Comptes rendus

Droit international : War Crimes and Realpolitik. International Justice from World War I to the 21st Century.Maogoto, Jackson Nyamura. Boulder/Londres, Lynne Rienner Publishers, 2004, 268 p.[Notice]

  • Yves Beigbeder

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  • Yves Beigbeder
    unitar, Genève

Ce livre prend sa place parmi les nombreux ouvrages consacrés à la justice pénale internationale, depuis la création des Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, et de la Cour pénale internationale. Plutôt que de souligner les avancées judiciaires de ce phénomène, l'auteur met l'accent sur ses limites dues à la realpolitik, c'est-à-dire aux politiques de puissance et aux intérêts nationaux des États. L'introduction donne un cadre historique à son étude, à partir du 20e siècle, en évoquant les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, qui ont ajouté l'individu à l'État comme sujet du droit international, tout en rappelant que celui-ci est essentiellement une « architecture de compromis politique ». Un premier chapitre décrit la création d'un processus pénal international moderne, sur la base de la doctrine de la « guerre juste », des Conventions de La Haye et de Genève. Le livre est divisé en trois parties. La première est consacrée aux guerres mondiales. Le chapitre 2 évoque « Une fausse aube : l'incapacité de faire respecter la justice internationale après la Première Guerre mondiale ». Sont rappelés les évènements bien connus que sont l'échec des procès de Leipzig et l'amnistie accordée par le Traité de Lausanne à la Turquie pour le génocide qui a tué plus de 600 000 Arméniens. L'auteur en conclut que les États ne peuvent pas sanctionner eux-mêmes leurs propres crimes et que des groupes d'États ne peuvent prévenir ou sanctionner des violations du droit international par un autre État que s'ils restent unis et déterminés. Le 3e chapitre décrit « Une nouvelle aube : la naissance de la mise en oeuvre du droit pénal international ». Sont rappelés l'échec de la sécurité collective de la sdn, le Pacte Kellogg-Briand de 1928, le régime nazi et l'Holocauste, la guerre de terreur de l'armée japonaise. La création et la jurisprudence des Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo, malgré leurs imperfections, firent espérer que les crimes d'agression, crimes de guerre et crimes contre l'humanité seraient condamnés à l'avenir et que personne ni aucun pays ne seraient au-delà des lois. Une 2e partie examine la guerre froide et les années 1990, et son chapitre 4, « La guerre froide dans l'ombre de la realpolitik », avec d'une part son impact désastreux à l'égard du concept de la justice internationale, et d'autre part, le développement du droit humanitaire international : les Conventions internationales et régionales sur les droits de l'homme, la mise à jour des Conventions de Genève. Enfin, cette période a connu l'expansion des ong, le secteur privé de la communauté internationale reconnu juridiquement, avec leur légitimité internationale. Il n'y eut aucune poursuite pénale internationale pendant cette période en raison de l'absence de consensus entre les principales puissances. La crise dans les Balkans a permis de rappeler le précédent de Nuremberg (chap. 5). Bien que le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie ait marqué un retour au modèle de Nuremberg, il a été créé grâce à un désir politique de racheter la conscience de la communauté internationale sous la pression des médias et des ong plutôt que par son engagement à garantir la justice internationale. Après un rappel des circonstances historiques de la dissolution de l'ex-Yougoslavie, des tentatives politiques internationales pour régler les conflits, du rôle du Conseil de sécurité et de l'otan, l'auteur décrit le développement des activités du Tribunal, freinées à sa création et dans ses premières années par les grandes puissances. Le chapitre 6, « Le Rwanda : portrait d'une communauté internationale réticente », reprend l'historique qui précède le génocide rwandais et l'indifférence ou l'inaction …