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Tout professionnel de la santé ayant déjà travaillé dans le service des urgences d’un hôpital général connaît la réaction de rejet que suscite une personne intoxiquée lorsqu’elle s’y présente. La haute incidence de ces cas devrait avoir forcé les urgentologues à développer à leur égard une approche globale appropriée. Mais il n’en est rien. On se limite encore à stabiliser l’état physique du toxicomane, à le contrôler s’il est un danger pour lui ou pour les autres et à lui donner son congé dès que son état physique le permet. En réalité, la majorité des professionnels de la santé sont convaincus du bien-fondé d’une telle approche. Ils craignent qu’un accueil chaleureux n’incite le toxicomane à s’apitoyer sur son sort ou à consommer plus souvent. Ils favorisent alors la méthode aversive pour tenter de décourager la personne de s’intoxiquer.

La prémisse de l’intervention que je propose ici est la suivante : une personne ne parvient à se réorganiser avec ses obsessions et ses dépendances que si, d’une part, elle est en relation avec des personnes signifiantes et que, d’autre part, elle est reconnue par ces personnes comme l’acteur principal de l’efficacité des traitements. En d’autres termes, une personne isolée, sans réseau interpersonnel, a peu d’intérêt à modérer sa consommation et ne parvient pas à tenir longtemps ses promesses d’abstinence ou de tempérance si elle doit prouver aux siens qu’elle ne consommera plus. C’est en toute humilité que l’intervenant doit reconnaître son impuissance à aider le toxicomane par ses interventions thérapeutiques si ce dernier ne rétablit pas des liens avec des personnes signifiantes de son réseau personnel, liens fondés sur le respect mutuel sans menace d’abandon. C’est du moins la conviction que nous avons dans notre équipe : une personne ne peut reprendre le contrôle de ses dépendances que si elle met fin à son isolement ou à son sentiment d’incompétence en rétablissant des liens avec les siens sous de nouvelles modalités. Par ailleurs, nous ne voulons pas devenir un membre du réseau personnel de notre patient alors que celui-ci est à la recherche de personnes signifiantes et ne désire que disqualifier les siens pour retrouver sa compétence. Il nous appartient donc de favoriser une reprise des rapports entre le patient et les siens selon de nouvelles règles fondées sur le respect de l’autonomie de chacun. À mon avis, c’est ainsi que l’intervenant peut aider principalement le toxicomane et son entourage personnel. Tous apprennent ensemble à suivre la règle du respect, qui élimine tout blâme ou toute disqualification. Il n’y a plus de dérive dans la consommation ; il y a des choix de consommer ou de ne pas consommer. Le toxicomane s’approprie le mérite de traitements efficaces et n’a plus l’odieuse responsabilité des traitements inefficaces.

J’ai vu cette erreur se glisser bien souvent dans des ensembles humains lorsque la maladie apparaissait chez un membre. L’entourage personnel ou professionnel prenait en charge le malade et sa vie, puis se plaignait de plus en plus de la lourdeur de la tâche. J’ai appelé ces ensembles où les protagonistes se définissaient comme indispensables au malade ou à l’un des leurs, des ensembles protectionnistes. Voyons à l’aide de vignettes les quatre éléments de ces ensembles et les moyens pour les transformer en des ensembles de coopération, ensembles qui fonctionnent avec les règles de respect mentionnées plus haut. Les notions de contexte, de leadership, de processus et de réseautage prennent toute leur importance dans le projet de transformation des relations.

Vignette de Louise

Louise est une femme de 42 ans qui a été amenée à l’urgence par ambulance dimanche, en fin de soirée. Elle avait tenté de traverser la chaussée sans se préoccuper des voitures et en criant qu’elle voulait en finir. Des piétons s’étaient portés à son secours et avaient fait appel à la police. Elle a déjà été vue à l’urgence l’année dernière dans un état similaire d’intoxication et de menaces de suicide.

Lors de l’évaluation psychiatrique le lendemain matin, Louise se dit non suicidaire et honteuse de son état. Il n’est pas possible alors de distinguer, d’un côté, les symptômes psychiatriques susceptibles de répondre à un traitement spécifique et, de l’autre, des signes de détresse reliés à cette période de deux mois de rechute d’intoxication alcoolique et de cocaïne. Son ami Roger, avec qui elle partage sa vie depuis trois ans et sa soeur Marguerite, viennent la voir pour la réconforter. Nous en profitons pour faire une rencontre de famille.

Nous apprenons que Roger n’a pas osé appeler lui-même l’ambulance, craignant la réaction de Louise. En effet, cette dernière lui reproche encore de l’avoir amenée à l’urgence l’an dernier. Marguerite, pour sa part, a reçu un appel de détresse au cours de la semaine précédente de la part de Louise, mais elle n’a rien fait... pour les mêmes raisons que Roger. Louise l’a rappelée le lendemain pour lui dire que tout était entré dans l’ordre. Cependant, en apprenant les circonstances dramatiques entourant la venue de Louise à l’urgence cette fois, tous les deux se questionnent sur les moyens à utiliser dorénavant lorsque Louise fera une rechute.

Une rencontre des personnes concernées (RCPC) a comme principal objectif d’installer un contexte dans lequel la règle de respect de l’autonomie et de la vulnérabilité (RRAV) de chacun sera dorénavant suivie par les acteurs et constituera la nouvelle assise du code de communication. Il ne s’agit plus de démontrer sa force et ses bonnes intentions, mais de reconnaître sa vulnérabilité et la limite à ne pas dépasser sans quoi on éclaterait. C’est à chacun de faire des ententes à partir de ses vulnérabilités personnelles.

Comme il est virtuellement impossible pour un groupe de changer le code de communication de l’intérieur, le groupe se fait proposer un autre code par une tierce personne, une personne externe en position d’autorité. C’est la position du leader, de la personne experte qui ne peut résoudre par ses interventions d’experte le problème pour lequel on la consulte. Elle ne peut que reconnaître son impuissance à travailler de façon efficace dans un contexte de menaces et de disqualification. En effet, lorsqu’un groupe est en crise parce qu’un membre ne se conforme pas à ses attentes, les autres membres obligent le dissident soit à suivre les normes, soit à quitter le groupe. Or lorsque la raison de la dissidence est la maladie, les choses se compliquent. On recherche un thérapeute pour rendre le membre conforme aux attentes du groupe, on l’oblige à se faire traiter. Le traitement devient l’unique solution. On en oublie la nature des moyens utilisés pour amener le patient au traitement. On le fait se sentir coupable et honteux. On le menace de rejet en le condamnant à une vie de misère s’il ne suit pas les traitements recommandés. Mais tôt ou tard, la culpabilité des membres du groupe se réactive et on reprend de plus belle la recherche de thérapeutes pour le toxicomane ou le malade. L’expert consulté doit se transformer en leader et proposer une nouvelle façon de travailler ensemble ; sinon, il est lui-même enfermé dans le système et il participe, en pensant aider, à l’éclatement du système aux dépens de tous.

Les visites du toxicomane à l’urgence sont le reflet des éclatements du système d’entraide entourant le malade. Le retour à l’équilibre antérieur ne saurait prévenir de nouveaux éclatements. Une Louise suscite des comportements erratiques chez les personnes de son entourage et ces derniers suscitent chez elle aussi des gestes inadéquats. C’est un climat de folie dans lequel évoluent tous ces gens. Ces visites deviennent donc l’occasion rêvée d’une réévaluation du code de communication du réseau personnel du malade et des moyens utilisés pour l’amener au traitement de sa maladie.

J’ai présenté dans divers milieux mon modèle protectionniste pour faciliter la reconnaissance de l’ensemble des comportements, valeurs et aspirations qui maintiennent dans des relations de contrôle pathogènes les protecteurs et les protégés, les personnes qui dans leurs bonnes intentions imposent leurs solutions à l’une des leurs. Voici la description que j’en ai faite dans un de mes nombreux écrits sur ce sujet[1] :

Je rappellerai brièvement les quatre éléments de ce protectionnisme, avant d’aborder le processus de victimisation que l’on observe très souvent dans diverses situations cliniques. (Pour plus de détails, voir Lamarre, 1998b, p. 65-95 et Lamarre et Bélanger, 1994, p. 817-827.)

  1. Le duo protecteur/protégé est constitué, d’une est constitué, d’une part, du protecteur, qui est l’agent du protégé, qui se donne le droit de décider et d’agir à la place de celui-ci, et qui se croit indispensable à sa survie, et, d’autre part, du protégé, personne juridiquement apte à décider par elle-même, qui donne à son protecteur, par ses comportements non verbaux, le pouvoir de décider et d’agir à sa place.

    Le protecteur tout comme le protégé peuvent être une personne, un groupe de personnes ou même constituer un ensemble institutionnel. Le protecteur, en position haute, se définit comme l’agent responsable du protégé et est confirmé dans sa définition par les agirs de ce dernier et par tout son entourage. Le protégé, forcé de prendre la position basse, va de la soumission à l’opposition à son protecteur et s’identifie à son statut de protégé sans entente préalable. De nouveaux protecteurs, des thérapeutes ou des amis, à la demande du protecteur ou du protégé, se joignent au duo initial pour tenter de sauver la situation et deviennent à leur tour des agents de l’un ou de l’autre protagoniste du duo. Les personnes se suridentifient à leurs rôles respectifs ; elles développent des déformations de caractère qui les isolent encore plus dans leurs systèmes et dans leurs valeurs.

  2. La relation de pseudo mutualité ou comme si est une relation dans laquelle chacun s’enlise : l’évaluateur accorde la priorité à son plan de traitement ou d’intervention et n’hésite pas à utiliser des subterfuges pour faire comme s’il respectait l’autonomie du protégé.

  3. La relation est sujette aux éclatements : les crises s’intensifient et se multiplient si l’un des protecteurs tente de sortir de la relation et elles suscitent l’ajout de nouveaux protecteurs qui augmentent le sentiment de confusion quant aux rôles, territoires et responsabilités pour chacun (on ne sait plus identifier qui fait quoi).

  4. Les moyens de maintien de l’ensemble sont les moyens de contrôle que l’on connaît universellement, soit le blâme pour créer la honte et la culpabilité chez l’un et l’autre, et la disqualification, qui consiste pour l’un et l’autre à se définir comme inapte à rétroagir de façon appropriée aux demandes qu’on peut lui faire. C’est l’incommunicabilité : chacun est perçu par l’autre comme sourd et détaché, muet ou hystérique.

La famille dysfonctionnelle est en fait cet ensemble protectionniste. Celui-ci, lorsque observé à divers moments de son évolution ou de sa stagnation, peut changer de couleurs, mais il reflète toujours les éclatements fréquents et les moyens de contrôle utilisés par les protagonistes. Il y a surcompensation de la part du protecteur, qui soustrait ainsi son protégé à la gestion de son problème. Le toxicomane protégé ou rejeté n’est plus à même de gérer son problème car le problème ne lui appartient plus. Il appartient à ses protecteurs, qui, lors des éclatements, cherchent à contrôler le toxicomane par des menaces d’abandon. Un protecteur ne peut que s’emparer du problème de son protégé ou l’abandonner à son problème en le blâmant.

Rappelons-nous qu’il est virtuellement impossible de traiter efficacement un protégé rejeté sans dénouer préalablement la relation protectionniste dans laquelle il évolue et qui se manifeste indifféremment par des comportements de protection ou de rejet.

Louise a accepté lors de l’entrevue de communiquer honnêtement ses besoins à l’entourage plutôt que d’éviter de déranger les autres parce qu’elle se sentait honteuse ou coupable de le faire. Nous avons planifié les scénarios des prochaines rechutes et des prochains conflits en recommandant à Louise et aux siens d’éviter dorénavant aussi bien de se blâmer ou de blâmer les autres pour se protéger que de compenser pour les gestes inadéquats de l’autre. Tous devaient choisir le code de Pas de nouvelles bonnes nouvelles. Il appartenait à chacun de présenter clairement ses demandes sans faire de ces demandes des ordres. Nous leur avons proposé de revenir dans un mois et de nous rappeler au besoin. Le mois suivant, ils avaient appliqué leur nouveau mode de communication, que chacun trouvait d’ailleurs beaucoup plus simple. Nous avons appris à donner systématiquement un deuxième rendez-vous et de nous assurer aussi qu’ils pouvaient nous rejoindre facilement entre-temps. C’est la période du processus d’apprentissage. Il est important que le leader reste dans le système jusqu’à ce que les membres du groupe puissent se passer de lui, ayant intégré la nouvelle règle de respect de l’autonomie et de la vulnérabilité de chacun, la RRAV. D’ordinaire, cette période d’apprentissage dure de 4 à 20 semaines. Des rappels de la règle peuvent se faire encore longtemps après et il devient alors de plus en plus facile de la rappeler au groupe en question.

Vignette de Ronald

Ronald, 58 ans, est un professeur de techniques infirmières à la retraite. Il a une histoire familiale d’alcoolisme ; en effet, deux de ses frères et son père ont souffert d’alcoolisme sévère. Ronald a terminé sa carrière d’enseignant à l’âge de 52 ans d’une façon peu reluisante. Il a dû prendre une retraite anticipée en raison des difficultés de plus en plus marquées qu’il avait à se maintenir au travail. Son absentéisme était devenu inacceptable. Par ailleurs, il s’est marié au cours de sa première année de retraite et il a pu contrôler sa consommation d’alcool durant toute la durée de son mariage… qui fut de trois ans. Au départ de sa femme, il a littéralement resombré dans l’alcool. Il s’est senti méprisé et rejeté par celle à qui il croyait avoir donné le meilleur de lui-même. Il n’a pas dégrisé depuis sa séparation sauf pour la période des cures alcooliques – il en a suivi six avec le support de sa tante. Dès sa sortie, il reprenait de plus belle son habitude de boire. Il est venu à plusieurs reprises durant ces trois années à l’urgence pour des problèmes physiques. On le dirigea pour la première fois vers un psychiatre au cours de la troisième année. Il se disait déprimé et incapable de se contrôler. Nous avons voulu établir avec lui un premier contact. Même s’il n’était pas du secteur, nous l’avons gardé dans nos lits d’urgence pendant72 heures. Il est revenu quatre mois plus tard, trois jours après la cure de désintoxication que sa tante lui avait payée pour la septième fois. Il préfère ne pas appeler cette dernière, se sentant trop honteux. Nous l’encourageons à ne plus faire de cure si ce n’est pas lui qui la paie et s’il n’accepte pas le risque de perdre son argent. Son attitude durant l’entrevue suscitait encore le rejet et le mépris. Nous avons dû nous rappeler que nous devons toujours éviter le blâme et la disqualification même si le patient fait tout pour nous y inciter. Pour comprendre son besoin de rejet, nous lui demandons si, à part le mariage, quelqu’un ou quelque chose l’avaient déjà aidé à ne plus s’intoxiquer. Il répond que les antidépresseurs l’ont déjà aidé. Nous nous entendons sur une façon de les prendre sans qu’il se rende plus malade avec l’alcool. Nous l’appelons à quelques reprises par la suite. Il dit se contrôler un peu mieux. Il ne mise plus sur les cures de désintoxication. Il a commencé à jouer au bridge. Il constate qu’il peut se concentrer. Il a pour la première fois l’espoir de faire autre chose que de boire.

Ronald avait pris le rôle du rejeté et le maintenait sans s’en rendre compte. Nous avons voulu établir avec lui un rapport qui ne le rendrait pas honteux d’une rechute. Il voulait essayer des antidépresseurs, nous avons pris le risque avec lui que ce soit encore inutile, en nous disant que nous n’avions rien à perdre. Nous avons voulu d’abord établir un rapport avec lui qui ne soit pas fondé sur l’absence de rechute. La gestion de ses rechutes lui appartient et il peut vérifier si les antidépresseurs lui permettent de mieux les contrôler. Sa tante habite Vancouver. Nous l’appellerons avec l’accord de Ronald si elle continue de jeter son argent par les fenêtres en croyant faire un bon investissement. Ronald préfère pour l’instant essayer ses antidépresseurs et nous misons actuellement sur un contexte de relations de respect sans sauveur, sans protecteur.

Vignette de Jeannine

Jeannine, 49 ans, était la dernière des dernières. Nous étions demandés en consultation dès son arrivée en état d’intoxication. Elle voulait quitter l’urgence en arrivant et chaque fois elle devait être mise sous contentions pour l’empêcher de s’enfuir. Dès notre première rencontre, nous lui avons offert de la garder et ce n’est que la deuxième fois qu’elle a accepté de rester pour qu’on puisse évaluer la quantité de diazépam dont elle avait besoin pour ne pas faire de sevrage. Elle avait besoin de 60 mg par jour. Nous lui avons suggéré de documenter ses besoins pour décider si elle voulait continuer avec cette dose ou si elle souhaitait aller dans un centre de désintoxication pour un sevrage sous surveillance médicale. Elle nous a permis d’appeler sa mère, chez qui elle se rendrait en sortant de chez nous, pour l’informer des limites du traitement psychiatrique et de la nécessité pour elle de ne pas en faire trop pour sa fille. La mère nous a dit que le conjoint de sa fille avait abusé de cette dernière et qu’elle devait la prendre chez elle pour la protéger. Jeannine a bien voulu accepter de l’information sur les refuges pour femmes violentées et nous l’avons assurée de notre aide pour sa réadaptation. Elle nous informe lors d’une visite subséquente, alors qu’elle est encore en état d’intoxication, que malgré les apparences, les choses vont beaucoup mieux. Elle a pris des moyens pour contrôler sa consommation de benzodiazépines et d’alcool. Elle est revenue pour faire remplir un certificat médical afin d’obtenir du soutien au revenu. Nous l’avons suivie sporadiquement pendant un an. Nous l’avons revue six mois plus tard lors d’une rechute. Elle avait repris contact avec sa soeur et ses enfants. Elle habitait seule maintenant et avait mis fin à sa relation avec son conjoint. La dernière fois où nous l’avons revue, c’est elle qui, en souriant, nous a encouragés en nous disant qu’elle pouvait maintenant se réorganiser. Physiquement, elle n’était plus la même. Ce n’était plus la personne honteuse que nous avions connue. C’était une personne en contrôle de sa situation qui à l’occasion faisait de courtes rechutes.

Nous misions sur un contexte de respect et nous voulions donner à la famille l’idée du processus en nous disant intéressés à suivre son évolution sans traitements spécifiques. Bien sûr, nous avons bien voulu l’aider pour ses problèmes financiers en signant son certificat médical et en appelant son agent pour nous entendre sur une période de réadaptation au travail. Dernièrement, nous avons vu sa fille pour des troubles anxieux. Elle nous disait comment ses rapports avec sa mère s’étaient améliorés et qu’elle pouvait se faire aider par elle dans les soins à apporter à son jeune bébé. Sa fille venait même chercher de l’aide parce que sa mère le lui avait recommandé. Chacun devenait un leader dans son domaine et non plus un protecteur qui en arrive toujours à contrôler son protégé plutôt qu’à l’aider à prendre son leadership.

Conclusion

Nous avons présenté trois vignettes pour illustrer l’approche toute simple que nous utilisons à l’Hôpital St.-Mary. Elle est toute simple, en effet, mais elle fait la différence pour nous et pour les personnes qui nous sont envoyées. C’est avec beaucoup d’intérêt que nous rencontrons les toxicomanes dans cet esprit de processus de réorganisation et de dénouement du rejet. Le toxicomane ne peut pas à lui seul changer les règles relationnelles et il ne parviendra pas à maîtriser ses problèmes de dépendance à diverses substances, à notre avis, sans rétablir des liens avec des personnes signifiantes de son réseau personnel. L’intervenant ne doit pas devenir une personne du réseau personnel, mais il doit plutôt assumer son rôle de leader en proposant de nouvelles règles interpersonnelles fondées sur le respect de l’autonomie et de la vulnérabilité de chacun, en les proposant au toxicomane et à son entourage lors des crises, avant même de proposer son traitement. La crise est un moment privilégié pour la remobilisation des réseaux personnels et le changement des règles interpersonnelles.

Il appartient à l’intervenant lui-même de ne pas tomber dans des modèles de blâme ou de disqualification, mais de proposer au moment de la crise la règle de respect de l’autonomie et de la vulnérabilité de chacun aux personnes concernées. C’est la transformation de la relation protectionniste, dont le rejet fait partie, en une relation de collaboration dans un esprit d’équipe.