Mot de présentation

Alcool et Amérindiens : au-delà des stéréotypes[Notice]

  • Marc Perreault

…plus d’informations

  • Marc Perreault
    Ph. D. anthropologie
    Éditeur responsable

Le sujet est délicat. Le choix des mots n’est pas neutre. Associer les termes alcool et Amérindien éveille à coup sûr dans les esprits une série de préjugés tenaces qui ont acquis, au fil du temps, le statut de vérité populaire. En effet, il est devenu un raccourci d’expliquer les problèmes sociaux qui affectent plusieurs communautés autochtones des Amériques par le penchant immodéré de cette population pour la bouteille ou tout autre type de psychotropes. Qui n’a pas souvenir de cette vision naïve des manuels d’histoire de la petite école où l’Indien, comme on l’appelait alors, troque son honneur et ses peaux de fourrure – ou autres biens chèrement acquis – contre un miroir et une bouteille d’eau-de-vie ? Certes, il existe une part de vérité dans cette représentation réductrice du « sauvage » qu’était, aux yeux du colonisateur, l’Amérindien. Toutefois, élevée au rang de fait historique, cette représentation ne fait que justifier la volonté d’asservissement des peuples autochtones par les colons et autres conquistadores détenteurs des « lumières » de la civilisation. Ces « oubliés » de la Création n’avaient-ils pas besoin des « Blancs » pour sortir de l’état de sauvagerie dans lequel ils étaient, sinon, condamnés à vivre jusqu’à la fin des temps ? Du moins, persiste encore cette croyance, qui se veut rassurante pour la société dominante, que c’est grâce au contact avec les colonisateurs européens que les peuples autochtones d’Amérique ont eu accès aux bienfaits du « progrès ». Or, cette croyance populaire semble légitimer et excuser, aux yeux de certains, tous les excès qui ont été commis au nom de cette raison civilisatrice supérieure. L’Amérindien, tel que dépeint par les observateurs extérieurs, apparaît toujours comme un être à qui il manque quelque chose. Un « être inférieur », autrement dit, à qui il manque, au début, la « bonne » religion et civilisation, et qui sera toujours par le fait même « en retard » par rapport à la société dominante ; un être à qui il « manque » aussi, prétendent plusieurs, la bonne génétique ou les bons enzymes pour assimiler l’alcool sans problème. Cette représentation débilitante de l’Amérindien est tellement répandue qu’elle a réussi à se propager dans les milieux concernés. À force de se faire dire que l’on n’est pas correct, que l’héritage de ses parents et de sa culture est avilissant et peu digne d’un « être civilisé », on finit presque par y croire. Nous disons « presque », parce que nombreux sont aujourd’hui les personnes et les peuples autochtones qui se lèvent devant une telle vision stéréotypée des Amérindiens, afin de retrouver la dignité de leurs origines et de leur identité ethnoculturelle. On ne peut aborder objectivement le thème de l’alcool et des Amérindiens sans déconstruire les stéréotypes les plus tenaces sur le sujet. Il ne s’agit pas de nier l’ampleur des problèmes associés à l’usage -abusif d’alcool, mais de remettre les pendules à l’heure. Si l’alcool était une substance inconnue de la majorité des peuples autochtones du nord du continent, il faisait cependant partie des moeurs alimentaires et rituelles d’un bon nombre de groupes du sud. Mais qu’il soit endogène à la culture ou qu’il ait été introduit par les colonisateurs, l’alcool semble se révéler un « problème » qu’en situation de contact avec la civilisation dominante. La transformation des contextes traditionnels d’usage, d’une part, et la transformation violente de la société, d’autre part, sont des facteurs qui ont indéniablement joué un rôle dans la relation que les Amérindiens de l’époque post-colombienne ont développée avec l’alcool. Ces transformations, avons-nous besoin de le rappeler, portent toutes en elles …

Parties annexes