Mot de présentation[Notice]

  • Chantal Robillard et
  • Hubert Villeneuve

Les discussions qui se sont tenues à la dernière Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies (UNGASS) sur le problème mondial de la drogue de 2016 exposent au grand jour la complexité de la régulation internationale du commerce illicite des drogues. Alors que certains pays ou régions ont entamé une réflexion ou un processus de légalisation du cannabis, d’autres s’y opposent. Ces tensions viennent remettre en question la stratégie intégrée et équilibrée de lutte contre le problème mondial de la drogue adoptée par les pays membres en 2009 (ONUDC, 2009). Par le fait même, certains experts remettent en question la stratégie mondiale de lutte contre le trafic de drogues menée par les États-Unis (Bagley, 2015 ; Naim, 2003) ainsi que par une importante proportion des États de la communauté internationale. Les systèmes de justice criminelle de ces États continuent à appliquer des approches essentiellement répressives à l’égard de la production, de la consommation et du commerce des drogues. D’un côté, les outils et les lois pour gérer ce commerce et ses conséquences sont jugés par certains comme inflexibles, obsolètes ou limités par une bureaucratie inefficace (Roberts et Chen, 2013 ; Naim, 2003). De l’autre, ce type de commerce ne connaît pas de frontière et n’est pas restreint par les questions de souveraineté (nationalité). Il fait fi des lois et évolue en vertu des forces du marché, dans le cadre de réseaux plus flexibles et décentralisés que jamais grâce à Internet et aux nouvelles technologies de l’information. Les commerçants bénéficient de la prolifération des terres de production (Bagley, 2013), de la La nature flexible et tentaculaire des réseaux de trafiquants leur permet une adaptation constante à l’évolution des marchés, au profil des clientèles, ainsi qu’aux différentes structures de régulation (Natarajan, Zanella et Yu, 2015). Ce numéro thématique sur les drogues et la mondialisation offre une réflexion critique sur la pouvoir des États d’instaurer des mécanismes de contrôle interne des drogues dans une lutte qui, elle, est mondialisée (Quirion) ; sur l’impact des relations commerciales de l’époque coloniale à aujourd’hui sur le commerce actuel de l’opium (Chouvy) ou encore de la cocaïne (Gandilhon). Les trajectoires de commercialisation se multiplient et de nouvelles formes de consommation s’installent dans les pays de transit, comme c’est le cas en Afrique (Perras). L’exemple du dopage sportif, dont l’actualité vient ponctuellement nous rappeler l’omniprésence et la sophistication malgré les sanctions auxquelles s’exposent les athlètes s’y adonnant, illustre à nouveau le tissu complexe des relations internationales du marché mondial des drogues qui sont nécessaires à la production, au transit, et au stockage de ces substances (Bourg). Quirion introduit fort efficacement ce numéro en situant l’évolution de la régulation des substances psychotropes dans la mondialisation de régimes prohibitionnistes, lesquels devaient initialement agir sur le seul droit interne des États, mais dont la multiplication a créé de facto un régime général de prohibition à l’échelle du globe. S’inscrivant dans une perspective sociopolitique, l’auteur démontre que la mondialisation de la lutte contre les drogues vient en réponse à l’échec des États à réagir de manière opportune à un problème perçu comme globalisé. Il argue que, même si le marché des drogues illicites échappe aux mécanismes de contrôle, c’est davantage la mondialisation de la lutte et la multiplication des instances de surveillance qui ont donné au commerce illicite de drogues son statut de phénomène mondialisé. Ces nouveaux mécanismes de régulation transnationauxfaisant la promotion du prohibitionnisme et de la tolérance zéro dépendent cependant de la volonté des États d’adopter des normes juridiques nationales. Quirion conclut donc par une remise en question du concept de mondialisation de la lutte aux drogues comme cette …

Parties annexes