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Introduction

En mars 2015, le Cadre de Sendai pour la période 2015-2030 a été adopté lors de la troisième Conférence mondiale pour la réduction des risques de catastrophe qui s’est tenue à Sendai au Japon[1]. Ce cadre vise à réduire les pertes humaines, économiques, culturelles, en termes de santé et – ce qui nous intéresse tout particulièrement ici – environnementales, causées par les catastrophes naturelles. Il appelle à intégrer la prévention des risques dans les politiques publiques de tous les pays (unisdr 2015). Cet objectif montre que l’environnement et les catastrophes naturelles sont, à l’occasion de cette conférence, pensés comme étant étroitement liés. Le cadre fait notamment mention des principes de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de 1992, réaffirmés lors de la conférence de Sendai. De plus, selon le document en question, les mesures prises aux niveaux national et local devraient être évaluées selon leurs impacts sur l’environnement, et les technologies employées ne devraient pas mettre en danger l’environnement.

Malgré la proximité des enjeux et l’accroissement de l’emprise humaine sur la nature dans les deux cas, le lien entre les catastrophes naturelles et l’environnement n’est que très rarement établi. Bien que la conférence de Sendai ait lieu au Japon trois ans après la catastrophe de Fukushima, la question nucléaire, selon la critique d’un observateur, est totalement absente du texte et ce qui relève de la protection de l’environnement est peu présent (Delzangles 2015). Un autre observateur (Kelman 2015) regrette par ailleurs que le changement climatique soit envisagé dans l’accord-cadre de Sendai comme un processus intergouvernemental distinct de celui des catastrophes naturelles. Selon cet auteur, il y a des intérêts divergents dans les deux champs (la réduction des risques de catastrophes et la lutte contre le changement climatique), ce qui explique cette coexistence séparée. Cette divergence s’explique par des raisons politiques et historiques.

Sur le plan historique, l’environnement et les catastrophes naturelles constituaient deux programmes clairement différents, qui ne furent d’ailleurs pas toujours traités par les mêmes organisations internationales par le passé (l’unesco, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture est à ce sujet une exception). Cela s’explique par le fait que ces organisations internationales (oi) ayant pour mandat la gestion des catastrophes naturelles avaient avant tout été créées pour répondre de manière ad hoc aux catastrophes se produisant et en coordonner le secours. Il s’agissait avant tout d’un objectif d’ordre humanitaire. Or, il est difficile de fournir un secours adéquat sans appréhender la nature exacte de la catastrophe naturelle en question. Il est également plus coûteux d’acheminer de l’aide pour répondre à une catastrophe que de se préparer en amont de celle-ci. Ces deux constats nous semblent aujourd’hui évidents, mais il a pourtant fallu plusieurs décennies pour intégrer cela dans la gestion des catastrophes naturelles. Un récent rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (plus connu sous son acronyme anglais ocha) a d’ailleurs déploré que le financement des moyens de prévention et de préparation ait constitué moins de 0,5 % de l’aide internationale des 20 dernières années (ocha 2014).

Une meilleure préparation aux catastrophes naturelles passe par une étude plus approfondie du phénomène naturel à l’origine du désastre, des moyens de secours à apporter et des conditions sociales[2] qui conduisent à parler de catastrophe, autrement dit une étude qui relève de la recherche scientifique. Cette préparation comprend également une évaluation du contexte socio-économique et environnemental afin de considérer de manière compréhensive ce que l’environnement fait aux risques de catastrophes et ce que les désastres font à l’environnement.

Dans cet article, nous nous interrogeons sur le lien entre environnement et catastrophes naturelles au sein des oi, et plus particulièrement sur la manière dont ces dernières intègrent l’environnement dans leurs activités par le biais des catastrophes naturelles. Pour y répondre, il est nécessaire de revenir sur la prévention des catastrophes naturelles. Une précaution s’impose d’emblée : si certaines oi s’intéressent à l’environnement au prisme des catastrophes naturelles, cela ne signifie ni que ces acteurs s’attachent aux questions environnementales en général ni que leurs fonctionnaires ou experts affiliés appartiennent aux mêmes régimes circulatoires (Saunier 2008)[3] que celles des oi responsables de la gestion de l’environnement.

Afin de rendre compte du rapport qui existe entre environnement et catastrophes naturelles au sein des oi, nous dresserons, dans un premier temps, le contexte dans lequel l’internationalisation de la gestion des catastrophes naturelles a pris de l’élan dans le premier tiers du XXe siècle. Nous montrerons toutefois, dans un second temps, que l’internationalisation de la gestion des catastrophes naturelles n’a pas suivi une évolution linéaire. Absente au sein des oi après 1945, il faudra attendre la fin des années 1960 pour que la gestion des catastrophes naturelles soit remise à l’agenda de l’onu.

Méthodologiquement, notre analyse vise à travers une perspective sociohistorique à identifier les acteurs qui ont progressivement contribué à la tentative de mettre en place une gouvernance globale de prévention des désastres naturels, ainsi qu’à analyser les dynamiques de l’internationalisation et de l’institutionnalisation de ces activités. C’est justement par l’analyse d’archives, dont le présent travail fait amplement usage, que l’historien comme le politiste peuvent « repérer la multitude d’acteurs impliqués dans ce processus, que ce soit dans les organisations elles-mêmes ou sur les scènes nationales, ainsi que la nature des rapports qui se nouent et se dénouent au sein de ces configurations » (Kott 2011 : 15). Nous nous intéressons en particulier aux individus nous forçant à adopter un regard transnational du fait de leurs activités et de leurs correspondances (Clavin 2005), ainsi qu’aux réseaux et régimes circulatoires d’experts (Saunier 2008) que ces individus constituent. À la différence de la politique internationale environnementale, le concept de « communauté épistémique » (Haas 1989, 1992b)[4] se prête moins à l’analyse de la gestion internationale des catastrophes naturelles. Alors qu’elles existent (et nous en donnerons des exemples tout au long de cette analyse), ces communautés sont fragmentées (Susskind 1994 : 75) et n’ont que rarement réussi à faire avancer l’adoption d’accords multilatéraux dans leurs domaines respectifs (Hannigan 2012 : 32-33). Nous préférons donc le concept plus général de « régimes circulatoires » mentionné plus haut. En identifiant les multiples acteurs du global policy field au sujet de la gestion des désastres naturels[5], il apparaît en effet que la fragmentation institutionnelle du XXe siècle influença la « gouvernance globale »[6] des catastrophes naturelles alors émergente.

I – Aux origines de la prévention des catastrophes naturelles dans l’entre-deux-guerres

A — Les origines humanitaires

Parmi les évènements du début du XXe siècle qui ont inspiré l’idée de créer une oi pour gérer les catastrophes naturelles, le tremblement de terre de Messine de 1908 ayant causé la mort d’approximativement 120 000 personnes (estimation dans Clancey 2006 : 172) marque un tournant. Malgré la solidarité remarquable à laquelle l’évènement donne naissance – aux Croix-Rouges allemandes et autrichiennes, premières à arriver sur place et à envoyer personnel et biens, se sont joins les Croix-Rouges françaises, américaines et turques (cicr, 1909) –, plusieurs observateurs contemporains critiquèrent le manque de coordination de ces différents efforts. Le sénateur et membre de la Croix-Rouge italienne Giovanni Ciraolo, personnellement touché par cette tragédie dans laquelle il perdit plusieurs membres de sa famille, constata lui aussi le manque de coordination des acteurs humanitaires qui sont intervenus. Ainsi, les actions des uns entravaient l’action des autres (Borgeaud 1932 : 13).

Devenu président de la Croix-Rouge italienne après la Première Guerre mondiale, Ciraolo fit du lobbying au sein du mouvement international de la Croix-Rouge et à la Société des Nations (sdn) pour la mise en place d’une oi pour la gestion des catastrophes naturelles. Initialement, ce projet était basé sur l’idée d’une assurance mondiale qui viendrait en aide à la population d’un pays frappé par un désastre naturel. L’idée par la suite qu’une armée internationale puisse intervenir en cas de catastrophe s’est elle aussi développée (Macalister-Smith 1981 : 147 ; Ciraolo 1923).

Après cinq ans de délibérations au sein de plusieurs instances de la sdn et en consultation avec les deux oi de la Croix-Rouge[7], une conférence internationale réunissant 64 États fut convoquée en 1927 pour mettre en place l’organisation que Ciraolo avait envisagée moyennant une convention internationale (Sauer 1932 : 25). Néanmoins, cette nouvelle institution, intitulée Union Internationale de Secours (uis), ne correspondait guère à l’idée initiale. L’uis ne constituait pas en soi une forme d’assurance, pas plus qu’elle n’avait d’armée à disposition. L’uis n’était pas capable de remplir son rôle de coordination des secours en cas de désastre naturel et son action était paralysée de plusieurs façons : des contributions financières trop modestes, l’idée répandue que la gestion des désastres naturels devrait rester une affaire nationale, et la crainte au sein du Comité International de la Croix-Rouge (cicr), de la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge et de la sdn que cette nouvelle organisation ne devienne trop puissante. Cette oi n’a donc jamais fait plus qu’envoyer de modestes sommes à des pays frappés par des catastrophes naturelles (Macalister-Smith 1981 ; Hutchinson 2001 ; Davey, Borton et Foley 2013).

B — Vers une science des calamités naturelles

Malgré cette action limitée dans le domaine du secours, cette oi a développé une activité plus prévalente dans le domaine de l’expertise préventive. Les fondateurs de l’uis étaient effectivement conscients de l’importance de connaître davantage les causes des catastrophes naturelles afin de mieux organiser les secours. À cette fin, ils désiraient nouer des liens avec le monde scientifique. Grâce au Français Étienne Clouzot, directeur du secrétariat du cicr et soutien de Ciraolo, un rapprochement s’opéra avec celui-ci (Archives cicr 1923). De par de son éducation, sa place dans la société genevoise et son intérêt pour la géographie historique, (Agulhon 1986), Clouzot était familier avec la Société de géographie de Genève ainsi qu’avec son président, Raoul Montandon. Or, la nature intrinsèquement adaptative et interdisciplinaire de la géographie rend cette discipline particulièrement apte à étudier les désastres naturels et à inclure dans ses analyses des dimensions sociales, physiques, technologiques, politiques ou légales (Kendra 2007). Aussi, Clouzot se rapprocha de Montandon afin de réfléchir à la façon dont le projet Ciraolo pourrait bénéficier d’une meilleure connaissance des catastrophes.

Quelques mois plus tard, Montandon publia dans un numéro de la Revue internationale de la Croix-Rouge une étude intitulée « À propos du projet Ciraolo : une carte mondiale de distribution géographique des calamités » (1923). Dans ce texte, l’auteur appela à la création d’un atlas montrant l’ampleur et la répartition des plus importantes catastrophes à travers le monde. Il recommandait également que des statistiques soient établies et des recherches entreprises pour fournir de l’information sur les pertes humaines et matérielles, et ce pour chaque type de catastrophe et chaque région du globe. En cas de désastre naturel, la potentielle armée de secours pourrait par conséquent mieux répondre aux exigences géographiques propres au lieu d’intervention. Cela permettrait également à la population de se prémunir contre les catastrophes en prenant certaines dispositions préalables relatives à la construction ou en améliorant les moyens de communication (Montandon 1923).

Avec cet appel, l’auteur visait à promouvoir la collaboration et le lancement d’un véritable projet de recherche internationale réunissant les plus grands spécialistes du globe. Dans le but de diffuser l’idée et en suivant une pratique récurrente des oi humanitaires de l’entre-deux-guerres (Davey, Borton et Foley 2013 : 29), un journal intitulé Matériaux pour l’étude des calamités – publié par la Société de géographie de Genève – fut créé en 1924 (Anonyme, Faits et Documents 1924 : 45-61) afin de trouver des collaborateurs à ce projet. De son côté, le monde scientifique fut globalement favorable à la création de cette revue. Le signe le plus notable du soutien apporté par les experts fut la création de 14 commissions d’études nationales. Grâce aux efforts considérables de lobbying réalisés par Montandon, ces commissions virent progressivement le jour à la suite de la création du journal (sur recommandation du cicr et de la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge) dans le but de trouver des auteurs pour publier dans la revue nouvellement créée et pour permettre la compilation de données afin d’élaborer la carte mondiale des catastrophes (Archives lrcs 1938 : 12-14). En outre, ces commissions devaient sensibiliser les gouvernements à la cause de l’uis pour que ces derniers soutiennent la création de cette oi (Archives uis 1926). Enfin, la création de ces comités nationaux était une reconnaissance du fait que les experts spécialistes de certains pays connaissaient mieux les particularités des catastrophes auxquelles ces mêmes pays étaient soumis que des fonctionnaires internationaux (Davey, Borton et Foley 2013 : 30).

L’objectif du journal était de « situer géographiquement les grands fléaux naturels dont souffre l’humanité, en déterminer les causes, en étudier le retour accidentel ou périodique, et chercher enfin quels pourraient être les moyens les plus efficaces de les prévoir, de les éviter et de les combattre » (Montandon 1947 : 56-57). En d’autres termes, il s’agissait de promouvoir une nouvelle science servant à la prévention des catastrophes, volonté qui fut formulée encore plus clairement lors de la Première conférence internationale pour la protection contre les calamités naturelles se tenant à Paris en 1937. À cette occasion, Ciraolo affirma que : « […] il semble logique que le problème tout entier devint l’objet d’études approfondies, pouvant constituer la base d’une science nouvelle des calamités et de secours » (Archives ius 1937). Toutefois, les phénomènes naturels étaient au coeur des préoccupations de ce journal, au détriment des enjeux propres à la gestion des secours. L’essentiel des articles était en effet consacré aux phénomènes météorologiques, sismologiques et aux inondations, alors que seule une modeste partie portait à proprement parler sur le secours.

C — L’environnement, une préoccupation mineure

Malgré cette étude approfondie des phénomènes naturels, l’environnement et sa protection per se ne figuraient dans presque aucune contribution. Les rares mentions qui en étaient faites concernaient le souci croissant que l’homme lui-même puisse avoir des effets néfastes sur l’environnement et qu’il puisse aggraver, voire causer des catastrophes naturelles. Un auteur français, André Mater, dans un texte portant sur les désastres comme champ d’études sociologiques, donnait des exemples illustrant la façon dont l’homme pouvait être responsable de désastres dits naturels : l’avancée du Sahara d’un kilomètre par an parce que la population locale brûle du bois afin de gagner des terres agricoles, ou encore l’apparition de zones de poussière à cause de l’agriculture intensive aux États-Unis et au Canada. Une partie des catastrophes, soutenait-il, ne pouvait donc pas être catégorisée comme « catastrophes naturelles » ou « catastrophes sociales », mais devait être considérée comme un amalgame des deux (Mater 1938). Dans la même veine, un autre article inspiré par la loi Morizet (loi sur les fumées industrielles) votée en France en 1932 (Massard-Guilbaud 1999 : 59-60) traitait de la pollution et des émissions de matières particulaires (Humery 1940).

Cette prise de conscience de l’impact humain sur la planète ne surprend pas. La réflexivité de l’environnement n’est en effet pas un phénomène récent (Crutzen 2002 : 23), même si elle ne fut pas aussi prédominante dans l’entre-deux-guerres que pendant la révolution industrielle (Fressoz et Locher 2014).

Bien qu’une certaine prise de conscience de l’implication de l’homme dans certaines catastrophes naturelles ait émergé autour de l’uis, elle s’est développée indépendamment du mouvement environnemental qui s’est formé, à peu près en même temps, autour d’un naturaliste et ethnologue suisse, Paul Sarasin. Il s’agissait en effet de régimes circulatoires complètement distincts. Malgré que le mouvement environnemental ait réussi à mettre à l’agenda des questions allant de la pêche à la baleine à la pollution au sein des enceintes de la sdn, aucune oi pour la protection internationale de l’environnement n’a vu le jour dans le système de la sdn (Wöbse 2003). En revanche, l’uis qui a été mandatée par la convention de 1927 pour encourager l’étude de mesures de prévention des catastrophes avait son propre bureau de documentation (Archives lrcs 1954).

L’analyse des dynamiques existantes durant la période de l’entre-deux-guerres révèle donc que l’environnement et les catastrophes naturelles ont alors été perçus au sein des oi comme des enjeux différents, l’initiative pour l’approfondissement des connaissances sur les calamités naturelles provenant des oi humanitaires. Bien que la protection environnementale ne fasse pas partie des préoccupations de ces dernières, elles oeuvraient pour une meilleure compréhension de l’environnement afin de mieux anticiper les catastrophes. Parallèlement, la participation des scientifiques accrut la crédibilité du projet du Sénateur Ciraolo. Nous constatons donc l’existence de deux régimes circulatoires autour des catastrophes naturelles, celui des humanitaires et celui des scientifiques. Ces derniers représentaient à leur tour un ensemble assez incohérent dans un contexte où l’étude des désastres en tant que discipline n’existait pas encore. Alors que ces deux régimes étaient liés par l’initiative du sénateur Ciraolo à Genève, les projets entrepris en faveur de la protection de l’environnement n’y étaient pas associés.

II – Désordre dans la prévention internationale des catastrophes naturelles après 1945

A — Un programme dispersé à l’unesco

La volonté de mener une politique internationale de prévention des catastrophes naturelles basée sur un réseau de commissions nationales étudiant les catastrophes dans leur contexte local, était, au moins en théorie, plus cohérente et inclusive que les tentatives de gouvernance internationale qui sont survenues dans la période de l’après-guerre. La communauté d’experts pour la prévention des désastres naturels créée autour de l’uis n’a pas survécu à la Deuxième Guerre mondiale. Certes, le journal de l’uis a continué d’être publié sporadiquement, mais les commissions nationales ont cessé de se réunir et le service de documentation n’a plus rien produit de pertinent.

Incapable de trouver le soutien financier et politique nécessaire dans le contexte d’après-guerre où une gestion bilatérale plutôt que multilatérale des catastrophes naturelles était privilégiée, le Conseil général de l’uis négocia entre 1966 et 1969 avec le directeur général de l’unesco le transfert de ses responsabilités et de ses ressources à cette agence spécialisée de l’onu (Archives unesco 1968a). Depuis sa création en 1945, l’unesco a développé des activités diverses dans le domaine des sciences dures, comme la recherche sur les ressources naturelles ou l’océanographie. Parallèlement, l’organisation fit preuve d’un intérêt croissant à la fois pour des questions environnementales et des questions de développement. Déjà en 1948 et 1949 des conférences portant sur la protection de l’environnement avaient été organisées, et le directeur général de l’unesco, biologiste évolutionniste Joseph Huxley, en partenariat avec Joseph Needham, directeur du département scientifique de l’unesco, facilitèrent, par le biais de l’unesco, la création de l’Union internationale pour la conservation de la nature (uicn) (Wöbse 2012 : 29 ; Maurel 2006 : 138, 2013 : 175).

En dépit des hésitations sur la place de l’environnement au sein du mandat de l’unesco de la part du directeur général suivant, Torres Bodet, des conférences sur la protection environnementale ont également été organisées dans les années 1950, et des institutions environnementales telles que l’Institut du Désert d’Égypte au Caire ont été créées. En outre, l’unesco réalisa dans les années 1960 plusieurs études environnementales relatives au développement économique, ainsi qu’à des questions telles que la pollution des océans. À la fin des années 1960 et au début des années 1970, période de sensibilisation croissante pour des problèmes environnementaux, l’unesco apporta des contributions notables. Elle organisa notamment la Conférence de la biosphère de 1968 qui fut la première conférence internationale appelant à la « rationalisation à l’échelle planétaire de l’utilisation des ressources de la biosphère pour assurer aux générations futures des conditions de vie satisfaisantes ». Il s’ensuivit la création d’un « Département de sciences de l’environnement et des recherches sur les ressources naturelles » (en 1969) et du programme « Man and Biosphère » qui associe des questions environnementales à des problématiques de développement (Maurel 2006 : 956, 2013 : 188 ; Hadley 2009b).

Indépendamment de la nécessité de protéger l’environnement des impacts humains, l’unesco s’est par la suite intéressée à protéger les hommes de l’impact de l’environnement. C’est en particulier dans le domaine de la sismologie que l’unesco a été la plus active. Le Conseil économique et social des Nations Unies (ecosoc), lors de sa 30e session en juillet 1960, adopta une résolution demandant au Secrétaire général de l’onu de coopérer avec l’unesco et d’autres organismes spécialisés pour une étude approfondie des possibilités de réduire les dommages et les pertes de vie résultant de tremblements de terre. À la suite de cette initiative, quatre « missions d’enquête sismologiques » ont été incluses dans le plan d’activités de la période 1961-1962 de l’unesco afin d’analyser l’état de la sismologie et du génie parasismique dans les différentes zones sismiques du monde. Les résultats de cette étude jetèrent les bases de la réunion intergouvernementale de sismologie et de génie parasismique qui eut lieu à l’unesco à Paris en avril 1964. Les tsunamis, qui peuvent être déclenchés à la fois par des séismes, des activités volcaniques ou des glissements de terrain, constituent également un intérêt scientifique important pour l’unesco depuis 1965. Cette année-là, l’unesco, par le biais de sa Commission océanographique intergouvernementale, convoqua à Honolulu (Hawaï) un groupe de travail sur les aspects internationaux du système d’alerte aux tsunamis dans le Pacifique auquel 18 États membres et organismes participèrent. Cela aboutit à la création du « Système d’alerte aux tsunamis dans le Pacifique (twsp) » en 1968 (Rouhban 2006 : 325-326 ; unesco 1986 : 9). L’intérêt de l’unesco pour ce type de prévention s’explique tout d’abord par l’importance du développement à l’onu dans les années 1960 et 1970, ainsi que par le contexte de la décolonisation. De nombreux États nouvellement décolonisés peinaient à faire face aux catastrophes naturelles ; et l’unesco pouvait répondre à ce problème par la formation des experts et des scientifiques de ces pays et en mettant en place, par exemple, des projets d’assistance technique financés par le pnud (Hadley 2009a). En revanche, la prépondérance de la sismologie à l’unesco n’est pas fortuite. Il est bien documenté, en particulier pour les États-Unis, que les financements destiné aux sciences de la terre ont considérablement augmenté dans les années 1950 et 1960 en raison de l’utilité de ces disciplines pour la défense et la surveillance dans le contexte de la guerre froide (Barth 2003 ; Doel 2003 ; Turchetti 2014).

La personne au coeur de la tentative de l’unesco d’élargir les activités de l’organisation en matière de prévention des catastrophes naturelles fut le Britannique Edward M. Fournier d’Albe, du Département de sciences de l’environnement et des recherches sur les ressources naturelles, Section sciences de la Terre. Fournier d’Albe était physicien des nuages et diplômé de l’Université Oxford, ce qui témoigne d’une professionnalisation par rapport aux amateurs en charge du programme scientifique de l’uis dans l’entre-deux guerres (Fournier d’Albe 1965). Il perçut le transfert des responsabilités et ressources de l’uis vers l’unesco comme l’occasion de créer un véritable programme sur les catastrophes naturelles à l’unesco (Archives unesco 1967, 1971b). En effet, des fonctionnaires de l’unesco ont réaffirmé à plusieurs reprises que grâce à ce transfert, l’unesco pourrait considérablement élargir ses activités dans le domaine de la prévention des catastrophes naturelles (unesco 1986 ; Archives unesco 1972c). Le « résumé annuel d’informations sur les catastrophes » fut notamment lancé pour faire suite à la revue de l’uis (unesco 1966). Une autre conséquence du transfert fut la prise en compte d’autres types de catastrophes naturelles outre les tremblements de terre (qui faisaient déjà l’objet de missions depuis 1962). Dans les années et décennies suivantes, l’unesco développa en effet ses activités en matière de catastrophes naturelles, notamment concernant les tsunamis, les éruptions volcaniques, les glissements de terrain, les avalanches et les inondations. Seuls les phénomènes d’origine purement météorologique (comme les cyclones tropicaux) seront exclus, car ils étaient considérés comme relevant de la responsabilité de l’Organisation météorologique mondiale (omm) (Rouhban 2006 ; unesco 1986).

Pendant plusieurs années, l’unesco était donc le seul organe du système onusien disposant d’une véritable responsabilité générale en matière de prévention des désastres naturels. Fournier d’Albe pensait que l’unesco pouvait se réjouir de l’absence d’une autre oi onusienne en la matière, évitant ainsi les problèmes de coordination entre agences (Archives unesco 1971a). Pour cette raison, l’unesco était opposée à la création de nouvelles structures au sein de l’onu afin de gérer les désastres naturels. « Une pareille proposition », peut-on lire dans un document interne de 1968 concernant l’idée de créer un comité spécial pour la coordination en matière de désastres naturels, « serait en effet certainement rejetée dans l’état actuel des choses et tant que l’expérience n’aura pas démontré que le volume des travaux entrepris nécessite la création d’un organe spécial » (Archives unesco 1968b).

Malgré tout, l’unesco ne se transforma pas en point focal pour la prévention des catastrophes à l’onu. Pourtant, Fournier d’Albe fit plusieurs propositions à Adriano Buzzati-Traverso, sous-directeur général de l’unesco pour la science, pour donner aux activités de catastrophes naturelles de l’unesco un profil plus fort. Ses recommandations étaient basées sur un projet d’études à long terme portant sur les phénomènes naturels, sur les techniques de protection contre leurs effets néfastes, et sur la création d’un service d’information. Il avait, à ce titre, demandé une augmentation des allocations budgétaires et du personnel (Archives unesco 1970).

Ces demandes n’ont été que partiellement entendues. De 1961-1962 à 1984-1985, le budget alloué à l’unesco dans le programme et budget ordinaire pour les activités concernant les catastrophes naturelles augmenta de 50 000 à 574 000 dollars américains. La part du personnel de l’unesco impliqué dans les activités liées aux catastrophes naturelles tripla dans la même période. Toutefois, aucune unité spécifique aux catastrophes naturelles ne fut créée à l’unesco, les activités restant dispersées entre plusieurs divisions de l’organisation (unesco 1986 : 13-14). Une évaluation d’impact commandée par l’unesco recommanda la mise en place non seulement d’une structure « horizontale » pour favoriser une meilleure coordination au sein de l’unesco, mais aussi la création d’un comité de liaison entre les divers organismes des Nations Unies qui permettrait de créer une vision commune de la prévention des catastrophes entre les différentes organisations (unesco 1986 : 86). Cette recommandation était d’autant plus surprenante qu’une telle organisation existait déjà depuis 1972 : le Bureau du coordonnateur des Nations Unies pour les secours en cas de catastrophe (United Nations Disaster Relief Organization – undro).

B — L’undro et l’approche top-down

L’undro, tout comme l’uis, était une oi créée principalement pour répondre de manière ad hoc aux catastrophes et pour coordonner les secours. Dans les années 1960, il devient de plus en plus évident que plusieurs des nouveaux États membres de l’onu, issus du processus de décolonisation, étaient vulnérables aux crises environnementales et que leurs gouvernements n’étaient pas de fait capables de gérer adéquatement ces crises (Kent 1987 : 36-43). À l’onu, un certain nombre de résolutions de l’Assemblée générale et de l’ecosoc répondaient à ces catastrophes au cas par cas avec la création de fonds spécifiques. En 1964, l’ecosoc adopta une résolution demandant à ce que le Secrétaire général étudie ce que l’onu, en tant qu’institution, pouvait entreprendre afin d’améliorer ses capacités. Macalister-Smith considère cette demande comme un tournant, car il s’agit de la première demande adressée par des États à l’onu pour qu’elle endosse un rôle actif dans ce domaine (Macalister-Smith 1985 : 94-96). Cependant, ce n’est qu’après plusieurs crises majeures, dont un tremblement de terre de Pérou en mai 1970 et un cyclone dévastateur à l’est du Pakistan (le futur Bangladesh) en novembre 1970, que la majorité des États commença à accepter, voire à demander, que le rôle de l’onu soit accru dans les secours en cas de catastrophe naturelle. Ces crises, qui ont entraîné une aide bilatérale considérable, démontraient le besoin de créer un « point focal » plus permanent, souhait visible dans le rapport du Secrétaire général intitulé « Assistance in Cases of Natural Disaster » en 1972. La même année, l’undro fut établie conformément à la résolution de l’Assemblée générale 2816 (XXVI) 1971 au sein du Secrétariat des Nations Unies, non sans un certain scepticisme au sein de l’unesco.

Ces inquiétudes portaient plus particulièrement sur le fait que le mandat du Bureau du coordonnateur pouvait empiéter sur celui de l’unesco quant à la prévention des catastrophes naturelles. Un rapport écrit par Fournier d’Albe à l’occasion de la 26e session de l’Assemblée générale des Nations Unies fait état de la crainte qu’en recommandant au coordonnateur de : « promouvoir l’étude, la prévention, le contrôle et la prévision des catastrophes naturelles, y compris le rassemblement et la diffusion d’informations concernant l’évolution de la technique », ladite résolution de l’Assemblée générale n’empiète sur les activités pour lesquelles l’unesco avait été active dans les dix années précédentes (Archives unesco 1971a).

Cette crainte s’avéra néanmoins infondée. En réponse à la critique que l’undro pouvait être redondante par rapport aux autres organisations spécialisées de l’onu, Faruk Berkol, le sous-secrétaire général de l’organisation, précisa que l’undro était uniquement un « bureau de coordination » qui n’effectuerait pas son propre travail scientifique et ne ferait que jouer un rôle de « véhicule » favorisant la large diffusion des informations résultant de la recherche scientifique, de sorte que cette information atteigne plus de personnes, y compris les fonctionnaires nationaux (Archives unesco 1972a).

Bien que l’idée d’une compétition potentielle entre l’undro et unesco soit écartée, un nouvel acteur apparaissait néanmoins dans le système onusien. Or, en juin 1972 la Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain fut organisée à Stockholm. Cette conférence, à l’origine du Programme des Nations Unies pour l’environnement (pnue), fit elle aussi des recommandations générales sur les catastrophes naturelles dans sa déclaration. Il était plus particulièrement demandé au Bureau du coordonnateur d’aider les pays en voie de développement dans la création de systèmes d’alerte pour toutes sortes de catastrophes naturelles, et dans la mise en place ainsi que dans l’amélioration des programmes de recherche sur les catastrophes naturelles. Les systèmes d’alerte pourraient être confiés au Programme des Nations Unies pour le développement (pnud), en particulier dans le cadre de ses programmes nationaux. En outre, un « programme international de coopération technique » devait être élaboré pour renforcer les capacités des gouvernements dans le domaine de la planification préalable aux catastrophes, en faisant appel aux services des représentants résidents du pnud (Archives unesco 1972d).

C’était donc désormais au tour de l’undro d’être perturbé par l’ingérence de nouvelles institutions dans ses affaires. Le directeur de l’undro, Robert Rossborough, envoya des commentaires au Secrétaire général de la Conférence, Maurice Strong, critiquant notamment le fait que ces recommandations aient tendance à donner un poids excessif aux systèmes d’alerte et de communication, qui ne pouvaient être, au mieux, qu’un complément à des mesures préventives plus basiques. L’undro était aussi sceptique quant à l’idée d’inclure la prévention des catastrophes dans les programmes des pays membres du pnud, car les pays en voie de développement préféraient ne pas envisager la possibilité d’être touchés par une catastrophe, tout en désirant recevoir de l’aide ad hoc si une catastrophe se produisait (Archives unesco 1972b).

Cette situation provoquait également une certaine confusion sur le rôle que le pnue devait jouer à l’égard des catastrophes naturelles par rapport à l’undro ou au pnud. Pour résoudre cette question, le pnue organisa une réunion spéciale pour toutes les entités du système onusien intéressées par les catastrophes naturelles en mars 1973. En vue de cette réunion, le Bureau du coordonnateur conçut un schéma interorganisationnel afin d’organiser la division des tâches. Le pnue fut ainsi placé dans la « sphère d’intérêt » dénommée « atténuation des catastrophes et prévention ». Le pnue ne serait pas par exemple impliqué dans le domaine du « preparedness » (préparation). En retour, le rôle du Bureau du coordonnateur a été défini par rapport à d’autres organismes comme celui d’un « clearinghouse » (Archives unesco 1973a, 1973b), soit un point focal qui permet l’échange d’informations. Néanmoins, la collaboration entre le pnue et l’undro n’a pas dans l’ensemble été très fructueuse. Bien que le pnue ait contribué au financement de quelques projets scientifiques de l’undro dans les années 1970, cette contribution diminua par la suite jusqu’à devenir presque inexistante en 1980 (Allen, Sibahi et Sohm 1980 : 29).

Le troisième acteur dont les activités concernaient étroitement les catastrophes naturelles était le pnud. Les archives témoignent qu’au début des années 1970, les catastrophes naturelles ont été de plus en plus considérées par les oi comme un enjeu de développement, un problème du monde sous-développé et non occidental. Cette optique contraste avec la période de l’entre-deux-guerres, où l’uis n’avait mis l’accent que sur le monde européen. L’idée des secours reposait, en théorie du moins, sur le concept de solidarité entre les États membres, d’entraide mutuelle. Or, dans les années 1970, les oi prirent conscience du fait que c’étaient avant tout les pays en développement qui étaient les plus concernés par les catastrophes naturelles. Cette réalité a été décrite notamment par Bankoff (2001), qui défend la thèse selon laquelle le discours de la « vulnérabilité » est une manière pour les pays occidentaux de se représenter comme supérieurs aux pays en développement, comme si ces derniers pouvaient être « guéris » de cette vulnérabilité par le développement. Un rapport du Secrétaire général de l’onu destiné à l’Assemblée générale et portant sur l’undro ne pouvait pas donner preuve de ce changement en des termes plus clairs. Les catastrophes naturelles, soulignait le rapport, ne devaient plus être considérées comme un problème exclusivement humanitaire et social : elles constituent aussi un problème de développement de grande ampleur (Archives unesco 1974). En dépit de ce constat et du fait que le coordonnateur résident des pays était également le représentant d’undro dans ces pays, la collaboration entre le pnud et l’undro restait faible. Le pnud semble ainsi avoir été réticent à financer des projets dirigés par le Bureau du coordonnateur, soit parce que le pnud ne voulait pas consacrer trop de ressources à la gestion des catastrophes, soit parce que le Bureau du coordonnateur ne parvenait pas à présenter des projets jugés suffisamment bons par le pnud. L’undro, avec ou sans l’aide d’autres agences de l’onu, commença à développer un programme d’aide dans le domaine de la préparation aux catastrophes naturelles et pour les pays les plus vulnérables. Entre le début des activités de coopération technique de l’undro dans le courant de l’année 1973 et le début de l’année 1977, des missions de préparation aux catastrophes ont été envoyées dans 16 pays (Archives undro 1977 ; Allen, Sibahi et Sohm 1980 : 27-28).

Néanmoins, dans l’évaluation de l’undro réalisée entre 1976 et 1980 par le Corps Commun d’Inspection des Nations Unies (cci), le jugement sur l’activité de l’organisation en matière de prévention et de préparation fut aussi accablant que sur ses activités de secours : malgré de nombreuses missions, ni un programme de coopération technique cohérent ni des projets de recherches majeurs n’avaient vu le jour. Le rôle de l’undro dans la diffusion d’information et l’organisation de réunions sur les problématiques en question était également jugé limité. Le cci critiqua notamment que la « politique de coopération technique » développée par le Bureau du coordonnateur ait stipulé que l’undro ne devait envoyer des missions que dans les pays inscrits dans la liste des pays les moins développés (pmd) et des pays les plus gravement touchés (pgt). Ce n’était que lorsque les demandes de ces pays auraient été satisfaites que l’undro pouvait examiner les demandes d’autres pays sujets à des catastrophes. L’une des conséquences fut que tous les pays d’Amérique latine à l’exception d’Haïti étaient dès lors a priori exclus de l’activité de l’undro, même si le continent était une zone sujette aux catastrophes (Allen, Sibahi et Sohm 1980 : 29).

Fournier d’Albe, à la retraite lorsque ce rapport fut publié, continuait de croire que le Bureau du coordonnateur pouvait toujours assumer pleinement son rôle de coordination. Il reconnaissait un problème de méthode toutefois. Dans une lettre adressée au Secrétaire général des Nations Unies, Kurt Waldheim, il estima qu’il était absurde que l’undro tente de coordonner l’action par le haut. Puisque la gestion des catastrophes était basée sur une connaissance détaillée des contextes locaux, l’undro s’était vu confier selon lui une « tâche impossible ». Cependant, Fournier d’Albe suggéra que le Bureau du coordonnateur devait aider les administrations locales à se préparer de façon adéquate contre les catastrophes par le transfert d’expériences acquises d’un pays à l’autre, par la collecte et la diffusion d’informations sur les catastrophes, et en encourageant l’application de la science à la préparation aux catastrophes. L’undro n’appliqua toutefois pas cette approche, qui sera transférée à un autre mécanisme.

C — Vers une approche multiniveau et multiacteur : la Décennie Internationale de la Prévention des Catastrophes Naturelles (dipcn)

L’initiative de créer ce nouveau mécanisme n’émergea pas au sein de l’onu, mais dans le monde scientifique. En 1984, l’Américain Frank Press, ancien conseiller scientifique du président Carter et président de l’Académie nationale des Sciences, présenta son projet de Décennie Internationale de la Prévention des Catastrophes Naturelles (dipcn) lors du 8e Congrès International pour le Génie Sismique (Revet 2009 : 7). L’idée centrale de Press était d’allier science et politique. Même si les rôles des scientifiques et des politiques devaient être clairement séparés, les scientifiques devaient davantage communiquer avec le public à travers l’éducation, ainsi qu’à travers l’élaboration de mesures publiques telles que les codes de bâtiment, les plans d’assurance et les plans d’urgence. Press rappela également la responsabilité des États à se préparer à l’éventualité d’une catastrophe naturelle, responsabilité que les scientifiques devaient les aider à assumer (Archives mae 1984).

Pour réaliser ce projet, Press entama un lobbying important au niveau national et international. Premièrement, un National Research Council Advisory Committee pour la Décennie, composé de dix-huit experts américains, fut créé aux États-Unis pour évaluer le projet et pour proposer des pistes concrètes pour le mettre en oeuvre (Archives mae 1987a). Press parvint ensuite à obtenir personnellement le soutien du Secrétariat des Nations Unies. Le Secrétaire général Pérez de Cuéllar avait estimé que la dipcn était un projet qui pourrait avoir un impact favorable sur l’opinion publique envers l’onu, en particulier aux États-Unis. Il pensait en outre que cela pouvait être une chance pour le renforcement de la coopération Nord-Sud dans un domaine qui était peu enclin à la politisation (Archives mae 1987b). Enfin, une poignée d’États devait être trouvée pour coécrire un projet de résolution qui serait ensuite soumis à l’Assemblée générale. Ces États devaient en plus contribuer à l’organisation d’une conférence avant 1990 et au lancement officiel de la dipcn en 1990. Ce furent de nouveau Frank Press et son entourage qui menèrent le lobbying en approchant les représentations diplomatiques aux États-Unis.

Ce lobbying porta ses fruits dans un contexte caractérisé par un sentiment accru d’insécurité face aux catastrophes naturelles, mais aussi face aux catastrophes technologiques (par exemple, l’explosion d’un réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl), situation qui faisait écho au concept de « société du risque » développé par Ulrich Beck[8]. La Résolution 44/236 de décembre 1989 proclamant la Décennie fut adoptée avec la signature exceptionnelle de 156 États membres sur 162. Ce résultat remarquable s’explique, comme le souligne Revet (2011 : 9) par la nature apolitique que les experts impliqués dans l’organisation du projet conférèrent à celui-ci.

Pourtant, le soutien matériel des États dans la phase préparatoire de la dipcn varia considérablement selon les intérêts particuliers de ces derniers. Pour le trust fund mis en place pour le financement de la Décennie, le Japon (652 000 $ us) a été le plus gros contributeur en 1989, suivie de la raf (450 000 $ us) et de l’Italie (450 000 $ us). La France contribua seulement à hauteur de 42 000 $ us et l’année suivante à hauteur de 300 000 $ us (Archives mae 1990a). Parmi ces États, le soutien du Japon resta inégalé. Non seulement le pays finançait le comité préparatoire d’experts pour la dipcn, mais il avait également accueilli la conférence de Tokyo, puis des conférences ultérieures de Yokohama (1994), Kobé (2005) et Sendai (2015).

De manière générale, le Japon fut en 1989 le plus grand fournisseur d’aide au développement (Archives mae 1989a). Ce soutien japonais s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, le Japon était un pays vulnérable aux catastrophes naturelles, notamment aux séismes. D’autre part, c’était là un moyen pour le Japon de gagner en visibilité dans les affaires de l’onu (Archives onu 1994). La France, par exemple, était plus sceptique vis-à-vis de la dipcn au début du projet. « La Formule des décennies avait vraiment beaucoup servi, dans les domaines les plus les divers… », nota un diplomate français en 1988 (Archives mae 1987b). Cela dit, le Secrétaire d’État français pour l’action humanitaire, Bernard Kouchner, réalisa rapidement que la Décennie pouvait servir à faire avancer son programme concernant le concept d’ingérence humanitaire (Archives mae 1990b).

Même si le cadre de la Décennie allait être fourni par l’onu et que la volonté politique des États était primordiale, les experts continuaient à jouer un rôle important dans la Décennie. L’orientation thématique et les modalités pratiques de la dipcn avaient été définies par un groupe de travail composé d’experts qui, à la suite d’une ultime réunion à Tokyo en avril 1989, publia un rapport pour le Secrétaire général de l’onu précédé de la « Déclaration de Tokyo ». Celle-ci s’adressait aux « peuples du monde ainsi que leurs gouvernements et les appelait à travailler vers une plus grande sécurité contre les catastrophes naturelles » (Archives mae 1989b). La déclaration visait aussi les autres acteurs habituels impliqués dans la gestion des catastrophes naturelles, comme les gouvernements, l’onu, les institutions scientifiques et technologiques, les organisations non gouvernementales ou encore le secteur privé, et les invitait à soutenir la coopération internationale et régionale concernant les activités liées aux catastrophes ainsi qu’à contribuer au transfert de technologies, en particulier vers les pays en développement. Plus fortement que d’ordinaire, l’accent fut mis sur les niveaux local, national et régional. Des comités nationaux devaient être mis en place pour devenir des points focaux de la Décennie à l’échelle nationale.

Ceux-ci pouvaient différer complètement d’un État à l’autre, dépendre d’un gouvernement ou non, et être composés de représentants du gouvernement, du milieu universitaire, de la recherche, des organisations professionnelles telles que les assurances et les banques. D’une certaine manière, il s’agissait d’un retour au système des comités nationaux de soutien qui existait dans l’entre- deux-guerres.

Dans la structure institutionnelle de la Décennie, les experts jouaient également un rôle important. Toutefois, administrativement, le directeur général pour le Développement et la Coopération Économique Internationale de l’onu était le point focal pour la Décennie à l’onu, en coopération avec l’undro et en consultation avec le directeur pour la Décennie, qui était à la tête d’un petit secrétariat attaché institutionnellement à l’onu. Deux autres instances censées s’occuper de l’orientation thématique étaient néanmoins composées de personnes externes. Alors que le Conseil de haut niveau (High Level Council) était composé de dix « célébrités » politiques censées sensibiliser le public aux problématiques de réduction des risques des catastrophes, le Comité scientifique et technique était composé de 26 experts représentant la variété de disciplines qui étudient les désastres naturels. C’est d’ailleurs ce comité qui était chargé de la direction thématique de la Décennie (Archives onu 1991b).

Ce comité était également responsable de relier la Décennie aux deux autres questions à l’ordre du jour d’autres instances des Nations Unies : les questions environnementales et le développement durable. Le comité, conjointement avec le Secrétariat de la Décennie, contribua à la préparation de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement de 1992 à Rio. Il recommanda, par exemple, que le sommet reconnaisse la gestion des catastrophes comme « partie intégrante de la planification nationale pour le développement durable ». En effet, l’Agenda 21 de Rio contenait des dispositions concernant les catastrophes naturelles, exprimait la nécessité de leur gestion et faisait référence à la Décennie. Pour la première fois, nous pouvions observer un effort commun et cohérent pour lier les préoccupations environnementales et les catastrophes naturelles par le biais de la question du développement durable (unisdr 1994).

Des experts du Comité scientifique et technique siégeaient par ailleurs avec les représentants des Nations Unies, d’organisations régionales et du Japon dans le comité préparatoire qui fixa les lignes directrices de la conférence de Yokohama de 1994. Ce comité préparatoire proposa à la conférence une stratégie pour l’an 2000 consistant, entre autres, dans le développement d’une « culture mondiale de la prévention, de l’éducation et de la formation dans la prévention des catastrophes, de préparation et d’atténuation » (Archives onu 1991a). Il serait donc exagéré de parler de véritables négociations. Concernant plus précisément l’environnement, il importe de souligner que la Stratégie de Yokohama a de nouveau fait référence à la Déclaration de Rio sur l’Environnement et le Développement, et en particulier à son principe 18[9].

Certes, il s’agissait de la première conférence des Nations Unies organisée sur le sujet de la réduction des risques et des catastrophes naturelles, mais les lignes de son document principal, la Stratégie de Yokohama, suivaient presque mot à mot ce que le comité préparatoire avait élaboré, montrant l’absence de véritable négociation interétatique. La conférence consista donc plutôt en un évènement de visibilité afin de sensibiliser le public et faciliter la rencontre des acteurs concernés – les oi, la communauté scientifique, les entreprises, l’industrie et les médias. Quant à la Stratégie de Yokohama elle-même, comme Prior et Roth (2015) l’observent à juste titre, elle constituait une stratégie non contraignante et ne représentait guère plus qu’un « dénominateur commun pour plus d’investissements » dans les actions de la réduction des risques naturels. Il s’agit d’ailleurs d’un problème récurrent des conférences mondiales suivantes, notamment celles de 2004 et de 2015 : par exemple, contrairement au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (giec), ces mécanismes ne contenaient pas de mesures concrètes pouvant être évaluées. Ce problème perdura dans le transfert des responsabilités de la Décennie par la création du Secrétariat inter- institutions de la Stratégie internationale de prévention des catastrophes en 2000. Par conséquent, le message principal de toutes ces conférences ne fut pas novateur et peut être résumé comme suit : il est nécessaire d’accorder une attention prioritaire aux activités de prévention dans le domaine des catastrophes naturelles et non aux mécanismes de réponse ad hoc qui sont plus coûteux. Le message restait inchangé depuis la période de l’entre-deux-guerres.

Les acteurs qui tentèrent de mettre en place une gouvernance globale des catastrophes naturelles de 1945 à la fin de la guerre froide constituent donc un ensemble relativement fragmenté. Bien qu’il existe une certaine continuité avec la période de l’entre-deux-guerres à la suite du transfert de responsabilités de l’uis à l’unesco à la fin des années 1960, l’unesco n’a jamais prétendu être un leader global dans la prévention des catastrophes naturelles malgré les efforts infatigables de Fournier d’Albe dans ce sens. La prévention des catastrophes naturelles fut gérée jusqu’au milieu des années 1980 par plusieurs départements au sein de l’organisation, puisqu’il n’existait pas de section spécialisée des catastrophes naturelles. En outre, alors que globalement l’unesco eut recours à des scientifiques en de nombreuses occasions, cette collaboration fut peu institutionnalisée et n’engloba pas toutes les catastrophes naturelles. En revanche, la coordination avec d’autres organismes du système onusien sur cette problématique était faible, et l’idée d’être coordonnée par l’undro, organisme du Secrétariat de l’onu, suscita un malaise au sein de l’unesco. De même, l’undro peina à se hisser en tant que coordonnatrice en matière de prévention des catastrophes naturelles. Non seulement il manquait à l’undro les ressources financières adéquates, mais l’oi se heurtait aussi à son approche top-down, tentant de coordonner par le haut les autres agences onusiennes et d’envoyer des missions sans en connaître le contexte local pour « guérir » les pays en développement de leur « vulnérabilité ». En revanche, la dipcn des années 1990 bénéficia largement de l’initiative (similaire à celle de l’entre-deux-guerres autour de l’uis) de scientifiques (bien connectés dans un régime circulatoire des sciences de la terre). Cette initiative profita de la mise en relation des questions de prévention des désastres naturels avec les enjeux du développement durable et de protection environnementale tels qu’ils avaient été discutés lors de la Conférence de Rio. Cette mise en relation donna de l’élan au mouvement pour la dipcn, mais eut aussi pour conséquence de marginaliser de plus en plus les scientifiques au profit des représentants du secteur du développement et de la société civile. Une dynamique similaire se joue d’ailleurs actuellement avec la montée en puissance de la communauté épistémique pour une adaptation aux risques dus au réchauffement climatique (Hannigan 2012 : 32-33).

Conclusion

Cet article avait pour objectif d’éclairer l’histoire de la mise à l’agenda de la prévention des désastres naturels par les oi, d’en identifier les origines historiques, la généalogie et l’évolution du temps de la sdn jusqu’à la création des institutions actuelles dans l’après-guerre froide. À des fins de montée en généralité, nous énonçons ici les résultats de cette enquête sociohistorique à travers deux principaux constats.

Le premier constat est que les idées et les stratégies concernant la mise à l’agenda de la prévention des catastrophes naturelles par les oi ont souvent émané de contextes scientifiques nationaux. Le projet de créer un atlas mondial des catastrophes dans l’entre-deux-guerres venait de Raoul Montandon de la Société géographique de Genève, et l’idée de la dipcn venait de Frank Press de l’Académie nationale des Sciences aux États-Unis. Cependant, leurs initiatives n’ont pu déboucher sur des résultats concrets que grâce à la collaboration d’autres institutions et administrations nationales ou régionales. D’où le recours, dans les deux cas, à des commissions nationales. Les tentatives d’appliquer la prévention des catastrophes par le haut (top down), comme ce fut le cas dans une certaine mesure par le Bureau du coordonnateur dans les années 1970-1980, ne se révélèrent, quant à elles, pas fonctionnelles.

Deuxièmement, nous constatons que les individus comptent en tant qu’acteurs. Tout d’abord, ils jouent un rôle important à travers le régime circulatoire dans lequel ils opèrent. Par exemple, les contacts de Montandon en tant que président de la Société géographique de Genève ou les connaissances de Frank Press issues de son expérience de conseiller scientifique à la Maison-Blanche ou de sa fonction de président de l’Académie nationale des Sciences, se sont avérés décisifs dans le processus de mise à l’agenda. Enfin, il convient aussi de souligner l’importance de leurs capacités de leadership, de networking, de lobbying et de persévérance. Montandon était tout autant investi pour créer des commissions d’études nationales que pour chercher personnellement des contributeurs à la revue de l’uis. Cela contribua à faire du projet scientifique de l’uis une réalité, en dépit de son inefficacité dans le domaine du secours. Fournier d’Albe, en revanche, ne parvint pas à convaincre ses supérieurs à l’unesco de créer un vrai programme de prévention des catastrophes. L’undro manquait de personnalités bien connectées dans le monde de la science ou capables d’assumer un véritable rôle de coordonnateur en matière de prévention. Par contre, la capacité de Frank Press d’interagir à la fois dans le milieu scientifique et onusien lui permit de mettre en oeuvre son projet.

En ce qui concerne la stratégie à adopter, notre analyse montre qu’une oi ne peut pas « faire » de la prévention des désastres uniquement par ses propres moyens. Les ressources nécessaires à la réalisation de projets scientifiques portant sur une diversité de catastrophes naturelles dans différentes zones géographiques du monde dépassent largement les moyens financiers d’une oi. Le travail réalisé par Raoul Montandon au sein de la branche scientifique de l’uis était moins important que la création d’une revue pouvant servir comme un forum d’échange pour les experts. Dans le cas de l’unesco, apporter un soutien financier à des projets de recherche s’avéra tout autant crucial que sa capacité à faciliter la coopération interdisciplinaire et internationale. La dipcn, enfin, ne disposait que d’un petit secrétariat et s’appuyait sur l’idée que les projets scientifiques devaient avoir lieu au niveau national et régional. En revanche, l’efficacité des organisations pouvait se mesurer à leur capacité à créer des synergies avec les structures déjà existantes (du local au global), à les coordonner et à encourager la création de nouvelles structures si nécessaire. Nous insistons ici sur le rôle de la compétition interinstitutionnelle dans l’entre-deux-guerres entre l’uis, la Croix-Rouge Internationale et la sdn, autrement dit sur le malaise créé par les tentatives de coordination entreprises par l’undro.

Quant aux États, le soutien aux oi pour la gestion des catastrophes naturelles était tout aussi variable. Nous avons décrit, par exemple, la réserve des États vis-à-vis des ingérences dans leur souveraineté en cas de catastrophes naturelles. Les pays en développement des années 1970 et 1980 préféraient ne pas voir la prévention et la préparation inscrites dans les plans par pays du pnud, car ils n’y voyaient pas une priorité absolue. Nous avons également décrit la façon avec laquelle des États ont utilisé la dipcn pour poursuivre des intérêts qui n’étaient pas directement liés aux thèmes de la Décennie.

Finalement, dans au moins deux cas, ceux de l’uis et la dipcn, il semble que le degré de viabilité des régimes respectifs ait largement été dépendant de l’existence ou de l’absence de réseaux d’experts. Dans le cas de l’undro et de l’unesco par exemple, la collaboration avec des experts était moins systématique et sur une base ad hoc. Dans le cas de l’uis et de la dipcn, les experts constituaient une partie intégrante du mécanisme. Comment expliquer cette nécessité d’incorporer les experts dans le mode de fonctionnement ? Une des raisons importantes est que les scientifiques donnaient aux projets un caractère désintéressé, fournissait une sorte de « licence » aux oi (Haas 1992a : 11). Mais la viabilité des oi et des communautés épistémiques impliquées dépend fortement du contexte historique dans lequel celles-ci interagissent. Dans la lignée des conclusions de Davis Cross (2014) – pour qui il existe des degrés divers d’influence des communautés épistémiques – il convient de rappeler que le contexte historique, les structures de pouvoir et des préférences politiques sont à ce sujet primordiaux.

Notre deuxième constat a trait au contexte politique et systémique international. La prévention des catastrophes naturelles ne constitue que très rarement une priorité pour les États. L’histoire relatée dans cet article est celle de la tentative avortée par un certain nombre d’acteurs d’en faire une priorité. Les problèmes urgents de secours recevaient généralement plus d’attention de la part des gouvernements. Selon le contexte pourtant, les solutions multilatérales de la prévention des catastrophes ont pu recevoir plus ou moins d’attention des États. Par exemple, l’optimisme de la coopération internationale et le « moment humanitaire » (Cabanes 2014 : 4) au début des années 1920 permirent la création d’une oi chargée de la gestion des catastrophes naturelles. Mais dès les années 1930, l’intérêt pour les catastrophes naturelles diminua parallèlement à la montée des nationalismes et aux dangers de la guerre. Après la Deuxième Guerre mondiale, les grandes puissances préférèrent la gestion bilatérale des catastrophes aux mécanismes multilatéraux (McDonald 1997). L’idée que les catastrophes naturelles entravaient le développement économique contribua, entre autres, à faire revenir sur l’agenda des oi la question de la prévention. Il faudra toutefois attendre la Conférence de Yokohama en 1994 et l’émergence du concept du développement durable pour que ce lien se manifeste plus clairement. D’où une certaine prudence dans l’usage du terme d’environnementalisation. En effet, non seulement nous avons constaté une séparation, tant en termes d’acteurs que d’objectifs, entre l’enjeu de la catastrophe naturelle et de la protection environnementale, mais nous avons aussi retracé un processus d’internationalisation et d’institutionnalisation à intensité variable et non linéaire.