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Cet ouvrage fait partie d’une série, initiée en 1992, de publications régulières de l’Institute of Southeast Asian Studies (iseas) destinées à rendre compte de l’actualité politique, économique et diplomatique en Asie du Sud-Est. Il s’apparente à d’autres publications annuelles du même type, comme Asia Yearbook, publié par la Far Eastern Economic Review (Hongkong), ou Asian Pacific Security Outlook (Japan Center for International Exchange). Mentionnons aussi les incontournables numéros de janvier et de février de la revue Asian Survey (ucla), toujours consacrés au bilan économique, politique et stratégique, pays par pays, de l’année écoulée.

Regional Outlook 2002-2003, il convient de le préciser, s’intéresse à l’année 2001, et encore, l’ouvrage a-t-il été bouclé avant la fin de l’année civile. On y trouvera donc beaucoup plus une analyse à chaud de l’impact politique qu’ont pu avoir les attaques terroristes du 11 septembre 2001, qu’un suivi sur le long terme des conséquences internationales de cet événement, de la campagne en Afghanistan et du réinvestissement stratégique des États-Unis en Asie orientale.

L’ouvrage présente tout d’abord une courte analyse du « cadre géopolitique de l’Asie Pacifique », avec un fort accent mis sur les retombées du 11 septembre, avant de passer à l’analyse pays par pays de l’Asie du Sud-Est, divisée en deux blocs, les six pays de l’asean en 1984 (au reste, pourquoi ce regroupement ? Nulle justification), Brunéi, Indonésie, Ma-laisie, Philippines, Thaïlande et Singapour ; puis un bloc « Indochine et Myanmar », curieux regroupement et usage étonnant d’un nom de région hérité de l’époque coloniale et qui, au fil des années, perd davantage de pertinence au fur et à mesure que le Laos et le Cambodge s’arriment fermement dans leur nouvelle orbite économique autour de la Thaïlande. Un encart présente l’avènement du nouvel État du Timor oriental (Timor Leste, devenu indépendant en mai 2002).

L’analyse aborde la question de la stabilité indonésienne, face aux retombées sociales de la crise de 1997, aux ondes de chocs du référendum sur l’accession du Timor oriental à l’indépendance, à l’émergence de groupuscules islamistes radicaux et très actifs (le texte a été rédigé avant les attentats de Bali en octobre 2002) et à la persistance de mouvements séparatistes en Aceh et en Irian Jaya. Les analyses de la Malaisie et des Philippines insistent beaucoup sur la politique intérieure – troubles socio-ethniques en Malaisie et émeutes de Kampong Medan de mars 2001 ; déposition du président Estrada aux Philippines et avènement de la présidente Gloria Macapagal Arroyo, en janvier.

On aborde ensuite le volet économique, avec l’analyse des tendances économiques qui mettent en relief la persistance de la fragilité de l’Asie du Sud-Est et la difficulté à se remettre durablement du choc de 1997. Les monnaies demeurent fiables, la croissance très volatile, l’économie très dépendante des débouchés de quelques produits. En témoignent la récession qui a affecté Singapour et la stagnation malaisienne à la suite de la brutale chute des commandes américaines de composants électroniques. L’ouvrage aborde, de façon intéressante, la question de l’ascension économique de la Chine et de la sévère concurrence qu’elle livre aux pays de l’asean pour les investissements étrangers, avec un avantage accru que lui confère son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce en novembre 2001. Le rapport des flux d’investissements internationaux à destination de l’Asie du Sud-Est, par rapport à ceux destinés à la Chine, est ainsi passé de 115 % en 1992, à moins de 40 % en 2000. Ce déclin relatif rapide de l’attractivité de la région par rapport à la Chine pose la question de la pertinence d’un régionalisme économique – avec des discussions, lors du Sommet de l’asean de novembre 2001, sur la possibilité de la création d’une zone de libre-échange couvrant l’Asie du Sud-Est et la Chine – mais aussi politique, avec notamment, au grand dam des Américains, la consolidation du concept d’une organisation régionale groupant l’asean, la Chine, le Japon et la Corée du Sud, appelée pour l’heure asean + 3.

Cet ouvrage offre ainsi un pano-rama assez complet de la situation de l’Asie du Sud-Est pour l’année 2001. Force est cependant de constater que l’ouvrage est moins détaillé et complet que la série Asia Yearbook, par exemple : si certaines statistiques économiques et financières par pays de Regional Outlook sont plus détaillées que celles de son concurrent (cotes de Moody’s ; masse monétaire ; composition du pib ; réserves monétaires), en revanche, Asia Yearbook offre un éventail de statistiques sociales, commerciales, économiques plus détaillé. De plus, outre les analyses pays par pays, où sont clairement abordées les dimensions de politique étrangère, intérieure et les aspects économiques, à l’instar de Regional Outlook, Asia Year-book offre aussi de nombreuses pages d’analyses thématiques stratégique, militaire, financière, boursière, de gestion des ressources naturelles, sur l’évolution des organisations régionales, sur le trafic maritime, etc. Bref, Regional Outlook présente, dans cette catégorie de recueils annuels destinés à rendre compte de l’actualité régionale, un portrait, sans doute exact, mais nettement moins détaillé qu’Asia Yearbook ou Asian Survey.