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Les travaux rassemblés dans cet ouvrage participent d’une recherche entreprise sous l’égide de la fondation Ford. Ils viennent discuter l’impact de la globalisation sur les questions identitaires et la gouvernance en Asie et en Afrique. L’objectif fixé est donc particulièrement ambitieux puisqu’il s’agit de mener une recherche comparative sur des thèmes polysémiques, fortement chargés idéologiquement et mouvants dans le temps.

Le chapitre 1 est particulièrement utile parce qu’il fournit le cadre d’analyse de l’ensemble des contributions par ailleurs assez disparates tant par leurs thèmes que par leur pertinence. Les auteurs y font la revue des débats concernant la globalisation, l’impact des réformes néolibérales sur les modalités de la gestion sociale et de la démocratisation et la gouvernance à travers les mutations progressives de ses conceptions. La réflexion est très intéressante parce qu’elle vient lier des phénomènes traités séparément pour leur fournir un cadre d’analyse beaucoup plus complexe soulignant – et c’est ici l’un des maîtres mots de l’ouvrage – l’extrême diversité des modalités de la gouvernance, et notamment de l’instrumentalisation des variables identitaires et des options retenues par la multiplicité d’acteurs qui interviennent dans la sphère publique. Les auteurs reprennent l’analyse souvent proposée d’une globalisation qui loin d’unifier et de rendre homogènes et prévisibles les stratégies d’action, conduit à diversifier l’origine et la nature des acteurs intervenants, à différencier les niveaux normatifs disponibles, à diluer l’idée de centre au profit de celle de réseaux et à mélanger les niveaux de références sur lesquels viennent jouer les acteurs. À cet égard le chapitre 6 consacré par J.P. Singh à l’insertion des ong travaillant sur le genre en Inde dans les réseaux, le chapitre 7 dédié aux jeux des ong du Bangladesh par F. Quadir ou le chapitre 14 rédigé par K.D. Bush sur l’impact de l’aid sur les conflits au Sri Lanka sont d’excellentes illustrations de cette situation. Ils montrent clairement à la fois l’intégration dans et par les réseaux des acteurs des zones marginales mais aussi leur exclusion, leur capacité à intervenir et à utiliser ces réseaux au profit de leurs propres luttes, voire à imposer des modèles propres y compris au nord.

L’ouvrage rassemble autour de ces thématiques des contributions très variables. Différentes quant à leurs conclusions, certaines soulignant l’impact favorable en termes de gouvernance et de développement économique de la globalisation, d’autres au contraire indiquant les effets pervers ; mais diverses aussi quant à leur ambition théorique. Il est vrai qu’en retenant une conception de la gouvernance qui semble quasiment copiée sur les fondements de l’analyse en termes d’action publique, on ne pouvait que déboucher sur une extrême diversité des situations. Comme première étude, cet ouvrage a l’intérêt de défricher le terrain. On pourra lui reprocher de rassembler des travaux trop divers dans leur construction, notamment dans la partie consacrée à la société civile et à la gestion des conflits, et de ne pas suffisamment valoriser les travaux existants, particulièrement sur le thème identité et globalisation. La pertinence des articles par rapport à cette réflexion supposée sur l’articulation gouvernance, identité, globalisation, libéralisation est très variable. On pourra aussi reprocher l’absence d’une vraie démarche comparative. Hormis dans les trop rares articles qui tentent de contraster deux situations (Afrique du Sud et Malaisie ; Afrique du Sud et Zimbabwe), l’ouvrage rassemble des études sur des terrains différents sans proposer une relecture croisée. Dommage, car dans l’ensemble les travaux sont de qualité et le projet tel que décrit en chapitre 1 pertinent. Espérons que le travail qui se poursuit permettra de réduire ces défauts.