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C’est dans le cadre de leurs fonctions de guérisseurs herboristes que j’ai rencontré les rastafaris sud-africains et c’est au rôle que jouent les plantes, principalement la dagga[1] (cannabis sativa, ganja), à l’intérieur de leurs pratiques thérapeutiques et du mouvement philosophique rasta que je m’intéresse ici. Cet intérêt émerge au sein d’une recherche plus large menée en Afrique du Sud portant sur la problématique de l’efficacité des « remèdes ». La recherche intitulée South African Roots Towards Global Knowledge (Racines sud-africaines vers un savoir global)[2] est une étude en anthropologie de la santé, des sciences et des technologies, qui vise à déterminer, s’il y a lieu, les points de rencontre entre des savoirs provenant des traditions locales et d’autres savoirs reliés à la science. Il s’agit de l’étude des essais précliniques menés par le Centre international d’études sur les phytothérapies autochtones (The International Center for Indigenous Phytotherapy Studies, TICIPS), laquelle cherche à déterminer l’efficacité d’une plante médicinale traditionnelle sud-africaine, à savoir l’Artemisia afra. Ce consortium de recherche est une initiative conjointe regroupant des scientifiques du monde biomédical contemporain et des praticiens du monde de la médecine traditionnelle sud-africaine. Le double objectif de vérification scientifique et de promotion des savoirs traditionnels du projet d’essais précliniques de TICIPS soulève des enjeux épistémologiques. J’aborderai ceux-ci en partie, entre autres, en tentant d’éclaircir les éléments essentiels assurant l’efficacité des plantes utilisées par les herboristes rastafaris dans les townships de Cape Town en Afrique du Sud. Les relations unificatrices que favorise la dagga au sein des pratiques phytothérapeutiques rastafaris sont mises en lumière, relations paradoxalement intensifiées par des éléments antagonistes face au système bio-médico-légal sud-africain dans un contexte de mondialisation. Dans un premier temps, je chercherai à comprendre comment les plantes en général, et la dagga en particulier, s’articulent autour des pratiques, politiques et philosophie des rastafaris sud-africains et du mouvement rasta en général. Dans un deuxième temps, je m’appliquerai à comprendre comment ces pratiques, politiques et philosophie se prêtent aux discours scientifiques médicaux, environnementaux et légaux dans le contexte sud-africain et le contexte global d’aujourd’hui.

Mise en contexte : essai clinique transnational d’une plante médicinale « traditionnelle »

Le TICIPS (The International Center for Indigenous Phytotherapy Studies) est un centre global sur les médecines autochtones entièrement financé par le Centre national de médecine complémentaire et alternative (National Center for Complementary and Alternative Medecine, NCCAM) de l’Institut national de santé (National Institutes on Health, NIH) à Washington DC, États-Unis. Il s’agit d’un consortium de recherche mené par l’Institut de médecine et de science phytothérapeutique sud-africain (South African Herbal Science and Medicine Institute, SAHSMI) de l’Université du Western Cape (UWC) et par l’École de médecine de l’Université du Missouri (MU). Le consortium est basé à l’UWC et travaille avec des partenaires de l’École de médecine Nelson Mandela (Université Kwazulu-Natal), de l’Institut pour les maladies infectieuses et la médecine moléculaire (Institute of Infectious Disease and Molecular Medecine, IIDMM) à l’Université de Cape Town (UCT) et du Conseil Médical de Recherche (Medical Research Council, MRC) de l’Afrique du Sud. Des scientifiques de la branche médicale de l’Université du Texas (UTMB), des universités de Georgetown, du Mississippi et le Jardin Botanique du Missouri sont rassemblés sous l’égide de Missouri University (MU). Le consortium UWC-MU se concentre uniquement sur des plantes médicinales et des systèmes de guérison africains et a comme mission première d’établir un partenariat avec des guérisseurs traditionnels et des entrepreneurs clés sud-africains en vue de conduire des recherches rigoureuses sur les phytothérapies autochtones.

TICIPS entreprend la validation de l’efficacité de plantes médicinales traditionnelles autochtones en utilisant les processus des essais cliniques randomisés (ECR) tels qu’approuvés par la communauté scientifique internationale. L’un de ces projets menés par TICIPS à sa base de l’UWC à Cape Town en Afrique du Sud a délimité les lieux de mon ethnographie et m’a menée, entre autres, auprès des herboristes rastafaris, sur lesquels se penche plus particulièrement cet article.

La plante concernée par le projet de TICIPS est l’Artemisia afra (Jacqu. Ex. Willd.), connue sous le nom umhlonyane en Xhosa et Zulu, lengana en Tswana, zengana dans le Sotho du Sud, wilde-als en Afrikaans, wild wormwood en anglais (van Wyk et Gericke, 2007, p. 142). Il s’agit de l’une des plantes médicinales les plus anciennes et les mieux connues chez les amagqirha (guérisseurs) et inhyangas (herboristes) Xhosa, ainsi que chez les herboristes rastafaris. Cette plante se situe au coeur même des soins domestiques sud-africains. La liste de ses usages en Afrique du Sud couvre une variété de maux allant de la toux, la fièvre, la perte d’appétit, les coliques à la malaria, au diabète et à l’influenza ; elle est consommée en énéma, crème, infusion, lavage corporel, lotion ; elle est fumée, reniflée ou bue sous forme de thé. Les amagqirha, guérisseurs-divinateurs Xhosa qui élaborent leurs diagnostics et remèdes en communiquant avec les esprits ancestraux (Wreford, 2008), les inyangas (spécialistes en herbes médicinales Xhosa) et les herboristes rastafaris côtoyés lors de ma recherche de terrain confirment un usage régulier de cette plante, elle se retrouve d’ailleurs sur les parterres d’une majorité d’entre eux. Cette plante a été sélectionnée parmi quelques milliers de plantes sauvages en vue de passer sous le regard clinique. C’est lors du suivi de ce parcours entrepris par TICIPS que j’ai pu observer et étudier les dynamiques où se déploient et évoluent les politiques de savoirs faisant l’objet de mon intérêt.

Les activités de la recherche de TICIPS portant sur l’A. afra se retrouvent actuellement en phase préclinique[3]. Le projet vise à valider l’efficacité de ladite plante afin que le remède analysé puisse ultimement être intégré au sein des systèmes conventionnels de santé. Du même coup, le projet vise, à travers les processus d’essais précliniques et cliniques, la protection, voire la reconnaissance des savoirs autochtones. Comprendre comment la reconnaissance des savoirs autochtones est atteinte (ou déviée) dans ce projet est au coeur même de mon champ global de recherche. Pour y arriver, j’ai choisi d’examiner comment se déroulent les étapes précliniques qui mèneront, ou non, à des ECR. Ces étapes précliniques constituent à mes yeux la phase initiale de dislocation de la plante de ses usages traditionnels, une première tentative en vue de regarder, d’un point de vue scientifique international, l’efficacité de la plante en question. Comprendre comment les guérisseurs avec leurs savoirs traditionnels sont impliqués, ou non, lors de cette première étape est l’objet même de mon domaine de recherche, c‘est en fait ce qui m’a conduite à m’intéresser au mouvement rasta et à la place que ces herboristes donnent au dagga en lien avec leurs savoirs phytothérapeutiques.

Au cours de ces nombreuses rencontres avec divers acteurs impliqués au sein du consortium de recherche TICIPS (depuis octobre 2006), les rastafaris sont apparus comme des acteurs-clés privilégiés, porteurs de savoirs traditionnels concernant l’A. afra. Les apprentissages acquis auprès d’eux s’ancrent dans des récits de vie, des entretiens informels individuels et de groupe, dans des observations participantes lors de rencontres nationales, de visites informelles aux jardins de plantes médicinales, aux demeures et festivals de ces herboristes ainsi que lors d’excursions de collecte de plantes et de racines destinées aux guérisseurs. Ce parcours avec les rastafaris m’a menée à la découverte d’autres plantes, racines, pratiques et événements donnant sens aux manières d’utiliser l’A. afra. Et c’est ainsi que j’ai pu en apprendre davantage sur l’usage de la dagga, plante qui a su susciter mon intérêt en raison des informations parallèles qu’elle pouvait fournir sur les savoirs mêmes de l’A. afra, mais aussi en raison de la place qu’elle occupait au sein du mouvement rasta.

Les données ethnographiques relatives aux rastafaris et à leur usage de la plante dagga, comme celles sur l’usage de l’A. afra, sont analysées sous l’angle de diverses approches de l’anthropologie médicale critique comme celles de l’anthropologie de la biomédecine (Nichter et Lock, 2002), celles de l’anthropologie des biopolitiques (Nguyen, 2004 ; Rose, 2007), comme des approches de l’anthropologie des savoirs (Laplante, 2004) et des théories de la performance (Csordas, 1996, p. 91). Ces approches sont révélatrices des savoirs entourant l’efficacité des plantes et des pratiques telles qu’exercées par les herboristes, guérisseurs et scientifiques. Mon regard sur le mouvement rasta et sur le rôle de la dagga permet d’illustrer le mouvement et la plante non seulement dans leurs assemblages au complexe rastafari, mais aussi dans leurs articulations avec la société nationale sud-africaine et globale. Il ne s’agit ainsi donc pas de rendre exotique le mouvement rastafari, mais bien d’en comprendre les articulations et les propositions pouvant informer et défier les épistémologies scientifiques et biopolitiques dominantes actuelles.

Origines et politiques du mouvement rastafari du Cap

La péninsule sud-africaine est l’un des endroits où l’on retrouve le plus grand nombre de rastafaris dans le monde, surtout dans les régions du Northern Cape, Western Cape, Gauteng – Zwasiland, Free state-Lesotho, Limpopo-Maputo et North West Province-Botswana (Mantula, 2006, p. 1). Bien qu’elles affichent leurs couleurs locales, les pratiques rastas que j’ai connues au Cap se situent pleinement dans le mouvement global rastafari. L’inspiration du mouvement est africaine et émerge d’abord en Jamaïque dans les années 1930 au sein des descendants des esclaves africains et dans un contexte d’oppression et de pauvreté. Marcus Mosiah Garvey, promoteur du mouvement de « retour à l’Afrique », est considéré comme le prophète de la libération noire du XXe siècle par le mouvement rastafari. Né en Jamaïque en 1887 et ayant vécu la discrimination raciale toute sa vie, il a articulé une base théologique et politique permettant de la contrer. Sa force a été sa contribution à mettre en relief les problèmes de discrimination et à proposer une acceptation de la différence raciale, rejetant ainsi avec succès la ségrégation raciale par l’appel à la dignité et par la demande de justice pour tous (Eskrine, 2005, p. 31). C’est Leonard Howell, considéré comme l’un des patriarches fondateurs du mouvement rastafari, qui institutionnalisa le mouvement rastafari à Kingston en Jamaïque dans les années 1930. Le mouvement a su développer « l’un des paradigmes philosophiques les mieux articulés comme alternative à l’impérialisme capitaliste moderne » (Niaah, 2003, p. 825, traduction libre).

Le coeur du mouvement auquel tous les rastas adhèrent concerne le partage d’un sens commun du « mal » et d’un sens commun « d’identité / solidarité » (Edmonds, 2003, p. 67). Le mal est incarné dans le terme « Babylone », représentant la puissance culturelle et politique des Blancs à travers le colonialisme, l’impérialisme et le racisme. La proposition du mouvement est de surpasser tout jugement de race, de classe et de reconstruire un monde de sens commun solidaire. Il s’agit pour les rastafaris de rétablir la dignité des peuples discriminés à partir des racines africaines dans une lutte commune pour la libération de l’oppression et de l’injustice coloniale.

La théologie alternative rastafari a pris une réelle expansion depuis la fin des années 1970 et vit encore aujourd’hui. Elle constitue un mouvement attrayant à une échelle mondiale, un modus vivendi particulier dont les éléments essentiels demeurent des réseaux informels de communication, une orientation idéologique partagée et des pratiques rituelles communes (Edmonds, 2003, p. 67). Le mouvement rasta est un mouvement d’adhésion en croissance en Afrique du Sud, permettant à certains de s’éloigner de la vie de violence dans les gangs des townships, permettant à d’autres de surpasser un vécu de discrimination raciale. C’est un mouvement qui répond à certaines désillusions vécues dans le contexte difficile du Cap.

L’Afrique du Sud, avec son histoire propre et récente de « décolonisation », accorde respect aux rastafaris et soutient la légitimité du mouvement malgré les controverses entourant l’usage de la dagga qui se retrouve au coeur même du mouvement rasta tout en demeurant illégale dans le pays. En fait, la dagga, c’est du cannabis : « Au cours de la plus grande partie du XXe siècle, le terme local pour Cannabis sativa communément utilisé dans les écrits non autochtones sociaux, médicaux et légaux sud-africains est “ dagga ” » (Kepe, 2003, p. 3, traduction libre). Il s’agit d’un terme utilisé en Afrikaans, la langue parlée par les colonisateurs hollandais dont les descendants sont connus comme étant les Boers ou Afrikaners. Une lutte de pouvoir entre les colonisateurs anglais et les colonisateurs hollandais permit au Parti national Afrikaner d’obtenir une majorité dans les années 1940 ; c’est d’ailleurs ce parti qui mit en place les lois de l’apartheid en 1948, lois qui institutionnalisèrent la discrimination raciale. Sous la loi de la discrimination raciale, les Sud-Africains sont classifiés en trois catégories : les Blancs, les Noirs (africains) et les Coloureds (de descendance mixte). La catégorie des Coloureds inclut les sous-groupes majeurs comme les Indiens et les Asiatiques. Les Coloureds parlent pour la plupart l’Afrikaans, langue première parlée par la majorité des rastafaris dans les townships de Cape Town. Les rastafaris sont de cultures mixtes, ils sont pour la plupart étiquetés Coloureds dans la hiérarchie de l’apartheid[4], hiérarchie fortement contestée par le mouvement rasta. Les lois de l’apartheid ayant été officiellement retirées en 1991, les rastafaris du Cap sont aujourd’hui beaucoup plus intégrés à la société nationale.

L’histoire récente de l’apartheid en Afrique du Sud a rendu ce territoire propice à l’expansion du mouvement rasta, particulièrement au moment de la mobilisation pour la « renaissance africaine ». La « renaissance africaine » est pour certains « une composante de la politique d’image (et donc de puissance) du régime de Prétoria qui, affichée comme un modèle de “ non-racialisme ” et de démocratisation, se fait maintenant le chantre d’une renaissance du continent » (Crouzel, 2000, p. 171). La « renaissance africaine » constitue donc une politique largement sud-africaine. C’est d’abord Nelson Mandela qui l’évoque à quelques reprises, puis l’idée est formulée en 1998 par Vusi Mavimbeka dans un document intitulé The African Renaissance: a workable dream (La renaissance africaine ; un rêve façonnable réalisable). Thabo Mbeki, président de l’Afrique du Sud de 1999 à 2008, adopte ensuite cette idée de renaissance comme un moyen de renforcer sa légitimité au sein de l’African National Congress (ANC), parti politique « traditionaliste » de la République de l’Afrique du Sud. La « renaissance africaine » peut être comprise comme une variante pan-africaniste du XXe siècle voulant confronter les défis d’une globalisation dans un ordre international (Komegy et Landsberg, 1998). Elle peut aussi être vue comme étant à la fois une culture et une doctrine de politiques étrangères émergentes (Landsberg et Hlophe, 1999). Ferguson (2006, p. 114-115) y verra plutôt un moment éphémère restreint aux années de son émergence (1997-1999). La « renaissance africaine » réfère néanmoins à un renouveau de l’Afrique en termes de stratégie d’« africanisation » et de communication largement fondée sur un désir de reformer les liens avec les racines africaines. Ce mouvement de la politique africaine rejoint la philosophie rasta. De même, l’objectif de promouvoir les savoirs traditionnels grâce à l’essai clinique d’une plante médicinale autochtone sud-africaine rejoint le mouvement de mobilisation pour la reconnaissance de la dignité africaine.

Savoir entourant la dagga

Le 9 novembre 2007, j’assiste à une rencontre nationale organisée par la branche des Systèmes de savoirs autochtones (Indigenous Knowledge Systems, IKS) du MRC de l’Afrique du Sud responsable des affaires autochtones. Je suis invitée à participer à une discussion sur les manières de gérer les kiosques d’herbes médicinales dans la ville de Cape Town, initiative organisée par un représentant de la ville ayant convié plus de 60 amagqirhas, inyangas Xhosa, herboristes rastas et divers représentants de médecines alternatives de l’UWC de l’Afrique du Sud. Une vingtaine d’hommes rastas vêtus en robe de prêtre, d’autres portant un sac de jute (habit humble adopté par certains sous la philosophie antimatérialiste qui rappelle nettement les traditions des gurus de l’Inde), sont assis aux côtés des amagqirhas et des inyangas pour revendiquer leur crédibilité en tant que guérisseurs traditionnels herboristes. Leur discours est hautement articulé et informé, critique des manières actuelles de contrôler et de manipuler l’environnement, mais surtout axé sur la recherche de chemins de réconciliation entre eux, les guérisseurs, les fermiers et les autorités nationales. Les enjeux tournent autour de l’accès aux plantes sauvages à proximité de Cape Town, un accès dont ils dépendent pour leur survie alors que leur métier est de vendre des plantes médicinales dans l’un ou l’autre marché de la ville. On y souligne que les amagqirhas obtiennent des permis pour cueillir certaines plantes, alors qu’eux y ont difficilement accès et sont plutôt chassés par la police ou les fermiers, même lorsqu’ils cueillent des plantes pour desservir les guérisseurs Xhosa. Dans l’après-midi de la même journée, les activités se poursuivent au laboratoire de Delft du MRC. Il y a visite guidée des biotechnologies utilisées pour transformer une plante sauvage en capsule, poudre ou pilule. C’est le mandat de ce laboratoire qui cherche à cet égard la collaboration des guérisseurs. L’intérêt est marqué bien que les fondements philosophiques des rastas du Cap, comme ceux des guérisseurs, favorisent nettement les plantes fraîches sauvages à celles manipulées techniquement. Dans le jardin de plantes médicinales à l’extérieur du laboratoire, les visiteurs font montre de leurs connaissances des usages de chaque plante cultivée, dont l’A. afra. Informés de ma recherche sur cette dernière, plusieurs herboristes rastas m’invitent à visiter leurs jardins et demeures où ils font eux-mêmes pousser la plante pour ses propriétés thérapeutiques. Ils m’invitent parallèlement aux festivités rastas afin que je prenne connaissance de ce qui entoure leurs pratiques phytothérapeutiques.

Dimanche le 22 novembre 2007, de 3 000 à 5 000 rastas se rassemblent sur la plage du township de Phillippi, en périphérie de Cape Town, pour le Sun Splash annuel, un festival one love sans alcool ni viande, sans police ni violence. Des herbes sauvages, des bulbes, des écorces, des minéraux et racines sont étalés sur des couvertures et vendus par les rastas. Parmi les plantes se trouvent différents échantillons d’A. afra et de dagga roulé, coupé, feuilles et fleurs. Quelques touristes curieux rôdent, des familles mixtes et Xhosa, mais l’essentiel de la foule est constitué de rastas de diverses régions de l’Afrique et des townships environnants. Petits et grands, hommes et femmes se côtoient. L’effet combiné des herbes, de la nourriture, des couleurs et des vibrations rythmées répétitives rend l’atmosphère conviviale, calme et familiale. La fumée de la dagga embaume l’air, donnant l’impression d’unifier un ensemble d’éléments qui dépasse le regroupement tout en lui donnant un sens. Sans aucune obligation d’être consommée, l’herbe joue un rôle particulier dans cette festivité et occupe nécessairement une place centrale au même titre que la philosophie, la musique et les paroles. Parfois l’accent est mis sur les discours politiques d’envergure locale et africaine, d’autres fois l’accent se retrouve axé sur les liens transnationaux du mouvement et de ses racines jamaïcaines.

L’objectif de comprendre comment les savoirs relatifs aux effets thérapeutiques des plantes sont acquis, connus et acceptés m’a par la suite menée chez diverses familles d’herboristes rastas. Parmi les plantes de leurs parterres se trouvent l’A. afra et la dagga, toutes deux laissées à l’état semi-sauvage. La première est utile pour plusieurs soins domestiques telle la fièvre infantile alors que la seconde joue un rôle de guérisseur ou de purificateur de l’âme. La dagga se consomme de manière cérémonielle dans le partage d’un « chilom » ou d’une pipe. La cérémonie se déroule généralement au sein d’une congrégation d’hommes (dont une seule femme prêtresse à ma connaissance). On peut alors y rappeler l’histoire religieuse ou échanger des paroles sacrées et des remerciements à Jah Rastafari Haile Selassie (Dieu) pour l’apport de l’herbe accueillie comme une bénédiction. Il faut comprendre cette pratique rasta en fonction des principes organiques de Jah (Dieu) : une vie harmonieuse favorisée par la consommation de dagga représente pour plusieurs la clé de la santé physique comme morale. « La ganja est fumée en guise de sacrement ; sa consommation est perçue comme une source de guérison sociale et spirituelle, une source d’ “ illuminations ”… “ la guérison de la nation ” », (Yawney, 1978, p. 75, traduction libre). Kroll (2006, p. 241) explique au sujet des rastas du Cap que la dagga facilite le nettoyage de l’âme et renforce la résistance de l’utilisateur contre la maladie et les politiques babyloniennes.

La maladie est considérée comme prenant racine dans la séparation de Jah (Dieu) et de la pensée, dans la séparation des mots et des actes. L’usage de la dagga facilite l’accès à certains savoirs en raison des états de conscience altérés qu’elle procure et qui sont hautement valorisés et associés à la sagesse. L’atteinte de ces états de conscience altérés suscite l’émergence d’intuitions remarquables quant aux usages des plantes (Kroll, 2006, p. 241). Ces inspirations peuvent se révéler sans la consommation de dagga, mais l’absorption de cette dernière facilite l’accès aux intuitions, un accès encore accentué lorsque combiné à la musique.

L’état visionnaire engendré par la dagga permet en quelque sorte d’atteindre la conscience « I-and-I » (je et je) au fond du mouvement, soit : « la fusion de l’individu avec toutes les forces de la nature, la réalisation que toute vie coule de la même source, et l’élimination de la distance entre l’interne et l’externe, entre sujet et objet » (Yawney, 1978, p. 216, traduction libre). Certains rapprochements peuvent être établis entre cet état de conscience « I-and-I » recherché et des pratiques récentes en sciences sociales actuelles où l’on tend vers une conscience « I-am-I » (je suis je) ; c’est-à-dire qui renvoie au réflexe privilégiant l’indétermination, en ramenant les personnes au coeur de leurs recherches, diminuant ainsi la distance entre le sujet et l’objet. Beck et coll. (1994) expliquent comment la modernité réflexive actuelle « I-am-I » tend à ne plus séparer le sujet de l’objet par contraste avec une modernité précédente qui peut se décrire comme étant une conscience « I think therefore I am » (je pense alors je suis), voulant refléter la vérité de manière directe, objective en séparant le sujet de l’objet. Lash (2003) ainsi que Latour (1991) insistent sur la nécessité d’inclure le rôle des technologies dans les relations réflexives : les technologies jouant toujours un rôle médiateur entre les sujets et les objets, constituant plutôt, pour Latour, des quasi-objets et des quasi-sujets. Ce processus s’éloigne de la quête d’objectivisme de la modernité précédente. Latour (1991) dit que cela a toujours été ainsi, que nous n’avons jamais été modernes et devons parler d’objectualisme plutôt que d’objectivisme. Cette théorie et approche réflexive (Laplante, 2004) rappelle que la personne ou le chercheur ne peut se distinguer de son objet de recherche et apprend plutôt avec ce dernier dans une relation réflexive. La crise des représentations en anthropologie dans les années 1980 s’est largement tournée vers ce type d’approche de pratique. Cette manière de penser, d’agir et de connaître se rapproche nettement des savoirs tels que signifiés par les rastafaris tout en s’en distinguant cependant. La conscience « I-and-I » rasta ira dans le sens de la transcendance incorporée de la relation entre sujet et objet ; le remède ne fonctionne donc pas sans elle.

Cette épistémologie relationnelle lie plutôt les rastafaris aux amagqirhas Xhosa. C’est dans un même mouvement, dans un lien nécessaire avec la terre et les racines ancestrales que s’unissent les « Noirs » et les « Coloureds » dans leur quête de dignité africaine. La culture « authentique » africaine demeure le moyen de défense principal du mouvement rastafari au Cap. Les « médecins de brousse » rastas du Cap (Kroll, 2006, p. 241) se réfèrent aux racines Khoïsan comme source de leurs savoirs. Les Khoïsan sont les « premiers habitants » de la péninsule sud-africaine aussi connus sous le nom de « bushmen du Kalahari » ou « San ». Le Cap étant constitué d’une pluralité de systèmes de santé traditionnels hybrides, les savoirs Khoïsan sont transmis par des aînés coloured (Ferreira, 1987). Les amagqirhas font toujours appel aux ancêtres dans leurs pratiques de guérison, ancêtres qu’ils invitent à pénétrer leurs corps à l’aide des sons répétitifs des tambours. La dagga et d’autres plantes auraient aussi été utilisées par des guérisseurs africains, bien que cette pratique qui serait propre aux guérisseurs de l’Afrique de l’Ouest n’ait reçu que peu d’attention spécifique (Warner-Lewis, 1993, p. 113).

Le paradigme objectiviste, l’épistémologie moderniste ou positiviste propre du Babylone contre lequel le mouvement rastafari s’est levé, sépare le sujet de l’objet; savoir dans cette épistémologie signifie « avoir, acquérir, appliquer et améliorer des représentations de choses dans le monde ». Il est difficile dans ce paradigme de donner un sens aux personnes qui « parlent aux choses, ou chantent, ou dansent ou socialisent d’autres manières » (Bird-David, 1999, p. S77, traduction libre). Il est plus facile de le faire dans une épistémologie réflexive, « objectualiste » ou de la performance. Savoir, dans l’épistémologie relationnelle, c’est développer des habiletés, des manières d’être dans le monde avec d’autres choses, c’est être conscient de son environnement et de soi-même de manière ouverte et enrichissante. Savoir, dans cette épistémologie, consiste à maintenir des relations avec les personnes de l’entourage (id., p. S78), mais aussi avec les ancêtres et la terre qui procure les plantes et les savoirs qui lui sont liés.

La dagga et la société sud-africaine

En lien avec les savoirs scientifiques objectivistes, les herboristes rastafaris et les amagqirhas Xhosa du Cap, de même que des scientifiques s’occupant de la complexité de la vie, rappellent que :

Pour comprendre la nature de la vie, il n’est pas suffisant de comprendre l’ADN, les protéines et d’autres structures moléculaires qui sont les blocs de construction des organismes vivants, parce que ces structures existent également dans les organismes morts, par exemple dans un morceau de bois ou d’os mort.

Capra, 2005, p. 33, traduction libre

Le savoir médical reconnaissant l’efficacité d’un médicament sur le corps se base sur des représentations biologiques, tout comme le savoir botanique reconnaissant et classifiant l’A. afra se base sur des représentations biologiques de la plante. Les savoirs des amagqirhas et des rastafaris se fondent, quant à eux, sur leur manipulation des plantes, la reconnaissance d’une plante comme remède se base sur une relation entretenue avec cette plante dans ses diverses manifestations.

Dans le cas de la vérification de l’A. afra comme plante médicinale reconnue, ces fondements épistémologiques divergents s’illustrent bien alors que pour la préparation de l’essai clinique randomisé (ECR), il est nécessaire de trouver une certaine constance ; ce procédé soulève parallèlement les enjeux environnementaux liés aux herbes. Afin de mener l’ECR qui rendra légitime la valeur thérapeutique (et légale) d’une plante dans les circuits de santé globale, il importe, entre autres, que cette plante ait été cultivée à un endroit déterminé, dans le cas de l’A. afra, la plante est cultivée chez Grassroots Group Inc. par un fermier unique. Selon le biochimiste de TICIPS, les pratiques du fermier auraient une influence sur les propriétés de la plante. Le fermier de Grassroots Group Inc. explique, pour sa part, que les amagqirhas refusent de se procurer l’A. afra qu’il cultive, car ils considèrent que la plante ainsi cultivée a perdu sa « vie » et donc son efficacité. Alors que les experts scientifiques recherchent un élément constant d’une plante homogène aseptique, les guérisseurs et les rastafaris recherchent la « vie » de la plante dans son environnement et dans ses liens ancestraux, laquelle serait perdue lorsque la plante est manipulée par un fermier et ainsi désarticulée et homogénéisée. La médiation biotechnologique semble ici obscurcir les relations entre le guérisseur et la plante, une médiation qui ne semble pas affecter l’efficacité de la dagga de la même manière cependant.

Ainsi, la dagga manipulée biotechnologiquement qui arrive de l’Europe par diverses voies ne pose pas ce problème pour les rastafaris. Comme l’A. afra, la dagga se trouve à l’état sauvage, semi-sauvage dans la cour d’une majorité de rastafaris ainsi qu’à l’état cultivé. Ces variances ne semblent pas pour autant déstabiliser les rastafaris qui, lorsqu’il s’agit de la dagga, sont plutôt préoccupés par la lutte pour y avoir accès que par les qualités elles-mêmes de la plante. Les autres herbes qu’ils vendent sont par ailleurs toutes cueillies à l’état sauvage, les rastafaris prenant grand soin de s’assurer de leur rendement durable ; il est cependant possible de retrouver certaines teintures et capsules de plantes transformées par des firmes jamaïcaines dans les maisons de certains rastafaris. Dans le cas de la dagga, certains rastas maîtrisent déjà le marché dans des boutiques du centre-ville de Cape Town qui rappellent les coffee shops d’Amsterdam. La dagga et la technologie s’entremêlent dans cet « objectualisme » dont parle Latour (1991) et l’on peut parler de quasi-objet hybride de nature et de culture. La dagga cultivée ou manipulée génétiquement maintient sa « vie » ou son efficacité dans son rôle de bénédiction malgré ses transformations biotechnologiques. Les réseaux informels périphériques des circuits légaux de « Babylone » assurent peut-être « l’authenticité » de la dagga sous ses multiples formes. La dagga perdure comme herbe sacrée des rastafaris, comme elle le demeure dans les traditions brahmaniques en Inde en vue de l’avancement philosophique, un peu aussi à l’image des plantes savantes utilisées par les chamanes amazoniens pour savoir comment guérir (Laplante, 2004). Isoler la dagga (comme dans le cas de l’A. afra et de toute autre plante médicinale par ailleurs) de ses savoirs traditionnels et la représenter à l’intérieur d’autres complexes culturels posent un risque, et l’incompréhension peut être complète à moins d’un réajustement capable d’inclure de nouvelles formes d’expertises et d’épistémologies.

C’est là que se jouent certains des enjeux sociaux fondamentaux difficilement traduisibles entre ces deux formes de savoirs, à savoir les savoirs dits scientifiques et les savoirs d’ordre traditionnel. La « vie » pour l’ingénieur génétique est modelée sur le déterminisme et sur sa valeur prédictive (Shiva, 1997, p. 22), alors que d’autres verront l’indéterminisme et l’imprévisibilité comme des caractéristiques des organismes vivants et de la manipulation des organismes vivants. Dans le cas de la dagga, une approche réductionniste fait en sorte qu’il n’est pas possible d’en reconnaître l’utilité médicale que lorsqu’un de ses principes actifs (au niveau moléculaire) est associé à une condition biologique particulière, comme dans le cas du glaucome au Canada. La dagga et son rôle de source de savoir valable au sein du complexe rastafari sont intrinsèquement liés à une manière de vivre, à une philosophie et à ses pratiques, et sont difficilement reconnaissables dans le registre biomédical. L’usage de la dagga tombe davantage dans le registre criminel, soit au Canada, soit ailleurs dans le monde comme en Afrique du Sud.

L’acceptation de l’usage de la dagga s’implante lentement aujourd’hui dans des cas particuliers tel celui d’un jugement récent de la Cour suprême de Cassatia italienne qui a permis la possession personnelle de marijuana à un musicien reggae condamné à 16 mois de prison par une cour inférieure à Perugia. Le jugement de la Cour reconnaît que la religion rastafari puisse considérer l’utilisation de la marijuana comme étant un sacrement et que ses membres en possèdent (Stewart, 2008, traduction libre). Mais, d’autre part, l’Afrique du Sud qui rassemble l’un des plus grands nombres de Rastafaris dans le monde continue de s’insurger contre les demandes des rastafaris[5]. Bien que la plupart des rastas sud-africains que j’ai connus ont été arrêtés par la police maintes fois, le respect mutuel des diversités de pratiques entre amagqirhas et rastafaris, mais aussi entre les Afrikaans et les Anglais, est généralement de mise. Ce respect des différences a conduit certains rastafaris à aller en Cour pour se défendre d’une accusation de possession de dagga en évoquant des motifs religieux. Ce motif a été rejeté à la Cour constitutionnelle de l’Afrique du Sud par cinq votes contre quatre. L’avocat des rastafaris a déclaré à la BBC que « la question principale dans ce cas n’est pas vraiment le cannabis, mais l’humanité et la dignité qui doivent être accordées au peuple rastafari comme première nation ou peuple autochtone de ce pays » (Prince, 2002, traduction libre).

Le mouvement rasta exprime un mécontentement face à une manière d’être actuelle et propose une meilleure voie pour parcourir son existence. Le mouvement constitue moins un geste de résistance qu’un geste alternatif au contexte sud-africain et global actuel. Les enjeux médico-légaux et environnementaux se retrouvent au coeur de la problématique rasta et c’est dans les manières d’envisager les solutions que les antagonismes naissent à ce niveau. C’est à l’intérieur de cette dynamique d’opposition et de divergence dans les manières de gérer la santé et d’accéder aux ressources naturelles que la dagga devient un symbole de relations de pouvoir, un symbole de l’exclusion de certaines sphères de la société nationale sud-africaine et globale, mais aussi un symbole d’inclusion dans d’autres sphères de la société nationale et globale sud-africaine.

Les rastas du Cap exercent un métier et font un choix de vie en devenant cueilleurs de plantes et dispensateurs d’herbes pour les soins de santé, ils dépendent de la gestion des ressources et à la conservation de la biodiversité tout en y prennant part. Ces enjeux demeurent très actuels au Cap aujourd’hui et le mouvement rasta y est associé dans des projets tels que celui du Tourisme Knysna, invitant les visiteurs à se familiariser avec la culture rastafari. Ce projet est mené en coopération avec les projets « Working for Water » et SANParks. L’initiative de la « Marijuana Trail », dans le but d’attirer de jeunes voyageurs (Dickson, 2000), indique également les liens entre le mouvement rastafari et l’industrie touristique nationale. Aussi, la pratique d’herboriste en plantes sauvages se lie de plus en plus à un marché international axé sur une demande accrue pour des remèdes de la terre ou remèdes « sauvages », une demande provenant particulièrement de l’Europe. C’est peut-être de cette manière que les rastafaris sud-africains se trouvent intimement liés aux herbes et aux racines particulières de l’Afrique du Sud, mais aussi au mouvement mondial voulant rendre justice aux peuples opprimés; il faut penser ici à la revitalisation des médecines traditionnelles qui émerge sous divers fronts. C’est là aussi que de nouvelles anthropologies mondiales ou autochtones rassemblent leurs efforts pour réclamer la diversité des épistémologies de savoirs en sciences sociales et au-delà.

Conclusion

Dans cet article, j’ai voulu démontrer comment les plantes médicinales s’ancrent à l’intérieur du complexe socio-culturel rasta sud-africain. L’angle particulier sous lequel j’ai conduit cette recherche a permis d’en comprendre certains contours. Poser le même regard ethnographique sur les pratiques entourant la quête d’efficacité scientifique que sur les pratiques adoptées par les rastas, à titre de savoirs traditionnels, amène à voir les articulations et les désarticulations entre les savoirs. Ce tour d’horizon sur l’A. afra a permis l’acquisition de savoirs sur la dagga en plus de faire connaître celle-ci comme une plante servant l’éthos rastafari. Les enjeux de savoirs et de pouvoirs qui se profilent autour de l’A. afra, et plus particulièrement autour de la plante dagga, se situent ici à l’intérieur des grandes lignes de la philosophie rasta et dans le contexte sud-africain. Dans ce contexte, la dagga y tisse des liens entre divers éléments de ce mouvement de manière synergique avec la musique, la philosophie et les origines africaines, des liens qui s’intensifient dans leurs liens avec d’autres groupes d’acteurs dans le contexte bio-médico-légal sud-africain et mondial. La réduction de la dagga, et d’autres plantes médicinales, à ses principes actifs biomoléculaires se montre limitative pour comprendre son efficacité. C’est entre autres de cette manière que la consommation de la dagga peut se faire crime, soit en la désarticulant de ses relations au complexe rastafari qui lui donne sens et utilité. Le mouvement rasta s’articule par ailleurs autour de plusieurs autres courants à la fois théorique (l’approche de réflexivité en sciences sociales) et pratique (les mouvements de revendications de justice sociale). Enfin, ces diverses observations m’amènent à considérer l’efficacité des remèdes en rapport direct avec les savoirs qui leur donnent leur utilité. Les tendances observées et centrales aux négociations en cours au sein des processus des essais précliniques mènent d’un côté vers une manipulation optimale de la vie moléculaire de la plante et, d’un autre côté, vers la « revisite » de la politique de « vie » de toute plante. Cette révision appelle à s’ouvrir sur de plus amples complexités dont celles provenant des savoirs autochtones qui proposent des compréhensions plus relationnelles de l’efficacité des remèdes, et comme l’exhibent clairement les herboristes rastafaris. Le remède, semble-t-il, a besoin de son contexte.