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Dans les cabinets privés, cliniques et hôpitaux d’Île-de-France, nombre d’Africaines, accompagnées ou non de leur conjoint, viennent consulter en quête d’une grossesse. La santé reproductive des migrantes venues d’Afrique subsaharienne a fait l’objet de rares études en anthropologie, à travers la décision de contraception (Sargent, 2011), ou en lien avec des pathologies comme le VIH (Pourette, 2008) ou la drépanocytose (Bonnet, 2009). Par ailleurs, l’anthropologie francophone de la parenté n’a accordé que tardivement une place à la sexualité et à la procréation (Fassin, 2002) et certains travaux portant sur les familles immigrées africaines en France sont à ce titre pionniers, concernant les familles polygames (Fainzang et Journet, 1988) et les familles monoparentales (Barou, 2011). Cette contribution s’inscrit dans la continuité des études anthropologiques anglo-saxonnes pour lesquelles la procréation et l’infertilité sont au coeur de la parenté (Franklin et Ragoné, 1998; Inhorn et Van Balen, 2002). Elle entend également participer d’une anthropologie des migrations qui accorde « une attention soutenue à l’émigrant qui est présent dans tout immigrant » (Cuche, 2009:8).

Quels que soient leur nationalité, leur niveau de scolarité, leur secteur d’emploi, leur classe socioéconomique, les circonstances et les raisons de leur migration, toutes les migrantes et tous les migrants africains qui consultent en Île-de-France pour infertilité, rencontrés au cours de mon enquête ethnographique, ont fait un lien entre leur quête d’un enfant et le fait d’être mariés ou d’avoir le projet de se marier. Le cadre juridique français stipule que peuvent recourir à l’AMP « les couples hétérosexuels vivant, en âge de procréer, en communauté de vie, consentant préalablement au transfert d’embryons ou à l’insémination » (loi du 7 juillet 2011); cette dernière révision de la loi de 2004 a supprimé toute mention du mode d’union du couple ainsi que la condition de temps minimal de vie commune. Le fait d’être mariés n’est donc pas pour les couples une contrainte imposée par le cadre juridique français.

L’expérience de ces femmes, et de leurs conjoints, qui ont recours à la biomédecine pour avoir un enfant offre un prisme nouveau pour interroger les liens entre procréation et alliance matrimoniale en situation migratoire. Le terme « migrante » ou « migrant » désigne ici à la fois les immigrantes et les immigrants résidant et travaillant en France (avec ou sans titre de séjour), et les femmes, les hommes et les couples en mobilité transnationale pour raison procréative[1] résidant et travaillant dans un pays d’Afrique subsaharienne venus en France avec un visa court séjour (dit touristique). Le terme « situation migratoire » permet d’englober les deux, tout en précisant que le statut juridique importe en matière de protection sociale : tandis que les premiers ont droit au remboursement à 100 % des frais d’AMP par la Sécurité sociale s’ils ont un titre de séjour[2], les seconds financent eux-mêmes les coûts de leur recours à l’AMP. Par ailleurs, tandis que les immigrants présentent des niveaux socioéconomiques très divers, ceux et celles qui résident et travaillent en Afrique appartiennent aux classes moyennes africaines émergentes[3]. Il convient de souligner que toutes les femmes interviewées (sauf une) pratiquent une activité professionnelle[4] au moment de l’entretien.

Après un bref exposé du contexte de la recherche et de la méthodologie, je présenterai les significations que les migrantes et les migrants rencontrés lors de l’enquête attribuent au fait d’enfanter ou non, dans le contexte du mariage. Puis, j’examinerai de quelle façon les familles respectives des époux qui consultent pour infertilité interviennent dans la quête d’un enfant avec l’AMP. Je terminerai par une proposition d’ordre théorique à partir de l’analyse des prestations matrimoniales dans le contexte de l’AMP.

Terrain et méthode d’enquête

L’enquête ethnographique auprès des patientes et patients d’un réseau de professionnels de l’assistance médicale à la procréation (AMP) en Île-de-France[5] s’inscrit dans un projet ayant reçu l’appui financier de l’Agence nationale de la recherche (France)[6]. Ce réseau est constitué de biologistes d’un laboratoire privé parisien, de gynécologues exerçant en cabinet (Paris, Val-de-Marne et Seine-Saint-Denis) et d’une équipe hospitalière parisienne du secteur privé non lucratif (dont le service AMP a obtenu son agrément en 1997).

Une centaine d’observations ont été menées, entre mars 2011 et juin 2012, principalement lors des consultations gynécologiques pour stérilité et lors des échographies (à l’hôpital et dans un cabinet privé de Seine-Saint-Denis appartenant au réseau). J’ai assisté aux premiers rendez-vous pour la constitution du dossier AMP organisés par l’infirmière-cadre auxquels les deux membres du couple sont convoqués avant toute prise en charge à l’hôpital. L’observation d’un petit nombre de consultations biologiques, prises de sang, ponctions et transferts d’embryon a été effectuée visant comme objectif d’avoir une vue du parcours d’AMP dans son ensemble. De janvier 2012 à juin 2013, j’ai également participé (en tant qu’observatrice) aux réunions décisionnelles mensuelles du réseau (appelées « staff ») qui se déroulaient à l’hôpital et au cours desquelles des cas étaient présentés.

Des entretiens semi-directifs ont été réalisés avec cinq médecins du réseau sur leur lieu de travail. Une trentaine d’entretiens ethnographiques ont été menés avec leurs patientes et patients nés en Afrique et engagés dans un parcours procréatif médicalisé. Les entretiens se sont déroulés avec la patiente seule (sauf deux fois en présence d’une soeur, et une fois avec un jeune enfant), ou avec le couple (ensemble ou séparément). Chaque entretien était précédé d’une présentation générale de la recherche et de ses trois sites (Douala, Paris, Pretoria) et je ne manquais pas de préciser que mon terrain de recherche habituel est l’Afrique de l’Ouest. Un consentement et une autorisation d’enregistrement[7] étaient ensuite demandés. La majorité des entretiens se sont déroulés dans un contexte médical (dans un bureau désaffecté laissé à ma disposition à l’hôpital et dans le second bureau du gynécologue ou dans une petite salle d’échographie dans le cabinet privé) – 4 entretiens ont eu lieu au domicile des patientes et patients (en Île-de-France). Au total, 21 femmes et 7 couples (hétérosexuels) ont accepté de participer à un entretien. Tous sont nés dans un pays africain francophone, à l’exception d’un couple ghanéen[8]. Quatre femmes étaient en mobilité transnationale pour raison procréative, leur mari étant au moment de l’entretien dans son pays de résidence (soit l’Union des Comores, la Guinée, le Cameroun ou le Niger).

1. Mariage et recours à l’assistance médicale à la procréation en situation migratoire

Dans son introduction à l’ouvrage Systèmes familiaux et matrimoniaux en Afrique, Radcliffe-Brown avance que « la compréhension de la nature de cette alliance [matrimoniale] est indispensable à qui veut analyser les systèmes de parenté africains » (1953:57). Plusieurs générations d’anthropologues ont étudié le mariage dans différentes sociétés d’Afrique subsaharienne (pour ne citer que les pionniers anglo-saxons, Evans-Pritchard[9], Fortes[10]) : l’alliance matrimoniale est décrite comme un long processus dont la naissance du premier enfant constituait l’étape finale. Des recherches sur les dynamiques démographiques et familiales en Afrique de l’Ouest ont ensuite mis l’accent sur l’altération du mariage en tant qu’alliance entre lignages et sur l’apparition d’unions consensuelles plus ou moins stables, signe de la « modernisation » des formes familiales (Vimard, 1991), tout en précisant que le mariage reste un moment clef du processus de passage au statut d’adulte, voire d’aîné. Ainsi, à Ouagadougou, par exemple, la « logique études-emploi-mariage » bien qu’elle subisse des mutations, reste prépondérante (Mazzocchetti, 2009). Les travaux menés auprès d’immigrants soninkés (du Sénégal et du Mali) en France montrent également que : « [l]e mariage constitue le moment privilégié qui doit remettre les individus à leur vraie place. C’est le statut et l’identité de la famille dans son ensemble qui se jouent dans les alliances matrimoniales » (Timera, 1996 : 121).

Lors de mon enquête en Île-de-France, les références au mariage sont nombreuses, non seulement dans les discours mais également dans les données d’observation. À l’infirmière-cadre qui a demandé une photographie de couple pour la constitution de leur dossier AMP à l’hôpital, Fatoumata[11], mariée depuis 1997 avec Idrissa à Bamako et toujours sans enfant, tend avec un large sourire une photographie la montrant avec son mari, en tenue traditionnelle de mariage. Pendant les entretiens réalisés à domicile, j’ai l’occasion de voir les photographies des mariés qui ornent le mur de la salle à manger. Précisons qu’il ne s’agit pas forcément du mariage civil – auquel pense généralement le personnel médical –, en effet le « mariage » désigne l'institution matrimoniale qui rend l’union légitime, que ce soit au regard de la coutume, de la religion ou de l’État[12]. Et pour l’homme comme pour la femme, la norme d’engendrer dans le cadre du mariage (monogame ou polygame dans de nombreux États africains) reste prégnante : à l’infirmière-cadre de l’hôpital qui lui demande s’il a déjà eu des enfants, un homme, devant son épouse, évoque un avortement lorsqu’il vivait au Mali : « Au pays, quand on est célibataire, on ne doit pas avoir d’enfant. »

1.1 Mariages et endogamies en situation migratoire

Dans cinq des sept couples[13] avec lesquels un entretien a été réalisé, les époux ont la même nationalité. Toutes les femmes reçues individuellement partagent également la nationalité de leur mari[14]. Ceci dénote une forte « endogamie nationale ». Par ailleurs, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, les époux ont la même appartenance religieuse[15] : sans jamais être prônée, l’endogamie religieuse est manifeste. Les migrants de confession musulmane ont tous concrétisé leur union par un mariage religieux – la plupart assimilent mariage coutumier et mariage religieux –, les sept mariages musulmans sont également des mariages coutumiers et civils. En revanche, les migrants de confession chrétienne ne sont pas pour autant mariés religieusement. Madame Orphanie, née au Congo, mariée coutumièrement, et ayant eu une première fille avec fécondation in vitro (FIV) en France, évoque son désir d’un mariage chrétien :

L’important ce n’est pas le mariage coutumier. C’est notre coutume à nous, il faut le faire. Moi, je veux me marier à l’église. […] On va le faire à l’église quand je vais finir de mettre au monde, car le mariage à l’église, on ne divorce pas. J’attends… quand j’aurai la quarantaine.

Lorsque mes interlocuteurs ne l’avaient pas déjà précisé, je demandais à la fin de chaque entretien s’ils étaient mariés coutumièrement, et/ou religieusement, et/ou civilement. Fait significatif, tous les couples et la majorité des migrantes m’ont dit être mariés coutumièrement; ils sont moins nombreux à être mariés civilement[16]. Les procédures du mariage coutumier se sont généralement déroulées dans le pays d’origine, souvent sans la présence des deux intéressés : c’est « juste symbolique, pour faire comme là-bas ». En contexte migratoire, le mariage coutumier reste une institution qui légitime l’union conjugale pour la filiation de l’enfant à naître. Madame Josiane, née au Togo exerçant comme agente hospitalière, m’a précisé que son mariage coutumier a eu lieu après la naissance de son premier enfant : « Comme il était né, on voulait au vu des familles que tout le monde soit au courant qu’on est ensemble et qu’on a un enfant ensemble, pour légaliser un peu. » Lorsque les migrants se sont aussi mariés civilement en France, le mariage civil a souvent été célébré après le mariage coutumier.

Dans trois couples, les époux sont des « cousins »[17], le mariage a eu lieu dans le pays d’origine avant l’arrivée en France (au Mali pour les Soninké et en Guinée pour les Malinké). Madame Anta a été promise à sa naissance au fils d’un « frère » de son père, alors âgé de quinze ans, venu en visite le jour où elle est née; madame Mariam a été fiancée, puis mariée à « son cousin » (le fils de la soeur de son père ou « cousin croisé ») de vingt ans son aîné, alors qu’il avait fini ses études en Europe; Fatoumata et Idrissa nés dans le même village au Mali sont aussi des « cousins croisés ». Ces trois mariages dans lesquels les conjoints ont un ou plusieurs ancêtres communs sont usuellement qualifiés de « mariages endogames » en anthropologie de la parenté (on parlera aussi d’« endogamie familiale »).

Dans le contexte de l’enquête en Île-de-France, les migrantes et les migrants africains ayant recours à la biomédecine pour avoir un enfant sont majoritairement mariés coutumièrement, ils sont nés dans le même pays et partagent la même religion. Ces mariages sont caractérisés par l’emboîtement de plusieurs endogamies (nationale, religieuse, voire familiale).

1.2 En situation migratoire, le mariage reste indissociable de la procréation

Dans la plupart des pays africains, autant en ville qu’en milieu rural, le mariage procure un statut social dont la femme et l’homme sont tous deux fiers. En revanche un couple marié sans enfant reste fortement stigmatisé et est considéré comme « anormal » (Hörbst, 2012). L’expérience migratoire ne modifie pas cette norme sociale largement intériorisée par les deux conjoints. Au cours des entretiens, évoquant leur expérience de l’infertilité, les migrantes et les migrants font d’emblée référence à leur origine africaine : « En Afrique, après le mariage, il faut concevoir, vous savez! » Cette norme sociale pèse sur l’un et l’autre membre du couple, qu’ils vivent en France ou dans un pays africain. Madame Aïssatou, de passage en France – elle s’apprête à rentrer vivre au Mali après avoir travaillé au Tchad –, est venue consulter le gynécologue de sa soeur mariée et vivant en France (qui est enceinte), car un mois après son mariage, sa mère et sa belle-famille attendent avec impatience l’annonce de sa grossesse.

Monsieur Sela, qui a quitté la Côte d’Ivoire en 1999 pour Barcelone, d’abord marié avec une Française qui prenait la pilule (car « elle ne voulait pas faire d’enfant pour le moment »), m’a dit avoir finalement divorcé parce qu’il ne comprenait pas le refus d’enfant de sa compagne – lors de la consultation médicale à l’hôpital, il est accompagné de son épouse Assita, une compatriote de sa région arrivée en France en 2008; après avoir vécu ensemble pendant un an, ils se sont mariés coutumièrement en 2009, chacun ayant un enfant de son côté en Côte d’Ivoire, ils souhaitent avoir un enfant ensemble : « c’est mieux que ce soit notre enfant ».

Mariama et Moktar se sont mariés religieusement au Sénégal en novembre en 2004, la remise de « la dot » a eu lieu peu de temps après, et ils se sont mariés civilement en juin 2005 en France; lorsqu’ils me reçoivent dans leur maison en banlieue parisienne, Mariama exprime à son mari sa souffrance lors des cérémonies de famille ou des réunions mensuelles féminines – où chaque femme vient avec sa progéniture – : « Ce regard-là, moi, je l’ai, après faut surmonter, aller de l’avant, c’est difficile. »

Toutes les femmes disent avoir pris l’initiative de consulter pour infertilité, même lorsque, par exemple, elles ont déjà eu un premier enfant. Qu’il s’agisse d’infertilité primaire ou secondaire, l’épouse est la première incriminée en cas d’infertilité du couple. Madame Anta, arrivée en France après son mariage (coutumier soninké, religieux et civil) en 2004 au Mali, a donné naissance à une fille en 2005, mais n’a plus eu de grossesse depuis lors, sa seule chance pour « sauver son mariage » [18] est de réussir à avoir un autre enfant : « C’est comme si ma vie dépendait de [la naissance de] l’enfant maintenant. »; elle me raconte au sujet de sa « petite mère » (la petite soeur de sa mère, du côté paternel) mariée en 2003 et ayant accouché de son premier enfant à la fin de 2008 :

Comme elle n’enfantait pas, son mari avait fait le mariage religieux avec une autre femme. Et d’un coup, je ne sais pas par quel miracle, ou bien elle a fait in vitro [elle a eu sa première fille]. Elle a eu de la chance, son mariage a été sauvé.

Au cours des consultations, les femmes expriment leur « besoin d’un enfant » : « Il me faut un enfant », disent-elles, ou encore « la femme doit donner un enfant à son mari ». Cela est parfois en décalage avec le discours tenu par les spécialistes de l’AMP (biologistes, gynécologues et psychologues) qui, eux, font plutôt référence au « désir d’enfant » et au « projet parental » du couple (qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel), entendant par-là que la vie en couple n’est pas forcément associée à la conception d’un enfant.

1.3 Des conceptions différentes de l’enfant 

Si tous les migrants et toutes les migrantes expriment leur volonté d’avoir un enfant pour concrétiser leur union et l’alliance matrimoniale déjà réalisée ou en projet, aucun, aucune ne souhaite avoir un grand nombre d’enfants (quatre au maximum). Madame Ama, Ivoirienne, dont le père a eu dix-sept filles et quatorze garçons, reprend les propos de son père au téléphone :

Quand mon père dit : « Le vrai trésor, ce sont tes enfants à toi, ce ne sont pas les enfants de tes frères, ce ne sont pas les enfants de tes soeurs. » Il dit : « Vous voyez, moi, mes trésors à moi, c’est vous. Donc, si tu veux avoir ta richesse plus tard, ce sont tes enfants à toi, c’est eux qui prendront soin de toi plus tard, ce n’est pas les enfants de tes frères, ce n’est pas les enfants de tes soeurs. » Quand ton père te sort ça, tu raccroches, et puis tu pleures.

Lorsque leurs parents vivent et vieillissent en Afrique, les immigrantes et les immigrants africains travaillant en France, prennent soin d’eux malgré la distance qui les séparent grâce à leur apport financier. Ainsi madame Mawardi et ses deux soeurs qui résident aussi en métropole rémunèrent-elles une femme de ménage pour aider leur mère qui est seule à Mayotte. En revanche, aucun, aucune n’évoque la naissance de nombreux enfants pour assurer sa vieillesse future.

Certaines des immigrantes ayant fait des études supérieures ont fait le choix de se réaliser d’abord professionnellement avant d’avoir un enfant avec leur conjoint. Selon elles, enfanter n’est pas une fin en soi, il faut que certaines conditions soient réunies. Madame Josiane, née au Cameroun, mère d’un premier enfant hors mariage alors qu’elle avait 18 ans (« c’est la jeunesse », précise-t-elle) et qui a eu recours à trois IVG depuis son arrivée en France (en 2003), m’explique qu’elle veut concevoir un enfant avec son conjoint parce qu’ils ont le projet de se marier coutumièrement lors de leur prochain séjour au Cameroun (ils vivent ensemble depuis 2005) :

Oui, s’il n’y avait pas ce projet, je ne serai pas en train de faire un autre enfant. Oui, ça, je vous le dis. S’il n’y avait pas ce projet, si je ne sentais pas de l’avenir, quelque chose de bien avec ce monsieur, je ne me voyais pas en train de faire un autre enfant, parce que c’est bien beau, il y a l’éducation, il y a l’entretien, ce n’est pas facile. J’en ai déjà un qui a treize ans.

Dans son cas, comme dans d’autres, le mariage coutumier vient sceller une union consensuelle entre deux adultes qui se sont choisis :

Donc, si ce monsieur ne m’apportait pas vraiment un plus, une joie, qu’il n’était pas présent avec moi, qu’il ne m’avait pas acceptée avec mon enfant, parce qu’il a pris mon enfant comme le sien, il est présent, il est papa, il sait quand mon enfant a besoin de quelque chose, donc mon enfant, c’est son enfant, donc c’est pour ça, cet amour m’a permis de [vouloir] faire un enfant [avec lui].

En outre, elle débute l’entretien en précisant qu’elle voudrait « avoir deux enfants d’un seul coup, pour ne pas recommencer [le traitement]».

2. Les familles face à l’épreuve de l’infertilité du couple

Lorsque j’accompagne madame Mariam dans un hôpital parisien où se pratique le don d’ovocytes, l’agente administrative qui la reçoit s’empresse de préciser, en annonçant le coût à la charge de la patiente, que « beaucoup de femmes africaines se font aider par leur famille ». Cette représentation correspond-elle à une réalité? De quelle façon les familles respectives des époux qui consultent pour infertilité en France réagissent-elles et interviennent-elles dans la quête d’un enfant avec l’AMP? Les membres de la famille sont-ils considérés comme des personnes ressources ou au contraire, s’installe-t-il une incompréhension entre générations?

2.1 Une pression, affective, exercée par les ascendants

Tous les migrants et toutes les migrantes évoquent au cours des entretiens les questions insistantes de la part de leur entourage immédiat, amis et membres de la famille, en France ou « au pays », demandant pourquoi ils tardent à avoir un enfant. Monsieur Sela, âgé de 41 ans, venu de Côte d’Ivoire en Europe il y a plus de dix ans, exprime sa solitude à ne pas pouvoir satisfaire ses parents : « J’ai ma grande soeur qui m’appelle : “Madame, elle va accoucher quand? On attend pour toi.” Ma maman aussi, toujours elle demande, elle veut des petits-enfants, je ne peux pas lui dire [nos difficultés]. » Beaucoup parlent de la pression, teintée d’affection, exercée par leurs propres mère et père désireux d’avoir des petits-enfants du couple. Monsieur François, Ivoirien arrivé en 2008 en France, après des études au Maroc, raconte : « Mes parents une fois m’ont dit : “Quand est-ce que vous nous faites nos petits-enfants? On veut au moins les cajoler avant que la terre nous reprenne”. Je leur ai dit : “Ça va venir”. » Son épouse, née en Côte d’Ivoire et venue en France à l’âge de douze ans, poursuit : « Étant privilégiée par mon père, étant la plus coucounée, et n’ayant pas d’enfant, quelque part, je sais que mon père, il en souffre. Je le ressens par ses dires, par ses mots : “Je vais mourir, dit-il, je ne vais pas voir tes enfants.” »

Lorsque le mariage est endogame (« endogamie familiale »), les ascendants exercent une contrainte encore plus forte. Madame Anta me confie que son mari a eu une fille avec une première épouse dont il a divorcé avant de se marier avec elle; elle-même ne « lui ayant donné » qu’une fille, il lui a dit avoir demandé le divorce au Mali; sa belle-mère appelle sans cesse son fils au téléphone pour lui demander de venir au pays afin de lui donner une autre épouse. Dans le second mariage endogame, monsieur Moussa m’explique, devant son épouse : « Au sein de la famille, les gens commencent à jaser : “Ah! tu as pris une femme qui ne te fait pas d’enfant, qui ne procrée pas, ceci, cela.” À un moment, on te pousse à aller vers une deuxième femme. » Et dans le troisième mariage endogame, monsieur Idrissa précise :

Moi, mes parents sont là-bas, elle, ses parents sont là-bas. Dieu merci, tous les deux nous n’avons pas de problème dans notre mariage. Et les familles aussi n’ont pas problème. Moi, quand mes parents prient, ils demandent à Dieu : « Donne des enfants à mon fils. » Elle aussi, quand ses parents prient, ils demandent que Dieu nous donne des enfants.

La pression des ascendants s’exerce en fait non seulement sur les épouses, mais également sur les maris, plus particulièrement lorsque la filiation est patrilinéaire, car c’est à travers leur fils que la famille aura des descendants. C’est effectivement le cas dans les trois mariages endogames précités.

L’infertilité du couple est cachée le plus longtemps possible au père et à la mère des époux, qui seraient trop touchés par l’annonce des difficultés à engendrer de leurs enfants respectifs. Madame Emma, née au Congo d’un père italien et d’une mère congolaise, nous confie sans pouvoir arrêter ses larmes : « Parce que avec maman, maman ça lui fait mal. Ailleurs, elle prend les petits-fils des autres, petites-filles des autres, je n’ai pas envie d’en parler avec elle. » Ces couples veulent épargner à ceux qui les ont mis au monde la souffrance liée à l’épreuve de leur infertilité. Ils évoquent très rarement leur recours à la biomédecine à leurs parents qui sont en Afrique et qui en matière de procréation, ont plutôt recours à Dieu – qu’ils soient musulmans ou chrétiens.

2.2 Une solidarité entre collatéraux

Les collatéraux[19], frères, soeurs ou cousins, cousines se montrent en revanche très impliqués face à l’épreuve de l’infertilité du couple. Lors de la consultation médicale, les migrantes africaines sont parfois accompagnées par une soeur ou une mère – ce que je n’ai jamais observé lors des consultations de femmes ou de couples français. L’implication peut aller jusqu’à la proposition concrète d’une solution. Madame Mariam, immigrante guinéenne à qui a été annoncé une ménopause précoce à vingt-huit ans, explique à sa « soeur » (la fille de la cousine de sa mère) qui habite en France que le gynécologue lui a dit de chercher une donneuse d’ovocytes, celle-ci lui propose de l’accompagner dès le lendemain chez le gynécologue « pour donner ses propres ovules »; le gynécologue a dû leur expliquer qu’en France les dons directs ne sont pas autorisés afin de respecter l’anonymat du don. Ce protocole du don indirect est très mal compris par les migrantes africaines qui souhaitent venir en aide à leur « soeur » pour procréer.

Les soeurs ou les frères qui sont dans la confidence prennent régulièrement des nouvelles, au moins par téléphone. Madame Monique et son mari, résidant et travaillant tous deux au Cameroun, sont venus consulter dans l’hôpital parisien choisi par la soeur du mari, qui habite et exerce une profession médicale en France (précisons que l’infertilité est masculine); alors que Monsieur est rentré au pays après le recueil de son sperme (pour une IMSI), madame Monique est restée en France pour le traitement pendant son mois de congé, et elle reçoit tous les jours des appels téléphoniques de sa famille au Cameroun qui vient prendre de ses nouvelles. Qu’ils soient musulmans ou chrétiens, les prières des frères et soeurs pour demander à Dieu qu’il donne un enfant au couple sont fréquemment évoquées et sont présentées comme étant d’un grand réconfort. La solidarité entre collatéraux s’exprime également sur le plan financier. Madame Mariam, Guinéenne, avant de venir à Paris s’est d’abord rendue à Dakar dans une clinique, grâce à son frère, avocat, qui a payé ses frais de transport. De même madame Mawardi, dont la famille vit à Mayotte, évoque le coût du recours à l’AMP pour son frère :

Mon père a vendu un boeuf (3 000 euros) pour payer l’ICSI de mon frère. Il est allé à la Réunion, il y a une clinique […] Il faut se préparer : 10 000 euros. C’est le côté de mon frère, car ça dépend qui a le problème. On va cotiser pour que mon frère ait un enfant avec sa femme.

2.3 Des relations tendues entre alliés matrimoniaux

Plusieurs migrantes mentionnent une soeur de leur époux qui vit en France. C’est elle qui a fait le choix de l’hôpital ou qui a pris les rendez-vous. Elle peut aussi jouer le rôle de confidente, notamment quand elle a elle-même eu des difficultés à enfanter. Madame Mariama, dont les quatre frères et la mère vivent à Dakar, me confie :

J’en parle juste avec ma belle-soeur, avec qui je suis très proche. C’est sa petite soeur [à mon mari]. Elle, elle connaît bien cette procédure. Ce n’est pas le même cas [que pour nous], mais après son premier enfant, elle est restée cinq ou six ans sans avoir d’enfant. Elle a essayé. Pendant cette période-là, on en parlait beaucoup, parce qu’elle essayait de son côté, moi aussi, j’essayais.

Madame Josiane, qui doit se marier en 2013 au Cameroun, se confie également à sa belle-soeur (soeur de son fiancé) qui est en France, mais dans le but de ne pas être accusée par sa belle-famille « d’être égoïste et de ne pas vouloir leur donner leur enfant avec leur frère » :

Quand je l’ai mise au courant de tout ça, elle a compris que c’est pas seulement moi le problème, le problème, aussi, c’est son frère. Donc, c’est pour ça j’ai dit à ma belle-soeur. Elle est plus grande que moi, c’est une grande soeur, c’est comme une maman, elle a quarante-cinq ans. Donc, je l’ai mise au courant pour pas qu’ils croient que je suis avec leur frère depuis six ans et que je ne veux pas lui donner d’enfant.

Dans les trois mariages endogames (« endogamie familiale »), les relations entre l’épouse et sa belle-mère et ses belles-soeurs sont décrites comme étant extrêmement tendues. Madame Mariam, après son mariage coutumier à Conakry en 2004, a dû arrêter ses études (au baccalauréat) et a été envoyée au village par sa belle-famille où elle a été excisée. Elle dit avoir eu beaucoup de problèmes avec ses belles-soeurs avant d’arriver en France : « Quand je suis là-bas, je n’ai pas de vie. Chacun vient se décharger contre moi [principalement des insultes parce qu’elle n’a pas d’enfant]. » Sa « nouvelle mission », dit-elle, est d’avoir un enfant pour leur montrer qu’elle aussi est capable d’enfanter et que son mari n’a pas épousé « une vieille femme fatiguée » (elle est âgée de vingt-sept ans au moment de l’enquête). Le cas de madame Anta, mariée civilement et selon la coutume soninké à Bamako en 2004, ayant donné naissance à une fille en 2005, mais sans grossesse depuis lors, montre que le contact à distance entre la mère et son fils, par téléphone, a permis de retarder quelque peu ce qui apparaît à l’épouse comme inéluctable : le divorce et le remariage de son actuel époux. Durant l’entretien, madame Anta me confie : « Moi-même je commence à mettre dans ma tête que je vais rester seule. » Elle ajoute que son père commence à se préoccuper de savoir si la compensation matrimoniale (abusivement appelée « dot » par l’intéressée) a bien été versée, car en cas de divorce, il devra la rembourser. Ces mariages endogames où la filiation est patrilinéaire sont révélateurs de la fonction du mariage d’assurer la continuité du lignage paternel; dans un tel contexte, enfanter d’une fille représente une forme de stérilité, socialement parlant. La question de la compensation matrimoniale mérite qu’on s’y attarde.

3. Procréation et prestations matrimoniales

De façon inattendue, mon enquête de terrain auprès de migrantes et de migrants africains ayant recours à l’AMP m’amène à me pencher sur les prestations matrimoniales. En évoquant leur mariage coutumier, plusieurs immigrantes (nées au Cameroun, au Mali et au Sénégal) ont fait référence à « la dot[20] » donnée par leur mari. En anthropologie, la « dot » (dowry en anglais)[21] désigne les prestations matrimoniales en biens matériels reçues par la jeune épouse de la part de son groupe ou de son père, dont elle conserve souvent la propriété, mais rarement l’usufruit; elle est parfois considérée comme une avance sur héritage. La dot est une institution propre à l’Europe et à l’Asie[22]. En revanche, dans la plupart des mariages africains, le transfert de biens ou de services par le fiancé aux parents de sa future épouse est un élément essentiel de la légalité du mariage, en anthropologie, il est convenu de l’appeler le « prix de la fiancée » ou encore la « compensation matrimoniale ». Le versement de la « compensation matrimoniale » par le mari lui permet d’acquérir des droits sur l’épouse, entre autres : le droit pour le mari d’emmener son épouse chez lui; le droit vis-à-vis d’un tiers de réclamer des dommages pour adultère; le droit, dans le cas où le lignage est patrilinéaire, de rattacher les enfants au lignage du mari; le droit plus général de paternité; l’essentiel étant que ces droits sont acquis par « le versement de la compensation matrimoniale » et seulement par lui (Testart, 2002). La question des droits (ceux acquis par le mari sur l’épouse) est intrinsèque à l’institution de la « compensation matrimoniale » alors qu’elle ne l’est pas dans celle de la dot. La « compensation matrimoniale » domine très largement sur le continent africain. Dans l’Union des Comores et dans le département français voisin de Mayotte, les transactions sont de type mahr (ou sadâq). Cette institution islamique se rapproche de l’institution de la compensation matrimoniale : le mari acquiert aussi des droits sur sa femme contre le versement d’un montant d’argent, mais cette fois, c’est un transfert de biens matériels durables du mari à son épouse. Les trois immigrantes comoriennes et mahoraises n’ont pas évoqué les prestations matrimoniales durant les entretiens, je ne fais donc pas référence à cette institution.

3.1 Une proposition théorique pour repenser l’alliance matrimoniale : un « contre-don anticipé » pour la fertilité de l’épouse

Dans les sociétés africaines à filiation patrilinéaire, l’acquittement des prestations matrimoniales constitue la légalisation de l’union et la condition de la paternité, car seul le mari d’une femme est le père officiel (pater) des enfants qu’elle met au monde, quel que soit par ailleurs leur géniteur (Dacher, 1992). Dans les sociétés à filiation matrilinéaire, les prestations matrimoniales existent aussi, mais sous la forme de biens symboliques et/ou périssables et de services du fiancé (bride services), la femme en enfantant va perpétuer son propre matrilignage.

En France, les migrantes interviewées partagent, quel que soit leur niveau d’étude, la conception selon laquelle l’épouse est censée enfanter : elle est une mère potentielle. Madame Ama, âgée de 29 ans, née en Côte d’Ivoire et arrivée en France à l’âge de huit ans, l’exprime clairement : « On a cette éducation de base : c’est à nous de procréer, de donner un enfant à notre mari. » Certaines, nées en Afrique Centrale, associent la « compensation matrimoniale » au fait d’enfanter. Madame Josiane prend le temps de m’expliquer ce que son mariage coutumier prévu prochainement au Cameroun va changer :

Donc, ça veut dire que je n’appartiendrai plus à mes parents, j’appartiendrai à mon mari. Donc, les enfants que je vais faire, c’est pour mon mari. Mais par contre, quand je ne suis pas « dotée », je vis chez mes parents, tous les enfants que je vais faire, c’est pour mes parents, ce n’est pas pour l’homme avec qui j’ai fait. C’est pour ça mon premier fils que j’ai, je n’ai pas été « dotée », donc j’ai fait ça chez mes parents, il est à moi. Maintenant le monsieur qui va m’épouser, avec qui je suis, l’enfant va lui appartenir, puisqu’il m’a mariée avec mon enfant.

La norme sociale selon laquelle le père (et les parents) de l’épouse n’a droit aux biens donnés par le futur mari que si sa fille met au monde un enfant est intériorisée par Madame Orphanie qui souhaite être sûre de sa capacité génésique avant que son mari ne donne la « compensation matrimoniale » à son père vivant au Congo; comme sa soeur aînée vivant aussi en France, elle a recours pour son second enfant à une FIV :

Ma soeur aussi, c’est ça qu’elle a fait : quand elle a eu sa petite dernière, là, on l’a « dotée ». Elle l’a fait là-bas. Notre père était décédé, mais ses petits frères qui étaient restés sont au pays. On l’a « dotée ». Une femme qui ne sert à rien, pourquoi on va la « doter », on ne voit pas l’importance. Quand j’ai accouché, j’ai dit : « On attend la deuxième fois. » Là on se prépare pour 2013. […] Moi, je disais que mon père ne mérite pas [la « compensation matrimoniale »], car je ne mets pas au monde. Mais c’est dommage, il est parti, il est décédé, il n’a pas eu cette chance. Les autres qui restent ont de la chance, ils vont l’avoir.

En anthropologie de la parenté, le terme « compensation » matrimoniale suppose l’idée d’un versement d’une quantité de biens à la famille qui est censée être lésée par le départ de la fille, ce qui reste contestable. Le second terme, le « prix de la fiancée », a donné lieu à beaucoup de controverses, surtout en langue anglaise, or il est clair là encore que le mariage ne peut être assimilé à l’achat d’une épouse. Testart propose de rapprocher le « prix de la fiancée » et l’esclavage pour dettes, qu’il considère comme des institutions apparentées, puisqu’elles relèvent de la même logique générale : la possibilité de troquer de la richesse contre une relation de dépendance; si le « prix de la fiancée » est associé à une valorisation positive des épouses, la femme a une valeur au plus haut point parce que « c’est un être dépendant qui engendre d’autres dépendants » (Testart, 2002). Ceci est juste, mais je préfère pour ma part la formulation lumineuse d’Evans-Pritchard à la fin de son chapitre sur le mariage nuer : « C’est la fertilité d’une femme qu’un lignage reçoit en échange de la compensation matrimoniale [l’italique est de moi] » (1973 : 158). Je propose ainsi de parler de « contre-don » pour la fertilité (présumée) de l’épouse : par le mariage, l’épouse étant censée donner des enfants à son mari (et au lignage de celui-ci lorsque la filiation est patrilinéaire), l’époux doit faire un contre-don de biens au père (et aux parents) de l’épouse – dont il est en droit d’espérer des enfants. Ceci constitue un cas de figure singulier d’un « contre-don anticipé » : l’anticipation s'appuie ici sur la conviction qu'il est dans l'ordre des choses qu’une épouse enfante.

Conclusion

En France, alors que le mariage tend à être vécu comme l'institution d'un lien de couple et la filiation à s’autonomiser progressivement du mariage[23] et à « se refonder sur elle-même » (Théry, 1998), pour les migrantes et les migrants nés en Afrique subsaharienne ayant recours à l’assistance médicale à la procréation en Île-de-France, le mariage coutumier reste la légalisation d’une alliance (entre deux personnes de sexe opposé, voire entre deux familles) et la principale forme de légitimation pour la filiation de l’enfant tant attendu. Qu’ils ou elles résident et travaillent dans un pays d’Afrique subsaharienne ou en France, la naissance d’un enfant reste nécessaire pour légitimer le mariage entre migrantes-migrants africains : elle vient en quelque sorte sceller l’alliance matrimoniale qui, sans elle, reste comme inachevée. Si les couples infertiles ne souhaitent pas partager leur difficulté à enfanter avec leurs ascendants, qui leur ont donné la vie, en revanche leurs collatéraux respectifs se montrent très solidaires. En situation migratoire, l’alliance matrimoniale reste un processus qui peut être retardé notamment en fonction de la capacité procréative de la future épouse, d’où l’importance accordée dans certains cas aux prestations matrimoniales qu’il convient de comprendre alors comme un « contre-don anticipé » pour la fertilité de l’épouse.