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Introduction

Les questions d’appartenance et de mémoire familiales dans un contexte de recomposition familiale[1] ont été jusqu’à présent, à notre connaissance, délaissées par la sociologie de la famille. Pourtant, il semble intéressant de se demander en quoi l’expérience de la pluriparentalité, c’est-à-dire le partage des fonctions et des rôles parentaux entre plusieurs personnes (Le Gall et Bettahar, 2001 : 6-7), modifie le rapport aux lignées et aux mémoires familiales. Certes, au sein d’une famille biparentale classique, chacun des deux parents transmet une mémoire – celle de sa lignée et/ou la sienne. Mais la recomposition familiale ne fait qu’accentuer cette tendance de pluralité : le beau-parent gardien[2], avec qui l’enfant vit au quotidien, est porteur d’une histoire familiale et individuelle supplémentaire susceptible de lui être transmise.

Par ailleurs, la pluriparentalité conduit à interroger le rapport subjectif aux lignées[3] et les relations entre filiations. S’agit-il de relations d’homologie – les lignées parentales et beau-parentales faisant l’objet d’un investissement symbolique équivalent –, de substitution – l’imaginaire de la lignée beau-parentale remplaçant celui, défaillant, d’une lignée parentale –, de complémentarité – la lignée beau-parentale étant une ressource où puiser des références familiales et identitaires manquantes – ou, enfin, de hiérarchie? Comment s’élabore le sentiment d’appartenance familiale de l’enfant confronté à une pluralité de lignées et de mémoires? Plus précisément, la lignée beau-parentale fait-elle l’objet d’un investissement symbolique comparable à celui des lignées parentales?

La mémoire familiale renvoie à deux types de mémoire distincts : celle héritée des ascendants, qui concerne les générations antérieures à soi, et qu’à son tour on transmet à ses descendants; et celle, à primat autobiographique, élaborée à partir de ses propres souvenirs, qui peut elle aussi faire l’objet d’une transmission. On verra d’abord que c’est surtout une mémoire égocentrée qui fait l’objet d’une transmission intergénérationnelle. Mais si l’évocation de ses souvenirs est spontanée et informelle aussi bien pour les parents que pour les beaux-parents gardiens, le contenu de cette mémoire intime n’est pas le même : la transmission d’une mémoire négative et le récit d’anecdotes ayant une portée pédagogique ponctuelle sont plus rares chez les beaux-parents. Enfin, nous montrerons que la lignée beau-parentale ne nourrit pas un sentiment d’appartenance familiale. Le bel-enfant inclut son beau-parent gardien dans sa mémoire intime, sans s’inscrire lui-même symboliquement dans la lignée beau-parentale.

1. Une mémoire à primat autobiographique

Si les enquêtés reconnaissent qu’il y a eu transmission d’un héritage parental et beau-parental, ils décrivent plus souvent un héritage symbolique qu’un patrimoine matériel. Les transmissions matérielles – surtout liées aux successions – sont rares, du fait de l’âge relativement jeune des parents et beaux-parents gardiens. De la part des parents et beaux-parents, sont majoritairement évoqués les cadeaux achetés à l’occasion d’anniversaires et de fêtes. À cela s’ajoute, mais principalement de la part des parents, gardiens ou non, la transmission d’objets à valeur sentimentale. Ces objets sont liés à leur histoire personnelle et non à celle, plus large, de leur lignée – ce qui suggère que la mémoire s’appuyant sur un support matériel a une faible profondeur généalogique. Par exemple, une enquêtée âgée de 25 ans se rappelle les compas que son père gardien utilisait à l’école, enfant, et qu’il lui a donnés quand elle-même était au collège. Ce type de transmission à forte valeur affective est le support d’une mémoire intime dont il faut se montrer digne. D’où le sentiment d’embarras de l’enquêtée, qui estime ne pas avoir suffisamment pris soin des compas :

Je m’en suis voulu parce que je les ai ruinés après. C’est ça qui est horrible : j’ai pas du tout respecté en fait. Je m’en veux encore. Ça, c’est le côté consommateur effréné. J’ai pas compris la valeur historique que ça avait [...] Moi j’ai pris ça comme quelque chose d’utilitaire. Et c’était pas du tout utilitaire.

Ces transmissions d’objets symboliques, rares, viennent surtout des parents et s’appuient sur un lien de parenté dyadique davantage qu’elles ne renvoient à une histoire familiale plus ancienne. L’une des explications que l’on peut avancer concernant l’absence de transmissions matérielles de la part du beau-parent gardien est liée au statut parental de celui-ci : il remet probablement ce type d’objets, dont la valeur affective accordée varie précisément selon la nature et la qualité du lien, à ses propres enfants plutôt qu’à ses beaux-enfants[4]. Ainsi, l’implication du beau-parent dépend aussi de sa trajectoire biographique, et notamment de son expérience parentale (Blöss, 1997 : 111). Soulignons toutefois qu’il n’est pas anodin que ce type de transmission apparaisse incongru aux yeux des beaux-enfants qui jugent « normal » de ne pas être en possession d’objets liés au passé de leur beau-parent gardien – comme le laisse penser la fréquence des réactions d’étonnement de nos enquêtés sur ce point.

De même que les supports matériels de mémoire familiale sont peu nombreux à être transmis, les récits relatant l’histoire familiale sont eux aussi peu fréquents. D’une façon générale, les enquêtés disent avoir peu de curiosité pour leurs ascendants et demandent rarement à en savoir plus. Ils ont par conséquent une connaissance souvent approximative de l’histoire familiale. Il s’agit sans doute d’un effet d’âge, certaines périodes de la vie, comme la naissance d’un enfant, étant plus propices aux questionnements sur l’identité familiale que d’autres (Le Pape, 2005). Bertrand, 40 ans, dont la mère gardienne est décédée en 1988, regrette ainsi de ne pas l’avoir questionnée davantage : « Elle est morte, j’étais quand même… J’avais 22 ans, donc j’étais pas à un âge où ça m’intéressait beaucoup. J’en avais pas grand-chose à cirer. »

Vis-à-vis des beaux-parents, on observe un désintérêt similaire, voire accru. Ainsi, Jean, 26 ans, a vécu avec son beau-père de 3 à 19 ans et le considère « comme un père ». D’ailleurs, il appelle « papa » aussi bien son père non-gardien que son beau-père. Malgré cette proximité, il constate que le passé de son beau-père le laisse indifférent : « J’ai dû lui poser des questions sur certains trucs, mais [...] J’ai pas une soif de savoir ce qu’il a vécu. »

Les enquêtés se montrent peu intéressés par les histoires familiales, mais beaux-parents comme parents sont eux-mêmes peu enclins à en parler. Ou du moins évoquent-ils surtout une mémoire qui les concerne en premier lieu, dont la profondeur généalogique est faible : une mémoire autobiographique plus que proprement familiale. La mémoire autobiographique, qui est la mémoire que l’on a de sa vie à soi, se distingue de la mémoire héritée – la mémoire de ce que les ascendants ont vécu et qui se transmet d’une génération à une autre (Déchaux, 1997). Or, d’une façon générale, les récits des parents et des beaux-parents gardiens se rapportent surtout à leurs propres souvenirs. Quand il y a transmission d’une mémoire héritée, se déployant sur une temporalité longue, c’est que cette mémoire généalogique est considérée comme prestigieuse. Ainsi, les quelques récits remontant à plus de deux générations s’articulent autour d’une entreprise familiale ou d’ancêtres charismatiques. En cela, ils confirment la pertinence de la notion de « légitimité mémorielle » (Lepoutre et Cannoodt, 2005 : 312) selon laquelle ce sont surtout les trajectoires perçues comme les plus légitimes qui font l’objet d’une transmission transgénérationnelle – et plus particulièrement encore les trajectoires ascendantes. La légitimité de l’histoire familiale se mesure ainsi à la réussite socioprofessionnelle des aïeux, à l’exercice d’une fonction publique socialement valorisante. Or, ici ce sont bien des histoires familiales prestigieuses qui donnent lieu à une mémoire héritée, faisant référence à des ascendants lointains. Lucie, 29 ans, ayant vécu avec son beau-père de 5 à 17 ans, évoque en ces termes l’histoire familiale de celui-ci :

C’est assez marrant, parce qu’il vient d’une famille de capitaines de long cours, et donc y a des anecdotes comme ça. Une partie de la famille est café au lait par exemple. Parce qu’un des capitaines, dans les îles, avait fauté avec une vahiné! [Rires] On a même une chanteuse dans la famille. Comment est-ce qu’elle s’appelle… Un groupe qui a eu un petit succès à une époque.

Comme le suggère l’usage du pronom on, ces souvenirs sont suffisamment pittoresques pour qu’il y ait une légitimité à les évoquer et à se les approprier. Quant à Jean, il décrit une mémoire généalogique transmise par son père non-gardien, centrée sur l’entreprise familiale d’engins de chantier : « C’est le grand-père de mon grand-père qui a fondé ce machin. Et puis du coup ils ont eu plein de fric. D’ailleurs, y a toujours une propriété qu’il avait achetée. Enfin, c’est pas un château, c’est une belle propriété, un truc ancien qui appartient à un mec de la famille. »

Le vocabulaire employé par l’enquêté n’est pas anodin : le style relâché témoigne sans doute plus d’une prise de distance volontaire que d’une dévalorisation simple de la mémoire de la lignée paternelle. Ajoutons que les enquêtés détenteurs d’une mémoire familiale constituée rapportent aussi, et surtout, les souvenirs personnels de leurs parents et beau-parent, ce qui montre bien que dans la restitution des différentes histoires familiales qui leur sont transmises, logique généalogique et logique biographique ne sont pas incompatibles. La référence à la lignée n’est pas contradictoire avec le primat autobiographique de la mémoire transmise par les parents et le beau-parent gardien.

Hormis dans les rares cas de mémoire héritée qui se nourrit d’une histoire familiale prestigieuse et donc jugée « légitime », les enquêtés ont une connaissance très limitée des générations ascendantes, voire de celle des parents de leurs parents et beau-parent gardien. Ils en savent relativement plus sur l’enfance ou la jeunesse de ceux-ci. Mais parents et beaux-parents transmettent une mémoire intime, à travers non pas des récits constitués mais des anecdotes anodines. Selon les enquêtés, ce sont les mêmes qui reviennent toujours, la reprise de ces éléments autobiographiques leur donnant le sentiment de bien connaître la trajectoire de leur parent ou beau-parent gardien. Ainsi, Laurent, 32 ans, qui a vécu avec son beau-père de 12 à 26 ans, et qui le considère « comme un père », en fait le constat : « Il aime bien ressasser. C’est souvent amusant, il me raconte une histoire qu’il m’a déjà racontée trois, quatre fois. Y a une vingtaine d’histoires qui reviennent assez régulièrement. »

La mémoire transmise par les parents et les beaux-parents renvoie à ce que les enquêtés qualifient tour à tour de « morceaux de vie », d’« étapes », de « jalons » ou encore de « moments charnières ». Il s’agit d’épisodes décisifs de leur vie, que leur signification symbolique rend faciles à mémoriser : les vacances d’été, la première communion, le départ de chez les parents. À partir de ces récits fragmentaires, l’enfant à son tour modifie cette mémoire en reconstituant pour lui-même une vision d’ensemble cohérente. Pour Victor, 35 ans, l’appréhension de la trajectoire passée de sa mère gardienne s’appuie sur un support photographique : « J’ai trois photos d’elle dans son enfance, et j’ai l’impression que j’en ai une idée. Elle à la plage, elle à l’école et puis elle à côté de la maison. Et puis voilà. Ça suffit pour avoir un panorama, pour m’imaginer un peu dans quoi elle était. »

L’idée que Lucie se fait de la jeunesse de son beau-père est pour sa part organisée autour de quelques faits mémorables, censés refléter sa personnalité : « Il a fait les quatre cents coups, il a scratché, je sais plus, huit voitures dans les fossés parce qu’il était trop saoul, il a raté son bac… »

Ainsi, la vision de la jeunesse du parent ou beau-parent se cristallise autour de séquences bien connues, qui donnent un sentiment de familiarité avec le passé de celui-ci.

Pour préciser encore cette analyse, il faut ici introduire la distinction entre « mémoire familiale » et « rapport au passé familial ». La « mémoire familiale » désigne les souvenirs du passé familial qui s’appuient sur des supports de mémoire comme les albums de photographies, les objets, les maisons ou encore les discours volontaires. À l’inverse, le rapport au passé familial, « c’est le souvenir ou l’oubli; l’attachement, le rejet ou le détachement; ou encore tout cela à la fois » (Lepoutre et Cannoodt, 2005 : 335). Aussi la mémoire familiale est-elle une forme spécifique de rapport au passé familial, une volonté de transmettre ses souvenirs, ceux de ses ascendants – et ceux, mais plus rarement, de ses descendants, notamment en cas de décès de ceux-ci. Il semble que les parents et beaux-parents, qu’ils évoquent leurs souvenirs ou l’histoire familiale – ou qu’ils les taisent –, transmettent non pas tant une mémoire proprement familiale qu’un « rapport au passé familial » bien spécifique. En effet, la mémoire familiale ne suscite pas l’intérêt des enquêtés, comme elle ne fait pas l’objet d’un désir de transmission clairement exprimé de la part des parents et beaux-parents. Et quand il y a récit lié à l’histoire familiale ou à l’histoire personnelle, il survient spontanément dans la conversation, de façon informelle. Il semble que sur ce point il n’y ait pas d’effet de genre particulier : la mémoire des beaux-pères gardiens est aussi peu investie, par les belles-filles comme par les beaux-fils, que celle des belles-mères gardiennes. Ce détachement n’est nullement une spécificité des familles recomposées, mais traduit un rapport plus spontané au passé qui caractérise l’individualisme contemporain.

2. Le silence des beaux-parents

Comme le rappelle Anne Muxel (1996 : 15), la mémoire familiale favorise l’évaluation critique de sa propre vie. Cette fonction de réflexivité est particulièrement visible dans les récits anecdotiques des mères, qui, quoique spontanés, ont souvent une portée pédagogique. Ils sont utilisés pour relativiser la gravité d’une situation ou pour établir une comparaison avec le temps présent. Victor, 35 ans, se souvient de sa mère gardienne :

Elle m’a beaucoup parlé de l’endroit où elle passait ses vacances. C’était à Berck-Plage, en Normandie. Et elle en a rigolé pendant des années. [...] Il pleuvait une fois sur deux, y avait trois millions de personnes. Mais en même temps, elle a des souvenirs d’enfance très forts là-bas. Et elle a pu me dire, quand moi je me plaignais d’aller dans telle ou telle situation de vacances : Écoute, moi j’ai été à Berck-Plage pendant quinze ans, donc t’as bien de la chance.

Il est à noter que ce sont surtout les souvenirs évoqués par les mères qui ont une portée éducative. Qu’ils aient exercé une fonction parentale ou non, les beaux-parents ont tendance à raconter des anecdotes pour elles-mêmes, sans « arrière-pensée » pédagogique. Ceci est un signe de plus de leur implication limitée dans l’éducation de leur bel-enfant, soulignée par nombre de sociologues, et qui renforce la « monoparentalité éducative » (Cadolle, 2000 : 175).

« Jamais dans la nostalgie, et jamais dans le regret des choses perdues » : c’est ainsi qu’un enquêté décrit la façon dont sa mère appréhende ses souvenirs d’enfance. Mais à l’inverse, pour plusieurs personnes, les anecdotes de leurs parents font surgir le souvenir d’un passé douloureux. Les propos de Claire, 28 ans, concernant sa mère non-gardienne, montrent comment l’humour est mobilisé pour restituer le récit du parent :

Elle m’a donné les aspects négatifs. Qu’elle avait pas eu une enfance très heureuse. Qu’elle avait un père alcoolique et violent, et que ça s’est soldé par son départ quand elle avait 16 ans. Mais que si elle avait pu, elle se serait barrée à 9 ans ! [Rires]

Ainsi, Ego participe lui-même au remodelage du souvenir en le réinterprétant et en le mettant en perspective avec la temporalité présente. La mémoire, qu’elle soit intime ou familiale, n’est pas figée. Elle est informée et déformée à la fois par celui qui l’énonce et par celui à qui elle est transmise. Le souvenir étant non verbalisé et son contenu flou (Bloch, 1995 : 65), c’est le récit, la mise en mots, qui rend la mémoire familiale mouvante en verbalisant – et donc en reconstituant – le souvenir. Chacun sélectionne les éléments qu’il intègre à sa propre mémoire et ce qu’il transmet, intentionnellement ou non. Cependant, certains parents et beaux-parents ne tiennent pas à évoquer leur passé, que ce soit parce qu’ils en gardent un mauvais souvenir ou parce qu’ils n’éprouvent pas de désir de transmission – auquel cas les enfants savent très peu de choses de leur vie passée : « Ma mère, elle vit vraiment dans le présent et dans l’avenir. Elle sent qu’en s’attardant trop sur des choses qui sont passées, c’est pas bon pour elle. Elle veut vraiment évacuer. Du coup, elle en parle pas. » (Diane, 25 ans, au sujet de sa mère non-gardienne.)

Antoine, 35 ans, qui a vécu de 14 à 21 avec son beau-père, regrette de ne pas mieux connaître son passé, mais ne le sollicite pas pour autant : « Je – on – sait très peu de choses. [...] On lui pose pas de questions. [...] Il est pas très loquace là-dessus. Il est très secret. »

Ce silence est expliqué par une valorisation de l’instant présent et de l’avenir ainsi que par le désir de ne pas raviver des souvenirs pénibles. Une différence cependant émerge entre les discours des parents et ceux des beaux-parents. En effet, aucun enquêté fait état de récits négatifs de son beau-parent gardien sur son passé, alors que ceux des parents sont nombreux. Il semble que plus encore que les parents, les beaux-parents restent volontairement réservés sur leur passé quand ils en ont conservé de mauvais souvenirs. Ainsi, plusieurs enquêtés savent que leur beau-parent gardien entretient des relations difficiles avec ses propres parents, mais ne connaissent pas la raison exacte de cette mésentente. De plus, certains disent que leur beau-parent ne parle jamais de son conjoint ou compagnon précédent. Ce sujet reste souvent tu, comme si les épisodes conjugaux successifs ne devaient pas être mis en relation les uns avec les autres. C’est ce que révèlent les propos d’un enquêté au sujet de son beau-père gardien : « Y a un sujet tabou : c’est sa première femme. Et son divorce. »

Encore une fois, les non-dits ne sont pas l’apanage des beaux-parents, mais ceux-ci paraissent, d’une façon générale, moins enclins que les parents à transmettre à leur bel-enfant une mémoire négative. Il semblerait bien que ce soit le lien de parenté, et non de parentalité, qui soit, en matière de « devoir » de mémoire, décisif. La relation beau-parentale étant avant tout sociale et élective, elle donne lieu à une transmission tout aussi partielle mais plus sélective encore. En effet, le beau-parent passe aisément sous silence les éléments autobiographiques qu’il ne souhaite pas évoquer. Alors que les non-dits des parents sont souvent difficilement acceptés, ceux du beau-parent gardien ne suscitent pas les mêmes questionnements et les mêmes réactions de manque et d’incompréhension. Il paraît inapproprié, voire illégitime de solliciter son beau-parent gardien sur son passé. Ne pas poser de questions est un moyen de respecter son silence. Céline, 26 ans, qui a vécu dix ans avec son beau-père, décrit cette réticence :

Je sais pas exactement ce qu’il s’est passé entre lui et son père, pourquoi est-ce que son père et lui ça passait aussi mal. [...] Je sais pas trop. Et je me sens pas en droit de poser ce genre de questions, on va dire. [...] Vaut mieux attendre que ce soit lui qui parle plutôt que de poser des questions. Et puis, j’estime que… C’est pas que ça me regarde pas, mais…

Notons que l’évocation de souvenirs par le beau-père ou la belle-mère gardien(ne) est néanmoins favorisée lorsque le couple recomposé a des enfants. Le bel-enfant a alors davantage tendance à connaître ces souvenirs du fait même de l’existence de demi-frères et demi-soeurs, qui constituent des interlocuteurs plus légitimes que lui dans la mesure où ils appartiennent au « réseau généalogique » du beau-parent (Cadoret, 2001 : 97). Dans le cas de Céline, ce n’est qu’interrogé par sa propre fille de 8 ans que son beau-père sort de sa réserve : « Il parle de sa mère avec beaucoup de tendresse. C’est un sujet un peu douloureux. Il en a pas mal parlé ces derniers temps parce que ma petite soeur posait des questions. »

Le demi-germain peut donc réactiver la mémoire du beau-parent gardien – son père ou sa mère à lui – volontairement ou à l’inverse à son insu par un trait de son caractère ou de son physique rappelant un membre de la lignée beau-parentale. C’est ce qu’explique encore Céline : « Il avait montré des photos de sa grand-mère parce qu’il trouvait que Lisa [sa demi-soeur] avait un air de sa grand-mère. Mais sinon, j’ai pas vu d’autres photos. »

Comme nous l’avons vu, en contrepartie de la retenue dont font preuve les beaux-pères comme les belles-mères, la mémoire beau-parentale, à la fois familiale et intime, laisse relativement indifférent. Or, ce détachement est tout aussi marqué quand l’une des mémoires parentales est défaillante. Contrairement à notre hypothèse de départ selon laquelle la mémoire du beau-parent gardien est surinvestie quand, pour une raison ou une autre, un parent transmet une mémoire négative, lacunaire, voire inexistante, il semble qu’il n’y ait pas surinvestissement de la mémoire beau-parentale. Qu’ils soient ou non confrontés à un silence parental, les enquêtés se disent de façon générale assez peu intéressés par l’histoire passée de leur beau-parent et de sa lignée – comme, dans une moindre mesure, par celle de leurs parents et de leur lignée – et les sollicitent peu.

L’exemple de Claire, 28 ans, est ici aussi particulièrement significatif : ses parents s’étant séparés quand elle avait un an et demi, elle a vécu avec son père et sa belle-mère durant douze ans : de 4 à 8 ans puis de 10 à 18 ans. Celle-ci est décédée quand Claire avait 23 ans. Et bien qu’elle soit, selon ses propres mots, sa mère « de coeur », elle ne semble pas avoir investi sa mémoire intime et familiale. Pourtant, la lignée maternelle est inconnue. Elle n’a jamais rencontré ses grands-parents, sa propre mère s’étant, depuis ses 16 ans, brouillée avec eux. Claire connaît donc peu ses deux oncles et ses cousins. La lignée maternelle, comme référence à la fois réelle et imaginaire, n’existe pas : « J’ai pas connu la famille de ma mère, donc au-delà de ma mère, y a rien. [...] Comme ma mère a jamais voulu parler de sa famille et que y a eu un peu un non-dit, y a pas d’héritage finalement. »

Or, l’absence de mémoire de la lignée maternelle n’engendre pas un intérêt plus grand pour l’histoire de la famille de sa belle-mère gardienne. La substitution entre lignée maternelle et lignée beau-parentale n’a pas lieu. Tout se passe comme s’il y avait un cloisonnement entre les mémoires parentales et beaux-parentales et qu’une connaissance réduite, voire nulle, d’une des deux mémoires parentales n’était pas compensée par une curiosité accrue pour celle du beau-parent gardien et de sa lignée.

3. La lignée beau-parentale ne suscite pas un sentiment d’appartenance familiale

Certains sociologues de la famille craignent que les recompositions familiales rendent plus vulnérable le lien de filiation paternelle. En effet, l’enfant étant dans la majorité des cas hébergé par sa mère, cette « nouvelle matricentralité » entraînerait une prise de distance vis-à-vis de la lignée du père (Cadolle, 2000 : 175). Pour Irène Théry (1996), le risque de désaffiliation est lié au fait que conjugalité et filiation sont désormais pensées comme dissociées l’une de l’autre. En cas de rupture du couple, la double inscription de l’enfant dans la lignée maternelle et dans la lignée paternelle est alors remise en cause. Quand le père biologique est très peu connu et que l’enfant a été élevé par son beau-père, celui-là peut même développer une forte demande d’affiliation à la lignée beau-parentale et désirer porter le nom de son beau-père. Au moment du décès de celui-ci, l’exclusion de la succession et l’absence de transmissions patrimoniales sont d’autant plus mal vécues que le sentiment d’appartenir « subjectivement » à la lignée beau-parentale se renforce (Weber, 2005 : 63-89).

Même s’il demeure donc réel, ce risque de désaffiliation paternelle ne semble pas si menaçant, tout au moins pour les catégories sociales privilégiées où les parents confrontés à la recomposition parviennent davantage à maintenir un lien parental une fois le lien conjugal rompu (Le Gall, 1996; Martin, 1997). Nos enquêtés appartenant aux catégories moyennes et supérieures, il est logique que ce risque de désaffiliation ne se soit pas fait sentir. De plus, nous n’avons retenu que des configurations familiales où le contact avec le parent non-gardien n’a pas été suspendu – ou alors de façon temporaire[5]. Ces deux biais expliquent que le sentiment d’appartenance à la lignée paternelle ne nous ait pas paru affaibli, même quand les relations familiales sont distendues et/ou mauvaises. « Papa, c’est ma famille, hein. Papa, c’est ma famille, enfin, tous. Tous, c’est ma famille. C’est vrai que du côté de papa, ce sont des rapports merdiques. Mais c’est quand même ma famille », explique Alexandra dont les relations avec son père non-gardien sont conflictuelles. La qualité médiocre des liens familiaux avec un groupe de parenté ne remet pas pour autant en cause sa propre appartenance à la lignée en question.

En outre, il peut y avoir déconnexion entre la fréquence des relations avec une branche de sa famille et l’investissement imaginaire que suscite la lignée parentale. Une sociabilité de parenté distendue peut donner lieu à un investissement imaginaire important, et à l’inverse, une sociabilité forte ne débouche pas nécessairement sur un sentiment d’appartenance prononcé. Cette dissociation est caractéristique de l’« affiliation subjectiviste » (Déchaux, 1997 : 311-314) qui établit un rapport spontané à la mémoire et témoigne d’un désir d’appartenance sans allégeance. Elle n’est pas fondée sur un lien effectif, mais bien sur la représentation que l’on se fait de ce lien. Or, il semble que dans le contexte d’une recomposition familiale, cette affiliation subjective concerne d’abord les lignées parentales. Tout se passe comme si le rapport aux lignées était soumis à des normes non énoncées mais intériorisées, selon lesquelles ce sont les lignées parentales qui font en premier lieu l’objet d’une affiliation volontaire, la lignée beau-parentale étant perçue comme radicalement extérieure à ces enjeux d’appartenance subjective. Victor évoque ainsi les relations qu’il entretient avec la famille de son beau-père : « Je me sens proche de personne. J’ai jamais considéré que c’était ma famille. »

Quand les relations avec un parent du beau-parent gardien sont privilégiées et proches de liens de « famille », le rapport aux lignées ne paraît pas différent. Alexandra, par exemple, considère son beau-père « comme un deuxième père » et la mère de son beau-père comme sa « grand-mère ». Pour elle, les frères et soeurs de son beau-père sont « des gens tous géniaux, géniaux, géniaux ». Or, elle ne se considère pas comme faisant partie de cette famille-là. Ainsi, même quand les relations avec les parents ou la fratrie du beau-parent sont bonnes, il n’y a pas pour autant affiliation à la lignée beau-parentale. Deux facteurs peuvent à notre sens expliquer ce phénomène. Tout d’abord, le caractère électif du lien beau-parental suggère que c’est bien le beau-parent lui-même que l’on intègre à sa parentèle et avec lequel on crée un lien affectif de parentalité, et non avec ses ascendants et ses collatéraux. Aussi l’investissement symbolique porte-t-il sur la personne du beau-parent, voire sur un ou plusieurs de ses proches parents, mais non sur sa lignée, qui se trouve comme écartée d’office quand se pose la question de l’affiliation subjective. Ensuite, il faut prendre en considération le caractère révocable du statut du beau-parent gardien. En effet, le rapport entre le bel-enfant et le beau-parent gardien se fonde sur un « contrat relationnel » dissoluble à chaque instant (Théry et Dhavernas, 1993 : 172). La présence beau-parentale est souvent considérée comme potentiellement temporaire, d’où une prudence à ne pas « investir » dans sa lignée. C’est ce que souligne Diane, 25 ans, confrontée à une double séparation – celle de ses parents biologiques puis celle du couple recomposé gardien : « Dans une famille recomposée, t’as toujours la possibilité de remise en cause. Tu sais que c’est recomposé, et puis que ça peut aussi se décomposer encore. Et vivre avec cet arbitraire-là… »

Un enquêté âgé de 35 ans, dont la mère et le beau-père se sont séparés quand il avait 26 ans, après plus de vingt ans de vie commune, a le sentiment que la relation beau-parentale reste soumise à la relation conjugale : « J’ai toujours eu l’intuition que c’était un rapport très médiatisé par ma mère, et que directement on avait peut-être pas tant de choses en commun, pas de choses à vivre. »

Certes, dans une famille biparentale classique, la relation conjugale n’est pas moins susceptible de se défaire. Mais contrairement à la relation beau-parentale, la survie de la relation parentale est alors plus probable (White et Riedmann, 1992). Or, ce sentiment d’un lien provisoire, rétrospectivement aiguisé par la rupture du couple recomposé, incite à considérer qu’une affiliation à la lignée beau-parentale serait trop « risquée », car sous-tendue par un lien fragile, juridiquement non reconnu – sauf quand il y a adoption simple ou plénière[6].

Ainsi l’ancrage, le sentiment de continuité sont trouvés du côté des lignées parentales – même si, et particulièrement quand il y a séparation conjugale, l’une peut être favorisée par rapport à l’autre. L’antagonisme peut se cristalliser sur la confession religieuse :

Je suis juif du côté de ma mère et catholique du côté de mon père, et y a toujours un moment où ça pose problème. Je me suis raconté que j’étais juif. En plus, ça pose aucun problème dans la religion juive d’avoir une mère juive, on est reconnu comme juif par la communauté. Mais quand même : moi je me suis posé la question. Et pour répondre, je me suis dit : Je me sens tellement proche de la famille de ma mère, les personnages marquants viennent de cette partie de ma famille et j’aime tout ce qu’il y a dans cette famille. Y a plutôt quelque chose de très positif dans l’ensemble, plutôt du bonheur et de la rigolade, tandis que dans l’autre, y a plutôt du morbide et de la souffrance. Du coup, pour résoudre ce problème d’héritage religieux, je me suis dit : Je préfère la famille de ma mère, c’est de là où je viens d’abord et avant tout. Donc j’ai aucun problème à me dire juif,

raconte Victor, pour qui l’affiliation religieuse sert, en quelque sorte, de prétexte à l’affiliation symbolique. Le choix de la lignée de préférence semble découler d’une stratégie réfléchie, excluant d’emblée la lignée beau-parentale.

On le voit, le peu d’intérêt que suscite l’histoire familiale de chacune des lignées parentales n’est pas contradictoire avec le sentiment d’appartenir à ces lignées, d’y avoir une place. Celle-ci n’est pas explicitement revendiquée, sans doute parce qu’elle apparaît évidente et inamovible. Cette appartenance qui s’impose à soi, et qui n’a pas besoin d’être démontrée ou confirmée, reflète le « biocentrisme » des sociétés occidentales contemporaines (Schneider, 1980). En effet, si le système de parenté se caractérise par la prégnance du principe affinitaire et d’une organisation en parentèle, la référence aux liens de sang ne s’amenuise pas pour autant. La filiation est perçue comme une fatalité, impliquant la transmission d’une substance naturelle. L’argument biologique est invoqué pour justifier le primat du lien de sang sur le lien social. Pour reprendre les mots de Jean-Hugues Déchaux, « le symbolisme apparaît comme ancré dans des faits biologiques, mais il s’agit bien de symboles » (2003 : 61). Quand il y a recomposition familiale, la « naturalité » de la filiation est invoquée pour justifier l’importance de l’héritage parental. Une enquêtée dit par exemple avoir hérité « au sens génétique » de certains traits de sa personnalité de sa mère non-gardienne : « Plus les années passent, plus ça me trouble combien on se ressemble pour des choses qu’elle a pas pu me donner, puisqu’on a pas vécu à ce moment-là ensemble. Des choses où, naturellement, je suis comme elle. »

Certes, le beau-parent inspire de l’affection, parfois de l’amour – d’où l’éventualité de conflits de loyauté envers le parent non-gardien. Qu’il ait exercé ou non une fonction parentale, les enquêtés lui reconnaissent une influence, si ce n’est un rôle à part entière dans leur construction identitaire et dans leur quotidien. Pour autant, le bel-enfant n’investit pas symboliquement la lignée beau-parentale. Il intègre plutôt les souvenirs qu’il partage avec son beau-parent gardien à sa propre mémoire intime. Prenons l’exemple de Bertrand, 40 ans, qui a vécu de 6 à 11 ans avec la compagne de sa mère, jusqu’à ce que celles-ci se séparent. Ses souvenirs d’enfance intègrent totalement son ancienne belle-mère :

Je me souviens, on faisait des cabanes, on faisait des trucs à la campagne, ensemble. [...] Quand elle nous faisait faire un boulot à la maison de campagne, elle nous achetait après un paquet de bonbons énorme, des trucs comme ça. C’était vraiment des trucs qui… Enfin, elle savait ce qui nous faisait plaisir.

C’est le vécu, le quotidien partagé qui font du beau-parent gardien un élément incontournable de sa propre mémoire. « On partage une histoire. L’histoire de ma mère. Ça nous rapproche », explique encore Bertrand qui, près de vingt ans après le décès de sa mère, voit encore régulièrement son ancienne belle-mère. Mais le beau-parent gardien est avant tout évoqué pour se raconter. En cela, il intègre la mémoire intime et non la mémoire héritée des ascendants qui, génération après génération, ne se nourrit pas tant d’anecdotes personnelles que de l’histoire de la lignée, plus collective et démonstrative, et nécessairement moins affective.

Conclusion

Dans un contexte d’individualisation des pratiques où le sentiment d’appartenance aux lignées s’affaiblit, c’est surtout une mémoire égocentrée, informelle que parents et beaux-parents gardiens transmettent. Il ne s’agit pas d’une particularité des familles recomposées, mais bien d’un rapport plus spontané au passé qui caractérise l’individualisme contemporain.

Si, par son caractère spontané et égocentré, la mémoire familiale transmise par le beau-parent gardien est similaire à celle transmise par les parents, son contenu présente toutefois des spécificités. En effet, les non-dits ne sont pas l’apanage des beaux-parents, mais ceux-ci paraissent, d’une façon générale, bien moins enclins que les parents à transmettre à leur bel-enfant une mémoire négative. Il semblerait bien que ce soit le lien de parenté, et non de parentalité, qui soit, en matière de « devoir » de mémoire, décisif. La relation beau-parentale étant avant tout sociale et élective, elle donne lieu à une transmission tout aussi partielle mais plus sélective encore. Ainsi, le beau-parent passe aisément sous silence les éléments autobiographiques qu’il ne souhaite pas évoquer. Alors que les non-dits des parents sont souvent difficilement acceptés, ceux du beau-parent gardien ne suscitent pas les mêmes questionnements et les mêmes réactions de manque et d’incompréhension.

En outre, contrairement à notre hypothèse de départ selon laquelle la mémoire du beau-parent gardien est surinvestie quand, pour une raison ou une autre, un parent transmet une mémoire négative, lacunaire, voire inexistante, il semble qu’il n’y ait pas surinvestissement de la mémoire beau-parentale. Au terme de cette analyse, il apparaît que le rapport aux lignées est soumis à des normes non énoncées, mais intériorisées, selon lesquelles ce sont les lignées parentales qui font en premier lieu l’objet d’une affiliation symbolique. Ego n’investit pas symboliquement la lignée beau-parentale. Il intègre plutôt les souvenirs qu’il partage avec son beau-parent gardien à sa propre mémoire et inscrit son beau-parent gardien dans sa mémoire intime, et ce, sans s’inscrire lui-même symboliquement dans la lignée beau-parentale. Le choix de la lignée de préférence s’effectue donc dans un cadre normatif – ce qui suggère que malgré les valeurs contemporaines axées autour de l’individualité, de la subjectivité et de l’affinité, l’affiliation volontaire emprunte, pour se justifier, l’argument biologique fondé sur la fatalité et la « naturalité » du lien.

Les enquêtés appartenant aux catégories moyennes et supérieures, il serait souhaitable d’élargir leur origine sociale et de confronter le sentiment d’appartenance familiale de personnes issues de milieux sociaux différents. Il faudrait en particulier mettre à l’épreuve l’hypothèse d’une « logique de substitution » que les sociologues attribuent aux milieux modestes, le beau-père gardien tendant à endosser un rôle parental classique (Martin, 1997 : 222). En effet, le rapport aux lignées est-il soumis à cette même logique substitutive dans le bas de l’échelle sociale? La mémoire beau-parentale est-elle plus investie que dans les catégories moyennes et supérieures, et la lignée beau-parentale inspire-t-elle davantage un sentiment d’appartenance?

Enfin, cette réflexion se fonde sur le regard d’enfants devenus adultes ayant vécu au sein d’une famille recomposée. Il serait intéressant d’approfondir ces questions à partir, cette fois, du discours des beaux-parents afin de déterminer dans quelle mesure les intentions de transmission correspondent aux pratiques telles qu’elles sont ressenties par les enquêtés. Cela nous amènerait sans doute à nuancer les conclusions auxquelles nous avons abouti.