Comptes rendus : Analyse de politique étrangère

Little, Douglas, American Orientalism. The United States and the Middle East since 1945, London/New York, ib Tauris, 2003, 407 p.[Notice]

  • Simon Petermann

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  • Simon Petermann
    Université de Liège, Belgique

L’ouvrage que Douglas Little, professeur d’histoire à la Clark University (Worcester, Massachusetts), consacre à la politique américaine au Moyen-Orient depuis 1945 tombe à pic après les attentats du 11 septembre, la campagne contre Al-Qaida et la guerre contre le régime de Saddam Hussein. Il permet de mieux comprendre les ressorts de la stratégie américaine dans une région considérée comme d’intérêt vital du point de vue stratégique. Il montre surtout la complexité des relations entre les États-Unis et un monde arabo-musulman pris entre tradition et modernité. L’auteur consacre son premier chapitre à la dimension culturelle du problème. Il part du constat qu’on ne saurait comprendre la politique américaine dans cette région sans faire référence aux stéréotypes qui circulèrent sur les musulmans et les juifs aux États-Unis pendant près de deux siècles. Il montre à l’aide de nombreux exemples tirés de la culture populaire combien les uns et les autres ont été perçus pendant longtemps comme appartenant à un autre monde, arriéré et décadent, le monde exotique du despotisme oriental. Au début du xxe siècle, beaucoup d’hommes d’affaires, de missionnaires et d’archéologues continuent d’entretenir d’une certaine manière cette vision simpliste, portée également par des films à succès et des magazines populaires comme National Geographic. Dans les années trente, les perceptions évoluent même si les préjugés demeurent tenaces. Avec la Seconde Guerre mondiale, l’holo-causte et la création de l’État d’Israël, l’auteur acte le recul de l’antisémitisme tandis que les Arabes et les musulmans seront progressivement « diabolisés » et présentés comme des adversaires du Monde libre, notamment lors de la flambée des nationalismes dans les années cinquante et soixante. Dans son deuxième chapitre, Douglas Little aborde le problème du pétrole qui symboliquement représente le Moyen-Orient aux yeux de la majorité des Américains. Dans ce chapitre dense et intéressant, il analyse en détail comment se structure l’industrie pétrolière au plan international ; le rôle et l’influence des grandes compagnies comme Exxon et Texaco ainsi que leurs liens étroits avec certains pays arabes ; l’émergence de l’opep et son influence sur les cours du baril de pétrole après la crise de 1973. Enfin, comment les diverses administrations américaines concilient les intérêts pétroliers avec le special relationship avec Israël. Dans le troisième chapitre, l’auteur revient sur cette question en détail. Il montre combien cette alliance étroite avec Israël constitue dès le départ un handicap dans les relations avec le monde arabe. Après avoir longuement analysé les racines de cette alliance, l’auteur insiste particulièrement sur le potentiel nucléaire israélien qui a servi les intérêts stratégiques des États-Unis pendant la guerre froide. Il montre également combien les intérêts des uns et des autres sont liés même si les Israéliens n’ont jamais considéré que ce qui était bon pour les États-Unis l’était nécessairement pour l’État hébreu. Le quatrième chapitre s’efforce d’expliquer les efforts déployés pour contenir et endiguer l’influence soviétique dans la région après le vide laissé par le décrochage de la Grande-Bretagne. L’auteur montre notamment comment les États-Unis s’efforcent de mettre sur pied un système de sécurité régional s’étendant de la Turquie au Pakistan. Il revient également sur la crise de Suez pendant laquelle les intérêts de la Grande-Bretagne et ceux des États-Unis divergent. Au passage, l’auteur s’attarde sur les diverses doctrines qui serviront à justifier la politique américaine menée au Moyen-Orient, celle d’Eisenhower notamment, puis celle des présidents Kennedy et Johnson, avant d’analyser la doctrine Nixon des « deux piliers » (l’Iran d’un côté, l’Arabie saoudite de l’autre) destinés à contenir l’expansionnisme soviétique. L’auteur montre qu’après la révolution islamique en Iran et l’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979, deux événements qui révélèrent les faiblesses …