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Cet ouvrage collectif réunit des contributions autour des liens entre les questions économiques, la mondialisation libérale et la démocratisation des régimes politiques en Amérique latine. L’intérêt est de pouvoir embrasser les différentes réponses proposées par certains États et groupes régionaux afin d’en tirer des conclusions sur l’effet de l’adaptation des économies nationales sur la stabilité de l’Amérique latine.
Les efforts des démocraties latino-américaines pour s’accrocher au train de la nouvelle économie globale se font en effet au prix de restructurations douloureuses et présentent une succession frustrante d’avancées et de reculs. Cet ouvrage, divisé en quatre parties, se veut donc une synthèse de ces efforts en insistant sur les changements en cours dans les économies les plus ouvertes et les moyens visant à améliorer la bonne gouvernance démocratique et les conditions de vie. Les auteurs soulignent la nécessité d’étudier ensemble plusieurs facteurs, notamment économiques, politiques et sociaux, pour comprendre les problèmes de la région. L’intégration économique, la stabilité financière, le développement du capital humain et le processus de démocratisation de la vie politique constituent les thèmes majeurs abordés.
La première partie traite du pari de l’intégration économique à l’échelle régionale. Dans le chapitre premier, Salazas-Xirinachs analyse les réformes engagées au cours des années 1990 et identifie cinq grandes tendances de la politique d’intégration. La première concerne le commerce interrégional. Malgré les critiques contre le système néo-libéral, la tendance vers l’ouverture des marchés intérieurs ne peut que se renforcer, notamment lors des partenariats multilatéraux, régionaux ou bilatéraux. La deuxième tendance comprend le volet des négociations avec les pays industrialisés avec le programme de privatisation des grandes entreprises publiques. La troisième concerne l’ouverture des marchés publics aux sociétés étrangères, encouragée par la Banque mondiale. Négocier sur plusieurs fronts en même temps requiert en effet une plus grande emphase sur les politiques de développement conjointes. La quatrième tendance concerne l’adoption de politiques visant à renforcer la croissance afin d’augmenter les capacités de production. Améliorer l’ouverture des marchés est décrit comme la condition nécessaire pour créer de nouvelles opportunités de croissance. Enfin la dernière tendance tourne autour des politiques sociales, la croissance seule ne pouvant diminuer les écarts de revenus au sein de la population. Dans le deuxième chapitre, Roberto Bouzas se pose la question à savoir si le Mercosur, tel qu’il a été imaginé par le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay, peut survivre en l’état. Le Mercosur semble en effet connaître une crise d’adolescence et une stagnation de ses objectifs ultimes, celui d’une intégration économique complète. L’auteur doute de la capacité des États membres à réaliser une union douanière complète, notamment à cause du poids du Brésil. Dans le chapitre trois, Gustavo Vega nous parle de l’alena, un autre accord de libre-échange, entre le Mexique, les États-Unis et le Canada et souligne combien le Mexique a bénéficié de ces accords, notamment en termes de compétitivité et de croissance, mais aussi en stabilisant la dette financière nationale. Mais inversement la dépendance de l’économie mexicaine vis-à-vis des États-Unis n’a jamais été aussi forte et la politique de sécurité adoptée par les Américains après le 11 septembre 2002 a rendu plus difficiles les migrations de travailleurs mexicains vers le nord.
La deuxième partie analyse le facteur dominant de l’économie latino-américaine, à savoir l’instabilité financière. Plusieurs conclusions sont tirées par Sidney Weintraub. Les crises argentines et mexicaines étaient prévisibles, notamment à cause de mauvais choix politiques inadaptés à l’économie locale, comme le taux de change fixe par rapport au dollar. Ces pays ont pensé, à tort, qu’ils pourraient sauver leur système bancaire. Sylvia Maxfield propose des solutions à cette instabilité chronique. Les gouvernements pourraient par exemple décourager les flux de capitaux à court terme en les taxant davantage, comme l’a fait le Chili dans les années 1990. Ils pourraient également créer des fonds de pension privés qui seraient investis dans l’économie locale.
La troisième partie étudie comment le capital humain accumulé pourrait ou ne pourrait pas améliorer la productivité afin de réduire les inégalités sociales dans la région. Suzanne Durgea et Carmen Pagés expliquent les voies à suivre: l’effort sur le niveau d’instruction de la population est nécessaire mais pas suffisant pour réduire la pauvreté. Pour parvenir à des résultats significatifs, les investissements dans les infrastructures, permettant une plus grande liberté de mouvement, sont un terreau fertile à l’innovation technologique. Le chapitre 7 traite spécifiquement des politiques d’éducation mises en place en Amérique latine. Wendy Hunter compare les différentes réformes engagées et souligne que les systèmes éducatifs latino-américains se caractérisent par une excessive centralisation et un manque de financement lié au faible coût d’utilisation des usagers.
La quatrième partie aborde enfin la bonne gouvernance démocratique. Kent Eaton souligne les risques et les opportunités de la décentralisation de la vie politique en Amérique latine. Dans le passé, la discrétion et la complexité ont été les ennemis de la vraie décentralisation. Les pays qui ont le plus résisté à la décentralisation démocratique sont ainsi confrontés à des problèmes de coûts et de maintien de structures existantes de plus en plus difficiles à gérer et qui favorisent les choix électoralistes à court terme. Peter Kingstone prend pour exemple le Brésil et sa réforme de la sécurité sociale. Les réformes nécessaires ne devraient pas se faire en dehors de trois critères essentiels: la délibération, une analyse globale de la situation et l’égalité. Les voix qui se sont fait entendre dans cette réforme sont celles qui défendaient des intérêts catégoriels privilégiés au détriment de la grande partie de la population. Richard Youngs conclut que la voie vers plus de démocratie politique est un facteur essentiel de stabilisation qui a un effet réel sur le choix des investisseurs étrangers.
Cet ouvrage complet rassemble des contributions disparates qui enrichissent cependant le débat sur les effets de la mondialisation sur les pays d’Amérique latine. L’exercice entrepris apporte une bonne contribution sur les liens qui existent entre stabilisation politique et développement économique, mais on regrettera le manque de recul sur les effets pervers de l’ouverture des frontières sur l’emploi et les inégalités sociales. Certes les mutations en cours sont parfaitement analysées mais elles le sont sous l’angle néo-libéral. L’ouvrage, qui intéressera étudiants et chercheurs, présente toutefois une bonne synthèse rassemblant des informations statistiques sous forme de tableaux comparatifs et des analyses fines et pertinentes sur la situation de l’Amérique latine en ce début de 21e siècle.