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Les projets d’acquisition majeurs en matière de défense ont souvent mauvaise presse. Au Canada, les tergiversations des gouvernements successifs autour du remplacement des avions de combat multirôles CF-18 alimentent la polémique depuis maintenant plusieurs années. Achetés au début des années 1980 et modernisés durant les années 2000, les CF-18 restants auront plus de 40 ans d’utilisation lorsqu’ils commenceront à être remplacés selon le plan du gouvernement actuel.

Le Canada n’est pas le seul pays à connaître des difficultés dans ce domaine. Les cas de projets dépassant les coûts ou ne respectant pas les délais sont courants chez les alliés du Canada, les États-Unis notamment. Le programme du F-35 Joint Strike Fighter est récemment devenu le plus coûteux de l’histoire américaine (environ 500 milliards de dollars à l’heure actuelle et estimé à plus de 1000 milliards à long terme), et cet avion de combat n’a toujours pas réellement fait ses preuves sur le champ de bataille, après plus d’une décennie de développement. Il est important de rappeler que plus de dix pays participent au programme et misent sur le F-35 pour renouveler les capacités militaires de leurs forces aériennes dans un avenir proche. Bref, ces projets d’acquisition majeurs sont parmi les principaux défis qui se posent aux gouvernements dans la mise en oeuvre de leur politique de défense, en raison de leurs coûts se chiffrant souvent en milliards de dollars et des différentes formes d’incertitudes (politique, technologique) qui y sont rattachées.

Considérés comme un sujet d’étude négligé au Canada sur le plan théorique (MacMillan 2017 : 147), les enjeux politiques rattachés à l’approvisionnement ou aux projets d’acquisition majeurs[1] de la défense intéressent de plus en plus les chercheurs universitaires depuis quelques années, comme en témoignent la publication de numéros spéciaux de revues (Vucetic 2011 ; Vucetic et Nossal 2012-2013) et de rapports annuels (Perry 2017) ou, encore, la tenue de conférences et de tables rondes thématiques rassemblant souvent universitaires et praticiens. Trois ouvrages récents viennent apporter leur contribution à ces débats.

Emerging Strategies in Defense Acquisitions and Military Procurement, ouvrage collectif dirigé par Burgess et Antill, a un objectif double (2016 : 9) : développer la théorisation de l’approvisionnement de la défense et, de ce fait, mieux informer la pratique. Dix-neuf auteurs s’attellent à cette tâche en traitant une multitude de questions théoriques, mais aussi pratiques, relatives à l’approvisionnement de la défense, à travers un ensemble de contextes nationaux (américain, anglais, allemand, australien, suédois et français). Avec le livre Defence Procurement and Industry Policy : A Small Country Perspective (Markowski, Hall et Wylie 2010), c’est l’un des seuls ouvrages analysant l’approvisionnement de la défense sous l’angle de l’administration publique et dans une perspective comparative. Dans Charlie Foxtrot : Fixing Defence Procurement in Canada (2016), Kim Richard Nossal offre quant à lui un regard à la fois inédit, éclairant et constructif sur la problématique de l’approvisionnement de la défense au Canada. L’ouvrage a beaucoup attiré beaucoup l’attention dans le milieu de la défense et dans les médias, en plus de faire l’objet de recensions généralement positives (Battiss 2017 ; Charron 2017 ; Granatstein 2017). Le livre de Nossal est déjà en passe de devenir un ouvrage de référence, offrant une perspective complémentaire à l’ouvrage d’Alan Williams (2007), ancien sous-ministre responsable des projets d’acquisition à la Défense nationale, qui se penchait sur les enjeux liés au fonctionnement de l’approvisionnement de la défense. Enfin, The Price of Alliance : The Politics and Procurement of Leopard Tanks for Canada’s Nato Brigade (2017), de Frank Maas, aborde le processus décisionnel qui mena à l’achat de 128 chars de combat Léopard, dans le cadre de l’engagement militaire du Canada en Europe à travers l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan). Cet ouvrage s’inscrit dans la continuité de quelques monographies existantes qui traitent de projets spécifiques d’acquisition majeurs au Canada (Plamondon 2010 ; Wakelam 2011). L’ouvrage apporte notamment un nouvel éclairage sur la politique étrangère et de défense à l’époque de Pierre Elliot Trudeau, venant confirmer ou nuancer les analyses précédentes sur la question (Bothwell et Granatstein 1991 ; Fortmann et Larose 2007).

En nous appuyant sur ces trois ouvrages, nous chercherons dans un premier temps par cet essai à mettre en lumière les enjeux spécifiques relatifs aux projets d’acquisition majeurs de la défense. Dans un deuxième temps, il s’agira pour nous d’examiner ce que les auteurs de ces ouvrages voient comme étant les problèmes de ces processus tels qu’ils existent actuellement. Dans un troisième temps, nous présenterons les différentes solutions théoriques ou pratiques que les auteurs proposent. La conclusion sera l’occasion de relever certains thèmes qui auraient pu être développés davantage par ces auteurs et de souligner les pistes de recherche qui sont ouvertes par leurs analyses.

I – L’évolution des enjeux des projets d’acquisition majeurs de la défense

Les projets d’acquisition majeurs de la défense s’inscrivent d’abord dans le contexte général de l’administration publique, un environnement marqué par les joutes bureaucratiques et les réformes politiques, ainsi que par les processus de contrôle, de vérification ou de reddition de comptes. La défense se distingue cependant des autres secteurs de l’administration publique par ses objectifs uniques liés à ses dimensions militaires et technologiques (Louth 2016 : 59 ; Snider 2016 : 229). À titre illustratif, les capacités militaires prennent plusieurs années à être effectives. De fait, après le développement des plateformes de combat, celles-ci exigent différentes mises au point, la formation du personnel qui les utilisera et en effectuera la maintenance, de même que la mise en place d’infrastructures de soutien. Ainsi, pour Nossal, les décisions politiques d’approvisionnement de la défense engendrent forcément une dépendance au sentier des événements subséquents (Nossal 2016 : 26). Il devient effectivement très difficile de revenir sur des décisions qui entraîneraient d’importants coûts financiers, politiques à court terme et stratégiques à long terme, comme la décision d’annuler un projet d’acquisition majeur au début de sa mise en oeuvre.

Les objectifs de ce type de projet se sont transformés en profondeur au cours des trente dernières années, à la suite de la réduction des budgets de la défense à la fin de la guerre froide. Plus particulièrement, entre les années 1980 et 1990, les préoccupations propres à la défense et à la sécurité nationale ont été supplantées par celles visant l’efficience économique. Les objectifs et le fonctionnement des gouvernements se sont ainsi profondément transformés à plusieurs égards selon différents auteurs de l’ouvrage de Burgess et Antill (Bishop 2016 : 78-79 ; Burgess 2016 : 25-26 ; McAvoy 2016 : 268-271). L’obligation pour les administrateurs publics d’appliquer des principes souvent équivoques comme celui de value for money (se traduisant comme le meilleur rapport qualité-prix dans une situation donnée) et les offsets[2] lors des projets d’acquisition majeurs sont un exemple concret de cette transformation. Même si les offsets sont une pratique qui existe depuis longtemps, Balakrishnan (2016 : 316) affirme qu’ils sont devenus une composante névralgique des projets d’acquisition de la défense depuis la fin de la guerre froide.

Cette transformation pose de nouveaux défis en raison des contradictions possibles entre les objectifs stratégiques et militaires, d’une part, et ceux de nature économique et politique, d’autre part. Cette trajectoire semble conduire les projets d’acquisition majeurs de la défense vers des résultats mitigés. Par exemple, Wylie (2016 : 221) montre que l’utilisation du concept de value for money à l’intérieur de contextes institutionnels et organisationnels différents a mené à des résultats opposés. À cette transformation s’ajoute la consolidation constante du marché de la défense observée depuis 1945, qui fait en sorte que la marge de manoeuvre des gouvernements s’est rétrécie (Taylor 2016 : 42-44). Aujourd’hui, le marché n’est souvent composé que d’un nombre très limité d’entreprises. Dans ce contexte, le choix par les gouvernements de conduire une compétition sur le marché de la défense pour l’attribution d’un contrat n’est pas nécessairement évident. Le fait de favoriser une compagnie au détriment de la stabilité du marché ou la disparité des systèmes d’armement offerts par les compagnies entraînent une remise en question des soi-disant bienfaits économiques associés à la compétition.

Dans cette perspective, il apparaît évident pour la plupart des auteurs que tant le contexte national que l’aspect temporel doivent être pris en compte lors de l’analyse des projets d’acquisition majeurs de la défense. Wylie (2016 : 221) affirme qu’il serait dangereux de ne pas considérer le contexte historique et de généraliser les résultats d’un projet d’une époque ou d’un endroit à un autre. Maas (2017) transporte le lecteur dans le contexte politique et stratégique des années 1960 et 1970 des gouvernements de Pierre Elliot Trudeau. Il analyse le processus décisionnel entourant le renouvellement de l’engagement militaire du Canada en Europe dans le cadre de l’Otan, puis celui lié au processus d’acquisition de 128 chars de combat Léopard. Ce projet d’acquisition majeur scella le maintien de l’engagement canadien en Europe jusqu’à la fin de la guerre froide. Dans sa conclusion, Maas (2017 : 130-131) suggère que la recette qui mena aux succès du projet d’acquisition des chars de combat Léopard ne peut pas être appliquée aujourd’hui à tous les projets d’acquisition majeurs du Canada (qu’il considère comme une « petite puissance ») en raison de la position internationale du Canada et des objectifs politiques qui y sont rattachés. À cette époque, pour être plus indépendant des États-Unis, le Canada tentait ouvertement de mettre en oeuvre une politique de diversification commerciale, la politique dite de la troisième option.

En résumé, les tensions entre les considérations organisationnelles ou techniques et les objectifs politiques des projets d’acquisition majeurs de la défense sont susceptibles de mener à répétition ces projets vers des échecs.

II – Les problèmes liés aux projets d’acquisition majeurs

Ces tensions font en sorte que l’environnement de l’approvisionnement de la défense est marqué par la complexité. Plusieurs auteurs de l’ouvrage de Burgess et Antill mettent en exergue cette complexité que les chercheurs ont parfois tendance à ignorer (Lefeez 2016 : 113), de même que les praticiens (Louth 2016 : 71). Sur le plan théorique, les résultats qui découlent de cette complexité ont des causes multiples : il faut par conséquent considérer un large éventail d’explications au moment de l’analyse (Burgess 2016 : 16).

D’une part, les problèmes de ces projets découleraient principalement de l’interaction entre les différents acteurs publics (les fonctionnaires civils, les militaires et les politiciens) et privés (les firmes, les lobbys, etc.) ayant des intérêts différents, à travers un ensemble de processus en amont et en aval de l’approvisionnement à proprement parler. Nossal (2016 : 27-28) définit d’ailleurs le système d’approvisionnement de la défense au Canada comme un amalgame de problèmes interreliés qui produisent de l’insatisfaction. Cela signifie qu’aucun acteur ne semble être entièrement satisfait du résultat du processus d’approvisionnement. Par exemple, l’influence d’un autre gouvernement lors de la prise de décision, telle que dépeinte par Maas (2017 : 131-133), illustre une autre facette qui doit être prise en compte dans l’analyse. La collaboration entre les pays pour développer conjointement des systèmes militaires est aujourd’hui une tendance incontournable de l’approvisionnement de la défense où les enjeux stratégiques, politiques et économiques se transposent à un niveau interétatique et, par conséquent, intergouvernemental (Heuninckx 2016 : 140).

D’autre part, ces problèmes peuvent aussi être expliqués par les perceptions des acteurs. Dans le cas canadien, Nossal affirme que ce sont les actions des deux principaux partis (libéral et conservateur), tant au gouvernement que dans l’opposition, qui sont responsables de la gestion désastreuse des projets d’acquisition majeurs (Nossal 2016 : 27). Ces actions résulteraient toutefois des idées partagées à travers le temps au sein de la société canadienne sur le rôle de la défense (l’imaginaire sécuritaire). Ces idées engendreraient un environnement politique permissif (les échecs sont sans conséquence lors des élections) et des contradictions importantes entre le budget et les objectifs de la politique de défense canadienne (Nossal 2016 : 110). Maas (2017 : 3-4) souligne aussi l’importance des perceptions des acteurs pour comprendre les différents épisodes de joutes politiques, de rivalités bureaucratiques et de pressions externes liées à la continuation de l’engagement canadien en Europe en montrant la présence de deux camps (traditionaliste versus révisionniste) parmi les acteurs. Outre les aléas inhérents à ces projets complexes, les explications données sont autant de nature matérielle, comme celles qui s’intéressent aux processus mis en oeuvre, qu’idéelle, comme celles qui décortiquent les perceptions sur lesquelles repose l’action des acteurs.

Bien qu’aucun auteur des trois ouvrages analysés ici ne propose une définition claire et formelle d’un projet d’acquisition réussi, certains avancent quelques conditions qui mènent selon eux à l’échec ou au succès de ces projets. Ils semblent convenir que la réponse à un besoin stratégique ou opérationnel est un critère de réussite essentiel à tous les projets. Selon Nossal (2017 : 31), le succès d’un projet se résumerait à la formule suivante : le bon équipement, au bon prix et au bon moment. Cette formule renvoie avant tout aux actions des politiques. Maas (2017 : 126) mentionne explicitement le leadership et le soutien politique comme étant des conditions nécessaires au succès d’un projet. Dans une perspective organisationnelle, Lefeez (2016 : 108) affirme que la confiance entre les acteurs publics participant au projet est une condition déterminante de leur réussite. Bien que les politiciens doivent répondre à des inconnues et à des impondérables de différentes natures, le processus de mise en oeuvre des projets doit d’entrée de jeu être bien conçu et mené par les gestionnaires publics pour que le projet ait une chance de réussir (Louth 2016 : 59). Enfin, il reste difficile aujourd’hui de concevoir le succès d’un projet sans évaluer les retombées et les compensations économiques qui ont été estimées. À l’exception de Balakrishnan, les auteurs n’analysent celles-ci que sommairement et les critiquent sans exposer des solutions.

En somme, les trois ouvrages soulignent la difficulté à réconcilier et hiérarchiser les différentes facettes qui permettent d’évaluer les projets d’acquisition majeurs de la défense. Dans cette optique, si l’on adapte la définition formelle élaborée par McConnell (2016) à l’approvisionnement de la défense , l’échec d’un projet d’acquisition majeur surviendrait lorsque ce dernier n’atteint pas plusieurs des objectifs poursuivis, dont celui de répondre aux besoins militaires d’ordre stratégique et opérationnel, ou qu’il n’obtient pas le soutien politique demandé à court ou à long terme. L’échec fait en sorte que le projet demeure un problème à l’ordre du jour politique.

De plus, peu de projets sont véritablement considérés comme des succès à l’exception de quelques cas, tel celui des chars Léopard analysé par Maas (2017 : 130) ou celui des avions de combat multirôles CF-18 achetés par le Canada au tournant des années 1970 et 1980, analysé par Nossal (2016 : 84). Étudier les projets considérés comme des succès permettrait de mieux cerner les conditions de la réussite, mais un défi se pose en termes d’accès à l’information. Il semble en effet plus facile d’obtenir de l’information sur les projets qui ont connu des difficultés.

III – Les pistes de solutions théoriques et pratiques

Les auteurs des trois ouvrages analysés proposent des avenues de réponse aux enjeux théoriques et pratiques qu’ils soulèvent. Certains abordent directement des considérations théoriques pour renouveler l’étude et la pratique de l’approvisionnement de la défense afin de développer une démarche cohérente lors de l’utilisation inévitable de différentes approches théoriques (Lefeez 2016 : 104-107). Burgess (2016 : 30) démontre que les transformations du fonctionnement de l’économie (le tournant néolibéral) et des gouvernements (les réformes rattachées au courant du nouveau management public) des dernières décennies forcent à s’interroger sur la forme de théorisation (théorie de moyenne portée, métathéorie, etc.) qui devrait être élaborée pour conseiller de manière effective les praticiens, qui accumulent les échecs dans ce domaine. Il en arrive à la conclusion qu’une métathéorie, c’est-à-dire une théorisation qui intègre les questions et les explications de plusieurs disciplines combinées aux savoirs pratiques, est la meilleure voie pour produire de nouveau des connaissances applicables (Burgess 2016 : 30).

Plusieurs solutions sont élaborées dans une finalité prescriptive (pratique) par les auteurs. Nossal propose des solutions liées à l’élaboration de la politique de défense afin de mener avec succès des projets qui seraient à la fois en accord avec les aspirations modestes de la population sur le plan budgétaire et adaptés aux réalités stratégiques du Canada et qui ne feraient pas l’objet du jeu partisan. Ses solutions sont porteuses d’un changement de paradigme en termes de politique publique, mais manquent de précision quant aux dispositifs qui seraient mis en oeuvre. En fait, dans l’analyse de Nossal, les problèmes et les solutions de l’approvisionnement de la défense au Canada semblent reposer essentiellement sur le politique : les fonctionnaires civils et militaires ainsi que les autres acteurs comme les médias sont à l’abri des critiques (Charron 2017 : 70), voire à l’écart des solutions proposées par Nossal. Ainsi, il apparaît justifié de proposer des solutions qui impliquent davantage les fonctionnaires, comme le fait Snider (2016 : 239) lorsqu’il suggère de mettre à profit les principes de la philosophie pragmatique élaborée en administration publique dans le cadre de l’approvisionnement de la défense.

Les considérations méthodologiques dans l’analyse de l’approvisionnement ou des projets d’acquisition majeurs sont négligées par les trois ouvrages. Bien qu’il fasse la démonstration d’une collecte de données riche (archives, entrevues, etc.) et inspirante pour des travaux similaires dans le futur, le cadre d’analyse utilisé par Maas est décrit en une seule phrase enrichie d’une note de bas de page assez chargée. Un constat similaire s’applique à l’essai de Nossal et à l’ouvrage collectif de Burgess et Antill. Par exemple, les choix des études de cas ne sont pas expliqués. La seule recommandation claire est qu’il est nécessaire d’élaborer des devis de recherche basés sur des méthodes mixtes (une combinaison de techniques et de données qualitatives et quantitatives) pour mieux mettre en lumière les enjeux liés à l’approvisionnement de la défense (Lefeez 2016 : 104).

En conclusion, ces ouvrages ouvrent quelques pistes de recherche. Tout d’abord, les prochaines études sur le sujet devront nécessairement prendre en compte les nouvelles réalités, dont celles d’un marché de la défense restreint et d’une administration publique complexe, pour modifier, voire abandonner certaines pratiques de l’approvisionnement public dans ce domaine (Burgess 2017 : 27). Il serait également souhaitable de se pencher sur des cas historiques pour dresser des comparaisons afin de mieux comprendre l’évolution des politiques, processus, des pratiques et des enjeux liés aux projets d’acquisition majeurs de la défense. Par exemple, une comparaison du cas du New Fighter Aircraft, qui mena à l’achat des CF-18 au Canada au début des années 1980, avec le processus actuel pour le remplacer pourrait révéler certains éléments contextuels utiles à la compréhension de l’approvisionnement de la défense au Canada. Maas (2017 : 132) avance d’ailleurs que l’étude de la politique de défense canadienne des années 1970 et 1980 demanderait davantage d’approfondissement étant donné que sa conduite est, somme toute, peu documentée.

Bellais et Droff (2016 : 247-248) ainsi que Balakrishnan (2016 : 329) suggèrent qu’il faut s’interroger sur les motifs et les objectifs des projets (le pourquoi) plutôt que sur les moyens d’améliorer le processus (le comment). À ce titre, Lefeez (2016 : 108) conseille d’analyser davantage la motivation des différents acteurs inscrits dans le processus, alors que Nossal (2016 : 135) indique une autre direction en suggérant d’étudier davantage l’environnement politique au sens large, plutôt que le processus de prise de décision. En bref, il semble y avoir encore fort à faire pour mieux comprendre les différentes implications rattachées aux projets d’acquisition majeurs de la défense au Canada et ailleurs.