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L’ouvrage de A. Lecours aborde la politique comparative traditionnelle, le nationalisme, les transitions démocratiques et les systèmes de partis politiques dans la perspective du nouvel institutionnalisme (ni) et les examine à la lumière de la science politique canadienne. Il contient 15 chapitres divisés en cinq parties et une introduction générale. Dans celle-ci, Lecours situe le débat dans son contexte plus large, présente le livre et définit les catégories-clés comme institutions, changement institutionnel et questions méthodologiques et épistémologiques. Dans le premier chapitre, New Institutionalism. Issues and Questions, Lecours expose la présence et l’évolution du nouvel institutionnalisme aux États-Unis, en Europe et au Canada. Il signale que les nouveaux institutionnalistes ont donné la primauté analytique aux institutions, mais que des divergences substantielles – sur la question de savoir comment l’analyse institutionnelle doit être concrètement menée – subsistent. Comme d’autres l’ont suggéré par ailleurs, il risque d’y avoir à la fois confusion théorique et conceptuelle et défaut d’explication ou de nouveauté dans cette perspective qui ne représente en fait rien de très nouveau pour la discipline, à travers des débats qui ont impliqué des académiciens pour la plupart nord-américains. Pour l’auteur, le nouvel institutionnalisme ne constitue en effet pas une école théorique cohérente et unifiée.

La première partie, Theoretical Reflections on New Institutionalism, orientée vers la réflexion théorique, comprend trois articles qui abordent la nature des institutions, le processus de changement institutionnel et des aspects complexes sur le plan conceptuel liés à la méthodologie ou à l’épistémologie des études institutionnelles. Daniel Béland, dans Ideas, Interests, and Institutions. Historical Institutionalism Revisited, suggère qu’on a été témoin dans les années 90 d’une réintégration d’éléments sociaux dans le corps original de l’institutionnalisme, mais également de la nécessité d’en arriver à une compréhension plus approfondie encore de la relation entre les idées, les intérêts et les institutions. Siobhán Harty, dans Theorizing, Institutional Change, développe une conceptualisation du changement institutionnel dans une perspective institutionnaliste, en arguant qu’il y a deux conditions préalables au changement institutionnel : la perte de légitimité des institutions existantes et les calculs des acteurs prévoyant des bénéfices supérieurs aux coûts de ce changement institutionnel dans leur horizon de temps. Hudson Meadwell, dans Institutions and Political Rationality, conteste la distinction théorique du nouvel institutionnalisme qui ne peut être différencié facilement de l’approche non-institutionnaliste, parce que ses concepts sont souvent utilisés par des analystes qui ne se présentent pas comme des institutionnalistes.

La seconde partie, Institutionalist Theory in Canadian Politics, avec les contributions de Miriam Smith et de Linda Cardinal, donne une vision d’ensemble de l’apport de la théorie institutionnaliste à la science politique canadienne, dont les particularités concernent plutôt des questions de détails et de consensus. Les deux contributions examinent à la fois jusqu’à quel point le champ politique canadien comporte une tradition institutionnaliste, et comment cette tradition se compare avec le nouvel institutionnalisme, tout en évaluant son impact sur la recherche contemporaine en politique canadienne.

La troisième partie, New Institutionalism in Comparative Politics, comprend trois articles qui explorent la contribution du nouvel institutionnalisme aux thèmes liés aux études de politique comparée : transitions démocratiques, nationalisme et party aggregation. Mamoudou Gazibo, dans New Institutionalim in Comparative Politics, considère que si le nouvel institutionnalisme a bien influencé les études sur la démocratisation, à partir de la conceptualisation de la démocratie en termes de formes institutionnelles, il souffre par contre, de par sa préférence théorique pour l’ordre, d’une faiblesse interne qui limite fortement sa capacité à éclaircir vraiment le thème des transitions démocratiques. Dans le chapitre le plus élaboré du livre, Structuring Nationalism, André Lecours traite la question du nationalisme. Il estime que c’est un domaine d’étude qui comprend plusieurs sujets critiques et dont la pertinence est durable, comme l’origine ancienne ou moderne des nations, le caractère ethnique ou civique du nationalisme, les conséquences des mouvements nationalistes, ou encore les stratégies de gestion (le fédéralisme et l’autonomie), par exemple. Csaba Nikolenyi, dans Institutional Change and Its Consequences. The Rational Foundations of Party System Change in India, examine les conséquences du changement institutionnel dans le système de partis de l’Inde, en offrant une explication sur la transition démocratique qui a donné lieu à un système multipartiste où le gouvernement de coalition est devenu la norme, comme résultat des options rationnelles choisies par les acteurs politiques.

La quatrième partie, New Institutionalim and Public Policy Analysis, se concentre sur la contribution du nouvel institutionnalisme à l’analyse des politiques publiques. Éric Montpetit, dans Westminster Parliamentarism, Policy Networks, and the Behaviour of Political Actors, examine pour sa part l’influence des structures institutionnelles dans la formulation des politiques. L’architecture de l’État canadien génère des réseaux politiques qui sont structurés de manière particulière et suivant des logiques différentes de celles des réseaux anglais. Denis Saint-Martin et Alexandra Dobrowolsky analysent dans leur chapitre Social Learning, Third Way Politics, and Welfare State Redesign le sujet de la réorganisation de l’État en relation avec l’apprentissage social et les alternatives proposées par la troisième voie, en comparant les cas de la Grande-Bretagne et du Canada dans leur application de politiques centrées sur l’enfance. Dans National Institutional Veto Points and Continental Policy Change. Failing to Amend the us-Canada Migratory Birds Convention, Luc Juillet examine ensuite l’influence du contexte institutionnel sur le comportement des acteurs politiques. Il analyse dans une perspective comparée la capacité d’exercer le veto institutionnel dans les deux pays pour montrer les implications possibles dans les changements de politiques de portée continentale.

La cinquième partie, Institutionalist Analysis in International Relations, est consacrée au lien entre l’approche du nouvel institutionnalisme et les relations internationales et l’impact que celui-ci a eu sur ces dernières ; elle montre comment le nouvel institutionnalisme peut être utilisé pour améliorer la vision d’ensemble sur trois problèmes centraux des relations internationales : souveraineté, guerre et paix, et reconnaissance diplomatique. Norrin M. Ripsman, avec Moving beyond (or beneath) the Democratic Peace Theory. Intermediate-Level-Institutions and Foreign Security Policy, présente une approche centrée sur les institutions politiques nationales pour l’utiliser dans l’analyse de la guerre et de la paix. Der-Yuan Maxwell Wu, dans Canada and the Global Diffusion of « One China », explique comment le concept dit d’une seule Chine a été institutionnalisé, malgré l’existence évidente de deux gouvernements qui contrôlent chacun des unités territoriales distinctes. Pour terminer, Jeremy Paltiel, à travers Constructing the State. Sovereignty in Comparative and International Perspective. The View from East Asia, se penche sur l’État et sur le concept de la souveraineté qui lui est étroitement lié, en analysant les cas de la Chine, du Japon, de la Corée du Sud et de Taïwan.

Le livre offre une synthèse de l’état des lieux du sujet traité et aspire à évaluer de manière équilibrée les apports canadiens à la pensée politique contemporaine, ce qu’il réussit de façon assez satisfaisante.