L’ « effet légalisation » : bilan et prospective[Notice]

  • Pierre Brisson et
  • Jean-Sébastien Fallu

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  • Pierre Brisson
    Membre du comité de rédaction

  • Jean-Sébastien Fallu
    Directeur de la revue

La légalisation de la consommation récréative du cannabis annoncée dans le cadre du présent mandat du gouvernement libéral canadien – et devant devenir effective à l’horizon de l’été 2018 – a déjà sa petite histoire, ses hérauts et ses détracteurs. De façon générale, en dépit d’inévitables points de réserve, les tenants d’une approche de santé publique et de politiques fondées sur les données de la science – dont nous sommes– éprouvent du soulagement, voire de la satisfaction face aux étapes de transformation du cadre règlementaire en cours de déploiement. Fin 2016, le Rapport final du groupe de travail sur la légalisation et la réglementation du cannabis, mis sur pied par le gouvernement fédéral en juin de la même année, mettait de l’avant un ensemble de recommandations présentant un bel équilibre entre les préoccupations de santé publique, le respect des libertés individuelles et les prérogatives du commerce. Le rapport réussissait le tour de force de concilier faits et sensibilités, preuves disponibles et prudence élémentaire dans le délicat passage d’une ère d’interdiction et à un environnement de libre choix. Nous avons, comme plusieurs, applaudi à la pertinence et à la qualité de la démarche ainsi enclenchée. Avril 2017 : le projet de loi C-45 est déposé, dans l’esprit des balises énoncées par le groupe de travail, mais se limitant à la mise en place d’un cadre concernant la production, le contrôle de qualité des produits et leur promotion. Le soin d’opérationnaliser la loi sur les points les plus sensibles est dévolu aux provinces : entre autres, le choix du modèle de distribution et les précisions des règles d’accès et d’usage. Un inconfort s’installe lorsqu’on réalise la variabilité des positions qui pourraient en résulter, d’un océan à l’autre. À quelques mois de l’entrée en vigueur de la loi, une majorité de provinces et de territoires auront toutefois privilégié un modèle de régulation gouvernemental plutôt que privé ainsi qu’un âge légal d’accès en phase avec celui de l’alcool au Canada, soit 18 ou 19 ans, fidèles en cela aux recommandations du groupe de travail sur ces aspects parmi les plus délicats et débattus. Au terme de ce bilan provisoire, nous souhaitons souligner trois retombées manifestes de l’« effet légalisation », sur lesquelles il nous apparaît primordial de tabler pour une suite éclairée des choses. La saga de la légalisation du cannabis au Canada aura donné lieu à un immense exercice de consultations publiques sur le sujet. Mentionnons le large spectre d’experts et de citoyens entendus à la grandeur du pays par le groupe de travail, base de la rédaction de son Rapport, de même que les consultations analogues menées par la majorité des gouvernements provinciaux pour orienter leur propre réglementation. Une telle démarche s’est ainsi tenue au Québec, entre juin et octobre 2017, préparant au dépôt du projet de loi 157 constituant, entre autres choses, la Société québécoise du cannabis. Ces consultations, fédérales et provinciales, se seront diversement prolongées sous forme de forums ciblés, d’audiences publiques et de comités de surveillance. Parallèlement, un nombre exceptionnel de publications ont vu le jour, émanant des gouvernements et de chercheurs, mais aussi d’associations professionnelles, d’organismes communautaires ou de groupes de pression ; le présent numéro thématique de DSS s’inscrit dans ce mouvement. L’effervescence d’analyses, de synthèses et de commentaires sur un sujet auparavant marginal ou traité avec sensationnalisme, est signe d’une mobilisation et d’une délibération collective autour d’un enjeu qui apparaît toucher tout le monde, à une époque où peu de questions sont à même de susciter et de maintenir pareil intérêt. Qui plus est, la participation à ces échanges a généralement pu être canalisée et …

Parties annexes