Comptes rendus : Analyse de politique étrangère

Erb, Scott, German Foreign Policy. Navigating a New Era, Boulder/London, Lynne Rienner Publishers, 2003, 262 p.[Notice]

  • Martin Larose

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  • Martin Larose
    Département d’histoire et d’études culturelles
    Philipps-Universität Marburg, Allemagne

Soulignons-le d’emblée, le lecteur ne trouvera pas ici un ouvrage développant un modèle théorique à partir de la politique étrangère de l’Allemagne. Ce livre de Scott Erb, politologue à l’Université du Maine (Farmington), s’avère ainsi « une analyse constructiviste » (p. 13) de la politique extérieure allemande depuis 1945. L’objectif est d’examiner comment les politiques mises de l’avant par l’Allemagne de l’Ouest, « choix tactique » au sortir de la guerre, devinrent progressivement un « ensemble de normes » guidant l’action du pays sur la scène internationale. Autrement dit, la République fédérale d’Allemagne (rfa) eut d’abord recours à l’institutionnalisme de même qu’au multilatéralisme dans le but de regagner la confiance de ses partenaires et de défendre ses intérêts nationaux sans agressivité, usant ainsi de ce que d’aucuns appellent la soft power. À cela, s’ajouta bien entendu les leçons de l’Histoire, le tout débouchant sur la constitution d’une nouvelle culture politique promouvant les « valeurs occidentales, les droits humains et la coopération » plutôt que la poursuite unilatérale des intérêts nationaux (p. 3). La thèse avancée par l’auteur s’avère double. La rfa acquit d’abord dans l’après-guerre une « identité de politique étrangère postsouveraine », ceci avec un tel succès qu’il est permis de penser, selon l’auteur, que cette identité devrait être préservée. De ce postulat découle la seconde idée-force, à savoir que cette même identité pourrait s’avérer un modèle à suivre pour les autres États en ces temps de mondialisation (pp. 217-218). Pour mettre en oeuvre son analyse, Erb utilise essentiellement des documents qui permettent de reconstituer les débats divisant les élites et les partis politiques, mais aussi les universitaires et intellectuels concernés par la politique étrangère allemande. Il importe cependant de préciser que si les sondages de l’opinion publique ne sont pas complètement écartés du revers de la main, leur utilisation ne revêt aucunement un caractère systématique. Après un premier chapitre faisant office d’introduction, le deuxième chapitre constitue un rapide survol de la politique étrangère ouest-allemande entre 1945 et 1980. L’auteur y retrace donc le développement de l’identité en question, laquelle a mené à l’établissement d’un « double consensus », à savoir l’ancrage aux institutions occidentales dans l’immédiat après-guerre (Westbindung) et ensuite, la quête de meilleures relations avec les pays de l’Est à partir de la fin des années 1960 (Ostpolitik). Le corps de l’ouvrage débute ainsi véritablement avec le troisième chapitre qui examine, pendant la première moitié des années 1980, les réactions allemandes lors de la crise des euromissiles de même que la contribution de la rfa au développement de la coopération économique de la Communauté européenne. Ce faisant, le politologue cherche à démontrer que l’évolution de la politique étrangère allemande durant les trois décennies précédentes ne constituait aucunement un simple choix tactique, mais marquait bien l’affirmation d’une nouvelle identité. Ainsi, même après l’arrivée du chrétien-démocrate Helmut Kohl à la chancellerie, la rfa – en dépit d’une opposition populaire massive à cet égard – demeura favorable au déploiement de nouveaux missiles de portée intermédiaire sur son territoire. Toutefois, loin de ne tabler que sur l’intégration occidentale européenne et transatlantique, Kohl poursuivit la politique d’ouverture à l’Est mise de l’avant par ses prédécesseurs sociaux-démocrates. Le quatrième chapitre se concentre sur le rôle de la rfa dans les événements qui, de 1985 à 1990, ont mené à l’unification allemande et à la fin de la guerre froide. Pour Erb, l’une des raisons qui expliquent l’attitude conciliante de l’urss dans la seconde moitié des années 1980 est sans aucun doute la politique allemande d’ouverture à l’Est, laquelle avait été maintenue même dans le contexte …