Comptes rendus

Analyse de politique étrangère : America Unbound. The Bush Revolution in Foreign Policy.Daalder, Ivo H. et James M. Lindsay. Washington, DC, Brookings Institution Press, 2003, 246 p. [Notice]

  • Aziz Enhaili

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  • Aziz Enhaili
    Doctorant en science politique
    Université Laval, Québec

Avec la fin de la guerre froide, les États-Unis deviennent la seule hyper puissance d’un système international unipolaire. Dans ce contexte inédit, le reste de la planète s’intéresse à ce qui se passe dans ce pays, notamment en matière de politique étrangère. D’où l’intérêt d’un livre comme celui d’Ivo H. Daalder et James M. Lindsay, deux anciens directeurs dans le Conseil national de sécurité, sous l’Administration démocrate de William Clinton. Ce livre portant sur la politique étrangère de l’Administration de George W. Bush durant ses trente premiers mois, comporte, en plus des remerciements d’usage, douze chapitres, des notes bibliographiques et un index. Après avoir défini dans le premier chapitre la « révolution Bush », les deux auteurs se sont d’abord penchés sur Bush et sa garde rapprochée, sa vision et les étapes de formation de son équipe (chap. 2, 3 et 4), ont ensuite examiné les huit premiers mois de son mandat (chap. 5) et l’impact des attentats du 11 septembre 2001 sur lui (chap. 6) et sur sa stratégie, sa définition des menaces extérieures et ses campagnes militaires (les cinq avant-derniers chapitres), et ont enfin identifié notamment les menaces d’une approche unilatérale pour l’intérêt national américain (chap. 12). Au niveau de leur cadre théorique, Daalder et Lindsay partent d’une perspective réaliste pour disséquer ce qu’ils appellent la « révolution Bush » en matière de politique étrangère. Avant de s’y pencher, ils ont fait l’historique de la définition de l’intérêt national des États-Unis de George Washington à George W. Bush. L’industrialisation du pays et son renforcement ont favorisé les courants internationaliste et impérialiste au détriment de celui isolationniste. Deux traditions se sont disputées la définition de l’intérêt national, la première est multilatéraliste (W. Wilson), la seconde est hégémoniste (H. Lodge). Pour les wilsoniens qui partagent le principe d’exceptionnalité des États-Unis, l’engagement américain favorable à la création d’un système d’institutions internationales et au renforcement du droit international, est la clé d’un monde démocratique. En s’intégrant, en leader, à ce système basé sur le principe de sécurité collective, ce pays peut servir ses intérêts, propager ses valeurs et limiter l’anti-américanisme. En agissant à partir de ces institutions, il en fait des instruments clés de sa politique étrangère. La tradition hégémoniste est quant à elle basée sur les cinq prémisses suivantes : 1) les États-Unis vivent dans un monde dangereux ; 2) l’État-nation est l’acteur clé de la politique mondiale et il agit selon ses propres intérêts ; 3) la puisance militaire est sa pièce maîtresse ; 4) les accords multilatéraux et les institutions internationales ne sont ni essentiels ni nécessaires pour les intérêts américains dans le monde, d’où s’il y a besoin le recours à des coalitions ad hoc de volontaires ; 5) les États-Unis sont l’unique superpuissance et les autres pays les perçoivent ainsi. Partant de ces principes, les hégémonistes estiment que la puissance militaire de leur pays et son utilisation représentent la clé de garantie de la sécurité de ses intérêts, et qu’en cas du refus des organisations internationales d’en tenir compte, il pourrait agir de manière unilatérale. Pour eux, les États-Unis peuvent et doivent donc agir sans bornes, c’est-à-dire sans se soucier des contraintes du système international. Les vainqueurs hégémonistes des multilatéralistes ont voulu profiter de l’effondrement de l’Union soviétique pour transformer le moment unipolaire en une ère unipolaire. Selon la thèse de Daalder et Lindsay, George Bush, un hégémoniste, a lancé une révolution en politique étrangère qui consiste en la redéfinition de la manière américaine d’agir dans le monde. Cette thèse est basée sur deux hypothèses. La première : dans un monde dangereux, la meilleure façon de garantir …