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Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont non seulement bouleversé les relations internationales, mais ont aussi occasionné un boom sans précédent dans le domaine de la recherche et la publication sur les questions relatives à la sécurité. La prolifération de la littérature sur le terrorisme touche tous les aspects de la question et toutes les régions du monde ; l'ensemble arabo-musulman y a attiré le plus grand intérêt des auteurs pour des raisons diverses.

Le terme largement sur-utilisé de « monde » arabo-musulman fait référence à l'ethnicité et la religion conjointement, deux concepts et réalités surexploités de façon abusive et par les médias et par les politiciens. Plusieurs auteurs et commentateurs dans les médias se sont efforcés de régler leurs différends idéologiques avec les deux composantes de ce « monde » en les associant au terrorisme, au grand plaisir des adeptes de la clashologie. La guerre contre le terrorisme a donné lieu à deux conflits particulièrement violents, confus et continus en Afghanistan et en Irak. Plusieurs opérations militaires d'envergure moins spectaculaire impliquant quelques dizaines de pays se poursuivent parallèlement depuis les événements du 11 septembre 2001.

À travers son ouvrage, l'auteur poursuit quelques objectifs. Le premier objectif est d'analyser l'émergence des islamistes radicaux dans la région et de fournir le contexte historique pour comprendre le pourquoi du développement et le maintien de l'extrémisme. Comprendre le pourquoi du mécanisme de l'adhésion des éléments radicaux locaux à Al-Qaëda est le deuxième objectif recherché, suivi par l'analyse des réactions de gouvernements régionaux aux attaques du 11 septembre et la guerre des États-Unis contre le terrorisme.

Militant Islam in Southeast Asia se penche sur le cas de l'organisation Al-Qaëda et ses dépendants dans la région de l'Asie du Sud-Est. Le premier chapitre est consacré à l'étude d'Al-Qaëda et l'islam radical qui s'oppose à l'islam « tolérant, modéré et pluraliste » dans cette région. L'auteur fait part de son étonnement face à l'absence d'étude sur l'islam militant en Asie du Sud-Est et d'appréciation des liens d'Al-Qaëda avec la région. Ce militantisme puise ses racines dans les événements de l'Afghanistan et dans la convergence des islamistes romantiques qui luttaient d'abord contre l'occupant soviétique pour s'enrôler ensuite dans la machine de fabrication terroriste en Afghanistan ou être exportés vers leurs pays d'origine, y compris les Philippines, l'Indonésie et d'autres États en Asie du Sud-Est.

Le deuxième chapitre qui présente un aperçu historique de l'islam politique et son arrivée dans la région au xiie siècle, cherche à comprendre le pourquoi de l'émergence de l'islam fondamentaliste et radical en Asie du Sud-Est. Il étudie les racines des mouvements rebelles et séparatistes ainsi que leurs griefs. La révolte islamique dans la province de Mindanao aux Philippines, vieille de 400 ans, prend un tournant dans les années 30 lorsque les chrétiens et les États-Unis ont voulu récupérer la province. Les revendications islamiques en Malaisie, pays majoritairement musulman, sont d'une nature différente. La montée du fondamentalisme islamique y est liée au fossé socio-économique qui sépare la majorité malaisienne de la minorité chinoise. La domination de l'administration et de la sphère politique par les musulmans conduit à l'émergence d'une opposition islamique modérée. L'Indonésie et ses problèmes de dictature, d'Aceh et de confrontations sectorielles présente un cas particulier. Libéré depuis la chute de la dictature, l'islam devient une partie éminente du tissu politique de l'Indonésie post-Suharto. Le cas de la Thaïlande est similaire à celui des Philippines : un mélange de l'ordre colonial, du monopole de la religion majoritaire et des siècles de guerre contre la minorité musulmane. L'auteur reconnaît la légitimité des revendications musulmanes, longtemps réprimées par le bouddhisme thaïlandais. Moins connu que les autres, le cas cambodgien est également lié à la question religieuse, une minorité musulmane au sein de la majorité bouddhiste, et aux problèmes socio-économiques. Le traitement répressif de ces minorités ouvre la porte au militantisme wahhabite et ses mercenaires d'Al-Qaëda.

Le troisième chapitre analyse la période 1991-1995 où l'organisation de Ben Laden avait établi ses bases d'opération aux Philippines pour appuyer des actes terroristes en conjonction avec les éléments locaux mécontents ou les cellules indépendantes contre les États-Unis et maintenir des liens avec les militants de l'île de Mindanao. Le pays a été utilisé comme base arrière pour le recrutement des terroristes, comme lieu d'investissement et de blanchiment d'argent, et d'un endroit pour planification et attaques terroristes.

L'affaiblissement et le repli de la cellule philippine d'Al-Qaëda vers la Malaisie, où l'organisation terroriste développe sa propre armée régionale de 1993 à 1994 et un réseau transnational complexe, font l'objet du quatrième chapitre. L'auteur y analyse la structure organisationnelle des cellules régionales de la Jamaa Islamiya.

Dans le chapitre cinq, l'auteur cherche à comprendre les mesures prises par les États concernés contre Al-Qaëda en vue d'empêcher la pénétration des terroristes internationaux dans leurs territoires. Il s'attarde sur les réponses politiques à la montée du fondamentalisme et des revendications légitimes des communautés musulmanes. Il se demande si les États sont prêts à confronter Al-Qaëda non pas comme organisation mais en tant qu'idéologie. L'auteur fait part des difficultés auxquelles les gouvernements de la région sont confrontés et des pressions domestiques exercées à leur endroit pour ne pas se lancer dans une répression aveugle au nom de la guerre contre le terrorisme. Il constate des réactions et motifs parfois opposés des États de l'Asie du Sud-Est dans leurs guerres contre le terrorisme. Certains ont mis beaucoup de temps à réagir, d'autres ont utilisé cette guerre pour améliorer leurs relations avec les États-Unis.

Le dernier chapitre est consacré aux pièges et dérapages à éviter dans la guerre contre le terrorisme. Il commence par une question sur la signification de la montée de l'islam radical et la guerre contre le terrorisme en Asie du Sud-Est. L'auteur est d'avis qu'il y a six points à souligner pour répondre à la question posée. Le premier est qu'en dépit des succès considérables dans le démantèlement d'Al-Qaëda, il reste un long chemin à parcourir dans la défaite de l'Organisation. Le deuxième point, c'est que malgré la menace continue du terrorisme, il existe de nombreux obstacles pour la conduite d'une lutte effective contre les groupes terroristes. Troisièmement, l'asean qui devrait présenter une piste appropriée dans l'effort multilatéral pour combattre le terrorisme, est une organisation faible, peu efficace dans la guerre contre le terrorisme. Quatrièmement, cette guerre est importante parce qu'elle a réengagé les États-Unis dans la région ; ceux-ci reconnaissent le prix très élevé de leur désengagement. Le cinquième point est que la guerre contre le terrorisme ne doit pas se faire au détriment du respect des droits humains dans la région. Enfin, il s'agit de trouver des mécanismes pour engager dans le débat les nationalistes séculaires et modérés, capables de présenter une alternative valable à l'islamisme radical.

Le Militant Islam in Southeast Asia. Crucible of Terror présente un portrait presque complet des conflits de nature terroriste que les groupes dits islamistes livrent dans cette région. L'auteur tente d'établir un certain équilibre dans son approche en présentant les raisons qui ont donné naissance au militantisme islamiste, les revendications légitimes, mais réprimées des minorités, parfois majorités, musulmanes dans les pays de la région. Il a investi un effort considérable dans la cueillette de l'information et des liens qui existent entre les organisations terroristes au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est.

Cet ouvrage est utile pour toute personne, privée ou publique, intéressée dans le développement politique, économique et culturelle dans les États dans la région concernée. Il met à la disposition du lecteur une information considérable et détaillée sur les personnalités et organisations terroristes. Certains noms et mots arabes sont mal orthographiés, sans diminuer la valeur du livre pour autant.