d’infolettre connus. La difficulté a donc été la même que pour ceux-ci, il a fallu trouver un moyen pour que les bulletins de veille évitent la boite des pourriels ! Pour ce faire, il a fallu faire ajouter l’adresse courriel de l’outil Kentika Press dans la liste des adresses permises aux trois niveaux de sécurité informatique du réseau de la santé et des services sociaux du Québec.

Une fois le bulletin de veille produit, l’utilisateur qui le reçoit peut cliquer sur l’article qu’il désire lire et il sera redirigé automatiquement vers le site Web de la revue ou la base de données qui héberge l’article.

Figure 2

Exemple d’un bulletin reçu par les utilisateurs

Exemple d’un bulletin reçu par les utilisateurs

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Évidemment, un travail en aval a été réalisé pour que tous les périodiques (ou presque) soient en version électronique. Un des buts de cette transformation massive des collections de périodiques en format numérique était de réduire au minimum les activités liées à la numérisation des tables des matières, des articles et aux photocopies pour la veille informationnelle qui grugeait énormément de temps de travail et limitait le nombre de personnes desservies.

La mise en place de la reconnaissance IP dans tous les établissements de l’organisation pour toutes les bases de données et les périodiques numériques a été faite dans la même perspective. Il fallait qu’en un seul clic, l’utilisateur ait accès au contenu où qu’il soit, rapidement et n’importe quand, sans être obligé d’avoir recours à l’assistance du personnel de la bibliothèque. Ces deux éléments étaient des prérequis majeurs dans toute l’offre de services révisée de la nouvelle bibliothèque, mais étaient d’une importance capitale pour la nouvelle offre de services des veilles informationnelles.

Rejoindre les utilisateurs

Une fois le processus de fusion des bibliothèques réalisé, la bibliothèque du CISSS de Lanaudière comptait environ 1000 abonnés. Toutes les fiches inactives datant des anciens établissements avaient été supprimées, ainsi que toutes celles des employés qui avaient quitté l’organisation dû aux mouvements de personnel engendrés par la fusion. Un plan de communication et une campagne de promotion, créée par la bibliothécaire et faite à partir du site intranet et de l’infolettre de l’organisation, avaient permis de faire grimper le nombre d’abonnés à 1400 au cours de 2017-2018. Les services en ligne, tels le site Web et les collections numériques, avaient été mis de l’avant.

Toutefois, les canaux officiels de communication de l’organisation ne rejoignaient pas nécessairement tous les secteurs et tous les établissements. Par exemple, plusieurs employés n’ont pas accès à un ordinateur ou un courriel dans le cadre de leur travail. Plusieurs actions de promotion à différents niveaux sont donc nécessaires dans le milieu de la santé et des services sociaux pour atteindre tous les types d’employés (Harnegie, 2015).

Pour publiciser les veilles informationnelles et augmenter le nombre d’abonnements, les organigrammes de chacune des directions ont été épluchés par les techniciens en documentation. Un courriel personnalisé a été envoyé à chacun des responsables figurant sur les organigrammes, leur présentant la nouvelle offre de services de veilles informationnelles. Une liste des employés sous leur responsabilité leur était demandée (sur une base volontaire), contenant le nom de la personne, son courriel et son titre d’emploi. Plusieurs réponses positives ont été reçues et plus de 300 abonnés ont été ajoutés en quelques semaines.

De plus, un processus continu d’ajout des abonnés a été mis en place dans la nouvelle offre de services générale de la bibliothèque. Dès qu’une personne fait une demande de services à la bibliothèque, quelle qu’elle soit, une fiche d’abonnée est créée à son nom. Automatiquement, l’abonnement à l’infolettre des nouveautés et aux services de veilles est effectué, en fonction du titre d’emploi de la personne et de son lieu de travail (spécialité). Pour répondre aux exigences législatives, les infolettres et les bulletins de veille de Kentika Press ont une option de désabonnement automatique, et la personne peut se désabonner dès le premier courriel si ces nouveaux services ne lui conviennent pas.

Pratiquement aucune formation n’a été nécessaire auprès des utilisateurs lors du déploiement des bulletins de veille. Comme la maquette choisie dans Kentika Press est sensiblement pareille à celles déployées pour les projets précédents du SIGB et du site Web (ex : infolettre des nouveautés et courriels de procédure), la majorité des utilisateurs étaient déjà habitués aux formats envoyés (un autre avantage de la centralisation des services sur la même plateforme). En un seul clic, l’utilisateur se retrouve dans la notice, dans le catalogue qu’il connait, et voit le lien pour accéder et/ou télécharger l’article.

Évaluation et premières retombées

L’évaluation des services de veilles informationnelles mises en place ne semble pas une pratique généralisée ou systématique dans tous les domaines (Moreau et Rodrigue, 2008). Pourtant, le temps de travail requis, les coûts engendrés et les problématiques associées le justifient amplement. À la bibliothèque du CISSS de Lanaudière, près d’un an de travail a été nécessaire pour monter le projet, faire la programmation, exécuter les tests et envoyer les premiers bulletins de veilles. L’évaluation à chacune des étapes du déploiement était de mise pour éviter que tous ces efforts soient perdus ou inefficaces.

Tout d’abord, ce sont les thèmes qui ont été mis à l’épreuve. Par exemple, tous les abonnés existants ont été abonnés manuellement aux veilles pour voir s’il était possible d’attribuer au moins un thème à chacun des utilisateurs. La recherche de périodiques et de fils RSS a également permis de vérifier s’ils existaient suffisamment de publications pour maintenir une veille sur la thématique. Après cette évaluation, un thème a été ajouté et un autre a été retiré.

Ensuite, ce sont les contenus rapportés par les fils RSS et les articles reçus mensuellement qui ont été évalués. Il est apparu rapidement que certains fils RSS ne renvoyaient pas une information suffisante pour la création de notices dans Kentika Press, c’est-à-dire environ 20 % des 279 fils RSS. Ce constat des faits a obligé l’ajout de temps de travail au processus technique de création de veilles (voir figure 1). Des périodiques, pour lesquelles des fils RSS étaient disponibles, devaient désormais être vérifiés et les articles entrés à la main (voir figure 1, étape 5) afin de s’assurer que l’information reçue par les utilisateurs serait utile et de qualité.

Ces changements aux processus ont aussi influencé le rythme prévu d’envoi des bulletins de veille. Au départ, il avait été prévu que les bulletins seraient envoyés à chaque mois. Toutefois, après l’évaluation des contenus arrivant par les fils RSS et du temps de travail demandé pour l’entrée manuelle des articles, cet objectif a été diminué à un bulletin aux deux mois, soit six bulletins annuellement par thématique. Les commentaires qualitatifs reçus pour les premiers bulletins sont encourageants. Les signalements de mauvais fonctionnement et d’incompréhension, et les désabonnements sont exceptionnels.

Un début d’évaluation statistique de l’utilisation des bulletins de veille a aussi été débuté. Kentika Press fournit des statistiques sur les bulletins de veille envoyés (voir tableau 1) : le nombre de destinataires, le nombre d’articles envoyés et le nombre de clics sur les articles. Cette première évaluation a permis d’identifier qu’elles sont les veilles qui ont le mieux performé jusqu’à maintenant et celles qui au contraire, ont laissé les lecteurs sur leur appétit.

Par exemple, le tableau 1 permet de constater que les utilisateurs abonnés aux veilles en oncologie, orthophonie et cardiologie ont très bien répondu aux contenus envoyés. Il appert aussi que les références d’articles envoyées en ergothérapie, en gériatrie-gérontologie, aux laboratoires, en nutrition clinique, en oto-rhino-laryngologie, en soins palliatifs et fin de vie, en toxicomanie et dépendance répondent à certains besoins des utilisateurs. Toutefois, plusieurs veilles ont reçu très peu de clics de la part des utilisateurs, telles urologie et néphrologie, médecine interne, pharmacologie, médecine familiale et soins primaires. Évidemment, le nombre de bulletins envoyés est encore trop faible pour pouvoir faire une moyenne représentative de l’utilisation des bulletins, mais il est déjà possible de voir quelles veilles devront être travaillées davantage au cours de l’année prochaine.

Il a aussi été possible de constater, dès les premiers bulletins envoyés, des hausses substantielles dans les statistiques d’utilisation des bases de données, ce qui confirme l’effet bénéfique des veilles informationnelles sur l’utilisation des collections. Par exemple, le téléchargement d’articles a plus que triplé dans la base de données CAIRN au cours des trois premiers mois d’envoi des bulletins. Sans aucun doute, les bulletins de veille contribuent à l’objectif de mise en valeur des collections, mais aussi à celui de rendre accessible l’information à distance dans tous les établissements de l’organisation dispersés sur le grand territoire lanaudois.

Plusieurs autres éléments restent à évaluer. Par exemple, le bulletin de presse entrera-t-il dans les habitudes des utilisateurs pour la recherche d’information, d’outils de formation ou de prise de décision une fois que celui-ci sera bien établi ? Au fil du temps, les utilisateurs se l’approprieront-ils davantage ? Y aura-t-il une hausse des clics sur les articles au fur et à mesure que les utilisateurs se familiariseront avec le bulletin ? Ou au contraire, y aura-t-il une diminution lorsque le désintéressement s’installera ? Une évaluation sur la satisfaction des utilisateurs sera peut-être de mise une fois que les bulletins auront pris un peu d’âge.

Conclusion

La mise en place et la révision de l’offre de services de veilles informationnelles ont occupé plusieurs membres de l’équipe de la bibliothèque dans les derniers mois. Le projet a été fait à petits pas, et entrecoupé de retour en arrière et de remises en question. Les procédures ont été récrites plusieurs fois et sont encore enrichies de nouvelles sections de temps à autre. Et comme les collections et les utilisateurs sont des organismes en mouvement, plusieurs ajustements seront encore nécessaires dans les mois à venir. Toutefois, il est déjà possible de célébrer certaines victoires. D’environ 150 utilisateurs qui recevaient des veilles avant la révision de l’offre de services, la bibliothèque en dessert maintenant plus de 1700. Près de 1000 articles ont été téléchargés par les utilisateurs dans les trois premiers mois du déploiement. Donner cette envergure à ces services n’aurait jamais été possible sans la mise en place de la systématisation et la mise en ligne des services de veilles informationnelles. Dans l’avenir, il sera assurément intéressant de rendre les veilles informationnelles publiques pour qu’elles soient consultables sur le site Web sans qu’un abonnement soit nécessaire.