Comptes rendus : Études stratégiques et sécurité

Van Creveld, Martin., Les femmes et la guerre., Coll. L’ art de la guerre, Monaco, Éditions du Rocher, 2002, 306 p.[Notice]

  • Vincent Porteret

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  • Vincent Porteret
    Laboratoire Georges Friedmann
    Université Paris I Panthéon-Sorbonne, France

Dans cet ouvrage, à la forme proche de sa Transformation de la guerre, publiée aux Éditions du Rocher en 1998, l’historien israélien M. Van Creveld explique que l’entrée des femmes dans les armées pose la question de savoir si elles doivent faire la guerre. Affirmée d’emblée, sa réponse est négative. En trois parties d’ampleur inégale, il entend démontrer que ce changement, remettant en cause les rôles de chaque genre, serait à la fois le symptôme et la cause du déclin des armées occidentales même si, comme il l’affirme dans la première partie, l’importance des femmes est telle que « la guerre leur doit d’exister » (p. 21) : qu’elles en soient les instigatrices (selon diverses modalités), les enjeux ou que la guerre ait pour objectif de les protéger. La seconde partie, vaste catalogue qui va de la guerre, « usage de la vio lence organisée, exercée dans le but d’atteindre des objectifs collectifs » (p. 61), dans le règne animal aux guerres totales du xxe siècle, voit l’auteur s’attacher à montrer que, quels qu’en soient la forme, l’époque ou le lieu, la participation des femmes y fut toujours limitée quoi que laissent penser les récits qui, évoquant des femmes guerrières comme les Amazones, manifestent plutôt l’universalité d’un « goût » masculin pour ces héroïnes associant, dans une ambivalence plus ou moins assumée, traits guerriers et féminins, souvent érotisés. L’auteur évoque alors les « femmes commandantes et politiques » et celles qui « jouent » à la guerre, stimulant la création de jeux plus violents réservés aux hommes. De leur côté, celles qui, malgré les difficultés, suivaient les armées jouaient plus un rôle de soutien. Elles disparaîtront au début du xxe siècle : « l’armée fut alors plus exclusivement masculine que jamais » (p. 116). Plus directe est la participation des femmes qui, difficiles à dénombrer, sont entrées dans les armées déguisées en hommes ou celle des guerrières du Dahomey. Celles-ci, d’après des témoignages assez imprécis, assuraient la protection rapprochée des souverains qui les employèrent au combat avec un indéniable effet de surprise. À chaque fois, les femmes, visant l’autonomie, durent composer avec les attributs masculins, ce que l’auteur voit comme la négation de leur sexe et l’impossibilité d’accomplir leur « destinée biologique de mère » (p. 134). M. Van Creveld s’intéresse ensuite aux insurrections où des femmes ont pris les armes, transgression rendue, selon lui, possible parce que ces luttes échappaient au cadre « normal » de la guerre : en cas de sortie de la clandestinité, les femmes laissent le champ libre aux hommes. Puis, il évoque, succinctement, les effets de la totalisation des conflits, notamment l’extension de la mobilisation à des femmes volontaires, patriotes mais non féministes assure-t-il. Avec de multiples précautions, elles seront intégrées dans les armées, parfois en uniforme, et toujours pour remplir leurs tâches traditionnelles (soigner, nourrir, secourir). Extrapolant la valeur de l’exemple occidental, malmenant des considérations jugées jusque-là évidentes, y compris quant à la « faiblesse des femmes », toujours problématique quand, explique l’auteur, la force guerrière reste liée à la force physique, l’époque contemporaine manquerait le sens profond de la guerre. Continuation de la politique par d’autres moyens, elle serait surtout une affirmation de la virilité née de ce qu’il analyse, à partir de travaux anthropologiques, comme l’obsession masculine de la supériorité féminine. La division sexuelle du travail y apporterait une réponse en liant, partout, le prestige social des activités, quelle qu’en soit l’importance objective, au fait que les hommes les accomplissent. Pour l’auteur, l’accentuation de la présence des femmes dans les armées après 1945, objet de la troisième partie, …