Comptes rendus : Histoire

Manning, Patrick, Migration in World History, coll. Themes in World History, New York, ny, Routledge, 2005, 195 p.[Notice]

  • Martin Pâquet

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  • Martin Pâquet
    Département d’histoire Université Laval, Québec

Dirigée par l’historien américain Peter N. Stearns, la collection Themes in World History offre des manuels destinés aux étudiants universitaires, manuels qui présentent une analyse plus détaillée que les recueils de textes habituels ainsi qu’un regard plus étroit sur les méthodes et les débats historiens. Elle propose ainsi de brèves études introductives traitant de phénomènes transcendant les habituels clivages spatio-temporels en histoire, clivages qui segmentent les terrains d’enquête selon des frontières spatio-temporelles étanches. Or, pour être pleinement appréhendés, maints objets d’étude exigent un élargissement de la focale d’observation et la dissolution de ces frontières. Ces objets peuvent être mieux saisis dans une perspective internationale et sous des approches plus conceptuelles, d’où le revival des études civilisationnelles sous le vocable des World Histories. Il en va des thématiques du genre, du consumérisme, des révolutions et, dans le cas qui nous intéresse, des migrations. Usant de cette approche, Migration in World History s’oriente alors vers un double objectif, le premier cherchant à décrire à travers les âges les modèles récurrents de la migration humaine et de la reproduction sociale ; le second voulant montrer comment ces derniers sous-tendent d’autres modèles caractérisant notre espèce, soit ceux de la reformulation sans fin, de l’innovation et de l’exploration (p. 14). Pour ce faire, P. Manning se dote d’un modèle explicatif. Premier élément de ce modèle qui s’inspire ici des travaux en anthropologie linguistique d’un Edward Sapir ou d’un Benjamin Whorf et en anthropologie culturelle d’un Fredrik Barth, l’établissement de frontières entre les diverses communautés humaines. La césure se trace autour du critère du partage d’une langue ou des traits communs d’une famille linguistique. Une fois les frontières de ces groupes bien déterminées, l’auteur distingue ensuite quatre catégories de migrations : celles qui sont endogènes à l’aire communautaire et linguistique, celles de colonisation d’autres aires, celles visant l’occupation complète de l’aire originelle et celles qui traversent de multiples aires. Ce faisant, l’analyse insiste sur « the interplay of institutions [sic] of migrations : families within and across communities, migratory networks, and the migrants themselves » (pp. 13-14). Engendrées grâce aux mouvements migratoires trans-communautaires, les innovations, technologiques ou autres, provoquent le développement social qui, à son tour, produit de nouveaux processus de migration. Enfin, les résultats de ces processus migratoires créent des conditions optimales pour des migrations communautaires de grande amplitude dans la longue durée. Cette longue durée, Patrick Manning en tranche grossièrement huit larges segments temporels. Le premier débute avec les premiers hominidés du type Australopithecus de la région des Grands Lacs africains jusque vers 40 000 avant J.-C., moment où les Homo Sapiens occupent l’Eurasie. Le deuxième segment enjambe les siècles jusque vers 15 000 avant J.-C., et se caractérise par le peuplement des régions nordiques et du continent américain. Puis, les périodes suivantes se particularisent par les avancées de l’agriculture – de 15 000 à 5 000 av. J.-C. – et du commerce – jusque vers 500 apr. J.-C. Le Moyen Âge ne se distingue pas spécialement en matière d’innovation et de développement social, les mouvements migratoires disséminant les découvertes de la période précédente. Du xve au xviiie siècle, les mouvements de colonisation outre-mer se manifestent avec force, notamment avec la conquête de l’Amérique. L’auteur présente ensuite, de 1700 à 1900, les impacts de la Révolution industrielle et de l’impérialisme en matière de déplacement de population. Enfin, le dernier segment couvre le siècle qui s’est achevé, en cernant les effets de l’urbanisation dans cette grande mouvance des gens et des peuples. L’historien des migrations constate le potentiel mais aussi les limites de la modélisation proposée. Certes, cette dernière propose …