Essais

L’Association pour la Coopération régionale en Asie du SudUne intégration régionale improbable[Notice]

  • Jacques Ténier

L’histoire contemporaine de l’Asie du Sud est d’abord celle d’une désintégration. En 1947, la partition des Indes britanniques donne le jour aux républiques indienne et pakistanaise, cette dernière elle-même scindée en deux parties occidentale et orientale. Elle entraîne le déplacement d’une dizaine de millions de personnes et la mort d’un demi-million d’entre elles. La désintégration se poursuit avec la guerre de sécession du Pakistan oriental qui devient Bangladesh en décembre 1971. L’Inde et le Pakistan se font trois guerres, dès l’indépendance pour la possession du Cachemire, en 1965 et en 1971. Un effort de réconciliation est entrepris en 1985 avec la création à Dacca (Bangladesh) de l’association pour la coopération régionale en Asie du Sud (saarc en anglais). Elle rassemble l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh mais aussi les États himalayens du Népal et du Bhoutan et les États de l’océan Indien Sri Lanka et les Maldives. Eclipsant les nationalismes, la charte de Dacca poursuit l’objectif d’une amélioration du bien-être des populations de l’Asie du Sud. Elle propose des coopérations techniques pour faire face à des problèmes communs d’éducation, de santé, d’environnement ou de transports. Dix ans plus tard les pays membres cherchent à développer le commerce régional : ils signent un accord préférentiel. A la fin des années quatre-vingt-dix les nationalismes reprennent le dessus. En 1998 l’Inde et le Pakistan effectuent des essais nucléaires. Une détente s’amorce à nouveau au début de l’année 1999 avec la visite à Lahore, capitale du Pendjab pakistanais, du premier ministre indien, Atal Bihari Vajpajee, pourtant dirigeant du parti nationaliste, à l’invitation de son homologue Mian Nawaz Sharif. Dans les mois qui suivent, le chef d’état-major pakistanais Musharraf lance une offensive dans l’Himalaya et renverse le gouvernement. Les dirigeants de la saarc ne se réunissent pas entre 1999 et 2001. Après le 11 septembre 2001 et sa coopération renouvelée avec les États-Unis, le pouvoir pakistanais rouvre le dialogue avec l’Inde. En janvier 2002 en pleine guerre d’Afghanistan, les chefs d’État et de gouvernement de la région se rencontrent à Katmandou (Népal). La forte croissance démographique de l’Asie du Sud la fait héberger aujourd’hui un milliard cinq cent millions de personnes, soit le quart de l’humanité. Malgré le développement rapide de certains secteurs de l’économie indienne, le sous-continent ne produit toujours que 2 % à 3 % de la richesse mondiale. Ses besoins de développement sont immenses et seule la stabilité régionale peut permettre d’y faire face. Les pays membres de la saarc sont d’une considérable inégalité. Avec plus d’un milliard d’habitants, l’Inde rassemble les trois quarts de la population du sous-continent là où le Bhoutan compte deux millions de personnes et les Maldives, trois cent mille. Elle produit aussi les trois quarts de la richesse. Ses voisins craignent d’être satellisés par une intégration régionale qui remettrait en cause les efforts consentis depuis l’indépendance. En vingt ans d’existence, l’association régionale n’est pas parvenue à offrir un cadre au règlement des différends. L’Inde s’y refuse, espérant tirer bénéfice de sa puissance dans ses rapports bilatéraux avec ses voisins. Ses progrès économiques ne résultent pas d’une intégration régionale mais plutôt d’une insertion dans le marché mondial, fruit de politiques nationales. Le pays dominant en Asie du Sud ne peut cependant faire abstraction de sa situation géographique. À ses frontières occidentale et orientale, trois cents millions de personnes peuplent les deux États musulmans issus de la partition. De puissantes forces de désintégration travaillent ses voisins pakistanais et sri-lankais. Le gouvernement de Colombo et la rébellion des Tigres tamouls ne parviennent pas à faire la paix. Le gouvernement pakistanais combat les forces islamistes dans la province du Waziristan, …

Parties annexes