Comptes rendus : Théories, méthode et idées

Philosophie des relations internationales.Ramel, Frédéric et David Cumin. Paris, Presses de sciences po, 2002, 410 p.[Notice]

  • Olivier Boiral

…plus d’informations

  • Olivier Boiral
    Faculté des sciences de l’administration
    Université Laval, Québec

Domaine insaisissable, marqué par des conflits interétatiques, des luttes de pouvoirs et des alliances politiques incertaines, les problématiques internationales n’ont été l’objet que d’une attention subalterne par la philosophie, en quête d’une vérité qui a souvent eu du mal à s’accommoder des compromissions et des intrigues de la chose politique. Les enjeux fondamentaux des relations internationales pour le devenir des sociétés humaines, en particulier la question incontournable de la guerre, ont néanmoins suscité des réflexions philosophiques méconnues mais fécondes, et dont l’histoire n’a cessé de montrer l’actualité. Restituer ces réflexions dans leur contexte historique et socio-politique, offrir des extraits de textes fondamentaux et donner des références biographiques pour approfondir la lecture des grands auteurs sur la question représentent les principaux objectifs de cet ouvrage. Rédigé par des chercheurs au Centre lyonnais d’études sur la sécurité internationale et la défense (clesid), la Philosophie des relations internationales propose un recueil de textes et de notes biographiques couvrant une trentaine d’auteurs différents. Les trente-trois chapitres de l’ouvrage s’articulent autour de ces auteurs en suivant une progression chronologique qui débute à la fin du Moyen Âge et s’achève avec des oeuvres contemporaines : Dante, Marsile de Padoue, Érasme, Machiavel, Francisco de Vitoria, Francisco Suarez, Jean Bodin, Hugo Grotius, Thomas Hobbes, Samuel Pufendorf, Baruch Spinoza, Fénélon, John Locke, Christian Wolff, Émeric de Vattel, Abbé de Mably, David Hume, Abbé de Saint-Pierre, Gottfried W. Leibniz, Montesquieu, Jean-Jacques Rousseau, Emmanuel Kant, Jeremy Bentham, Friedrich Gentz, Benjamin Constant, Georg W.F. Hegel, Gustave de Molinari, Alexandre Kojève, Jacques Maritain, Éric Weil, John Rawls, Jürgen Habermas, Michael Walzer. Chaque chapitre propose une synthèse de deux à trois pages de la pensée de l’auteur, des extraits très sélectifs de passages relatifs à une ou plusieurs oeuvres et enfin une notice bibliographique. Dans l’introduction de l’ouvrage, Ramel et Cumin présentent une synthèse sur la philosophie des relations internationales, en distinguant notamment trois principales approches qui, dès la fin du Moyen Âge, ont animé les réflexions sur ce thème : l’approche réaliste, le droit des gens et enfin la critique du droit des gens. La perspective réaliste entend s’affranchir des hypothèses théoriques ou théologiques susceptibles de « déformer » l’observation des problèmes internationaux pour décrire ces derniers, en particulier les rivalités et les conflits entre nations, à partir de l’observation lucide des faits. Si ce réalisme épistémologique a été associé, après la Seconde Guerre mondiale, à une approche « scientifique » des relations internationales, des auteurs classiques comme Machiavel, Hobbes ou Hume, peuvent en revendiquer la paternité. Contrairement à l’approche réaliste, le droit des gens repose sur des règles juridiques qui découlent de principes éthiques universels inspirés de la théologie, du droit naturel ou encore de la raison. Ces règles juridiques supposent donc une réflexion philosophique et métaphysique préalable sur la nature de l’homme. Francisco de Vitoria et Francisco Suarez souligneront par exemple l’appartenance à une communauté humaine internationale qui appelle des règles de conduite et des lois interétatiques s’inspirant des préceptes de la charité chrétienne. D’autres auteurs, comme Wolff, Locke ou Puffendorf s’opposeront à la vision belliqueuse de Hobbes pour proposer une conception plus sereine et plus optimiste de la nature humaine, de laquelle doit découler des obligations morales et légales entre les États. La dernière approche dénonce le manque de réalisme et la fragilité du droit des gens à partir d’une perspective historique et anthropologique qui se veut plus explicative que juridique. Proposant des réformes politiques et constitutionnelles (Rousseau, Kant) ou encore des analyses historiques des liens entre le commerce et la guerre (Constant, Molinari), cette critique du droit des gens débouchera souvent sur une vision idéaliste des relations …