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Dans les bibliothèques scolaires, comme pour toutes autres bibliothèques, il importe de développer des collections en fonction des communautés servies (Evans et Zarnosky-Saponaro, 2012). Dans le cas des bibliothèques scolaires, la communauté servie se compose à la fois des élèves et du personnel enseignant. Bien qu’interdépendants, ces deux publics peuvent avoir des besoins différents. Pour cet article, il est question des albums de littérature jeunesse propices à une utilisation didactique dans les classes du primaire. Ainsi, ce sont les usages du personnel enseignant, en vue de créer des situations d’enseignement et d’apprentissage avec leurs élèves qui sont considérés, plutôt que les usages des élèves pour répondre à leurs besoins individuels qui peuvent être axés sur le plaisir de lire, la découverte de nouveaux intérêts, la recherche d’informations spécifiques sur un sujet, etc. Même si ces besoins ne sont pas évacués d’une utilisation didactique des albums, les besoins du personnel enseignant ne s’y résument pas et ils visent des contenus beaucoup plus précis, guidés notamment par les différents documents ministériels comme Le programme de formation de l’école québécoise (après PFEQ) (MEQ, 2001) et La progression des apprentissages, français langue d’enseignement (après PDA) (MELS, 2009a). Par conséquent, les bibliothécaires scolaires ont avantage à développer et à évaluer les collections en fonction de différents critères didactiques.

Dans le cadre de cet article, nous proposons de présenter une grille d’évaluation des albums de littérature jeunesse qui tient justement compte des critères didactiques utiles à l’enseignement au primaire. Même si elle a d’abord été élaborée dans le cadre universitaire et qu’elle concerne les didacthèques[1] et les étudiants au Baccalauréat en enseignement primaire et préscolaire (BEPEP), elle peut aisément être transférée aux bibliothèques scolaires et au personnel enseignant. En effet, cette grille peut éventuellement être utilisée par des bibliothécaires pour évaluer dans quelle mesure les collections d’albums répondent aux besoins didactiques du personnel enseignant. Nous suggérons de commencer par le contexte de création de cette grille. Ensuite, nous la détaillons et la décrivons avec ses différentes parties. Enfin, au fil de la description, nous exposons certains des avantages à recourir à une telle grille pour évaluer une collection d’albums dans les bibliothèques scolaires.

Le contexte de création de la grille d’évaluation des albums

La grille présentée ici est issue d’une recherche doctorale en didactique, avec un volet bibliothéconomique. Comme mentionné, même si dans le cas de notre recherche nous prenons le problème en amont avec les étudiants au BEPEP et les ressources de la didacthèque, notre exposition du contexte est en lien avec les pratiques actuelles en enseignement primaire à l’aide de la littérature jeunesse, donc auprès du personnel enseignant, soit la communauté servie par les bibliothèques scolaires.

Le contexte de la recherche

Depuis quelque temps, selon Lépine (2017), le personnel enseignant des écoles québécoises semble séduit par l’idée d’intégrer la littérature jeunesse à leur enseignement. Or, dans sa vaste enquête il révèle que 82,6 % du personnel enseignant au primaire se basent sur leurs goûts personnels dans leur choix de livres à utiliser en classe. Toutefois, lorsqu’un album est choisi pour une utilisation didactique, il est nécessaire que celui-ci plaise à l’enseignant, mais cela ne peut pas être le seul critère. Ainsi, bien que les enseignantes expertes dans l’enseignement à l’aide de la littérature jeunesse et les chargées de cours en didactique du français que nous avons interrogées déclarent de manière unanime se fier à leurs goûts personnels lorsqu’il est temps de choisir un livre à utiliser en classe, toutes déclarent aussi faire des choix en fonction de leurs intentions didactiques. Il est donc crucial que les responsables des bibliothèques scolaires acquièrent pour leurs collections des oeuvres de littérature jeunesse qui répondent adéquatement aux divers besoins didactiques du personnel enseignant.

Les concepts retenus

Pour développer notre grille, en vue d’évaluer la collection de la didacthèque de l’Université de Montréal (UdeM), nous avons décidé de nous concentrer sur les albums, et ce, principalement pour deux avantages majeurs : sa brièveté, ce qui favorise son utilisation en classe dans son intégralité, et sa complexité, en lien avec le double message qu’il porte, par le texte et par les illustrations (Montésinos-Gelet et Dupin de Saint-André, 2018). Avant de présenter la grille, nous croyons qu’il est nécessaire de spécifier ce que nous entendons par album par rapport à d’autres documents pour la jeunesse. Ensuite, nous exposons quelques utilisations didactiques possibles. Enfin, nous reprenons brièvement les tâches inhérentes au développement des collections.

L’album

Pour circonscrire ce qu’est la littérature jeunesse, il est possible de la qualifier par son intentionnalité : elle correspond aux livres ayant explicitement l’enfant comme destinataire (Prud’homme, 2005). Mais il ne faut pas négliger le fait que cette littérature comprend une variété de livres. Dans le cadre de notre recherche et pour cet article, l’album se définit comme un

livre où, dans son ensemble et sur l’espace de la double page, interagissent un message visuel et un message textuel créés conjointement afin de former un ensemble cohérent. Le message textuel comprend tous les types de textes.

DeRoy-Ringuette, 2019

Dans cette définition, lorsqu’il est question des messages textuels qui comprennent tous les types de textes, cela fait référence à la typologie des textes d’Adam (1992, 2015) selon laquelle les albums peuvent contenir des textes narratifs, qui servent à raconter une histoire, mais ils peuvent également regrouper d’autres types de textes comme des textes descriptifs, explicatifs, argumentatifs et dialogaux. D’ailleurs, la PDA (MELS, 2009a) reprend plus ou moins cette classification en proposant que les élèves du primaire soient mis en contact avec des textes qui racontent, décrivent, expliquent, précisent des comment faire, visent à convaincre, mettent en évidence le choix des mots, comportent des interactions verbales, illustrent des informations ou des idées et servent d’outils de référence.

En plus des types de textes variés, il faut ajouter que les albums, comme les bandes dessinées et les romans, peuvent accueillir différents genres littéraires, comme le policier, la science-fiction, l’aventure, etc. Par exemple, les albums de la série Les aventures de l’inspecteur Lapou de Bénédicte Guettier sont résolument du genre policier. À cela, ajoutons que les albums peuvent aussi être des albums documentaires, donc qui visent à informer, mais sans l’appareillage d’aides organisationnelles comme les tables de matières, index, sous-titres, schémas, etc. (DeRoy-Ringuette, 2020). Aussi, les albums peuvent contenir des contes traditionnels ou déroutés, des mythes et des légendes, ou encore présenter des abécédaires ou des chiffriers. Bref, l’album ne se restreint pas à la fiction ni à la narration.

Les utilisations didactiques des albums

Lorsqu’il est question d’intégrer les albums en classe, il est possible d’y recourir pour des contenus et des compétences liées au français, langue d’enseignement, c’est-à-dire pour lire, avec différents dispositifs de lecture comme la lecture interactive (Dupin de Saint-André, 2011) ; pour apprécier des oeuvres littéraires (Lépine, 2017) ; pour écrire des textes variés (Chénard-Guay, 2010) ; pour communiquer oralement (Colognesi et Deschepper, 2018) ; ou pour développer le vocabulaire (Cuerrier, 2020). Il est aussi possible de les utiliser pour enseigner les autres disciplines scolaires spécifiquement, comme les sciences (Soudani et Héraud, 2012), ou selon une perspective plus interdisciplinaire (Charron et Montésinos-Gelet, 2018). En plus de pouvoir être intégrés dans toutes les disciplines scolaires, il se trouve que les albums sont utiles à tous les cycles du primaire. De fait, Lépine (2017) rapporte qu’au Québec, ce type de livre fait partie de la vie scolaire des élèves du premier au troisième cycle.

Le développement des collections

À la manière d’Evans et Zarnosky-Saponaro (2012) et selon leurs définitions, nous retenons quatre tâches principales dans le développement des collections physiques. La première est l’analyse des besoins de la communauté servie par la bibliothèque, usagers ou non. Nous privilégions d’ailleurs le terme communauté puisqu’il est plus inclusif qu’usager. La deuxième tâche, la sélection des documents, se résume au choix des documents à acquérir, dans le but principal de répondre efficacement aux besoins de la communauté. La troisième tâche est l’acquisition de ces documents, donc la manifestation concrète de la sélection. D’ailleurs, à la suite de cette acquisition, pour être accessible à la communauté, le document entre dans la phase du traitement documentaire. La dernière tâche du développement des collections est l’évaluation de celles-ci. Cette dernière ne doit pas nécessairement être envisagée comme une étape suivant les trois premières, car elle se fait au fur et à mesure que la collection grandit. D’après Johnson (2014), cette tâche sert notamment à évaluer l’utilité de la collection en fonction des objectifs auxquels elle est destinée, donc son efficacité à satisfaire la communauté. Éventuellement, l’évaluation sert à orienter l’élagage. Il y a deux tendances qui guident l’évaluation des collections : les méthodes centrées sur la collection et les méthodes centrées sur l’utilisation (Evans et Zarnosky-Saponaro, 2012 ; Johnson, 2014). La grille développée dans le cadre de notre recherche entre dans une perspective d’évaluation par une méthode centrée sur la collection, mais elle a été développée avec la participation d’enseignantes expertes dans l’utilisation de la littérature jeunesse, de chargées de cours et d’une bibliothécaire. La collaboration de ces participantes assure une adéquation plus juste avec les besoins de la communauté. Enfin, en plus de servir à l’évaluation, cette grille peut ultimement aider à sélectionner des albums ciblés, en fonction de différents critères didactiques.

La méthode de recherche

Pour notre recherche doctorale, nous avons choisi d’effectuer une recherche de développement. Selon McKenney et Reeves (2012), celle-ci allie théorie et pratique puisqu’elle cherche à régler un problème de nature pratique en développant et en implantant de manière systématique une solution, tout en s’appuyant sur des fondements théoriques, et ce, en passant par quatre phases. En bref, voici les phases : 1) Analyse et exploration (Analysis and exploration), qui consiste à faire l’analyse des besoins en vue de développer un objet ; 2) Conception et construction (Design and construction), qui est ni plus ni moins que l’élaboration de l’objet, jusqu’au prototype le plus satisfaisant ; 3) Évaluation et réflexion (Evaluation and reflection), qui se résume par le fait de tester l’objet afin notamment de vérifier sa validité et de repérer d’éventuels écueils et, de ces tests, de procéder à des remaniements avant de passer à la mise à l’essai finale ; 4) Implantation et diffusion (Implementation and spread), qui correspond justement à la mise à l’essai de l’objet dans le contexte pour lequel il a été développé et, éventuellement, dans d’autres contextes.

Pour notre propre recherche, afin d’analyser les besoins, nous avons procédé à des entrevues semi-dirigées (phase 1) auprès d’enseignantes du primaire expertes dans l’utilisation de la littérature jeunesse à des fins didactiques et de chargées de cours en didactique du français à l’UdeM. Lors de ces entrevues, nous avons récolté des données quant aux critères de choix qu’elles utilisent pour sélectionner des albums et à leurs pratiques didactiques avec ces derniers. À partir de ces réponses, et en accord avec notre revue de littérature, nous avons élaboré une grille d’évaluation des albums (phase 2).Lorsque nous l’avons jugée satisfaisante, nous l’avons resoumise à nos participantes (sept ont répondu) ainsi qu’à une participante bibliothécaire pour obtenir leur rétroaction afin d’améliorer la grille, laquelle a ensuite été mise à l’essai dans la bibliothèque personnelle de l’étudiante-chercheuse pour être encore améliorée, le tout dans un processus itératif (phase 3). En fin de compte, c’est la sixième version de la grille qui a été mise à l’essai dans la didacthèque de l’UdeM (phase 4). Pour cet article, c’est la septième version qui est présentée puisque, comme cela est possible dans la recherche de développement, nous avons apporté de derniers changements avant une diffusion plus générale.

La présentation de la grille

Cette grille d’évaluation des albums contient 89 items à compléter par des réponses réparties en six sections. Pour cet article, les intentions des sections sont détaillées et les items sont indiqués selon leur numéro et leur formulation. Ils sont toujours suivis du type de réponse est attendu. Ces réponses sont parfois à choix fermés, donc un choix unique ; de choix multiples, donc avec plusieurs réponses possibles ; de réponses ouvertes, donc qui permettent de répondre librement et succinctement ; de réponses à positionner sur une échelle de Likert, qui permettent un jugement nuancé. Pour avoir un aperçu complet de la grille, avec les choix de réponses, les exemples et les définitions, une version PDF est disponible au lien suivant : https://drive.google.com/file/d/1pENY2SELQUDwKV1Aktgwqx6I5rLgrat7/view? usp=sharing

Quelques exemples des avantages et des utilités des items proposés sont parsemés au fil de la présentation.

Les critères d’inclusion

La première section de notre grille sert à déterminer si les livres répondent aux critères d’inclusion que nous avons définis, c’est-à-dire s’ils correspondent au type de livre (en l’occurrence, s’il s’agit d’un album jeunesse) pour lequel notre grille a été élaborée. Voici les deux items à répondre :

1.

Ce livre est intentionnellement écrit pour la jeunesse, c’est-à-dire qu’il est édité [quatre choix fermés accompagnés d’exemples] ;

2.

Ce livre est [six choix fermés accompagnés de définitions].

Ainsi, le premier item sert à déterminer si le livre est réellement destiné à un jeune public et s’il ne s’agit pas plutôt d’un livre de lecture provenant d’un éditeur scolaire[2]. Si le livre est effectivement une oeuvre littéraire écrite pour les jeunes de par son secteur d’édition, il suffit de poursuivre avec l’item suivant qui cherche à savoir s’il s’agit d’un album, au sens de la définition retenue (voir la définition de l’album dans la partie des concepts retenus), et ainsi à discriminer les albums des autres types de livres (ex. bande dessinée, roman, recueil). Ces deux critères d’inclusion permettent de constater le nombre d’albums pour les jeunes parmi la collection ou l’échantillon de la collection. En guise d’exemple, dans notre recherche, des 21 745 documents disponibles dans les classes Dewey entre 000 et 900 de la didacthèque de l’UdeM, nous avons procédé à un échantillonnage aléatoire de 409 documents. De ceux-ci, 42,8 % étaient effectivement des albums édités pour les jeunes (175/409). Éventuellement, ces données aident à l’extrapolation du nombre d’albums total dans la collection d’une bibliothèque. Pour notre cas, cet exercice nous a permis d’estimer que celle de la didacthèque de l’UdeM contient environ 9 304 albums en accès sur les rayons. Lorsque le document répond aux critères d’inclusion, il est temps de passer aux autres sections de la grille pour en faire soit une évaluation complète, soit une évaluation partielle en fonction des besoins de la bibliothèque, en ne retenant que les sections ou items pertinents pour y répondre.

Les critères reliés à l’album dans son ensemble

Après s’être assuré que le livre entre ses mains est un album, la personne responsable de l’évaluation de la collection répond aux items de la deuxième section. Cette dernière est la plus longue et se subdivise en quatre sous-sections.

L’identification de l’album

La première des sous-sections portant sur l’album dans son ensemble vise à identifier l’album et à recueillir des données bibliographiques. Les items à répondre de la sous-section sont les suivants :

3.

Titre de l’album [réponse libre] ;

4.

Auteur de l’album (Nom, Prénom) [réponse libre] ;

5.

Illustrateur de l’album (Nom, Prénom) [réponse libre] ;

6.

Cet album est créé par un auteur-illustrateur [oui/non] ;

7.

Éditeur de l’album [réponse libre] ;

8.

Provenance de l’album [trois choix fermés accompagnés d’exemples] ;

9.

Année de publication [réponse libre] ;

10.

À la date de la vérification, que ce soit dans l’édition évaluée ou dans une autre édition (ex. format poche, autre éditeur), l’album est disponible [sept choix multiples].

À l’item 9, pour déterminer la provenance de l’album, on considère non seulement le lieu d’édition mais aussi l’illustrateur et l’éditeur (des explications plus précises sont fournies dans la grille). Par exemple, dans notre recherche, l’album Le lion blanc de Jim Helmore et Richard Jones est classé dans les traductions, car même s’il est édité au Québec par Comme des géants, l’auteur et l’illustrateur habitent au Royaume-Uni. Dès lors, un seul des trois créateurs est jugé québécois et le poids du nombre nous amène à l’inclure dans les oeuvres traduites plutôt que québécoises. Comme les prescriptions ministérielles du PFEQ à la compétence « Apprécier des oeuvres littéraires » stipulent que « au long de sa scolarité, l’élève explore et apprécie des oeuvres littéraires nombreuses et variées […] Ces oeuvres proviennent d’abord du Québec, puis de la francophonie ou de la littérature internationale traduite en français » (MEQ, p. 84), connaître la provenance est à considérer pour évaluer une collection destinée à une communauté oeuvrant dans le monde scolaire. Aussi, en plus de l’année de publication, il nous est apparu nécessaire de vérifier la disponibilité sur le marché[3] (item 10), en papier de même qu’en format numérique ou audio, ainsi que sur des plateformes de diffusion ciblées. Si présentement la grille ne contient pas d’items à répondre en référence à Biblius, la nouvelle plateforme de prêt de livres numériques pour le milieu scolaire (Biblius, 2021), c’est en raison du fait que nous n’avons pas d’accès à la ressource. Il serait évidemment fort pertinent d’en faire l’ajout pour une utilisation en bibliothèque scolaire.

Le paratexte

La deuxième sous-section en lien avec l’évaluation de l’album dans son ensemble réunit des informations sur le paratexte de chaque album. Selon Dupin de Saint-André (2015a), « dans les albums, le paratexte comprend les pages de couverture, le titre, le sous-titre, le format de l’oeuvre, la matière des pages, les pages de garde, la page titre, l’avertissement, la table des matières, la pagination et les éléments reliés au monde de l’édition (code-barre, ISBN) » (p. 34). Toutefois, comme les items suivants le dévoilent, seuls certains de ces lieux paratextuels sont considérés. L’intention ici est de cerner quelques caractéristiques qui peuvent être utiles sur le plan didactique, par exemple pour bâtir une intention de lecture lors de la préparation du dispositif de lecture interactive. Voici les items pour le paratexte extérieur :

11.

Le format de l’album est [sept choix fermés accompagnés de définitions et d’exemples] ;

12.

La matérialité de l’album est [six choix fermés] ;

13.

Les pages couvertures sont [deux choix fermés accompagnés d’exemples] ;

14.

La quatrième de couverture est [sept choix fermés accompagnés d’exemples] ;

14 (a).

Dans le cas où un texte est disponible sur la quatrième de couverture celui-ci est [neuf choix multiples].

Puisqu’il s’agit de la première chose que l’on aperçoit lorsque nous avons le livre entre les mains, le premier élément paratextuel évalué est le format. L’item 11 se distingue des éléments descriptifs (collation) qu’on trouve dans les notices catalographiques en bibliothéconomie, où la dimension du document est inscrite en centimètres. Pour reprendre l’exemple de Le lion blanc, le catalogue de la didacthèque de l’UdeM indique « 25 cm », alors que notre évaluation permet de savoir qu’il se présente à l’italienne, « dont la largeur excède la hauteur » (Turgeon, 2013, p. 88), avec une reliure sur le côté court, selon un mode de lecture à l’horizontale. Comme le format peut parfois être utile pour enseigner l’appréciation littéraire, comme le suggère notamment Lépine (2018), le connaître s’avère utile en milieu scolaire, et ce, au-delà des dimensions classiquement répertoriées au catalogue. L’item 12 fait référence à un autre aspect matériel et les choix de réponses permettent de distinguer les albums souples des albums cartonnés, ce qui est connexe aux critères de qualité matérielle canoniques en bibliothéconomie et évoqués notamment par Johnson (2014). Ensuite, l’item 13 vise à observer les pages couvertures déployées, dans le but notamment d’évaluer le potentiel à faire des prédictions utiles à la compréhension d’un texte. Les items 14 et 14 (a) cherchent à connaître la composition de la quatrième de couverture, en texte et en illustration, ainsi que la nature du texte. Les choix multiples de l’item 14 (a) contribuent à faire une description guidée des textes qui se trouvent sur l’album évalué.

Pour poursuivre l’évaluation paratextuelle, mais en se concentrant sur l’intérieur de l’album, les items à compléter par des réponses sont les suivants :

15.

Les pages de garde sont [trois choix fermés] ;

16.

Les pages de garde sont composées de [12 choix multiples accompagnés d’exemples] ;

17.

La double page où se situe la page de faux titre, c’est-à-dire la page où figure le « titre d’un ouvrage figurant seul au recto du feuillet qui précède la page de titre » (OQLF, 1986), contient [six choix multiples] ; 

18.

La double page où est située la page titre (qui peut inclure la page des crédits ou non) comprend [12 choix multiples accompagnés d’exemples].

Ces différents items servent à examiner si, par exemple, des éléments peuvent être utiles à la construction d’une intention de lecture avec les élèves ou encore si ces lieux sont porteurs de prologues à l’histoire, donc essentiels à la compréhension. Tiré des exemples fournis dans la grille à l’item 18, l’album sans texte Oups ! de Quentin Gréban est un album où l’histoire débute dès la page titre, donc où il y a « des illustrations agissant comme prologue » pour reprendre l’énoncé du choix de réponse.

Si, selon la PDA (MELS, 2009a), les élèves du primaire doivent savoir relever les éléments de la page couverture, de la quatrième de couverture et des pages de garde, ils doivent également être conscients de la présence de la dédicace. Par conséquent, évaluer ces aspects en bibliothèque scolaire s’avère judicieux, de même que d’autres éléments paratextuels à l’intérieur de l’album qui ne sont pas explicitement nommés dans la PDA (MELS, 2009a). Les items suivants en rendent compte :

19.

Peu importe son emplacement à l’intérieur de l’album, la dédicace est [quatre choix fermés accompagnés d’exemples] ;

20.

Cet album contient une épigraphe, c’est-à-dire une « citation placée en exergue au début d’une oeuvre ou d’un chapitre pour en expliquer l’esprit » (Dupriez, 1984, p. 192). Il est à noter que, parfois, mais rarement, la citation peut se retrouver à la fin d’un album (Dupin de Saint-André, 2020) [trois choix fermés] ;

20 (a).

Dans le cas où il y a une épigraphe, celui-ci est [six choix fermés accompagnés d’exemples] ;

21.

Une biographie des créateurs est disponible [six choix fermés] ;

22.

L’album contient une préface, c’est-à-dire un « texte présentant sommairement un ouvrage et son auteur » (OQLF, 2015), donc au début de l’album, ou une postface, c‘est-à-dire un « texte de commentaire placé à la fin d’un ouvrage » (OQLF, 2019) comprend [neuf choix multiples accompagnés d’exemples].

Le rapport texte/image

La troisième sous-section qui touche l’album dans son ensemble est relative au rapport texte/image qui, selon Turgeon (2013), « concerne le message que chacune des instances propose et la manière dont leur mise en relation produit un certain sens » (p. 93). Pour notre grille, c’est la typologie de Nikolajeva et Scott (2006) qui est retenue à l’item 23. Quant à lui, l’item 24 n’était initialement pas dans notre recherche, et il est notamment inspiré de Turgeon (2013) et de son outil pour analyser le potentiel interprétatif des albums. Ces deux items qui permettent d’évaluer le rapport texte/image sont :

23.

Dans cet album, le rapport texte/image des doubles pages est majoritairement [six choix fermés accompagnés de définitions et d’exemples] ;

24.

Dans cet album, le rapport texte/image des doubles pages est majoritairement [échelle de Likert en cinq points entre « constante » et « variée »].

Les attraits du livre

La dernière sous-section relative aux critères reliés à l’album dans son ensemble concerne les attraits du livre. Le concept d’attraits du livre provient de l’aide au lecteur en bibliothèque. Saricks (2005, 2009) en propose six : le registre, le style, les personnages, l’intrigue, le cadre et le rythme. Montésinos-Gelet (2018) les a explorés en vue d’en faire une adaptation ciblée pour les albums. Ce sont ses définitions que nous utilisons pour notre grille.

Le registre

Selon Montésinos-Gelet (2018), le registre désigne la « tonalité émotionnelle de l’oeuvre » (p. 9). Nous avons choisi d’inclure les thèmes à cet attrait dans le but de voir si un même thème peut être traité selon des registres variés. Par exemple, pour reprendre des registres cités dans les choix de réponses, on pourrait ainsi déterminer si un album portant sur l’amitié est humoristique, dramatique, joyeux, nostalgique, attendrissant, etc. Ainsi, un item permet d’indiquer quel est le registre qui prime dans l’album et l’autre à cerner le thème :

25.

Celui qui domine dans l’album est [13 choix fermés (p.ex. attendrissant, dramatique, humoristique)] ;

26.

Dans cet album, le thème principal est (si nécessaire, un sous-thème peut être indiqué) [réponse libre].

Pour l’item 26, il nous semblait essentiel d’éviter de se restreindre aux vedettes-matières ou à un thésaurus afin de permettre l’expression des thèmes en vocabulaire libre, car le but n’est pas de cataloguer les albums pour les rendre repérables, mais plutôt d’identifier les grandes thématiques couvertes afin de constater quelles sont les différentes utilisations didactiques possibles (p. ex. des réseaux littéraires thématiques où un certain nombre d’oeuvres sont choisies pour couvrir un même thème sous différents angles et avec différents registres).

Le style

Dans notre grille, nous avons choisi d’examiner l’attrait du style sous quatre angles : album, auteur, illustrateur et typographie. Le premier, le style de l’album, traite de la mise en pages :

27.

De manière générale, la mise en pages en est une [cinq choix fermés accompagnés de définitions et d’exemples].

Les choix de réponses, inspirés de Turgeon (2013) et Van der Linden (2007), permettent d’indiquer si les mises en pages sont d’association, de compartimentage, de dissociation, de conjonction ou variées.

Pour décrire le style de l’auteur, qui « se caractérise par son univers langagier, ses choix lexicaux et syntaxiques, les figures de style qu’il affectionne » (Montésinos-Gelet, 2018, p. 9) ainsi que d’autres aspects de son univers littéraire, quatre items et un sous-item sont proposées dans notre grille :

28.

De manière générale, le style de l’auteur est [échelle de Likert en cinq points de « facile » à « difficile »][4] ;

29.

La prédominance de genre de cet album est [24 choix fermés accompagnés de définitions (p. ex. conte dérouté, policier, historique)] ;

30.

La narration de cet album est portée par [sept choix fermés] ;

31.

Dans cet album, il semble y avoir des traces d’intertextualité, c’est-à-dire une « présence effective d’un texte dans un autre » (Boutevin et Richard-Principalli, 2008, p. 144). Il est à noter que la reconnaissance des traces d’intertextualité varie en fonction du bagage culturel de chacun [oui/non] ;

31 (a).

Dans le cas où il y a des traces d’intertextualité, quelles oeuvres sont citées [réponse libre].

Concernant l’item 29, même si les genres littéraires sont traditionnellement associés aux romans, comme cela est le cas dans la PDA (MELS, 2009), les albums peuvent aussi être catégorisés selon les genres (voir la définition de l’album dans la partie des concepts retenus). D’ailleurs, comme plusieurs genres littéraires sont prescrits au primaire (MELS, 2009), il est utile de les évaluer dans les albums. Pour ce qui est de l’item 31, l’identification de la présence d’intertextualité est pertinente en milieu scolaire pour aider le personnel enseignant à trouver des livres propices à l’appréciation littéraire, notamment pour aider les élèves à « constater les variantes d’une oeuvre » (MELS, 2009a, p. 80), mais aussi pour soutenir le personnel enseignant dans le développement de leur première compétence professionnelle : « Agir en tant que médiatrice ou médiateur d’éléments de culture » (MEQ, 2020).

Comme pour le style de l’auteur, le fait de cerner celui de l’illustrateur aidera à développer des collections avec un souci d’offrir des albums variés au personnel enseignant et aux élèves, ayant le potentiel de donner lieu à des utilisations didactiques tout aussi variées. L’évaluation du style de l’illustrateur est donc composée de huit items à compléter par des réponses et un sous-item :

32.

La technique d’illustration utilisée dans cet album semble (même s’il est parfois difficile d’établir la technique, il faut choisir la plus vraisemblable) [dix choix fermés accompagnés d’exemples (p.ex. aquarelle, collage, fusain)] ;

33.

Les illustrations sont majoritairement des couleurs en aplat, c’est-à-dire selon « une application d’une teinte de manière uniforme » (Béguin, 1990, p. 43) ou des couleurs dégradées, en opposition à l’aplat ces couleurs présentent des variations de teintes « la dégradation peut concerner aussi bien le passage de couleurs claires à des couleurs foncées, que le passage de la lumière à l’ombre » (Béguin, 1990, p. 356) [échelle de Likert en cinq points entre « couleurs en aplat » et « nuancées » accompagnés d’exemples] ;

34.

Les illustrations sont généralement [cinq choix multiples accompagnés d’exemples] ;

35.

Les plans dans l’album sont [trois choix fermés accompagnés d’exemples] ;

36.

Le cadrage (angle de vue, en plongée, en contre-plongée et parallèle au sol) des doubles pages est majoritairement [trois choix fermés accompagnés d’exemples] ;

37.

De manière générale, dans cet album la narration visuelle se fait [trois choix fermés accompagnés de définitions] ;

38.

La densité des illustrations est [échelle de Likert à cinq points allant d’« épuré » à « foisonnant » accompagnés d’exemples] ;

39.

Dans cet album, il semble y avoir des traces d’intericonicité, c’est-à-dire une « présence de références à des oeuvres d’art (des peintures, des sculptures, des illustrations, des photographies ou des films) dans les illustrations » (Dupin de Saint-André, 2012, p. 28). Il est à noter que la reconnaissance des traces d’intericonicité varie en fonction du bagage culturel de chacun [oui/non] ;

39 (a).

Dans le cas où il y a des traces d’intericonicité, quelles oeuvres sont citées [réponse libre] ;

40.

Dans cet album, il y a des traces d’autoréférentialité dans les illustrations, c’est-à-dire des clins d’oeil aux oeuvres antérieures des créateurs. Il est à noter que la reconnaissance des traces d’autoréférentialité varie en fonction du bagage culturel de chacun [oui/non ; accompagné d’exemple].

Pour cerner le concept d’autoréférentialité, précisons que l’exemple illustré est tiré de l’album Azadah de Jacques Goldstyn où le lecteur aperçoit dans l’illustration des reproductions des premières de couverture de deux de ses précédents albums : Le petit tabarnak et L’arbragan.

Le dernier point relatif au style concerne la typographie et il fait l’objet de deux items :

41.

Dans cet album et de manière générale, la macro-typographie, soit le « mode d’inscription de la matière textuelle […] sur l’espace particulier de la double page » (Duvin-Parmentier, 2018, p. 154), est [cinq  choix fermés accompagnés d’exemples et de définitions] ;

42.

Dans cet album et de manière générale, la micro-typographie, soit le « choix des caractères, des graisses, des tailles, des couleurs et des espaces entre eux » (Duvin-Parmentier, 2018, p. 154), est [cinq choix fermés accompagnés d’exemples et de définitions].

Pour illustrer le besoin de s’intéresser à la typographie, reprenons les propos d’une participante à notre recherche sur les utilisations didactiques qu’elle fait des albums : « Je vais travailler aussi la typographie. Donc, ça peut m’arriver de demander aux élèves, quand on fait des écrits rapides ou des joggings d’écriture, d’utiliser des typographies différentes dépendant des émotions du personnage » (Enseignante E). Il est donc intéressant pour les membres du personnel enseignant d’avoir à leur disposition des albums avec jeux typographiques pour fournir aux élèves des textes mentors. Par conséquent, les bibliothécaires qui posent un regard sur cet aspect peuvent répondre à ce besoin précis.

Le personnage

Comme le souligne Montésinos-Gelet (2018) quant au troisième attrait « les systèmes de personnages varient grandement » (p. 9) et c’est pourquoi dans cette grille il y sept items à répondre qui examinent le personnage principal pour le qualifier. Il aurait certainement été possible d’ajouter des caractéristiques en plus de considérer les personnages secondaires, mais de se concentrer sur le personnage principal apparaît suffisant pour ce type d’évaluation qui vise à avoir une vue d’ensemble de la collection, sans détailler les albums un par un. Voici les items concernant les personnages :

43.

Comme personnage principal, cet album met en scène [huit choix fermés] ;

44.

Dans cet album, le personnage principal est [réponse libre][5] ;

45.

Le personnage principal de cet album est [huit choix fermés (p.ex. garçon, fille, animal anthropomorphe, créature imaginaire)] ;

46.

Du point de vue de la diversité ethnique, le personnage principal est [huit choix fermés] ;

47.

Sur le plan de la diversité corporelle ou fonctionnelle, le personnage principal présente (nommer une caractéristique, le cas échéant) [réponse libre accompagnée d’exemples] ;

48.

L’album contient des personnages qui véhiculent des stéréotypes, lesquels se définissent comme : « le résultat d’un processus de condensation et de sché-matisation, généralisant à un ensemble d’individus les mêmes opinions simplifiées à l’extrême, parfois jusqu’à la caricature » (Dictionnaire de sociologie, 2011, p. 276) [oui/non] ;

49.

Le personnage principal de cet album fait partie d’une série (p. ex. Frisson l’écureuil, de Mélanie Watt, Lola, de Carl Norac et Claude K. Dubois, etc.) [oui/non]

En guise de complément sur les items relatifs aux personnages, notons que l’item 43 est très général et il vise à savoir si le personnage est seul, en relation avec d’autres, s’il s’agit d’un duo, d’une famille, d’un groupe, d’une galerie de personnages, s’il y a effectivement un personnage ou toute autre réponse. Il vise à savoir à qui le lecteur a affaire, car si d’emblée nous croyons que les albums ont tous des personnages principaux uniques, ce n’est pas nécessairement le cas. En guise d’exemple, dans notre recherche 2,9 % des albums présentent une famille comme personnage principal (5/175) et une même proportion met en scène aucun personnage. Par la suite, les autres items permettent de raffiner les caractéristiques du personnage principal.

Puisque selon la typologie de Botelho et Rudman (2009), la littérature jeunesse contient des textes miroirs pour se reconnaître, des textes fenêtres pour connaître l’autre et des textes portes qui invitent à l’action et à la justice sociale, il semble fort pertinent de vérifier la diversité dans les personnages représentés, afin que tous puissent se reconnaître, connaître l’autre et éventuellement prendre position pour défendre les droits de chacun. Si au départ Bothello et Rudman (2009) s’intéressent à la diversité ethnique, nous croyons qu’il est judicieux d’élargir le concept à d’autres aspects de la diversité, comme nous le faisons aux items 45, 46, 47. C’est d’ailleurs dans une perspective encore plus grande d’inclusion, nous avons ajouté l’item 47 à notre septième version de la grille. Les termes et les exemples des personnages avec ces différences qui guident cet item sont tirés de la liste Kaléidoscope. Livres jeunesse pour un monde égalitaire produite par le YWCA de Québec. Enfin, soulignons qu’afin de détecter des albums qui pourraient potentiellement présenter des personnages stéréotypés, nous avons également ajouté l’item 48 à notre septième version de la grille. La définition incluse dans l’item, comme pour les autres qui en intègrent, contribue à s’assurer que la personne qui évalue l’album comprend bien le concept.

L’intrigue

Pour ce qui est de l’attrait de l’intrigue, il fait référence au fait que « les récits se distinguent quant à ce critère dans un continuum qui va des récits d’ambiance dans lesquels l’intrigue peut être quasiment absente aux récits comprenant de très nombreuses péripéties » (Montésinos-Gelet, 2018, p. 8). Notre grille comprend deux items :

50.

L’intrigue de cet album est de révélation ou de résolution (l’option 0 correspond à « ne s’applique pas ») [échelle de Likert à cinq points allant de « révélation » à « résolution »] ;

51.

Concernant les noeuds narratifs, c’est-à-dire les endroits où de nouvelles situations où péripéties surviennent, cet album contient [trois choix fermés].

En bref, l’item 50 permet de savoir si les albums contiennent des intrigues de révélation, où les personnages sont centraux, ou de résolution, où les évènements sont centraux, et les possibilités entre les deux pour respecter la notion de continuum. L’item 51, que nous avons ajouté à la septième version de notre grille, se penche sur les noeuds narratifs, plus précisément à savoir si l’album en contient un seul, pour une intrigue unifiée ; plusieurs, pour une intrigue épisodique ; ou aucun. En contexte scolaire, il est à propos de connaître le type d’intrigue présent dans les albums puisque selon la PDA (MELS, 2009a), les élèves de chaque année du primaire doivent : « identifier les caractéristiques des personnages : aspect physique, traits de caractère, rôle et importance dans l’histoire, actions accomplies » (p. 68-69), par conséquent les intrigues de révélation sont peut-être plus adéquates pour y arriver. Pour ce qui est des intrigues de résolution, elles correspondent généralement schéma narratif et les élèves de la 1re à la 3e année doivent étudier le récit en trois temps et tandis que ceux de la 4e à la 6e sont initiés au récit en cinq temps. Dès lors, évaluer les types d’intrigues et les noeuds narratifs dans les albums aide à répondre aux besoins du personnel enseignant, et ultimement des élèves.

Le cadre

Selon Montésinos-Gelet (2018), en accord avec Saricks (2005, 2009), le cadre représente le lieu et l’époque, deux contenus à voir avec les élèves selon la PDA (MELS, 2009a). De fait, à la compétence « Lire des textes variés » les élèves doivent « identifier le temps et les lieux d’un récit » (p. 68), il est donc judicieux de connaître les lieux et le temps qui composent les albums pour offrir une variété à la communauté servie par les bibliothèques scolaires. Comme la PDA (MELS, 2009a) mentionne que les lieux et le temps doivent être explicites pour les plus jeunes et implicites pour les plus vieux, nous avons pris ces orientations pour nos choix de réponses, sans toutefois utiliser exactement ces termes. Voici les items qui concernent le cadre :

52.

Concernant le lieu, cet album se déroule [neuf choix fermés] ;

53.

Concernant le temps (époque), cet album se déroule [neuf choix fermés] ;

54.

Concernant le temps (temps naturel-journée), cet album se déroule [cinq choix multiples] ;

55.

Concernant le temps (temps naturel-saisons), cet album se déroule [six choix multiples].

Le rythme

Le dernier attrait, soit le rythme, se divise en deux aspects : la vitesse de lecture souhaitée par le lecteur et le temps du récit (Montésinos-Gelet, 2017). Dans notre grille, seul le second aspect est évalué, et plus particulièrement, la durée du récit, c’est-à-dire la période sur laquelle se déroule l’action : 

56.

La durée de cet album est de [12 choix fermés accompagnés de définitions (p.ex. quelques minutes, une semaine, une saison, sans temps)].

Critères reliés au texte

Pour la troisième section, qui concerne les critères plus spécifiquement reliés au texte, notre grille comprend trois items qui s’intéressent à des caractéristiques macro, c’est-à-dire qui considère le texte dans son intégralité, ainsi que neuf items et un sous-item qui traitent des caractéristiques micro, plus proches de la phrase et du mot.

Les caractéristiques liées au texte – macro

Les trois items de cette section s’intéressent au texte dans son ensemble. Les voici :

57.

En moyenne, le nombre de mots par double page est de (pour obtenir la réponse, il s’agit de compter le nombre de mots sur cinq doubles pages au hasard et d’en faire une moyenne) [sept choix fermés, en intervalle de 15 mots] ;

58.

Le type de texte dominant dans cet album est [neuf choix fermés accompagnés de définitions] ;

59.

La structure du récit est [14 choix multiples accompagnés de définitions (p.ex. en parallèle, linéaire, répétitive)].

Mentionnons que l’item 58 aide à cibler la variété de textes que les élèves doivent fréquenter et l’item 59 est en lien avec les différentes structures de texte, tous deux des contenus prescrits dans la PDA (MELS, 2009a) à la compétence « Lire des textes variés ». Par conséquent, d’évaluer les albums selon les types de textes aide les bibliothécaires à bien répondre à la communauté servie, soit le personnel scolaire et les élèves.

Les caractéristiques liées au texte – micro

Ensuite, il nous apparaissait intéressant de s’attarder à des unités plus restreintes que le texte et d’inclure des items liés aux phrases et aux mots. Ils sont notamment propices en vue d’utilisations didactiques des albums pour enseigner l’écriture, à la manière des propositions de Lefrançois, Montésinos-Gelet et Anctil (2018) par exemple. Les items suivants sont relatifs aux mots :

60.

Concernant le lexique et le vocabulaire, et dans une perspective d’une utilisation de l’album pour enseigner ces contenus en classe du primaire, cet album contient un nombre suffisant et pertinent de [11 choix multiples accompagnés de définitions (p.ex. synonymes, champ lexical, expressions figées)] ;

61.

Concernant les figures de style, et dans une perspective d’une utilisation de l’album pour enseigner ces contenus en classe du primaire, cet album contient un nombre suffisant et pertinent de [neuf choix multiples accompagnés de définitions (p.ex. allitérations, comparaisons, métaphores)] ;

62.

Le registre de la langue, ou niveau de langue, de cet album est [six choix fermés accompagnés de définitions].

Ensuite, toujours en lien avec les mots mais dans une perspective plurilingue, selon notamment avec les travaux de l’équipe ÉLODIL (Armand, Gosselin-Lavoie et Combes, 2016) pour travailler l’éveil aux langues, la grille inclut l’item et le sous-item suivants :

63.

Selon vos connaissances des autres langues, cet album [quatre choix multiples accompagnés d’exemples] ;

63 (a).

Dans le cas où d’autres langues que le français se trouvent dans l’album, quelles sont-elles ? [réponse libre].

Intégré à notre septième version de la grille et absent de la version utilisée pour notre recherche dans la didacthèque de l’UdeM, le sous-item 63 (a) vise à spécifier les langues mises en valeur dans l’album. Cela est particulièrement intéressant pour le personnel enseignant qui oeuvre en milieu plurilingue, comme c’est le cas notamment mais non exclusivement, en contexte montréalais. De fait, au Centre de service scolaire de Montréal (CSSDM) 50 % des élèves n’ont pas le français comme langue maternelle et la langue la plus présente est l’arabe (12,2 %), suivie de l’espagnol (6,4 %) (CSSDM, 2021), par conséquent il est bien d’évaluer, et au besoin de développer, la collection en vue de constater si des albums mettent en valeur ces langues au côté du français, ou sinon lesquelles s’y retrouvent.

Les items suivants s’intéressent aux phrases et comprennent des définitions pour guider les personnes qui évaluent les albums :

64.

Concernant les types de phrases, et dans une perspective d’une utilisation de l’album pour enseigner ces contenus en classe du primaire, cet album contient un nombre suffisant et pertinent de [cinq choix multiples accompagnés de définitions] ;

65.

Concernant les formes de phrases, et dans une perspective d’une utilisation de l’album pour enseigner ces contenus en classe du primaire, cet album contient un nombre suffisant et pertinent de [cinq choix multiples accompagnés de définitions] ;

66.

Concernant les phrases à construction particulière, et dans une perspective d’une utilisation de l’album pour enseigner ces contenus en classe du primaire, cet album contient un nombre suffisant et pertinent de [cinq choix multiples accompagnés de définitions] ;

67.

Concernant d’autres phénomènes liés à la phrase, et dans une perspective d’une utilisation de l’album pour enseigner ces contenus en classe du primaire, cet album contient un nombre suffisant et pertinent [six choix multiples accompagnés de définitions].

Le dernier item en lien avec le caractéristiques dites micro du texte est le suivant :

68.

Concernant la forme de présentation des dialogues, et dans une perspective d’une utilisation de l’album pour enseigner ces contenus en classe du primaire, cet album contient un nombre suffisant et pertinent de dialogues présentés [huit choix multiples accompagnés de définitions].

L’item 68 est surtout utile pour travailler l’aspect « Vérifier les signes de ponctuation qui servent à rapporter les paroles dans les dialogues » (p. 55) pour les 2e et 3e cycles du primaire dans la section « Syntaxe et ponctuation » de la compétence « Écrire des textes variés » de la PDA (MELS, 2009a).

Critères reliés au potentiel didactique

Après avoir observé l’album selon des critères qui sont présents entre ses pages, notre grille permet d’évaluer le potentiel didactique des albums, c’est-à-dire pour les usages que les enseignants pourraient en faire, et ce, selon le français, langue d’enseignement et ses compétences, les autres disciplines, les domaines généraux de formation (DGF) et les repères culturels, dans une perspective de rehaussement culturel, non seulement en lien avec la première compétence professionnelle précédemment citée, mais aussi pour intégrer la dimension culturelle à l’école (Gouvernement du Québec, 2003). Pour l’ensemble de cette quatrième section, les items doivent être complétés par des réponses à choix multiples, mais qu’il est préférable de se limiter à deux choix, sauf pour les années scolaires et les repères culturels. C’est l’expérience de notre recherche qui nous indique qu’il est préférable de s’imposer cette limitation.

Français, langue d’enseignement

Puisque les albums sont d’abord des oeuvres à lire, il est normal de s’attarder en premier lieu aux dispositifs de lecture :

69.

À la suite de la lecture de l’album, quels sont les dispositifs de lecture qui semblent les plus pertinents pour une utilisation de cet album en classe du primaire [12 choix multiples accompagnés de définitions (ex. cercle de lecture, lecture interactive, lecture feuilleton)] ;

70.

À la suite de la lecture de l’album, quelles sont les dimensions de la lecture qui semblent les plus pertinentes à travailler avec cet album en classe du primaire [huit choix multiples accompagnés de définitions][6].

Comme la synthèse des étapes de la mise en oeuvre de réseaux littéraires en contexte de classe proposée par Dupin de Saint-André (2015 b) démontre explicitement l’intégration d’une variété des dispositifs de lecture et d’écriture, le prochain item vise à ouvrir aux autres compétences en français et concerne justement le potentiel des albums à s’intégrer dans un réseau littéraire : 

71.

À la suite de la lecture de l’album, quels sont le(s) type(s) de réseau(x) pertinent(s) pour intégrer cet album [12 choix multiples accompagnés de définitions (ex. thématique, auteur, personnages sériel]

Par la suite, ce sont les compétences « Écrire des textes variés » et « Communiquer oralement » du PFEQ (2001) qui sont visées par les items suivants :

72.

À la suite de la lecture de l’album, quels sont les dispositifs d’écriture qui semblent les plus pertinents pour une utilisation de cet album en classe du primaire [10 choix multiples accompagnés d’exemples] ; 

73.

À la suite de la lecture de l’album, quelles sont les activités de communication orale qui semblent les plus pertinentes pour une utilisation de cet album en classe du primaire [huit choix multiples accompagnés de définitions].

Enfin, une estimation des années scolaires pour une utilisation de l’album se manifeste par l’item suivant :

74.

À la suite de la lecture de l’album, à quelles années scolaires cet album pourrait être utilisé [sept choix multiples].

De fait, pour une utilisation didactique, les publics visés peuvent varier. Pour exemplifier ces propos, prenons un exemple tiré de notre recherche où nous avons jugé l’album Le loup de la 135e de Rebecca Dautremer et Arthur Leboeuf pour le 3e cycle du primaire, mais qui, selon le catalogue de la didacthèque de l’UdeM, s’adresse au préscolaire. Pourtant, des vérifications nous autorisent à penser que sur le plan didactique cet album est plutôt adéquat pour le 3e cycle du primaire (Dupin de Saint-André, 2017 ; MEQ, 2021).

Les autres disciplines, les DGF et les repères culturels

Comme le personnel enseignant au primaire est habituellement généraliste, il est opportun de vérifier si les albums peuvent être utiles pour d’autres disciplines que le français et les DGF :

75.

À la suite de la lecture de l’album, en fonction des prescriptions ministérielles, quelles sont les disciplines scolaires qui semblent les plus pertinentes à travailler avec cet album en classe du primaire [12 choix multiples][7] ;

76.

À la suite de la lecture de l’album, en fonction des prescriptions ministérielles, quels sont les domaines généraux de formation qui semblent les plus pertinents à travailler avec cet album en classe du primaire [six choix multiples].

Enfin, en lien avec les repères culturels, il y a un item et deux sous-items. Les voici :

77.

Dans cet album, dans le texte ou les illustrations, il y a des repères culturels, c’est-à-dire « des objets d’apprentissage signifiants sur le plan culturel, dont l’exploitation en classe permet à l’élève d’enrichir son rapport à lui-même, aux autres ou au monde » (Gouvernement du Québec, 2003, p. 9). Il ne faut pas considérer ici les repères littéraires (intertextualité) et les repères iconographiques (intericonicité), mais plutôt d’autres types de repères culturels. Il est à noter que la reconnaissance des traces de repères culturels varie en fonction du bagage culturel de chacun [11 choix multiples accompagnés d’exemples] ; 

77 (a).

Dans le cas où l’album contient des repères culturels, ces derniers sont [quatre choix fermés] ;

77 (b).

Dans le cas où l’album contient des repères culturels, ces derniers sont les suivants [réponse libre].

Critères reliés à la reconnaissance

Puisque le développement et l’évaluation des collections passent souvent par les listes bibliographiques (Johnson, 2014), notre grille contribue à vérifier si les albums évalués sont mentionnés dans des ressources didactiques, s’ils sont gagnants de prix littéraires ou s’ils sont listés par des organismes reconnus. Cela est fait selon ces items à répondre :

78.

À la date de la vérification, cet album est répertorié par ces ressources didactiques chacun [12 choix multiples (p.ex. Constellations (MEQ, 2021), la liste Éduscol (MEN, 2020), Le Pollen)] ;

79.

Selon la section des prix littéraires de la revue Lurelu, cet album est gagnant d’un prix littéraire canadien [oui/non] ;

80.

Selon le site Ricochet, cet album est gagnant d’un prix littéraire international [oui/non] ;

81.

Selon la liste disponible sur Ricochet, ce créateur a obtenu le Prix Hans Christian Andersen ? [oui/non].

82.

Cet album fait partie de cette sélection [4 choix multiples].

Plus précisément, l’item 82 permet de constater la présence ou l’absence des albums dans les listes d’organismes reconnus ciblés. Il s’agit de la liste Kaléidoscope du YWCA, la sélection des rédacteurs de Ricochet et la collection « Coup de poing » des bibliothèques de la Ville de Montréal.

Critères reliés à la bibliothéconomie

La sixième et dernière section de notre grille concerne la bibliothéconomie. Il est question de l’usure, des coûts et des données inscrites au catalogue :

83.

Par rapport à l’usure, cet album tiré de la collection de la bibliothèque évaluée est en [échelle de Likert en cinq points entre « très mauvais état » et « parfait état »] ;

85.

Selon Les libraires (www.leslibraires.ca), si le livre est toujours disponible sur le marché, dans cette édition ou dans une autre, cet album en format papier coûte (avant taxes) [huit choix fermés (selon des intervalles de cinq dollars[8]].

Ensuite, si pour notre recherche nous avons utilisé le catalogue de la didacthèque de l’UdeM, pour cette version nous avons choisi d’indiquer plus largement la source à utiliser avec l’expression selon le catalogue de la bibliothèque évaluée.

84.

Selon le catalogue de la bibliothèque évaluée, cet album contient [cinq choix fermés (selon des intervalles de 12 pages)] ;

86.

Cet album est un don de l’éditeur (selon la description du catalogue de la bibliothèque évaluée ou selon les informations disponibles, livre en main) [oui/non] ;

87.

Selon la description disponible au catalogue de la bibliothèque évaluée, le public cible de cet album est [réponse libre] ;

88.

Selon le catalogue bibliothèque évaluée la cote Dewey de cet album est [réponse libre].

Il est possible qu’en fonction des catalogues les informations diffèrent d’endroits où les trouver ou même que ces informations ne soient pas disponibles. Il ne faut pas perdre de vue que notre grille a d’abord été conçue pour être confrontée au catalogue de l’UdeM et que notre accès est la même qu’un autre utilisateur, donc via le catalogue en ligne et non le système intégré de gestion de bibliothèque (SIGB).

Le dernier item est très général et il a été ajouté pour la septième version de notre grille, puisque lors de notre mise à l’essai il nous a semblé qu’il était manquant :

89.

Avant même les résultats finaux de l’évaluation, il semble que cet album serait à élaguer [oui/non].

Ce dernier item à répondre aide à voir si cet album serait à élaguer, mais il ne constitue pas une réponse définitive. Il sert simplement à faire un tri dans l’éventualité de cette tâche. Évidemment, si cela est possible en fonction des données disponibles, il serait avantageux d’ajouter un item à compléter par une réponse sur les statistiques de prêts afin de parfaire l’évaluation. De fait, cela permettrait de combiner l’utilisation de la grille, une méthode centrée sur la collection, à une méthode centrée sur l’utilisation. Ce genre de statistiques contribue à distinguer les parties de collection qui répondent le mieux à la communauté dans le but de développer davantage cette partie ou encore d’élaguer, de remiser, de freiner les acquisitions dans les sections les moins populaires (Johnson, 2014). Pour notre part, nous n’avons pas intégré de statistiques de circulation pour des raisons d’accessibilité.

Conclusion

Pour conclure, nous croyons que cette grille d’évaluation du potentiel didactique des albums sert non seulement à voir s’ils sont utiles à la communauté servie dans une perspective de développement des collections, mais aussi elle a été élaborée dans une visée d’autoformation, tant pour le personnel enseignant novice dans l’utilisation didactique des albums que pour toute autre personne oeuvrant dans le milieu scolaire, dont les bibliothécaires. De fait, les nombreux items participent d’abord à voir l’album sous des angles très diversifiés, mais aussi les définitions et les exemples aident les utilisateurs de la grille à mieux comprendre les possibilités didactiques. Nous croyons que plus les bibliothécaires fréquentent des albums susceptibles d’être utilisés didactiquement en les évaluant, plus ils voient les termes et les exemples, plus ils seront proches de la communauté qu’ils servent et de ses préoccupations.