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Les études sur la transition démocratique et la consolidation démocratique ou les études comparées sur la démocratie à travers le monde constituent un pan entier de la littérature scientifique en science politique. En fait, il peut même être avancé que le phénomène de la « démocratie » et ses corollaires forment un programme de recherche presque distinct du reste de la littérature en science politique et en relations internationales. De plus, le discours sur la démocratie et ses bienfaits, que prononcent les acteurs politiques, est souvent très différent de la réalité ou des résultats des études scientifiques. C’est avec cette idée en tête que Peter Schraeder propose un livre sur l’exportation du modèle démocratique à travers le monde selon une nouvelle perspective : celle de vérifier si les attentes face à la gouverne démocratique sur les plans politique et économique sont justifiées. D’ailleurs, depuis quelques années, les recherches scientifiques sur la démocratie sont passées d’une perspective de guerre froide, à savoir si la démocratie est le meilleur régime politique, à la question de savoir si les acteurs internationaux démocratiques (oig, États, ong…) doivent s’impliquer activement dans la promotion de la démocratie à travers le monde. En fait, l’auteur et ses collaborateurs offrent, selon eux, la première analyse complète sur les efforts internationaux de promotion de la démocratie durant la période suivant la Deuxième Guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui en mettant l’accent sur la dernière décennie du xxe siècle.

Pour atteindre cet objectif de recherche, le livre se divise en quatre parties. La première se consacre à l’étude des raisons poussant vers la promotion et l’exportation de la démocratie à travers le monde. Ainsi, le premier chapitre pose le problème général de recherche sans trop l’approfondir et présente les chapitres à venir. Les deux chapitres suivants font une revue de la littérature sur les théories de la paix démocratique et sur le lien entre prospérité économique et démocratie. La deuxième partie analyse le rôle des États dans la promotion et l’exportation de la démocratie. Le Danemark, la Finlande, la Norvège, la Suède, l’Allemagne, le Japon et les États-Unis constituent les États examinés en étude de cas dans les chapitres quatre à sept. La troisième partie analyse quant à elle le rôle des organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales. À titre d’exemples parmi d’autres, les rôles de l’Union européenne, des Nations Unies et de la Banque Mondiale sont traités dans les chapitres huit à onze. La dernière partie sert de conclusion générale à l’ouvrage. La principale conclusion qui ressort de l’ouvrage est que l’atteinte du succès dans la promotion et l’exportation de la démocratie est plus souvent qu’autrement gênée par plusieurs impondérables. Ceux-ci vont de la différence, souvent énorme, entre le discours et la réalité des politiques jusqu’au dilemme qui survient lorsque les buts de la promotion de la démocratie entrent en conflit avec d’autres intérêts de politique étrangère.

Il va sans dire que ce livre est une excellente analyse sur l’exportation de la démocratie dans le monde qui fait le point entre les objectifs initiaux de plusieurs acteurs jusqu’aux résultats concrets de cette entreprise. Les différents auteurs cernent de façon habile les enjeux entourant à la fois la promotion de la démocratie et les contraintes inhérentes à sa promotion. Toutefois, malgré les grandes qualités de ce livre, certains chapitres semblent courts et inachevés par rapport aux autres. De plus, le niveau et la qualité des chapitres sont inégaux. Cette situation est peut-être due au fait que le directeur de l’ouvrage n’a pas imposé un cadre analytique pour l’ensemble de l’ouvrage. En réalité, il n’y a ni question ou hypothèse de recherche ni modèle analytique dans ce livre, ce qui laisse les auteurs libres d’écrire selon leur propre schéma analytique avec des résultats inégaux. Par ailleurs, il aurait été intéressant d’avoir un point de vue moins occidental sur la question. Par exemple, les auteurs laissent dans l’ombre le rôle que joue l’Inde, la plus grande démocratie du monde, dans la promotion de la démocratie en Asie. Je recommande néanmoins ce livre à tous les chercheurs qui s’intéressent de près ou de loin à l’étude de la démocratie et des relations internationales.