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Depuis les années 1980, l’Union européenne cherche à mettre sur pied une politique commune de sécurité et de défense. Après des débuts modestes et parsemés de difficultés, la conférence d’Helsinki de 1999 permet de mettre de l’avant ce qui sera reconnu comme une véritable Politique européenne de sécurité et de la défense (pesd). En quatre ans, des structures de décision ont été mises en place, des outils militaires ont été développés, des concepts stratégiques ont été dessinés et un pré-Livre blanc a été rédigé. Malgré ces développements importants, plusieurs défis majeurs persistent et font échec à l’érection d’un véritable projet sécuritaire européen commun.

La Belgique et la politique européenne de sécurité et de défense relate les tentatives, les engagements, ainsi que les différents facteurs qui ont permis l’établissement de la pesd. Cette politique commune s’est premièrement concentrée sur les tâches de Petersberg (intervention humanitaire, réaction à des catastrophes naturelles, la conduite d’opérations de maintien de la paix, etc.), afin de développer une capacité militaire complémentaire à l’otan. Il était donc impératif pour les décideurs politiques que l’Alliance atlantique conserverait son rôle de sécurité collective, alors que « l’identité » européenne de la défense n’effectuerait que des tâches d’appoint. L’Europe a donc mis sur pied des outils de décision politiques et militaires, ainsi que des capacités d’intervention. Ces forces ont d’ailleurs été impliquées en République démocratique du Congo lors de l’opération artémis en juin 2003.

Cet ouvrage évoque donc en détail les tentatives et initiatives qui ont permis la mise en place de la pesd en évoquant particulièrement la participation belge à ces efforts. André Dumoulin (politologue), Philippe Manigart (sociologue) et Wally Strys (économiste), sont des spécialistes sur la Belgique dans leur sujet spécifique. Individuellement ou collectivement, ils ont publié plus d’une cinquantaine d’ouvrages et d’articles sur les sujets de la défense et de la sécurité belge et européenne. L’approche individuelle et les champs d’étude de ces trois auteurs se complètent de façon harmonieuse, ce qui fait de La Belgique et la politique européenne de sécurité et de défense, un ouvrage complet et spécialisé sur la question. En plus de conduire des études académiques sur le sujet, ces chercheurs sont tous activement impliqués de près ou de loin à l’élaboration des politiques de défense de la Belgique.

L’ouvrage se divise en cinq parties thématiques. La première section porte sur les facteurs diplomatiques et stratégiques. Elle relate les prises de position des différents pays lors de l’élaboration de la pesd et particulièrement l’attitude adoptée par la Belgique. La deuxième partie se concentre sur les aspects militaires. Il s’agit d’une description de l’évolution des structures militaires belges, européennes et « otaniennes » durant la période de l’après-guerre froide. La troisième partie décrit les facteurs économiques ayant déterminé les choix des dépenses d’équipement, de restructuration et de la défense belge durant la décennie des années 90. La quatrième partie se veut sociologique. Elle permet de souligner les nombreux changements sécuritaires depuis la fin de la guerre froide au point de vue des menaces, les nouvelles missions, ainsi que les structures et organisations militaires qui en ont résulté. La dernière partie porte sur les facteurs politiques. Cette section souligne les intérêts particuliers et collectifs qui ont joué dans la création des gouvernements belges et européens, les alliances politiques, ainsi que les compromis nécessaires à l’élaboration de la politique de défense belge.

Ces cinq sections sont enrichies de cent quatre-vingts pages d’annexes. Ces documents supplémentaires permettent au lecteur de consulter le texte de certains discours déterminants, des organigrammes détaillés, ainsi que des tableaux complets. L’ouvrage comportait déjà plusieurs tableaux, organigrammes et notes explicatives à l’intérieur du texte, mais les auteurs ont décidé d’inclure ces nombreuses annexes (43), afin d’offrir le plus de détails possibles aux lecteurs désireux d’approfondir le sujet. La Belgique et la politique européenne de sécurité et de défense s’impose donc comme la référence en matière de politique de défense et de sécurité belge dans le contexte européen. Il s’adresse au diplomate, au militaire ou à l’étudiant qui désire connaître la politique de défense et de sécurité belge des années 1990, jusqu’à la vision 2015.

Les auteurs arrivent à la conclusion que les besoins d’une nouvelle armée pouvant répondre à la situation de l’après-guerre froide furent une préoccupation majeure des politiciens et des militaires belges. L’ouvrage démontre également l’importance de l’opinion publique dans la restructuration des forces armées belges, la coopération en matière de sécurité et de défense, ainsi que l’intégration militaire pour l’atteinte d’une armée européenne. Le grand nombre et surtout la diversité des facteurs énumérés dans les différentes sections de La Belgique et la politique européenne de sécurité et de défense, démontrent la complexité du processus permettant l’élaboration de la politique de défense belge. Malgré tout, pour les auteurs, la volonté est demeurée subordonnée aux considérations économiques. André Dumoulin, Philippe Manigart et Wally Strys considèrent la Belgique comme le laboratoire et même un moteur important en matière d’européanisation de la sécurité et de la défense, cette position étant le résultat des considérations économiques de ce petit pays.

Il s’agit d’un ouvrage pluridisciplinaire désirant atteindre des objectifs ambitieux : appréhender les décisions politiques ; expliquer les positions de certains gouvernements ; situer les restructurations militaires dans les contextes, et expliquer la position dite « volontariste européiste » de la Belgique. L’approche de cet ouvrage est donc loin d’être traditionnelle, le mariage des différentes approches est cependant harmonieux. Le développement est rigoureusement logique et les auteurs atteignent leurs objectifs à l’aide d’une approche majoritairement sociologique. L’analyse des différents facteurs est ambitieuse et couvre un grand nombre d’éléments internes et externes à l’État belge. Outre l’élaboration d’une typologie spécifique de l’opinion publique face à la pesd, les questions théoriques sont complètement absentes de cet ouvrage, car les auteurs se concentrent sur la description des éléments observés et les conclusions qui peuvent en être tirées. L’ouvrage comporte cependant de nombreuses références qui permettent au lecteur d’approfondir selon son désir, les différents aspects théoriques. En conclusion, il s’agit d’un bon ouvrage qui s’adresse à ceux qui désirent savoir pourquoi et comment les forces armées belges ont été adaptées aux nouvelles conditions de l’après-guerre froide. Le lecteur pourra aussi examiner la position belge face à l’identité européenne, spécifiquement sous l’aspect de la Politique européenne de sécurité et de défense.