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Introduction

Selon l’American Psychiatric Association, le trouble de déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) affecte 5,0 % des enfants et 2,5 % des adultes dans le monde (APA, 2015). Ce trouble neuro-développemental est décrit comme une tendance persistante des symptômes d’inattention ou d’hyperactivité/impulsivité interférant avec le développement de l’individu (APA, 2015). Dans 60 à 80 % des cas, ces symptômes présents à l’enfance persistent à l’âge adulte (Childress et Berry, 2012). Selon Biederman, Petty, Small et Faraone (2010), une majorité d’adultes continue de présenter un nombre important de symptômes liés au TDAH, ce qui cause d’importants dysfonctionnements dans plusieurs sphères de vie. Ces personnes ont tendance à adopter des comportements à risque tels des comportements dangereux liés à la conduite d’un véhicule à moteur, des comportements oppositionnels ou antisociaux qui peuvent entraîner des problèmes importants sur les plans de la santé, des relations interpersonnelles ou des problèmes légaux, des comportements risqués sur le plan sexuel, etc. (Barkley, Fischer, Smallish et Fletcher, 2004 ; Flory, Molina, Pelham, Gnagy et Smith, 2006 ; Wilens, Biederman et Spencer, 2002). Plus particulièrement, sur le plan des comportements à risque liés à la consommation de substances psychoactives (SPA), des travaux ont démontré que la probabilité de développer une consommation de substances problématique s’avère plutôt élevée dès l’adolescence pour ces individus (Barkley et al., 2004 ; Molina, Marshal, Pelham et Wirth, 2005 ; Wilens et al., 2008). Une méta-analyse montre également que les individus présentant un TDAH à l’enfance présentent un risque plus élevé de développer des troubles liés à la consommation de substances, y compris ceux liés à la consommation d’alcool (Lee, Humphrey, Flory, Liu et Glass, 2011). Concernant spécifiquement les étudiants de niveau postsecondaire ayant un TDAH, les connaissances scientifiques demeurent limitées, et ce, en dépit du fait que le nombre d’étudiants signalant avoir ce trouble dans les établissements postsecondaires québécois explose depuis la dernière décennie (Association québécoise interuniversitaire des conseillers aux étudiants en situation de handicap [AQICESH], 2016). Pour combler les lacunes de la littérature concernant la situation des étudiants ayant un TDAH dans les établissements postsecondaires québécois, cette étude documente l’usage de la consommation d’alcool et de drogues chez cette population et explore les domaines fonctionnels spécifiques liés au TDAH (famille, travail, études, aptitudes à la vie quotidienne, concept de soi, fonctionnement social, comportement à risque) afin de clarifier l’influence de la consommation de SPA sur le fonctionnement adaptatif de ces étudiants.

Étudiants postsecondaires ayant un TDAH

Les progrès dans l’utilisation et l’efficacité des interventions psychosociales et pharmacologiques ainsi que le soutien législatif accru ont, entre autres, rendu l’enseignement supérieur plus accessible aux étudiants ayant un TDAH (Thome et Reddy, 2009 ; Weyandt et DuPaul, 2006). La proportion réelle d’étudiants postsecondaires répondant à des critères diagnostiques complets pour le TDAH est actuellement inconnue. Cependant, les recherches américaines estiment que la prévalence actuelle du TDAH chez ces étudiants serait d’environ 2 à 8 % (DuPaul, Weyandt, O’Dell et Varejao, 2009 ; Davis, Takahashi, Shinoda et Gregg, 2012). Au Canada, on estime ce taux à 7,11 % (Yallop et al., 2015). De plus, le nombre d’étudiants ayant cette condition et recevant des accommodements dans les universités américaines est d’environ 25,0 % (Wolf, Simkowitz et Carlson, 2009). Frazier et ses collègues (2007) indiquent que les étudiants ayant un TDAH et poursuivant des études postsecondaires ont des niveaux de compétences scolaires plus élevés, de plus grands succès scolaires dans le passé et de meilleures stratégies d’adaptation que les jeunes adultes du même âge avec un TDAH, mais qui ne fréquentent pas un établissement postsecondaire. Ainsi, la population des étudiants de niveau postsecondaire avec un TDAH représente probablement un sous-groupe unique d’individus avec le trouble, ayant jusqu’ici atteint un niveau de fonctionnement académique relativement élevé. Ils ne sont toutefois pas à l’abri de vivre des difficultés ayant des impacts importants sur leur vie.

De manière générale, il est établi que la période coïncidant avec la transition du secondaire vers les études postsecondaires correspond à une phase de développement critique au cours de laquelle les étudiants sont confrontés à plusieurs défis nécessitant des stratégies d’adaptation majeures. En effet, ils sont confrontés à une baisse significative du soutien externe des parents et des enseignants tandis que les exigences environnementales augmentent (Schulenberg, Sameroff et Cicchetti, 2004). Par exemple, les étudiants doivent souvent assumer des responsabilités financières, maintenir une bonne santé personnelle et être autonomes sur le plan académique. L’éducation postsecondaire génère également de plus grandes exigences pédagogiques et organisationnelles en contraste avec leur expérience scolaire antérieure. Les horaires de cours irréguliers donnent aussi aux étudiants l’impression qu’ils ont plus de temps libre, ce qui favorise la désorganisation (Landry et Goupil, 2010 ; Meaux, Green et Broussard, 2009). Chez les étudiants ayant un TDAH, les résultats de l’étude de Lagacé-Leblanc, Massé et Plourde (accepté) révèlent que les difficultés d’adaptation sont plus importantes chez les étudiants âgés de 26 ans et plus, comparativement à ceux âgés de 18 à 25 ans. Ainsi, il est certes essentiel de s’intéresser à la période de transition vers l’âge adulte, mais également à l’adulte-étudiant ayant un TDAH, expérimentant lui aussi des difficultés importantes propres à sa situation.

L’adaptation à la vie collégiale ou universitaire pour les étudiants ayant un TDAH présente des défis supplémentaires (Landry et Goupil, 2010 ; Nugent et Smart, 2014) par rapport aux étudiants sans TDAH (Weyandt et al., 2013). Ceux ayant un TDAH sont plus susceptibles d’éprouver des difficultés dans plusieurs domaines fonctionnels (Weyandt et DuPaul, 2008 ; Weyandt et DuPaul, 2013). Plusieurs études avancent, par exemple, que les étudiants avec un TDAH ont un plus grand risque de connaître des difficultés sociales (ex. : plus faibles compétences sociales, conflits plus fréquents), psychologiques (ex. : symptômes dépressifs, instabilité émotionnelle, faible estime de soi) et scolaires que les autres étudiants (DuPaul, Weyandt, O’Dell et Varejao, 2009 ; Overbey, Snell et Callis, 2011 ; Shaw-Zirt, Popali-Lehane, Chaplin et Bergman, 2005 ; Wolf, Simkowitz et Carlson, 2009). Plus précisément sur le plan scolaire, les données disponibles suggèrent que les étudiants ayant un TDAH qui réussissent assez bien pour s’inscrire à l’université obtiennent tout de même des résultats inférieurs à ceux de leurs pairs (Heiligenstein, Guenther, Levy, Savino et Fulwiler, 1999 ; Blase et al., 2009), et ce, même lorsque les étudiants bénéficient d’un traitement pharmacologique (Advokat, Lane et Luo, 2011). Ils auraient davantage de comportements de procrastination ainsi que des difficultés avec l’organisation et la gestion du temps (Advokat et al., 2011 ; Kaminski, Turnock, Rosen et Laster, 2006 ; Weyandt et al., 2013). D’autres difficultés peuvent survenir plus souvent dans la vie des étudiants ayant un TDAH, telles qu’une mauvaise gestion financière, une mauvaise performance au travail, des problèmes judiciaires (Weyandt et Dupaul, 2013) ou liés à l’utilisation de substances que leurs pairs (Blase et al., 2009).

TDAH et consommation de SPA

La comorbidité entre le TDAH et la consommation de SPA[1] suscite de plus en plus d’intérêt clinique, de recherche et préoccupe la santé publique. Les études disponibles utilisent divers concepts se situant sur le continuum de la consommation et allant du faible risque jusqu’aux troubles liés à l’utilisation de SPA (TUS) pour examiner la relation entre le TDAH et la consommation de SPA.

Tout d’abord, la littérature présente des preuves considérables avançant que les individus ayant un TDAH ont un plus grand risque de développer un TUS à un moment de leur vie comparativement aux personnes sans TDAH (Brown, 2013). À ce propos, une méta-analyse incluant 27 études révèle que les individus avec un TDAH sont plus susceptibles de développer un TUS (nicotine, alcool, marijuana, cocaïne) par rapport à un échantillon de personnes sans TDAH (les ratios de cote variant entre 1,7 et 2,82) (Lee et al., 2011). Une deuxième méta-analyse incluant 90 études obtient des résultats semblables avec des ratios de cote variant entre 1,35 et 2,36 pour la nicotine, l’alcool et la marijuana (Charach, Yeung, Climans et Lillie, 2011). Cela dit, les études s’étant intéressées à la prévalence de la consommation d’alcool et de drogues chez les individus ayant un TDAH obtiennent des résultats plus diversifiés. Quelques études (Molina et Pelham, 2003 ; Lambert et Hartsough, 1998 ; Barkley et al., 2008 ; Chilcoat et Breslau, 1999) suggèrent que les adolescents et les adultes avec un TDAH auraient des taux de consommation d’alcool et de drogues plus élevés que les individus sans TDAH, alors que d’autres rapportent des résultats non concluants relatifs à l’association entre le TDAH et la consommation d’alcool et de drogues (Barkley, Murphy et Kwasnik, 1996 ; De Quiros et Kinsbourne, 2001). Les études indiquent toutefois une association plutôt robuste entre le TDAH et le tabagisme (Flory et al., 2003 ; Molina et Pelham, 2003). Les adolescents et les jeunes adultes ayant un TDAH présentent des taux plus élevés de consommation de cigarettes, commencent à fumer à un plus jeune âge et persistent davantage dans le tabagisme et la dépendance à la nicotine à l’âge adulte comparativement à leurs pairs avec peu ou pas de symptômes liés au TDAH (Tercyak et Audrain-McGovern, 2003 ; Barkley et al., 2004). Les résultats de l’étude de Kollins, McClernon et Fuemmeler (2005) ont démontré que les symptômes liés au trouble sont un prédicteur important du risque de fumer et d’un début plus précoce du tabagisme.

Concernant les étudiants, il semble que la période de transition vers les études postsecondaires soit un moment assez critique pour le développement des troubles associés et pour la trajectoire développementale de la personne ayant un TDAH (Klein et al., 2012). Toutefois, peu d’études se sont encore intéressées aux étudiants ayant ce trouble. Celles s’y étant intéressées montrent que chez les étudiants de niveau postsecondaire, le TDAH est associé à des risques plus élevés de développer des problèmes liés à la consommation d’alcool (ex. : binge drinking, difficulté à s’arrêter de boire) et de vivre des conséquences négatives (ex. : avoir la gueule de bois, s’être battu, conduire un véhicule sous l’influence d’une substance, avoir des ennuis avec la police, endommager des biens) (Baker, Prevatt et Proctor, 2012 ; Murphy, Barkley et Bush, 2002 ; Rooney, Chronis-Tuscano et Huggins, 2015). Chez ces étudiants, le TDAH est aussi associé à une plus grande probabilité d’avoir consommé du tabac, du cannabis et des drogues illicites, de les avoir consommés plus tôt dans la vie et de vivre des difficultés liées à cette consommation (Murphy et al., 2002 ; Rooney et al., 2012 ; Rooney, Chronis-Tuscano et Yoon, 2012 ; Upadhyaya et al., 2005).

Aussi, dans l’étude de Baker, Prevatt et Proctor (2012) les étudiants présentant un TDAH rapportent avoir moins de contrôle sur leur consommation d’alcool. En contrepartie, Janusis et Weyandt (2010) ont trouvé de plus faibles taux de « recherche de sensations » et de « consommation d’alcool et de cannabis » chez les étudiants ayant un TDAH comparativement à ceux sans le trouble. Aussi, Rabiner et ses collègues (2008) n’ont pas trouvé de différences significatives quant à la consommation d’alcool entre les deux groupes. Lee et ses collègues (2011) ont noté que de nombreuses études examinant le TDAH et la consommation d’alcool, ne contrôlent pas les problèmes de comportements plus sévères pouvant coexister chez les individus ayant un TDAH. De plus, ils relèvent des variabilités dans la méthodologie des études (ex. : le genre, échantillon clinique vs population, entrevue structurée, questionnaire autorapporté). Ces éléments pourraient expliquer, en partie du moins, les résultats plutôt diversifiés des études. Il est nécessaire que des recherches supplémentaires soient conduites pour éclaircir la relation. D’autant plus que les étudiants présentant un TDAH à l’éducation postsecondaire sont plus susceptibles de faire l’expérimentation de substances (Arnett, 2005 ; Rooney et al., 2012) et d’en faire un usage problématique. Enfin, la consommation d’alcool et de drogues au collège et à l’université est une préoccupation importante qui nécessite de s’y intéresser davantage, car celle-ci est susceptible d’entraver la réussite de l’étudiant et d’entraîner des conséquences durables (Larimer, Kilmer et Lee, 2005).

Objectifs

Cette étude a pour but de développer les connaissances à propos des étudiants ayant un TDAH dans les établissements postsecondaires québécois, notamment concernant leur consommation de SPA. Plus spécifiquement, les objectifs de cette étude exploratoire visent à : 1) explorer les atteintes fonctionnelles liées au TDAH (famille, travail, études, aptitudes à la vie quotidienne, concept de soi, fonctionnement social, comportement à risque) ; 2) examiner les types de SPA privilégiées par les étudiants ayant un TDAH, selon le niveau d’étude, l’âge et le genre ; 3) étudier l’association entre la consommation de SPA et le fonctionnement adaptatif des étudiants ayant un TDAH.

Méthode

Participants

Les participants de l’étude sont des étudiants ayant un diagnostic de TDAH, âgés de 17 à 55 ans (M = 24,1, ÉT = 7,06), provenant de sept cégeps et de deux universités de la province de Québec. L’échantillon se compose de 243 étudiants (72,4 % de femmes et 27,6 % d’hommes), dont 56,4 % étudient dans un cégep et 43,6 % dans une université. Pour participer à l’étude, les participants devaient répondre à deux critères d’admissibilité, soit : (1) avoir un diagnostic officiel de TDAH[2] ; (2) être étudiant dans un collège ou une université participant au projet. En outre, 13 participants ont été retirés de l’échantillon en raison de l’absence d’un diagnostic de TDAH (n = 6) ou en raison d’un trop grand nombre de données manquantes (n = 7). Les répondants pour la plupart à temps plein (91,4 %) et occupaient un emploi pendant leurs études (64,2 %). Parmi ces derniers, une grande proportion l’occupait à temps partiel (88,9 %). De plus, ils habitaient majoritairement, soit en appartement (42,8 %) ou chez leurs parents (41,9 %). Au sujet de la médication pour le traitement du TDAH, 79,4 % des participants prenaient une médication lors de la collecte de données. La prise de psychostimulants à base de méthylphénidates prédominait (42,5 %), suivit des psychostimulants à base d’amphétamines (22,2 %) et des non-psychostimulants (inhibiteur sélectif du recaptage de la noradrénaline) (11,3 %). Certains participants (9,8 %) ont aussi indiqué prendre deux médications pour le traitement du TDAH.

Procédure

Les établissements postsecondaires ont été choisis selon la méthode d’échantillonnage non probabiliste (échantillonnage par convenance). Le recrutement des participants s’est réalisé entre mars et mai 2015. Pour des raisons de confidentialité, le contact avec les étudiants a été effectué par les responsables des services adaptés qui ont invité les étudiants à visiter le site Internet du projet de recherche, où ils pouvaient lire le document de consentement éclairé. Une fois le formulaire électronique de consentement signé, le système demandait aux répondants de créer un compte d’utilisateur et un mot de passe qui servaient de clé unique. La durée du questionnaire était d’environ 20 à 35 minutes. Les étudiants ayant rempli le questionnaire dans son ensemble étaient admissibles à un tirage au sort de deux iPads mini. Les approbations nécessaires liées à l’éthique ont été obtenues auprès du comité d’éthique de l’Université du Québec à Trois-Rivières et des lettres de coopération ont été obtenues auprès des autres collèges et universités participants.

Instruments de mesure

Données sociodémographiques. Le premier questionnaire inspiré de celui d’Advokat, Lane et Luo (2011) portait sur les caractéristiques des participants, notamment leur sexe, leur âge, leur situation de logement, leur niveau d’études, leur statut professionnel, la prise de médication pour le traitement du TDAH ainsi que leur consommation de cigarettes, de boissons énergisantes et de café.

Atteintes fonctionnelles liées au TDAH. La version française du Weiss Functional Impairment Rating Scale — Self-report (Weiss, 2011) a été utilisée pour mesurer les atteintes fonctionnelles liées au TDAH chez l’adulte. Il comporte 70 items devant être répondus sur une échelle de type Likert à quatre points allant de 0 (jamais ou pas du tout) à 3 (très souvent ou de façon grave). La cohérence interne calculée est considérée comme très bonne (a = 0,828), ce qui était similaire à la version originale (a = 0,90). Les items sont divisés en sept échelles de domaine fonctionnel : famille (8  items, a = 0,814) (ex. : Vos problèmes sont une cause de disputes familiales), travail (11 items, a = 0,799) (ex. : Vous arrivez difficilement à exécuter les tâches requises), études (10 items, a = 0,804) (ex. : Vous avez de la difficulté à prendre des notes), aptitude à la vie quotidienne (12 items, a = 0,780) (ex. : Vous avez de la difficulté à vous préparer pour aller au lit), concept de soi (5 items, a = 0,814) (ex. : Vous n’avez pas une bonne opinion de vous-même), fonctionnement social (9 items, a = 0,797) (ex. : Vous vous disputez avec autrui) et comportement à risque (14 items, a = 0,825)[3] (ex. : Vous conduisez dangereusement). Un domaine évalué est considéré comme représentant un impact fonctionnel chez l’étudiant lorsque le score moyen est supérieur à 1,5. Seule exception, pour l’échelle de comportements à risque une moyenne supérieure à 1 est représentative d’un impact fonctionnel. Aussi, toutes les échelles avec au moins deux items ayant un score de 2 ou un item ayant un score de 3 sont considérées comme révélatrices d’une atteinte fonctionnelle.

Consommation d’alcool. Le DÉBA-A – Dépistage/Évaluation du Besoin d’Aide – Alcool (version 1.9) (Tremblay, Rouillard et Sirois, 2009a), permet de détecter et d’identifier le degré de sévérité de la consommation d’alcool chez un individu. Il se compose de 28 items répartis en trois échelles : 1) détection d’une consommation à risque ou problématique d’alcool (3 items ; échelle de Likert en 5 points et questions ouvertes numériques) ; 2) évaluation du degré de dépendance – questionnaire bref sur la dépendance à l’alcool (15 items ; échelle de Likert en 4 points) ; 3) évaluation de la consommation problématique ou abusive – échelle des conséquences de la consommation d’alcool (9 items ; échelle de Likert en 6 points). La cohérence interne (moitié-moitié) se révèle bonne avec un Alpha de Cronbach de 0,85 (Raistrick, Dunbar et Davidson, 1983). Les analyses liées à cette étude tiennent compte seulement des items liés à la détection d’une consommation à risque ou problématique d’alcool. Selon les normes établies (Tremblay et Blanchette-Martin, 2012), la consommation d’alcool se divise en trois niveaux de sévérité de consommation, soit « aucun risque », « généralement à faible risque » et « généralement à risque ». Dans le cadre de l’étude, elle constituait ainsi une variable catégorielle. Une consommation sans risque s’applique aux individus qui n’ont jamais consommé d’alcool dans les 12 derniers mois ou moins d’une fois par mois. Une consommation à faible risque correspond à moins de 11 consommations par semaine pour les femmes ou moins de 16 consommations par semaine pour les hommes, et à 11 épisodes et moins de consommation intensive (binge drinking) par année (femmes et hommes). Enfin, une consommation à risque d’alcool se rapporte à 11 consommations et plus par semaine pour les femmes ou à 16 consommations et plus par semaine pour les hommes, et à 12 épisodes et plus de consommation intensive (binge drinking) par année (femmes et hommes).

Consommation de drogues. Le DÉBA-D – Dépistage/Évaluation du Besoin d’Aide – Drogues (version 1.8) (Tremblay, Rouillard et Sirois, 2009b), permet de détecter et d’identifier le degré de sévérité de la consommation de drogues chez un individu. Il comporte 24 items répartis en trois échelles : 1) détection d’une consommation à risque ou problématique de drogues (9 items ; échelle de Likert en 5 points) ; 2) évaluation du degré de dépendance – échelle de sévérité de la dépendance (6 items ; échelle de Likert en 4 points) ; 3) évaluation de la consommation problématique ou abusive – échelle des conséquences de la consommation de drogues (9 items ; échelle de Likert en 6 points). La cohérence interne de l’instrument apparaît de bonne à excellente selon les échelles avec un Alpha de Cronbach variant de 0,80 à 0,90 (Gossop et al., 1995). Tout comme pour le questionnaire sur la consommation d’alcool, les analyses de la présente étude considèrent uniquement la première partie du questionnaire, soit celle sur la détection d’une consommation à risque ou problématique de drogues. Les normes établies (Tremblay et Blanchette-Martin, 2012) divisent la consommation de drogues en trois niveaux de sévérité de consommations, soit « aucun risque », « généralement à faible risque » et « généralement à risque ». Une consommation sans risque s’applique aux individus qui n’ont jamais consommé de drogues dans les 12 derniers mois. Pour les médicaments sédatifs, la consommation est à faible risque lorsqu’ils sont consommés moins d’une fois par semaine, et si le produit est consommé toutes les semaines, la personne ne dépasse pas sa posologie, consulte un seul médecin à ce sujet et n’en prend pas d’origine non prescrite. La consommation est considérée à risque lorsqu’ils sont consommés une fois par semaine et plus, et si au moins un des trois critères suivants est présent : 1) dépasse la posologie, 2) se procure des médicaments chez plus d’un médecin et 3) consomme des médicaments non prescrits. Pour le cannabis, le seuil est établi à moins d’une fois par semaine pour une consommation à faible risque et à une fois et plus par semaine pour une consommation à risque. En ce qui concerne le PCP, la cocaïne et les opiacés, la consommation est à faible risque lorsque la substance est consommée moins d’une fois par mois et qu’elle n’est pas injectée. La consommation s’avère à risque si l’une de ces drogues est consommée une fois par mois et plus ou si elle est injectée. Enfin, si les hallucinogènes, les autres stimulants et les produits inhalants sont pris moins d’une fois par mois la consommation est à faible risque et s’ils sont pris une fois par mois et plus, la consommation est considérée à risque.

Analyses

Pour vérifier la présence d’une relation entre certaines variables sociodémographiques (le niveau d’étude, l’âge et le genre) et la sévérité de la consommation d’alcool et de drogues, des analyses du chi-carrés ont été effectuées. Aussi, des analyses de la covariance multivariées (MANCOVA) ont été réalisées pour vérifier la présence de différences dans le fonctionnement adaptatif (sept échelles de domaine fonctionnel) des étudiants selon la sévérité de la consommation d’alcool (sévérité de la consommation de drogue comme variable contrôle) et la sévérité de la consommation de drogues (sévérité de la consommation d’alcool comme variable contrôle). Pour éviter les effets de confusion avec le DÉBA-A/D, trois items de l’échelle des comportements à risque ont été retirés du WFIR-S lors des MANCOVA avec la sévérité de la consommation d’alcool et de drogues. Toutes les analyses ont été faites à l’aide du logiciel SPSS (version Statistics 23).

Résultats

Les atteintes fonctionnelles

Le Tableau 1 présente les scores moyens et les écarts-types des différentes échelles de la version française du WFIR-S ainsi que les résultats des tests t pour observations appariées. Les scores moyens montrent que le concept de soi est le domaine de vie présentant le plus d’atteintes fonctionnelles chez les étudiants. Le domaine des comportements à risque est également près du seuil d’atteinte fonctionnelle. Le domaine du travail semble celui ayant le moins d’atteintes.

Tableau 1

Scores moyens et écarts-types des échelles du WFIR-S

Scores moyens et écarts-types des échelles du WFIR-S

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L’usage de substances psychoactives[4]

La consommation d’alcool. Bien que la majorité des étudiants à l’étude ait une consommation d’alcool « généralement à faible risque » (63,4 %) (voir Tableau 2), il n’en demeure pas moins que les indicateurs d’une consommation à risque d’alcool montrent que parmi ceux ayant rapporté avoir consommé au moins une fois de l’alcool depuis la dernière année, 12,9 % ont eu 12 épisodes et plus de consommation intensive (binge drinking). De plus, la consommation d’alcool lors d’une semaine typique de consommation dépassait le seuil de consommation d’alcool pour 20,1 % des femmes et pour 22,0 % des hommes. Les analyses du chi-carré montrent une variation significative de la sévérité de la consommation d’alcool selon le niveau d’étude de l’étudiant (X²(2) = 8,449, p = 0,015). Comme le révèle le tableau 3, une plus grande proportion d’étudiants universitaires présentent une consommation généralement à risque comparativement aux étudiants de niveau collégial. Toutefois, il n’y a pas de différences significatives selon l’âge (X²(4) = 4,384, p = 0,356) et le genre (X²(2) = 2,861, p = 0,239) de l’étudiant.

Tableau 2

Sévérité de la consommation d’alcool selon le niveau d’étude

Sévérité de la consommation d’alcool selon le niveau d’étude

Note. Les proportions partageant la même lettre en exposant sont significativement différentes les unes des autres à p < 0,05.

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La consommation de drogues. Le Tableau 3 montre que dans l’ensemble de l’échantillon, 12,0 % des étudiants ont une consommation de drogues « généralement à risque ». Deux drogues se démarquent pour leur consommation à risque par les étudiants, soit le cannabis et les autres stimulants/speeds. Les résultats concernant la fréquence de consommation de cannabis indiquent que 32,5 % de l’échantillon total ont consommé cette substance au moins une fois dans la dernière année. Plus particulièrement, chez les étudiants ayant consommé au moins une drogue dans la dernière année, 15,8 % ont une consommation à risque de cannabis, ce qui représente 6,5 % de l’échantillon total. Concernant les autres stimulants/speeds, 4 % des étudiants ont une consommation à risque, ce qui représente 10,0 % dans l’échantillon total. Le mode de consommation pour chacune des drogues n’a pu être recueilli en raison des paramètres limités de la plateforme informatisée, toutefois 2,9 % de l’ensemble des étudiants se sont injecté une drogue dans les 12 derniers mois. Enfin, les analyses du chi-carré ne montrent pas de variation significative liée à la sévérité de la consommation de drogue selon le niveau d’étude (X²(2) = 2,987, p = 0,225), le genre (X²(2) = 4,428, p = 0,109) et l’âge (X²(4) = 2,454, p = 0,653).

Tableau 3

Fréquence et sévérité de la consommation de substances psychoactives*

Fréquence et sévérité de la consommation de substances psychoactives*

Note. *Au cours des 12 mois précédant la passation des instruments de mesure.

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L’influence de la consommation d’alcool sur les domaines fonctionnels

Les résultats de la MANCOVA montrent un effet principal multivarié significatif de la sévérité de la consommation d’alcool sur les échelles adaptatives après avoir contrôlé la sévérité de la consommation de drogue (Wilks λ’= F(2,229), 1,792, = 0,037, η2 = 0,053). L’indice de taille de l’effet est grand, ce qui indique que même lorsque la consommation de drogue est contrôlée, il y a une forte association entre les échelles fonctionnelles et la sévérité de la consommation d’alcool (explique 5,3 % de la variance). Les effets intersujets significatifs liés à la consommation d’alcool se manifestent particulièrement pour l’échelle du fonctionnement social (F(2,229), 5,408, = 0,005, η2 = 0,045) et l’échelle des comportements à risque (F(2,229), 4,4355, = 0,014, η2 = 0,037). Sur le plan du fonctionnement social, les analyses a posteriori de Bonferroni (Tableau 4) témoignent de l’existence de différences significatives entre les étudiants ayant une consommation à faible risque d’alcool et ceux sans risque et à risque. Les étudiants ne présentant pas de risque de consommation d’alcool et ceux ayant une consommation à risque manifestent significativement plus de difficultés sociales comparativement à ceux ayant une consommation à faible risque. De plus, sur le plan des comportements à risque, l’analyse a posteriori de Bonferroni indique des différences entre les étudiants ayant une consommation d’alcool à risque et ceux à faible risque. Les étudiants ayant une consommation à risque d’alcool manifestent plus de comportements à risque[5] que ceux ayant une consommation à faible risque.

Tableau 4

Comparaison des moyennes a posteriori pour des échelles du WFIR-S selon la sévérité de la consommation d’alcool

Comparaison des moyennes a posteriori pour des échelles du WFIR-S selon la sévérité de la consommation d’alcool

Note.a Comparaison des moyennes qui diffèrent significativement les unes des autres au test a posteriori de Bonferroni.

*** p < 0, 001 ; ** p < 0,01 ; * p < 0,05.

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L’influence de la consommation de drogues sur les domaines fonctionnels

Selon les résultats de la MANCOVA, il n’y a pas d’effet principal multivarié de la sévérité de la consommation de drogue sur les échelles adaptatives lorsque la sévérité de la consommation d’alcool est contrôlée (Wilks λ’= F(2,229), 1,661, p = 0,061, η2 = 0,050). Néanmoins, les résultats des effets intersujets montrent que l’effet de la consommation de drogues se manifeste pour l’échelle des comportements à risque (F(2,229) = 6,336, p = 0,002, η2 = 0,053). Les analyses a posteriori de Bonferroni (Tableau 5) montrent des différences significatives entre les étudiants ayant une consommation de drogues à risque et ceux à faible et à aucun risque. Ce sont les étudiants à risque sur le plan de la consommation de drogues qui manifestent plus de comportements à risque que ceux présentant les autres types de consommation (faible ou aucun risque).

Tableau 5

Comparaison des moyennes a posteriori pour les échelles du WFIR-S selon la sévérité de la consommation de drogues

Comparaison des moyennes a posteriori pour les échelles du WFIR-S selon la sévérité de la consommation de drogues

Note.a Comparaison des moyennes qui diffèrent significativement les unes des autres au test a posteriori de Bonferroni.

*** p < 0, 001 ; ** p < 0,01 ; * p < 0,05.

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Discussion

La présente étude visait à améliorer les connaissances à propos de la consommation de SPA des étudiants ayant un TDAH dans les établissements postsecondaires québécois. L’étude s’est intéressée aux atteintes fonctionnelles vécues par les étudiants, afin d’examiner l’association entre la consommation de SPA et ces atteintes. De plus, l’étude a voulu explorer les types de SPA privilégiée par les étudiants à l’étude selon différences variables sociodémographiques.

Les atteintes fonctionnelles

D’abord, les résultats témoignent de difficultés fonctionnelles importantes dans le domaine du concept de soi. Ce concept combine l’image de soi et l’estime de soi. Jusqu’à ce jour, peu d’études se sont intéressées aux difficultés liées à l’estime de soi chez cette population. Celles s’y étant intéressées (Dooling-Litfin et Rosén, 1997 ; Shaw-Zirt et al., 2005 ; Tse, 2012) montrent que l’estime de soi est significativement plus faible chez les étudiants avec un TDAH comparativement à ceux n’ayant pas le trouble. Les difficultés associées au TDAH peuvent amener l’individu à l’échec de l’atteinte de certains objectifs (Barkley, 2012), qu’ils soient personnels, académiques ou professionnels et peuvent devenir un facteur contributif au sentiment de découragement et à une faible estime de soi. Sur le plan clinique, il s’avère alors pertinent que les interventions psychosociales soient orientées, entre autres, vers la modification des attitudes pessimistes ou une image de soi négative (Ramsay et Rostain, 2015). Les autres domaines fonctionnels étudiés ne sont pas rapportés comme étant problématiques par les étudiants à l’étude. Cela suggère un fonctionnement adaptatif plutôt bon chez les répondants. Cela pourrait être lié à la proportion d’étudiants prenant une médication pour le traitement du TDAH (79,4 %) au moment de la passation des questionnaires (Lagacé-Leblanc, Massé et Plourde, accepté). Il est bien connu que l’utilisation des psychostimulants pour le traitement du TDAH est efficace pour la réduction des symptômes de base du trouble et favorise une meilleure qualité de vie (Fleming et McMahon, 2012). Aussi, les faibles atteintes fonctionnelles rapportées par les étudiants pourraient supposer qu’ils auraient, entre autres, de bonnes habiletés cognitives et des stratégies de coping efficaces leur permettant de s’adapter aux défis des études postsecondaires (Frazier et al., 2007). Plusieurs autres facteurs positifs, non contrôlés dans la présente étude, pourraient expliquer ce résultat. Par exemple, les réussites scolaires vécues auparavant par les étudiants (Glutting, Youngstrom et Watkins, 2005), l’existence de facteurs de protection relationnels (Meaux, Green et Broussard, 2009), un soutien parental affectif et scolaire (Wilmshurst, Peele et Wilmshurst, 2011) seraient des facteurs de protection liés à un bon fonctionnement chez l’étudiant vivant avec le TDAH.

La consommation de substances psychoactives

Concernant les résultats liés à la sévérité de la consommation de SPA chez les étudiants, il s’avère complexe d’en tirer des conclusions en raison de certaines limites de l’étude. Alors que les résultats de l’Enquête nationale sur la consommation d’alcool et d’autres drogues par les Canadiens rapportent que 36,1 % des jeunes Canadiens âgés de 15 à 24 ans ont une consommation à risque d’alcool (Adlaf, Begin et Sawka, 2005), nos résultats indiquent plutôt que c’est le cas pour 23,9 % des répondants. Cela dit, bien qu’en proportion inférieure, ces jeunes sont tout de même à risque de développer une consommation problématique (Rooney, Chronis-Tuscano et Huggins, 2015), un TUS (Baker, Prevatt et Proctor, 2012), ou de vivre d’autres difficultés. La présence de consommation excessive d’alcool (binge drinking) chez les étudiants de l’étude montre également l’importance de porter une attention aux pratiques de consommation des étudiants ayant un TDAH. D’autant plus qu’au Québec, c’est au sein des 18 à 24 ans que l’on retrouve la plus grande proportion de consommateurs réguliers (83,0 %) et excessifs d’alcool (40,0 %) (Institut de la statistique du Québec, 2011).

En matière de consommation de drogues, nos résultats sont cohérents avec des études montrant que le cannabis est une drogue de choix chez les étudiants postsecondaires ayant un TDAH (Upadhyaya et Carpenter, 2008 ; Van Eck, Markle, Dattilo et Flory, 2014). Aussi, la prévalence d’étudiants de notre étude ayant rapporté avoir fait l’usage du cannabis au cours de la dernière année (32,5 %) est similaire aux prévalences issues de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (Kairouz, Boyer, Nadeau, Perreault et Fiset-Laniel, 2008), rapportant que 38,9 % des individus de 15 à 24 ans ont fait l’usage du cannabis dans la dernière année (Kairouz et al., 2008). Une majorité d’adolescents et de jeunes adultes ayant un TDAH identifient avoir consommé des cigarettes, de l’alcool, de la marijuana et d’autres drogues pour d’autres raisons que la recherche de plaisir (Wilens et al., 2007). Pour la plupart, l’usage de substances serait fait dans le but de gérer ses humeurs et pour s’aider à dormir (Biederman et al., 1997 ; Wilens et Morrison, 2011). À ce sujet, de récentes études suggèrent que certains individus ayant un TDAH s’automédicamenteraient (Young et Sedgwick, 2015 ; Wilens et al., 2007 ; Krause et al., 2002). En dépit du fait que notre étude n’approfondissait pas les raisons sous-jacentes à la consommation, les étudiants québécois de niveau postsecondaire ayant un TDAH vivent des problèmes significatifs liés au sommeil (Lagacé-Leblanc, Massé et Plourde, accepté), ce qui peut appuyer l’existence d’automédication chez les étudiants pour soulager les symptômes liés au TDAH.

L’influence de la consommation à risque de substances psychoactives

De façon générale, les résultats montrent que peu importe les domaines fonctionnels examinés (sept échelles adaptatives) chez les étudiants de notre étude, ceux ayant une consommation à risque d’alcool ou de drogue ont plus d’atteintes fonctionnelles dans leur vie. De façon plus détaillée, les résultats montrent qu’une consommation à risque d’alcool ou de drogues a des effets importants sur les comportements à risque des étudiants ayant un TDAH. Ceux ayant une consommation à risque d’alcool ou de drogues, manifestent significativement plus de comportements à risque (ex. : avoir une conduite automobile dangereuse, avoir des ennuis avec la police, avoir des relations sexuelles non protégées, manifester de l’agressivité physique ou verbale, etc.) que ceux à faible ou à aucun risque. Ces résultats concordent avec plusieurs études révélant ces mêmes problématiques chez cette population (Barkley, Murphy, Dupaul et Bush, 2002 ; Merkel et al., 2016). Aussi, en plus de diminuer la capacité à gérer et à contrôler les réponses impulsives, les symptômes du TDAH chez les étudiants universitaires, peuvent augmenter la probabilité de s’engager dans des habitudes de vie plus à risque, d’avoir une conduite de véhicules moteurs dangereuse, ainsi que des comportements financiers risqués (Graziano et al, 2015). Les comportements de consommation excessive (binge drinking) observés chez les étudiants à l’étude pourraient avoir un rôle important dans l’adoption de conduite à risque en agissant comme un désinhibiteur (Abbott-Chapman, Denholm et Wyld, 2008). Cette pratique de consommation, souvent caractéristique au contexte des études postsecondaires, favorise l’émergence et le maintien des conduites à risque chez les étudiants. Par conséquent, il est d’autant plus important d’agir en prévention auprès des étudiants ayant un TDAH.

Les résultats révèlent également que les étudiants n’ayant pas consommé d’alcool dans la dernière année (aucun risque) et ceux ayant une consommation à risque ont davantage de difficulté sociale que les étudiants à faible risque sur ce plan. Ce résultat est cohérent avec les résultats de Nehlin et ses collègues (2015), soulignant que les individus faisant l’usage de substances apportant un calme intérieur (ex. : soulagement de l’agitation interne) étaient perçus comme facilitant l’interaction sociale (ex. : amélioration de la concentration). Toutefois, les traits de désinhibition sont plus souvent identifiés comme un facteur pouvant contribuer à des taux plus élevés de conséquences négatives liées à l’alcool chez les étudiants avec le TDAH (Rooney, Chronis-Tuscano et Huggins, 2015). La forte association entre le TDAH et les difficultés sociales documentées chez les enfants (Barkley, 2005) n’a pas encore été démontrée de façon évidente dans les travaux auprès des étudiants. Les recherches étant relativement limitées (Heiligenstein et al., 1999 ; Blase et al., 2009 ; Shaw-Zirt et al., 2005), il serait pertinent dans le futur de s’intéresser plus en profondeur à la sphère sociale chez les étudiants ayant un TDAH pour mieux comprendre l’influence de la consommation de substances dans les interactions sociales.

Enfin, considérant l’arrivée massive d’étudiants ayant un TDAH dans les établissements postsecondaires (AQICESH, 2018) et leurs différents besoins, il importe que davantage d’études s’intéressent à la consommation de SPA chez ce groupe, en regard des risques liés à celle-ci.

Conclusion

En résumé, les résultats de cette étude suggèrent que les étudiants de niveau collégial et universitaire ayant un TDAH ont des atteintes fonctionnelles généralement faibles, à l’exception du domaine lié au concept de soi qui apparaît plus problématique. À cet égard, les difficultés vécues sur le plan du concept de soi soulèvent l’importance de promouvoir les interventions psychoéducatives auprès de la population à l’étude. D’autant plus que chez ces derniers, la prise d’une médication pour le TDAH n’influence pas le domaine du concept de soi (Lagacé-Leblanc, Massé et Plourde, accepté). Considérant cela, il pourrait être justifié d’envisager des interventions de type psychosocial pour cette population cible. Il serait aussi intéressant d’explorer les trajectoires développementales des étudiants ayant un TDAH afin de dégager s’il existe des profils plus ou moins à risque d’éprouver des difficultés dans la poursuite de leurs études ou d’autres difficultés d’adaptation, notamment sur le plan de la consommation. La présente étude souligne également l’importante influence d’une consommation à risque d’alcool ou de drogues sur la vie des étudiants. À l’ère des boissons à forte teneur en alcool, très populaire chez les jeunes et qui favorisent la consommation excessive et les pertes de conscience ou à l’entrée en vigueur de la légalisation du cannabis au Canada, il est important de réfléchir aux actions pouvant être faites auprès des populations vulnérables, dont les étudiants ayant un TDAH. Notre étude montre l’importance de poursuivre les efforts de sensibilisation dans les établissements postsecondaires concernant l’influence d’une consommation à risque sur les comportements à risque. Aussi, le dépistage des problèmes de consommations chez les étudiants ayant un TDAH apparaît comme une piste d’intervention intéressante (Philipsen et al., 2014).

Limites

La présente étude comporte plusieurs limites qui doivent être prises en compte lors de l’interprétation des résultats. La plus importante limite est l’absence d’un groupe contrôle, permettant de comparer les étudiants ayant un TDAH à leurs pairs sans TDAH. Aussi, les étudiants de l’étude étaient tous inscrits au service adapté de leur établissement. Ils pouvaient donc bénéficier de mesures pédagogiques pour les soutenir, ce qui a pu influencer positivement le fonctionnement adaptatif. Comme la collecte de données s’est réalisée uniquement auprès des étudiants ayant un TDAH connu, nos résultats ne peuvent s’appliquer à ceux ayant un TDAH et n’étant pas inscrits dans les services aux étudiants.

L’utilisation d’un questionnaire Internet pour recueillir des données permet un accès facile à un grand nombre de participants à un faible coût et réduit l’effet de la désirabilité sociale. Cependant, des recherches qualitatives devraient être menées afin d’approfondir les connaissances auprès de cette population. Aussi, les recherches futures devraient inclure d’autres sources d’information (questionnaire des parents, révision des dossiers scolaires, etc.) pour enrichir et appuyer les informations autodéclarées des étudiants. Des devis longitudinaux permettraient également une compréhension plus approfondie de l’association entre la consommation de SPA et le fonctionnement adaptatif des étudiants ayant un TDAH, notamment les facteurs influençant la consommation de SPA durant le parcours scolaire postsecondaire. Plusieurs facteurs n’ont pas pu être contrôlés dans l’étude. En effet, des variables telles que l’intelligence (QI), la fatigue cognitive résultant de la longueur du questionnaire et des informations sur le diagnostic complet n’ont pu être recueillies. De plus, aucune information n’a été recueillie pour vérifier si les étudiants sous médication respectaient leur posologie ou s’ils ne l’utilisaient que pendant la semaine ou pendant la période d’examen.

Les données concernant le genre des étudiants ayant un TDAH dans les établissements postsecondaires ne sont pas disponibles, ce qui permet difficilement d’expliquer la proportion élevée de participants de sexe féminin à l’étude. Cela pourrait cependant être dû au fait qu’un plus grand nombre de femmes compose l’effectif collégial et universitaire au Québec (Ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, 2015). Enfin, l’écart d’âge de l’échantillon est aussi une limite importante dans notre étude, car certains étudiants ne représentent pas le profil d’âge typique de l’étudiant âgé de 17 à 24 ans. Cela dit, en 2012, les données du ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Rercherche (2015) indiquent que 42,58 % des étudiants universitaires étaient âgés de 25 ans et plus. Il s’avère donc important de mener davantage d’étude auprès des étudiants, de tous âges confondus, afin de documenter les différences selon l’âge des différents groupes d’étudiants.